Lundi Saint : L’amour de Jésus-Christ dans Sa Passion

 

Il n’a pas suffi à Dieu de nous mettre en possession des merveilles de la Création : 
"Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique"  ( St Jean, III,16 ), "à cause du grand amour dont Il nous a aimés (…), nous qui étions morts à cause de nos fautes, Il nous a rendus la vie avec le Christ " ( St Paul, Ephésiens, II,4-5 ), qui "nous a aimés et s’est livré Lui-même pour nous" ( Galates, II,20 ; Ephésiens V,2 ), "en s’abaissant Lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix" ( Philippiens, II,8 ). De là le cri de saint Paul : "L’amour du Christ nous presse" ( 2 Corinthiens, V,14 ), ce qui signifie que l’amour dont témoignent les souffrances de Jésus-Christ exige que nous L’aimions en retour.


        Saint Jean d’Avila, prêtre, élevé au rang de Docteur de l’Eglise par le pape Benoît XVI en 2012, écrit ceci dans son "Traité de l’amour de Dieu envers les hommes" : " L’ardeur de ce feu d’amour dans le Coeur de Jésus, aucune intelligence n’arrive à le comprendre : S’il Lui eût été imposé d’endurer pour un seul les tourments qu’Il a subis pour tous, Il s’y serait soumis pour chacun comme Il le fit pour tous. Il resta trois heures en croix : S’il Lui était nécessaire d’y rester jusqu’au jour du Jugement, Il avait assez d’amour pour l’accepter. Ainsi Jésus a aimé beaucoup plus encore qu’Il n’a souffert ".


           Le grand moyen pour aimer le Seigneur Jésus-Christ en retour est de méditer sa Passion . Comme le dit saint Bonaventure, lui aussi docteur de l’Eglise, " il n’est pas de dévotion plus apte à produire en notre âme tous les fruits de sainteté, de progrès dans l’amour divin, que la méditation de la Passion de Jésus-Christ ". On attribue même à saint Augustin la pensée suivante : " une larme versée au souvenir de la Passion à plus de valeur qu’un jeûne au pain et à l’eau continué pendant un an ". Aussi tous les saints se sont toujours appliqués à considérer les souffrances de Jésus-Christ, et à regretter que les hommes vivent oublieux de ces souffrances endurées pour eux. N’est-ce pas aussi notre cas ? La dévotion à la Passion de Jésus-Christ est, de toutes les dévotions, la plus chère à Dieu, et aussi la plus utile pour nous, celle qui est la plus propre à enflammer notre coeur de l’amour du Seigneur Jésus. La Passion de Jésus est en effet la source de tous les biens ; c’est d’elle que nous viennent l’espérance du pardon, la force contre les tentations, et ces désirs ardents de nous donner à Jésus, et de ne plus vivre que pour Lui.

 

 

Jeudi de la Passion : Aimer la souffrance ?

 

Si on la voit dans la lumière surnaturelle, la souffrance ( qu’on peut appeler alors "la croix"), est le grand moyen de notre sanctification et de notre salut. Ceci est tellement vrai que l’union à Dieu, qui est une union des volontés, et le sommet de la perfection ici-bas , ne peut se faire qu’au moyen de la souffrance ; cela est vraiment impossible autrement. Ce ne sont pas tant les souffrances volontaires ( les mortifications et pénitences que l’on peut s’imposer soi-même, avec grande prudence ) qui nous sont nécessaires, ce sont les souffrances que Dieu permet pour nous, souffrances physiques comme souffrances morales, qui constituent l’œuvre purificatrice de Dieu en nous, œuvre de miséricorde, et l’une des plus grandes preuves de son amour, parce que c’est le signe que le Seigneur veut porter notre âme à une perfection élevée.


      La souffrance, la croix, est donc nécessaire, non seulement pour le bien de l’âme, mais également pour la gloire de Dieu, parce qu’au moyen de la souffrance acceptée nous pouvons aussi expier et réparer nos péchés , ainsi que ceux d’autrui. Comme la Croix de Jésus a été la plus grande preuve de son amour pour son Père, et de son amour pour nous, notre croix, si nous l’acceptons, si nous embrassons nos souffrances pour son amour, devient ainsi la plus grande preuve d’amour que nous pouvons donner au Seigneur.


       La croix est donc instrument et œuvre d’amour, tant de l’amour de Dieu pour nous que de notre amour pour Lui.
       " Ô Seigneur, la voie des épreuves est celle par laquelle Vous conduisez ceux que Vous aimez ; et plus Vous les aimez, plus Vous leur envoyez d’épreuves… Puisque Vous n’admettez dans votre intimité que les âmes amoureuses de la croix ".
( sainte Thérèse d’Avila, " Le chemin de la perfection ", chapitre 37 )


Ô mon Dieu, augmentez donc mon amour, dilatez mon pauvre coeur, et rendez-le capable d’endurer beaucoup pour votre amour. J’accepterai désormais volontiers la souffrance pour vous prouver la réalité de mon amour.

Vendredi de la Passion : Souffrir avec Marie

 

La liturgie célèbre aujourd’hui la Compassion de la Très sainte Vierge Marie, et nous devons nous associer aux douleurs que notre Mère a souffert au pied de La Croix de Jésus. 
      " La Mère des douleurs se tenait debout, en larmes près de la croix " ( "Stabat Mater" ). 


 C’est dès le début de l’évangile de saint Luc ( au chapitre 2, verset 35 ), dans la prophétie du vieillard Siméon, que nous trouvons l’annonce explicite que la sainte Vierge Marie allait prendre part à la Passion de Jésus : "un glaive de douleurs vous transpercera l’âme" .  Ces mots trouvent leur accomplissement au Calvaire, comme le dit l’évangile de saint Jean, au chapitre 19, verset 25 : " Près de La Croix de Jésus se tenaient sa Mère, et la sœur de sa Mère, Marie femme de Cleophas, et Marie-Madeleine". 


       Personne n’aurait pu empêcher la Vierge Marie de courir à l’endroit où son Fils devait être supplicié ; et son amour pour Lui, lui donne la force de demeurer droite, debout près de La croix, pour assister à l’agonie très douloureuse et à la mort de Celui qu’elle aimait par dessus tout, puisqu’Il était à la fois son Fils et son Dieu. De même qu’elle avait accepté de devenir sa Mère par son « fiat » en réponse à l’ange de l’Annonciation ( évangile de saint Luc, chapitre 1, verset 38 ), ainsi accepte-t-elle, à présent, de Le voir martyrisé, et arraché à elle par une mort cruelle.


        La Vierge Marie perçoit avec une acuité unique la profondeur des souffrances de Jésus. Leur amour met leurs deux Coeurs à l’unisson, et tout ce que souffre l’un, l’autre le souffre également . Or si les souffrances de Jésus dans son corps dépassent tout ce que l’on peut imaginer, que dire des souffrances de son âme, des douleurs de son Sacré-Coeur, devant la méchanceté, les péchés, l’ingratitude, l’indifférence de la plupart des hommes, y compris nous-mêmes, et la perte éternelle des âmes ? C’est la même souffrance du Coeur Immaculé de Marie, qui pénètre dans le Coeur de Jésus à une profondeur unique.


