Le blog du Temps de l'Immaculée.
31/12/2024
n ce premier jour de lâAnnĂ©e Sainte, lâĂglise nous invite Ă contempler une nouvelle fois lâĂ©table de BethlĂ©em dâoĂč a jaillit "un sillage de lumiĂšre, dâamour, de vĂ©ritĂ©" (BenoĂźt XVI) qui a envahi les siĂšcles jusquâĂ aujourdâhui. Avec les bergers, hĂątons-nous et dĂ©couvrons "Marie et Joseph, avec le nouveau-nĂ© couchĂ© dans la mangeoire" (Lc 2, 16). Cependant, dans lâĂ©table, ce sont les bergers qui parlent. Ils racontent "tout ce qui leur avait Ă©tĂ© annoncĂ© au sujet de cet enfant" (Lc 2, 17) tandis que Marie et Joseph gardent le silence. En tant que mĂšre de JĂ©sus, Marie aurait pourtant tant de choses Ă dire ! Le mĂȘme paradoxe apparaĂźt au jour de la PentecĂŽte : forts de lâEsprit saint, les apĂŽtres annoncent Ă tous les merveilles de Dieu tandis que la mĂšre de JĂ©sus qui est lĂ ne dit pas un mot. Elle aurait pourtant beaucoup de choses Ă dire puisquâelle est la seule personne qui a accompagnĂ© JĂ©sus de la crĂšche jusquâĂ la croix.
Comment comprendre ce silence de Marie ?
LâĂ©vangĂ©liste saint Luc lĂšve le voile lorsquâil prĂ©cise : "Marie, cependant, retenait tous ces Ă©vĂ©nements et les mĂ©ditait dans son cĆur" (Lc 2, 19). Câest vrai que la Vierge aurait beaucoup de choses Ă rĂ©vĂ©ler, une somme de dĂ©tails qui ne sont pas dans les Ă©vangiles, de nombreux souvenirs inĂ©dits. Cependant, elle ne dit rien car elle se sait face Ă un mystĂšre qui la dĂ©passe infiniment, un mystĂšre insondable quâelle nâa pas fini de pĂ©nĂ©trer et de dĂ©couvrir. Elle ne peut sâapproprier le mystĂšre, lâenfermer dans sa propre expĂ©rience du moment, dans ses propres sentiments, dans sa subjectivitĂ©.
Pour elle, retenir ces Ă©vĂ©nements et les mĂ©diter dans son cĆur, ce nâest pas seulement se souvenir dâĂ©vĂ©nements passĂ©s comme lorsque lâon regarde un album de photos. Ce nâest pas dâabord rĂ©flĂ©chir pour retenir des leçons morales de son expĂ©rience. Câest accueillir le MystĂšre de lâIncarnation.
Dans sa mémoire spirituelle
Au travers des Ă©vĂ©nements, la Vierge priante saisit ce qui demeure, câest-Ă -dire la grĂące, le don de Dieu. Dans cette mĂ©moire spirituelle, lâEsprit saint lui rĂ©vĂšle le vrai sens des Ă©vĂ©nements, la prĂ©sence de Dieu dans sa vie et dans le monde. Elle prend davantage conscience encore de la mission quâelle a acceptĂ©e lorsquâelle a rĂ©pondu "Fiat" Ă lâange du Seigneur au jour de lâAnnonciation. Saint AmĂ©dĂ©e de Lausanne imagine ce que Dieu le PĂšre dit au cĆur de Marie : "Je tâai choisie, toi, parmi toutes les crĂ©atures, je tâai bĂ©nie entre toutes les femmes. Voici que je tâai donnĂ© mon Fils en dĂ©pĂŽt, je tâai confiĂ© mon unique ! Ne crains pas dâallaiter celui que tu as engendrĂ©, dâĂ©lever celui que tu as mis au monde. Sache quâil nâest pas seulement ton Dieu, mais encore ton Fils. Câest mon Fils et câest ton Fils, mon Fils par la divinitĂ©, ton fils par lâhumanitĂ© quâil a assumĂ©e." Dans le silence, sa foi grandit et sâaffermit. Prolongeant sa mĂ©ditation, lâĂglise proclamera comme une vĂ©ritĂ© de foi que Marie de Nazareth est "MĂšre de Dieu" (ThĂ©otokos) lors du concile dâEphĂšse en 431. Câest lâorigine de la fĂȘte de ce jour qui conclut lâoctave de la NativitĂ© du Seigneur.
La mission de lâĂglise
Ă la suite de la Vierge Marie, lâĂglise depuis 2.000 ans conserve ces mĂȘmes Ă©vĂ©nements et les mĂ©dite. Ce nâest pas un simple souvenir, ni le seul tĂ©moignage dâune expĂ©rience. La mission de lâĂglise est de garder cet Ă©vĂ©nement central de lâhistoire du monde qui est la venue du Verbe dans la chair. "Le Verbe sâest fait chair et il a habitĂ© parmi nous !" (Jn 1, 14). Si nous cessons de retenir cet Ă©vĂ©nement, si nous en perdons la mĂ©moire spirituelle, nous risquons dâĂȘtre emportĂ©s par le flot des actualitĂ©s du monde, par le tourbillon des informations, par les vagues dâimages qui inondent nos Ă©crans et nos mĂ©moires jusquâĂ saturation. BallotĂ©s ainsi, nous risquerions de courir en vain derriĂšre la derniĂšre mode ou la derniĂšre idĂ©ologie.
Comme chrĂ©tiens, nous vivons au rythme de la vie du Christ dont nous cĂ©lĂ©brons les mystĂšres pendant toute lâannĂ©e. Ainsi, nous entrons dans lâintimitĂ© de celui qui nous appelle, nous pardonne et nous relĂšve. Dans le silence du recueillement, grandit la foi et lâespĂ©rance en JĂ©sus, Seul Sauveur des hommes.
Le mémorial des événements du salut
La messe est le moment par excellence oĂč lâĂglise se rassemble pour cĂ©lĂ©brer le mĂ©morial des Ă©vĂ©nements du salut. Câest le mĂȘme Christ qui se rend prĂ©sent Ă chaque eucharistie accomplissant sa promesse : "Je suis avec vous tous les jours jusquâĂ la fin du monde" (Mt 28, 20). DĂ©jĂ , lâĂglise vit de lâĂ©ternitĂ©. Autour de lâautel, elle est unie Ă la JĂ©rusalem nouvelle qui chante la gloire de Dieu.
Ă lâaube de lâAnnĂ©e Sainte, confions-nous avec ces mots du pape François Ă la Vierge Marie qui retenait ces Ă©vĂ©nements et les mĂ©ditait dans son cĆur :
MÚre du silence, qui garde le MystÚre de Dieu, libÚre-nous de l'idolùtrie du présent à laquelle se condamne celui qui oublie.
Purifie les yeux des pasteurs avec le collyre de la mĂ©moire et nous retournerons Ă la fraĂźcheur des origines, pour une Ăglise priante et pĂ©nitente