          Et Notre-Dame entre de tout son être dans le plan de Dieu. Elle adhère, dans la foi, à tout ce que le Père veut pour son Fils et pour elle. Et elle offre son divin Fils, en s’offrant avec Lui, pour la gloire de la Très Sainte Trinité et pour le salut des hommes. Le sacrifice de Jésus devient le sacrifice de Marie, et Marie consomme, par cette offrande, le plus profond holocauste d’elle-même, puisque Jésus était le centre de ses affections, de toute sa vie. En unissant son sacrifice à celui de Jésus, elle devient notre Mère dans toute la réalité du mot, elle est co-rédemptrice, et comme toute mère elle nous enfante à la vie, la vie de la grâce, la vie surnaturelle.


          " Qui pourrait rester insensible en contemplant la Mère du Christ, souffrant avec son Fils " ?  chante le « Stabat Mater », qui ajoute : "Ô Mère…faites-moi sentir la véhémence de votre douleur, afin que je pleure avec vous. Faites que je porte dans mon coeur  les plaies du Christ, que je participe à sa Passion ". Répondant à l’invitation de l’Eglise, contemplons les douleurs de Marie, compatissons-y, et demandons lui la grande grâce de prendre part avec elle à la Passion de Jésus, c’est-à-dire de souffrir avec Jésus et avec Marie : C’est à cette fin que nous sont envoyées les souffrances et les épreuves que nous rencontrons dans notre vie : Nous devons participer au mystère de la Rédemption des âmes.

 

 

Mercredi de la Passion : souffrir en s’oubliant.

 

  Nos tendances égoïstes se manifestent jusque dans les souffrances que nous portons. N’exagérons pas nos souffrances, ne nous laissons pas prendre à la tentation malsaine de les regarder, de les analyser sous tous leurs aspects. Ayons la grandeur de ne pas y attacher trop d’importance. Qui est trop occupé de ses épreuves, devient vite insensible et indifférent aux souffrances d’autrui : Il faut au contraire s’oublier, sortir de soi-même, et s’occuper de celles des autres ; il faut penser, et c’est tellement vrai, que nous ne sommes jamais seuls à souffrir, et que, si nos souffrances sont âpres, il en est d’autres qui les dépassent, et de beaucoup. Que sont nos peines face à l’océan des douleurs humaines, et surtout en face de la Passion de Jésus ? Celui qui se préoccupe exagérément de sa souffrance finit par l’exaspérer, arrive à en être submergé, et coupe court en lui à tout élan généreux envers Dieu et envers le prochain, au contraire de l’âme simple, oublieuse d’elle-même, et qui souffre avec courage.


       Cependant, malgré la volonté d’oublier sa douleur et de dépasser ses peines en se libérant de soi,  la souffrance est parfois si forte, l’espoir de la voir s’éloigner si mince, et la faiblesse humaine si grande, que le découragement et la tristesse peuvent s’installer durablement, si l’âme ne choisit pas de se réfugier en Dieu. Il est "le divin ami", Celui qui ne déçoit jamais, Celui qui sait notre misère et notre faiblesse, et qui est toujours prêt à nous secourir si nous Le regardons enfin, et nous tournons vers Lui, dans cette attitude intérieure d’ABANDON qu’Il attend de nous. C’est le moment-clé, celui dont tout dépend, il suppose nécessairement foi en la Providence de Dieu et confiance absolue ( héroïque dans certaines situations ) en Sa miséricorde, Son secours, qui ne manquent jamais à ceux qui s’abandonnent vraiment à Lui dans les événements de la vie, même les plus pénibles ; c’est la ligne de démarcation entre les âmes qui seront seulement "bonnes chrétiennes", et les âmes qui seront saintes. L’âme sûre de Dieu, qui s’abandonne entièrement à Lui, sait se garder en paix, même au sein des plus pénibles tourments ; elle saura souffrir avec sérénité et courage, sans un murmure, sans se plaindre, parce que la grâce du Seigneur la soutient.


" Ô Seigneur, je crois que tout est fait et permis par Vous pour mon bien et mon salut ; je m’abandonne à vous avec confiance et amour, sans angoisse, ni appréhension, ni calculs " 
( Bienheureuse Mère Thérèse de Soubiran, fondatrice des Sœurs de Marie-Auxiliatrice ).

 

Mardi de la Passion : La Croix de chaque jour.

 

" Qui ne prend pas sa croix et ne vient pas à ma suite n’est pas digne de moi " ( saint Matthieu, chapitre 10, verset 38 ).


       Nous sommes les disciples d’un Maître crucifié, et " le disciple n’est pas au-dessus de son maître " ( St Lux, chapitre 6, verset 40 ). Personne donc ne peut être disciple du Seigneur s’il ne porte pas sa croix. Beaucoup s’imaginent qu’il faut entendre ici, par le mot "croix", des souffrances spéciales, extraordinaires, qui restent pourtant rares à l’échelle d’une vie. La "croix" désigne ici avant tout les désagréments ordinaires et quotidiens, qui ne font défaut en aucune vie, et que nous devons accepter comme autant d’instruments providentiels qui font partie de la volonté de Dieu sur nous.


       Cette croix de chaque jour peut s’exprimer de bien des façons, mais souvent elle sera identique pour chacun d’entre nous. Il peut s’agir de souffrances physiques ; mais plus souvent ce seront des souffrances morales, résultant de la solitude, de l’isolement du coeur, de la pauvreté matérielle, ou de la monotonie d’une vie apparemment sans relief, ou de l’opposition des tempéraments, de divergences de vues, des défauts d’autrui, d’incompréhensions. C’est cette croix concrète et réelle que le Seigneur Jésus nous présente chaque jour, et nous invite à porter à sa suite, en répétant chaque jour notre "FIAT", courbant docilement les épaules pour en porter le poids avec générosité et amour.


          La valeur et la fécondité surnaturelle de ces souffrances quotidiennes ( notre élévation  spirituelle et notre union à Jésus ) dépendent précisément de notre acceptation sans réserve, qui nous les fait recevoir telles que Dieu nous les présente, sans chercher à nous y soustraire ( sauf situation particulière), parce qu’elles sont des instruments de sanctification dans le plan divin. Beaucoup d’âmes s’attristent et se découragent devant la souffrance, parce qu’elles n’ont pas, malheureusement, cette vue surnaturelle qui est donnée par la foi, la confiance sans limites dans le Seigneur, l’amour de Jésus. Chaque souffrance, grande ou petite, cache toujours une grâce de rédemption, de sanctification ; cette grâce nous est acquise dès que nous acceptons de souffrir pour rendre à Jésus l’amour avec lequel il nous a aimés sur la Croix. 


" Ô Seigneur, en toutes vos œuvres, y en aurait-il une seule qui ne soit dirigée vers le plus grand bien de l’âme que vous considérez désormais comme vôtre, puisqu’elle s’est mise à votre service pour Vous suivre partout, jusqu’à la mort de la Croix, bien déterminée à Vous aider à porter votre fardeau et à ne jamais Vous laisser seul ? Je veux donc me fier à votre bonté….Conduisez-moi où il Vous plaît ; je ne suis plus mienne, mais vôtre. Faites de moi, ô Seigneur, ce que Vous voulez ; je Vous demande uniquement la grâce de ne plus Vous offenser. Je veux souffrir, ô Seigneur, puisque Vous avez souffert, Vous aussi ".


( Ste Thérèse d’Avila, " Vie, racontée par elle-même ", chapitre 11 ).
        

 

Lundi de la Passion : La patience

 

La patience est , par excellence, la vertu du Seigneur Jésus-Christ dans Sa Passion.

La patience est une vertu surnaturelle, une partie de la vertu de force, et qui consiste essentiellement à supporter :
Supporter les contrariétés, les difficultés, toutes formes de souffrance, par amour de Jésus, qui est le divin Patient. C’est seulement en fixant le regard de l’âme sur Jésus dans la Passion que l’on apprend à exercer la patience. Lui qui est Dieu, Lui qui vint au monde par amour pour nous, et pour nous sauver, lorsque nous Le voyons dans l’incompréhension et les persécutions, devenir l’objet de la haine de ses propres créatures, humilié, insulté, calomnié, torturé, voué à la mort, condamné comme malfaiteur dans un procès inique, alors notre âme s’émeut, et comprend que nous ne pouvons pas L’aimer sans Lui ressembler. Si l’Innocent qu’est Jésus a tant supporté pour notre amour, ne pourrons-nous pas, pauvres pécheurs que nous sommes, et dès lors ayant mérité la souffrance, endurer quelque chose pour son amour ? Quelles que soient les souffrances de nos vies, elles seront toujours bien minimes si nous les comparons aux souffrances infinies de Jésus.

 

        Si nous voulons vraiment exercer la vertu surnaturelle de patience à la suite de Jésus, si nous voulons vivre uniquement de Dieu, nous devons considérer les motifs de la souffrance d’un profond regard de foi, et ne jamais nous arrêter aux "causes secondes" de la souffrance, c’est-à-dire les causes et circonstances humaines, mais voir en elles la "cause première", c’est-à-dire Dieu Lui-même, qui ne permet aucune épreuve qui ne devienne pour nous source de bien. Une âme patiente et humble répétera toujours dans ses difficultés " Dominus est " , "c’est le Seigneur", en acceptant tout de Ses mains, avec courage et simplicité. Ceci ne nous empêchera pas de sentir profondément le poids de la souffrance, comme Jésus dans Son agonie au Jardin des Oliviers, mais nous garderons la paix, sans nous troubler.

 

       Pour commencer à exercer la patience, tâchons d’abord de supporter les difficultés et les souffrances quotidiennes, sans murmurer. Il est normal , pendant longtemps, de sentir beaucoup de répugnance pour tout ce qui nous fait souffrir. Mais si nous nous efforçons de le supporter avec constance, paix, soumission à la volonté divine, nous verrons peu à peu, grâce à cet exercice si pénible, le grand profit spirituel qui lui revient. Nous nous sentirons plus détachés des créatures et de nous-mêmes, plus proches de Dieu. Et puis nous en arriverons à estimer la souffrance ; et lorsque nous en aurons expérimenté toujours davantage la fécondité spirituelle, nous finirons par l’aimer. Sans toutefois se faire illusion : L’amour de la souffrance est la cime de la patience, le fruit de la patience portée à la perfection. Pour arriver à cette altitude, il faut rester longtemps sur un exercice beaucoup plus humble : accepter sans se plaindre tout ce qui nous fait souffrir, parce que la douleur, conséquence du péché, devient ainsi, en Jésus et par Jésus , le moyen de détruire le péché lui-même, instrument de rédemption et de sanctification.

 

Vendredi de la quatrième semaine de Carême     Humilité ( suite ) : Ne pas chercher des excuses 

 

Lorsque nous commettons une faute, lorsque nous faisons une erreur, ou lorsque nous manifestons quelque imperfection, quelque défaut ou manquement, notre orgueil, au lieu de reconnaître ses torts, s’ingénie à se justifier, à trouver une excuse, une explication ou des raisons, des prétextes plus ou moins faux, et à attribuer nos torts à d’autres personnes ou aux circonstances. Ceci est toujours dommageable pour notre âme, parce qu’on ne peut pas se corriger de ses défauts si on ne veut pas les reconnaître sincèrement, en nous-mêmes et devant autrui.


       Sainte Thérèse d’Avila nous invite, si nous voulons parvenir à l’union avec Dieu, à une grande générosité surnaturelle, en acceptant même, sans chercher d’excuses, n’importe quel reproche, même s’il est immérité ou injuste :
" C’est une grande humilité de se taire lorsqu’on se voit condamné sans motif, car on marche bien alors sur les traces du Sauveur, qui s’est chargé de toutes nos fautes…Celui qui est véritablement humble doit avoir le désir d’être méprisé, persécuté, et condamné sans motif, même en choses graves. S’il veut imiter le Seigneur, en quoi peut-il mieux le faire ?… Tout bien considéré, on ne nous accuse jamais sans motif, car nous sommes toujours remplis de fautes. Si nous sommes innocents de ce qu’on nous attribue, nous ne sommes jamais aussi exempts de fautes que l’était le bon Jésus ". ( Chemin de la perfection, chapitre 16 ).


       St Matthieu dit dans son évangile, en nous montrant le Seigneur accusé devant les tribunaux : " Jésus se taisait ". L’âme qui aspire à l’union intime avec Jésus doit savoir s’unir à son silence, même devant les accusations les plus injustes. 
       " Délivrez Seigneur ma conscience du masque des excuses pitoyables et vaines, qui m’empêchent de me voir tel que Vous me voyez, me connaissez, tel enfin que je suis en réalité devant Vous. Donnez-moi l’humilité nécessaire pour accepter de bon cœur les observations qui me sont faites. Éteignez, avec votre douceur, ma susceptibilité toujours prête à s’enflammer, à montrer du ressentiment, et accordez-moi la grâce d’imiter votre mansuétude devant vos juges… Donnez-moi votre lumière et mettez-en moi le désir sincère d’être méprisé de toutes les créatures, puisque je Vous ai si souvent abandonné, Vous qui m’avez aimé avec tant de fidélité " ( Ste Thérèse d’Avila, « le chemin de la perfection », chapitre 16 ).

 

Jeudi de la quatrième semaine de Carême
Humilité et "point d’honneur"

 


« Si une personne, encore sensible à l’honneur, veut avancer sur le chemin de la perfection, il faut qu’elle brise cette attache »
( Ste Thérèse d’Avila, "Vie, racontée par elle-même", chapitre 31 ). Pas d’intimité possible avec Dieu, en effet, là où règne le "point d’honneur". 

           L’attachement au "point d’honneur" se traduit, en pratique, par toutes ces susceptibilités, dérivant de l’attitude pointilleuse qui veut affirmer sa personnalité, défendre l’estime qu’on a de soi, faire prévaloir son propre point de vue ou ses propres raisons, qu’on trouve toujours bonnes, ses capacités, ses œuvres, ses mérites personnels, qu’on estime toujours grands et dignes de la considération d’autrui. Et tout ceci masqué par l’intention d’agir en vue du bien, et donc légitimement ; alors que, sous prétexte de défendre le bien, d’empêcher les scandales, de soutenir les bonnes œuvres, on ne défend en réalité que son amour propre.

            Une âme qui se laisse envahir par des préoccupations semblables est, comme le dit sainte Thérèse d’Avila, "liée à la terre par une chaîne qu’aucune lime ne saurait rompre" ( "Vie, racontée par elle -même", chapitre 31 ).
Pour évaluer notre attachement au "point d’honneur", nous devons examiner notre attitude devant tout ce qui heurte notre amour propre. Et, le plus souvent, nous pourrons constater les vives réactions de notre susceptibilité lorsqu’autrui vient à diminuer l’estime que nous avons de nous-même. Si nous prenons vraiment conscience de ces manquements, alors nous pourrons nous en corriger ; en effet le plus grand obstacle à l’acquisition d’une vertu comme l’humilité, est précisément de croire que nous l’avons déjà acquise, et qu’il n’est plus nécessaire de nous y exercer.

         Sainte Thérèse d’Avila rajoute : " Dieu nous préserve des personnes qui prétendent Le servir, et prennent soin en même temps de leur honneur " ( "Le chemin de la perfection", chapitre 13 ). On ne peut pas servir deux maîtres aussi inconciliables que Dieu et notre amour propre. Il nous est difficile de comprendre que tout ce que nous faisons pour défendre notre honneur, nous le soustrayons au service de Dieu et à la recherche de Sa gloire. Même s’il nous semble parfois avoir des droits réels à faire valoir, ce n’est qu’en y renonçant que nous parviendrons à cette liberté d’esprit nécessaire pour mener une vie intérieure profonde. Les préoccupations, et les soucis trop humains, inhérents à la défense de ce que nous pensons être nos droits, nous distrairont sans cesse de notre idéal d’union à Dieu, et nous ferons perdre la paix intérieure.

       " Ô Seigneur, Seigneur, n’êtes-Vous pas notre modèle et notre Maître ? Oui, évidemment. Mais en quoi avez-vous mis votre honneur, Vous de qui tout honneur découle ? Certes vous ne l’avez pas perdu en vous humiliant jusqu’à la mort ; non Seigneur, loin de là ; vous l’avez conquis pour tous…Plaise à Dieu qu’aucune âme ne se perde pour vouloir s’attacher à ces noirs points d’honneur, parce qu’elle ne comprend pas ce qu’est l’honneur véritable ! Tout notre mal vient de ce que nous n’avons pas le regard fixé sur Vous…Nous faisons mille chutes, mille faux pas, nous nous trompons de chemin… ( Ste Thérèse d’Avila, " le chemin de la perfection ", chapitre 38 ). 
         " Ô mon Dieu, nous désirons nous unir intimement à Vous, nous voulons suivre les conseils du Christ qui a été chargé d’injures et de faux témoignages, et nous prétendons en même temps conserver intacts notre honneur et notre réputation ?…Ces chemins diffèrent vraiment trop, et nous n’arriverons jamais au but. Car Seigneur, Vous Vous unissez seulement aux âmes qui se renoncent et ne craignent point de perdre leurs droits en beaucoup de circonstances " ( Ste Thérèse d’Avila, "Vie, racontée par elle-même", chapitre 31 ).
           " Ô Jésus, accordez moi de faire consister mon honneur uniquement dans l’union intime avec Vous, dans le soin de Vous devenir de plus en plus semblable, ô Vous qui, étant Dieu, et ayant le droit d’être traité et honoré comme tel, avez voulu être malmené comme le dernier des hommes ! Pour Vous-même, Vous n’avez voulu que le seul droit d’accomplir la volonté du Père, de mourir sur la Croix, pour Sa gloire, et notre salut. A la lumière de votre exemple, je comprends mieux la mesquinerie de mon amour propre qui, pour la  défense de droits ridicules, se perd en tant de tracas, de discussions stériles…Aidez-moi à me libérer de mes sottes prétentions, qui m’entraînent vers le bas, tel un lest pesant ; aidez-moi, afin que, débarrassé d’un poids si lourd, je puisse enfin m’élever vers Vous, mon Dieu, dans un vol  décisif ( Ste Thérèse d’Avila, "Vie, racontée par elle-même", chapitre 31 ).

 

Mercredi de la quatrième semaine de Carême :
Humilité et vie cachée ( 3ème partie )

 

 

La pratique de la vie cachée à deux aspects :
- Le premier, surtout extérieur, qui consiste à se cacher aux yeux des autres et à ses propres yeux. C’est mourir à la gloire et aux honneurs d’ici-bas.
- Le second, tout intérieur, qui consiste à se cacher en Dieu, dans une vie de rapports intimes avec Lui.
Le premier aspect est la condition et la mesure du second : Plus l’âme pourra se cacher aux autres et à elle-même, et plus aussi elle sera capable de vivre "avec le Christ en Dieu", comme le dit magnifiquement saint Paul : 
"Vous êtes morts ( au monde et à ses vanités ), et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu" 
( épître aux Colossiens, chapitre 3, verset 3 ).

 

        Seule l’âme menant avec une fidélité constante cette vie de discrétion  et d’effacement, aux yeux des créatures et d’elle-même, est prête à se "cacher avec le Christ en Dieu". Elle ne se disperse plus, en quête de l’estime d’autrui ou de satisfactions humaines, "elle vit pour Dieu" ( saint Paul, épître aux Romains, chapitre 6, verset 11 ). Extérieurement, sa conduite ne présente rien d’extraordinaire, elle ne se fait remarquer en rien, elle passe tellement inaperçue que beaucoup la tiennent pour une personne de peu de valeur. Mais dans le secret de son coeur, unie à Jésus, se développe une vie intérieure très riche, connue de Dieu seul : L’âme participe, avec l’âme sainte de Jésus, par Lui, avec Lui et en Lui, à Sa vie Trinitaire ; la grâce sanctifiante nous est donnée pour cela, pour nous rendre participants de la nature et de la vie divine : Telle est le but du mystère de l’Incarnation ; et par sa Passion et sa Croix le Seigneur Jésus nous en a mérité la grâce ; Il nous a greffés sur Lui, pour nous reconduire avec Lui " in sinu Patris " ( "dans le sein du Père" , évangile de saint Jean, chapitre 1, verset 18 ), le Père dont le péché nous avait éloignés. Nous pouvons ainsi, par les mérites infinis de Jésus-Christ, et non par les nôtres, et seulement parce que nous sommes greffés sur Lui, vivre de la vie intime de Dieu, entrer en relation avec les Trois Personnes divines, "cachés avec le Christ en Dieu".

 

Cette vie cachée en Dieu avec le Christ n’est possible qu’à ceux qui vivent cachés à leurs propres yeux et à ceux d’autrui, fuyant tout éclat et reconnaissance terrestre…

Mardi de la quatrième semaine de Carême :
Humilité et vie cachée (2).

 

La vie cachée ne consiste pas seulement à s’effacer aux regards d’autrui ; il faut aussi se cacher à soi-même, c’est-à-dire s’oublier en évitant toute préoccupation spirituelle désordonnée et retour égoïste sur soi-même. 


      Ceci se produit lorsque l’âme s’attache un peu trop à son progrès spirituel, aux consolations que Dieu accorde ou non, à l’état d’aridité dans lequel elle se trouve, etc…Ceci est souvent la preuve d’un subtil égoïsme spirituel : L’âme est alors plus préoccupée d’elle-même que de Dieu. C’est le moment d’apprendre à s’oublier, à se cacher à soi-même, en renonçant à la satisfaction spirituelle de mesurer ses progrès. Dès lors, ne plus penser à soi-même doit aller de pair avec l’intention de fixer son centre dans le Christ, c’est-à-dire d’ensevelir dans le Christ toute pensée ou préoccupation de soi, même d’ordre spirituel.


      L’âme qui est ainsi oublieuse d’elle-même devient désintéressée, elle sert Dieu "gratuitement", pour Sa gloire, et non plus pour la récompense qu’elle pourra recevoir de Lui. C’est l’un des fruits les plus beaux de la vie cachée.


       Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus exprime cette pensée si délicate : 
" Si, chose impossible, le bon Dieu Lui-même ne voyait pas mes bonnes actions, je n’en serais pas affligée. Je L’aime tant que je voudrais pouvoir Lui faire plaisir, sans qu’Il sache que c’est moi " ("Conseils et souvenirs").


         Cette pureté d’intention parfaite permet à notre âme d’agir pour Dieu seul, et jamais par intérêt personnel, même spirituel. L’âme vit pour Dieu seul, et Dieu seul lui suffit. Et même si le Seigneur paraît ne pas tenir compte de son amour et de ses services, en semblant la laisser dans la sécheresse et l’abandon, l’âme ne s’en préoccupe pas, et n’arrête pas son élan, puisque l’unique motif de ses actes est de contenter Dieu seul.


          Et très souvent, si Dieu nous conduit par une voie aride et obscure, c’est parce qu’Il veut nous enseigner à Le servir avec une pureté d’intention parfaite, pour Lui seul. Et s’Il permet que nous ne voyions aucun résultat apparent à nos efforts, en voilant même nos progrès, c’est pour nous établir dans une humilité plus profonde, dans un désintéressement plus grand, en nous éloignant des dangers de l’orgueil spirituel, dans une voie d’effacement complet ( non seulement aux yeux des autres, mais aussi aux nôtres ).

 

A suivre…

Vendredi de la troisième sem. de Carême : L’humilité (suite) : les humiliations

 

 

Il est impossible d’obtenir de Dieu une plus grande humilité sans accepter d’être humilié et méprisé. C’est vraiment impossible. Parce que si nous étions réellement convaincus de n’être que péché et néant, et c’est cela la vérité et l’humilité, nous trouverions juste d’être traités sans égards et même méprisés de tous. Sainte Thérèse d’Avila dit ceci :

" Quand j’ai entendu dire du mal de moi, j’ai toujours compris qu’on en disait peu. Et si l’on m’accusait faussement, j’avais offensé Dieu de tant de manières que c’était beaucoup, à mon avis, qu’on n’en parlât point ".
( "le chemin de la perfection", chapitre 16 ).


        Si nous désirons vraiment être délivrés de notre orgueil, il faut donc nécessairement accepter les humiliations avec paix et patience, c’est par elles que le Seigneur brisera notre orgueil. 


        Il vaut mieux ne pas rechercher soi-même des motifs d’humiliation ( parce que la recherche de soi et l’amour propre s’y trouvent presque toujours ), mais se disposer à accepter celles qui nous sont infligées contre notre volonté. Ceci est bien sûr difficile, parce que notre nature est orgueilleuse et susceptible. Mais si nous repoussons avec dépit et ressentiment les humiliations que la Providence nous envoie, il est certain qu’elles nous seront inutiles ; ce sont des choses bien différentes que d’être humilié et d’être humble. En revanche si nous acceptons les humiliations par un acte de notre volonté, nous deviendrons humbles peu à peu. L’important est que nous acceptions avec douceur tout ce qui nous humilie :

" Je ne vous demande pas d’humiliations déterminées, mais la grâce d’un coeur prêt à bien accepter celles que , dans votre amour et votre miséricorde infinie, Vous avez disposées de toute éternité sur mon chemin. C’est le remède nécessaire à mon orgueil "
( sainte Thérèse d’Avila, "le chemin de la perfection", chapitre 38 ).

Lundi de la quatrième semaine de Carême.
Humilité et vie cachée (1)

 

Il n’y a pas d’humilité sans vie cachée, à l’image du Seigneur Jésus-Christ. Autant qu’il dépend de nous, il s’agit de mener une vie discrète et effacée, en cherchant à éviter les louanges d’autrui et tout ce qui peut attirer l’attention ; d’éviter de se singulariser et de se faire remarquer :

" Aime à vivre inconnu et compté pour rien "  ( "Imitation de Jésus-Christ", Livre 1).

        Autant qu’il est possible, que le bien ( les bonnes œuvres ) soit fait en secret ; de même nous ne devons pas évoquer devant autrui notre vie intérieure et nos rapports avec Dieu. Nous devons travailler dans le but très pur de plaire seulement à Dieu, sans témoin humain. L’âme qui se met en quête d’approbations, de louanges, et d’estime des créatures, ne vit pas seule avec Dieu seul : C’est pourquoi sa vie intérieure ne pourra pas être profonde, ni ses rapports avec Dieu vraiment intimes ; cette âme vit encore en surface, préoccupée de l’effet extérieur qu’elle produit, et de ce que les autres pourraient penser et dire d’elle ; elle manque d’esprit surnaturel, de simplicité dans sa conduite, et même de pureté d’intention :

        " Lorsque nous nous surprenons à désirer ce qui brille, rangeons nous humblement parmi les imparfaits, et croyons que nous sommes des âmes faibles que Dieu doit soutenir à chaque instant " ( sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, " Conseils et souvenirs " ).

 
  " Ô Jésus, fais que personne ne s’occupe de moi, que je sois oubliée, foulée aux pieds comme un petit grain de sable " (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Histoire d’une âme). 

A suivre…

Jeudi de la troisième sem. de Carême : L’humilité (suite) : L’humilité du coeur

 

 

" Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes "
( St Matthieu, chapitre 11, v.9 ).
Si nous voulons être vraiment humble, appliquons-nous avant tout à l’humilité du coeur, approfondissons toujours davantage la constatation sincère de notre néant, de notre misère, et de notre faiblesse. 


Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nous disait dans " l’Histoire d’une âme " : 
" Rien ne saurait m’inspirer de vanité, car j’ai sans cesse présent à la pensée le souvenir de ce que je suis ". 


Tâchons d’humilier d’autant plus notre coeur que nous sommes l’objet de la confiance ou de l’estime d’autrui. Pratiquée de cette manière, l’humilité du coeur nous fera concevoir une opinion si basse de nous-même , que nous ne ne pourrons plus nous préférer à personne, et que nous trouverons les autres meilleurs, bien plus dignes de respect, d’estime, et d’égards que nous-même. Comprenons que l’attitude extérieure, l’humilité dans les paroles, sont vaines sans l’humilité du coeur ; souvent même, elles cachent un orgueil subtil, toujours plus dangereux parce qu’il empêche tout progrès de notre âme.


Le grand remède pour guérir notre orgueil pour toujours est de fixer notre regard sur Jésus suspendu à la Croix : en voyant les humiliations inouïes qu’Il a subies par amour pour nous, et qui ont fait de Lui "la honte du genre humain et le rebut du peuple" ( Psaume 21, 7 ), en Le voyant traité comme le dernier des hommes pour guérir notre vanité et la haute opinion que nous avons de nous-mêmes, jamais plus nous ne tomberons dans ces comportements orgueilleux qui nous déshonorent.


" Oui notre orgueil est vraiment chose monstrueuse " ( saint Jean-Eudes), puisque pour l’anéantir Jésus s’est réduit à un tel abaissement.

 

A suivre

Mardi de la troisième semaine de Carême :
humilité et confiance (1)

 

 

La véritable humilité chrétienne ne révèle à l’âme son néant que pour la diriger vers le Seigneur avec une très grande confiance. Oui nous dépendons de Lui pour tout, aussi bien dans l’ordre naturel que dans l’ordre surnaturel, oui nous ne pouvons rien faire sans Lui, mais le Seigneur dans son infinie miséricorde  veut quotidiennement nous soutenir de son secours et de sa grâce. Les relations d’une âme humble avec Dieu doivent donc être celle d’un enfant qui attend tout de son Père :


" En vérité Je vous le dis, si vous ne devenez semblable à des enfants, vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume des cieux. Celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est lui qui sera le plus grand dans le Royaume des cieux". ( St Matthieu, chapitre 18, v. 3-4 ).


" Rester petit, c’est reconnaître son néant, et attendre tout du Bon Dieu, comme un petit enfant attend tout de son Père " ( Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Novissima Verba ).


Le plus petit, celui qui est le plus convaincu de son néant ( humilité ), devient le plus grand puisqu’il dispose de la grandeur de Dieu même ( par la confiance ).


" Ce qui plait à Jésus, c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa Miséricorde "


( Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, lettre 176 ).

 

Mercredi de la troisième semaine de Carême :
humilité et confiance (2)

 

" Ce qui offense Jésus, ce qui le blesse au Coeur, c’est le manque de confiance " ( sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, lettre 71 ).
Sans la confiance en l’infinie miséricorde de Dieu, l’expérience quotidienne de nos faiblesses et de nos chutes conduit au trouble et au découragement. Manquer de confiance en la miséricorde de Dieu n’est jamais un signe de l’humilité véritable, mais plutôt de l’orgueil blessé. En effet la tristesse , la surprise, la déception, qui nous saisissent après un péché, relèvent toujours de l’amour propre devant l’échec subi. Pourtant nous devrions comprendre que le Seigneur prête davantage attention à la manière dont nous réagissons intérieurement à un péché, même grave, qu’à notre acte lui-même. Jésus aurait pardonné Judas si celui-ci avait eu recours à Lui après L’avoir trahi, et avait pleuré son péché, comme St Pierre, au lieu de se désespérer… Nous aurions peut-être aujourd’hui un saint Judas.

      Ce que Jésus attend de nous, c’est que nous ne cherchions pas à réussir seuls, en nous appuyant sur nos propres forces  ;  inévitablement alors, nous resterons seuls aussi lorsque nous tomberons dans le péché, d’où la tristesse et le découragement . Il est impossible que notre âme progresse ainsi. Après une chute, après un péché quel qu’il soit, nous devons accepter d’être faibles, et nous humilier, regretter notre faute de tout notre coeur , mais dans la paix, et la confiance dans la Miséricorde. La véritable humilité chrétienne est celle-ci, elle supplée à toutes nos faiblesses et attire infailliblement les bénédictions de la Miséricorde divine :
      " Oui, oh mon Dieu, je suis heureuse de me sentir petite et faible en votre présence, et mon cœur reste dans la paix… Je suis heureuse de me savoir si imparfaite, et d’avoir tant besoin de votre miséricorde ! Lorsqu’on accepte avec douceur l’humiliation d’avoir été imparfait, votre grâce, ô Seigneur, revient immédiatement " ( Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Novissima Verba ).

A suivre

 

 

Lundi de la troisième semaine de Carême : L’humilité 


L’humilité consiste à reconnaître sincèrement son néant, à accepter de se voir misérable. Elle nous vide de l’amour déréglé de soi. Elle creuse en nous un abîme, que remplit la grâce sanctifiante, la charité surnaturelle, l’amour de Dieu :  L’abîme de l’humilité appelle l’abîme de la miséricorde ( Psaume 41, v 8 ). "Dieu résiste aux orgueilleux, et c’est aux humbles qu’il donne sa grâce" ( 1ère épître de saint Pierre, chapitre 5, v 5 ).


     L’idéal chrétien de la perfection et de la sainteté, de l’union à Dieu, dépasse totalement nos capacités. Pour atteindre cet idéal, il faut que Dieu se penche vers nous et nous prenne par la main ; mais Dieu ne prend pas par la main l’âme orgueilleuse, Il se penche seulement sur les âmes humbles, pour les élever jusqu’à Lui. L’humilité creuse ainsi en nous l’abondance de la vie surnaturelle, des dons divins. "Jésus Lui-même se chargera de remplir votre âme au fur et à mesure que vous la viderez de vous-même " ( Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, "Conseils et souvenirs" ).


     Il nous faut absolument descendre et nous abaisser, pour que notre coeur puisse servir au Seigneur de demeure. Notre orgueil au contraire aime tellement nous faire monter, nous faire passer pour grand à nos yeux et à ceux d’autrui ; nous sommes tellement ridicules lorsque Dieu nous voit ainsi, quelle illusion ; que Dieu nous aide à nous glorifier plutôt, comme saint Paul, de notre faiblesse et de nos infirmités ( 2ème épître aux Corinthiens, chapitre 12 ), alors que notre orgueil tend continuellement à nous glorifier de ce qui ne nous appartient pas, de ce qui est en réalité  don de Dieu. L’humilité est la vertu qui nous fait rester à notre petite place.


     Certainement la plus grande grâce que nous puissions recevoir de Dieu, c’est non seulement de comprendre notre néant, mais d’en avoir une conviction pratique, profonde, permanente, en toutes les circonstances de nos vies. Malheureusement en effet, si notre intelligence ne peut résister à l’évidence de la vérité, nous cherchons pourtant sans cesse, dans la pratique de nos jours, à nous attribuer ceci ou cela, et à nous y complaire, comme s’il s’agissait de notre propre bien. Notre orgueil cherche sans cesse à ravir les dons de Dieu, et ne fait en vérité que stériliser nos vies, les rendre surnaturellement infécondes, en nous empêchant de recevoir l’abondance de la grâce de Dieu, parce que nous y faisons alors obstacle.


      Que le Seigneur nous donne l’humilité et la simplicité du coeur. Que notre néant reconnu et accepté, et même sincèrement aimé, soit le triomphe de l’amour de Dieu en nous, de sa grâce, de sa miséricorde…


A suivre.

 

 

Vendredi de la deuxième semaine de Carême :
la mortification dans nos rapports avec autrui

 

Tout supporter du prochain 
       Supporter ses défauts, et tout ce qui nous déplaît chez lui, tout, vraiment, jusqu’à l’héroïsme s’il le faut. Et ne pas s’en plaindre, ne pas en parler pour le critiquer, même sous forme de "confidence", moyen si pratique pour manquer à la charité sous apparence de vertu.

Le cardinal Mercier, archevêque de Malines (1851-1926), disait, au sujet des relations avec le prochain : 
" Êtes-vous tenté de vous fâcher ? Pour l’amour de Jésus soyez doux .
Est-ce de vous venger ? Rendez le bien pour le mal ; 
Est-ce de faire mauvaise mine à quelqu’un ? Souriez-lui avec bonté.
Est-ce d’éviter sa rencontre ? Recherchez-le par vertu.
Est-ce d’en dire du mal ? Dites en du bien.
Est-ce de lui parler durement ? Parlez lui bien doucement, cordialement ".

 

Et le saint évêque rajoutait :
- "Aimez à faire l’éloge de vos frères, surtout de ceux sur lesquels votre envie se porte plus naturellement.
- Ne faites pas de l’esprit au détriment de la charité.
-  Si l’on se permet en votre présence des propos peu convenables, ou de nature à nuire à la réputation du prochain, vous pourrez parfois reprendre avec douceur celui qui parle, mais le plus souvent il vaudra mieux détourner habilement la conversation, ou témoigner par un geste de chagrin ou d’inattention voulue que ce qui se dit vous déplaît.
- Il vous en coûte de rendre un petit service, offrez-vous à le rendre, double mérite…
- Ayez horreur de vous poser en face de vous-même et des autres comme une victime. Loin d’exagérer vos fardeaux, efforcez-vous de les trouver légers ; et dites-vous qu’ils le seraient en réalité si vous aviez plus de vertu. "




A suivre…

 

Jeudi de la deuxième semaine de Carême : L’exercice de la mortification de l’esprit 

 

  • Mortification de la volonté 
    C’est certainement le point le plus important, puisque notre volonté propre, qui signifie pour nous liberté et indépendance, est ce à quoi nous sommes le plus attachés. Nous devons soumettre notre volonté, par l’obéissance :
          - Non seulement à tout ce que nous savons être la volonté de Dieu ( les commandements observés à la perfection, les différents aspects du devoir d’état, et toutes les circonstances de nos vies, difficultés ou épreuves notamment, que nous devons accepter et supporter ).
          - Mais aussi envers ceux à qui Dieu veut que nous soyons soumis.

  • * Mortification de la langue

Elle est le moyen d’expression de notre esprit. Il faut nous exercer au silence, le plus que nous pouvons. Quand cela est possible, préférons écouter les autres, que de parler nous-même ; et évitons d’interrompre celui qui parle. Parlons avec calme, et un ton de voix modéré, jamais brutal ni tranchant. Il faut éviter absolument toute parole grossière ou vulgaire.

* "Aimez à vivre inconnu et à n’être compté pour rien "  ( "Imitation de Jésus-Christ", Livre I, chapitre 2 ). 
 Cherchons plutôt à nous faire oublier, notamment par le silence. Autant qu’il est possible, ne parlons guère de nous-même, ni en bien, ni en mal. Acceptons, et même, à un degré supérieur, aimons,  être humilié ; c’est la plus grande de toutes les mortifications, alors, dans ces circonstances, ne murmurons pas, ne nous attristons pas.

  • Mortification de l’imagination, des pensées vaines, et des désirs futiles
    Interdisons-nous de garder à l’esprit les pensées inutiles ;  mortifions notre imagination, notamment lorsqu’elle nous amène à des sentiments de crainte et de tristesse quant à l’avenir : nous n’en savons rien, alors ne perdons pas de temps et prions plutôt, en nous confiant dans la Providence, soyons sûr qu’Elle prépare tout pour notre bien. Ne nous chagrinons pas de nos misères spirituelles et de nos défauts : Sachons que l’inquiétude ou le dépit sont presque toujours guidés par l’amour propre.
    N’entretenons pas en nous de désirs futiles : Disons plutôt avec St François de Sales : "Je désire peu de choses, et ce que je désire, je le désire bien peu "

* Mortifions l’orgueil sous toutes ses formes
Il est le plus grand obstacle dans la vie spirituelle. Luttons avec énergie contre la susceptibilité, les pensées de vanité, les paroles autoritaires ou intrusives, l’entêtement dans les idées. Autant qu’il nous est possible, laissons prévaloir le jugement des autres.

* Enfin acceptons humblement nos croix, celles qui sont liées à l’état et les circonstances que Dieu a voulus pour nous.

Nous voudrions choisir nos croix, celles que nous portons quotidiennement nous paraissent trop communes ; nous désirerions une croix plus pesante, mais surtout plus valorisante aux yeux d’autrui. Détrompons nous, c’est bien notre croix que Dieu que nous portions, et non celle de notre imagination : "Le mérite de notre croix n’est pas en sa qualité , mais en la perfection avec laquelle on la porte" (St François de Sales).

 

Mercredi de la deuxième semaine de Carême : L’esprit de mortification (suite)

 

 

 

L’esprit de mortification comprend aussi, et en premier lieu, toutes les occasions de souffrance physique et morale que Dieu permet.

 

     Accepter et supporter patiemment pour le Seigneur, sans se plaindre, les souffrances provenant de la maladie, les efforts et la fatigue requis par l’accomplissement du devoir d’état, et toutes sortes de privations causées par l’état de pauvreté, sont de très bonnes pénitences physiques, bien meilleures devant Dieu que celles que nous choisissons nous-mêmes, selon notre propre jugement . Ne cherchons donc pas à échapper à ces pénitences que la Providence de Dieu envoie, ou à les alléger, ou à s’en plaindre.

 

      Faisons de même dans le domaine moral : Ne cherchons pas à fuir une personne antipathique que la Providence a placée sur notre chemin ; de même, ne cherchons pas tous les moyens pour échapper à une humiliation, ou à un acte d’obéissance qui nous coûte. Nous laisserions passer ainsi les meilleures occasions de nous renoncer et de mortifier notre amour propre. Et, là aussi, évitons de substituer à ces occasions providentielles d’autres mortifications volontaires de notre choix, celles-ci ne seront jamais aussi efficaces que celles que Dieu Lui-même avait choisies pour nous, justement parce qu’elles viendront de notre volonté propre.

 

       Chers amis, nous devons tous avoir pendant ce Carême ce juste et profond esprit de mortification, qui sait reconnaître et accepter avec générosité toute occasion de renoncement préparée ou permise par Dieu, qu’il s’agisse de souffrances physiques ou de souffrances morales comme les mortifications, les humiliations, les contrariétés. Demandons chaque jour au Seigneur et à la Sainte Vierge Marie de nous donner ce regard surnaturel qui sait juger les événements sous la lumière de Dieu, et qui nous permet de comprendre ainsi la signification intime de la souffrance qu’Il nous envoie.

 

A suivre…

 

 

Mardi de la 2è semaine de Carême
La mortification de l'amour propre


 

       L’esprit de mortification ne se limite pas à la mortification physique que nous avons évoquée, mais s’étend aux tendances désordonnées de l’amour de soi-même. En effet un coeur où trouvent place un amour propre, un orgueil, non combattus sérieusement, ne peut recevoir pleinement Dieu, et dès lors n’est pas apte aux opérations de l’amour transformant. Par conséquent l’esprit de mortification doit viser avant tout l’amour propre en ses multiples manifestations.

 

         Le pharisien de l’évangile ( saint Luc, chapitre 18, versets 11-12 ), qui jeûnait ponctuellement, mais avait le cœur tellement gonflé d’orgueil que sa prière était réduite à une louange de lui-même et au mépris du prochain, ne possédait pas le véritable esprit de mortification, et pour cette raison ne fut pas justifié devant Dieu. Rien ne sert de s’imposer des mortifications corporelles, si on ne sait pas, par exemple, renoncer à sa manière de voir les choses pour se conformer à celle d’autrui, ou supporter paisiblement un tort, une parole blessante, ou taire une réponse piquante.

 

         Tant que la mortification ne frappe pas l’amour propre, elle ne peut pas atteindre son but. Mais il est certain que ceci est difficile, et prend du temps. Notre attachement à l’amour déréglé de nous-mêmes, à ce que nous pensons être notre honneur, se traduit en pratique par toutes ces susceptibilités grandes ou petites dérivant d’une attitude pointilleuse qui veut affirmer sa personnalité, défendre l’estime que l’on a de soi-même, faire prévaloir son propre point de vue ou ses raisons qu’on trouve toujours bonnes ( ses capacités, ses œuvres, ses mérites personnels, qu’on juge toujours grands et dignes de considération). Tout cela demeure  plus ou moins dissimulé par le fait que chacun a, ou croit avoir, l’intention d’agir en vue du bien, alors qu’en réalité on ne défend que son amour propre. Ces réactions plus ou moins vives de notre susceptibilité nous disent clairement que nous sommes encore bien peu avancés dans cet esprit de mortification intérieure.

 

          Comprenons que le plus grand obstacle à l’acquisition de ces vertus d’humilité et de détachement de nous-mêmes est précisément de croire que nous les avons déjà acquises. Pourtant on ne peut pas servir à la fois deux maîtres aussi irréconciliables que Dieu et notre amour propre : Tout ce que fait une âme pour servir l’amour d’elle-même et défendre son honneur, elle le soustrait en réalité au service de Dieu et à la recherche pure et sincère de Son honneur et de Sa gloire. Même s’il nous semble parfois avoir des droits réels à faire valoir, ce n’est qu’en y renonçant ( du moins en ce qui concerne notre personne ), que nous parviendrons à cette liberté d’esprit nécessaire pour mener une vie intérieure profonde.

A suivre…

 

Lundi de la deuxième semaine de Carême : Ce que nous sommes vraiment : Rien.

 

 

Si nous nous observons attentivement , nous-mêmes et nos semblables, nous constaterons facilement qu’il n’y a presque personne ici-bas, aussi peu favorisé de dons et de qualités soit-il, qui n’aime sa propre excellence et ne cherche, d’une manière ou d’une autre, à la faire briller à ses propres yeux et à ceux d’autrui. Il n’y a rien pourtant de plus stupide, puisqu’en vérité nous sommes de simples créatures, remplies de défauts, d’imperfections et de péchés, et absolument dépendantes de Dieu pour tout : 
- Sans Lui nous n’aurions jamais été appelés à l’existence, nous Lui devons la vie, Il nous a tirés du néant ;  et sans Lui nous ne pourrions subsister un instant de plus en cette vie, Il nous maintient dans l’être en permanence ; s’Il cessait son action conservatrice et providentielle, nous retournerions aussitôt au néant. 
- De plus nous ne pouvons accomplir la moindre action sans le concours de Dieu : cela est vrai pour les actes simplement naturels, et cela est vrai aussi, et tellement davantage encore, pour les œuvres bonnes qui ont une valeur surnaturelle.
Il s’en suit que tout ce que nous sommes, avec nos qualités, nos dons, nos capacités, et tout ce que nous pouvons faire de bien, sans exception, vient de Dieu. Retenons ceci absolument :
" Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi t’en glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ? " ( saint Paul, première épître aux Corinthiens, chapitre 4, verset 7 ).


 Et dans l’ordre surnaturel, où tout dépend de la grâce, nous sommes aussi, et plus encore, complètement dépendants de Dieu : pour produire le moindre acte surnaturel, notamment les actes vertueux, nous avons besoin nécessairement de la grâce de Dieu : " Hors de moi vous ne pouvez rien faire "  ( Évangile de saint Jean, chapitre 15, verset 5 ).


Sans Dieu nous ne pouvons ni penser, ni dire, ni vouloir, ni faire, aucun bien surnaturel : "Dieu est là qui opère en vous le vouloir et le faire, au profit de ses bienveillants desseins " ( saint Paul, épître aux Philippiens,  chapitre 2, verset 13 ).

 

Par conséquent, par nous-mêmes, nous ne sommes rien, pur néant, et nous ne pouvons rien faire. Plus précisément nous sommes moins que rien, parce que le néant est incapable d’offenser Dieu, et nous, nous disposons de cette triste possibilité.


Nous devons donc rester, à nos yeux et aux yeux des autres, à notre petite place, là nous serons dans la vérité, et c’est là, dans notre pauvreté, notre humilité, que Dieu viendra toujours nous chercher pour nous élever vers Lui.

A suivre…

 

 

Samedi de la première semaine de Carême :
Le péché 

 

 

Le péché est un acte opposé à la volonté de Dieu, que nous faisons en toute connaissance de cause, et délibérément.
Le péché peut être "mortel" ou "véniel" selon l’acte en lui-même, la nature plus ou moins grave de l’acte posé.

 

Le péché grave est appelé "mortel" parce qu’il entraîne la mort spirituelle, le détachement volontaire de l’âme avec Dieu, la destruction de la grâce sanctifiante et de la charité surnaturelle dans l’âme : le péché mortel, pour ainsi dire, "chasse" la présence de Dieu dans l’âme, l’habitation de la Sainte Trinité.


Pour comprendre la malice du péché mortel, il suffit d’en considérer les effets :
* Un seul péché à transformé Lucifer, l’ange de lumière, en ange de ténèbres, ennemi éternel de Dieu.
* Un seul péché a destitué Adam et Eve de l’état de grâce et d’amitié avec Dieu, les privant, ainsi que leur descendance, de tous les dons surnaturels et préternaturels qu’ils avaient reçus, les condamnant, ainsi que toute l’humanité, à la souffrance et à la mort.et les privant de toute possibilité d’union à Dieu.
* La Passion de Jésus, qui nous montre, plus que toute autre considération, la gravité du péché : Faut-il en effet que le péché soit grave, pour qu’il ait nécessité une telle expiation, tant de souffrance, tant de larmes, et la mort d’une Personne divine sur un gibet d’infamie. Le péché a causé un déicide. Jésus, "le plus beau des enfants des hommes", est devenu, à cause du péché des hommes "l’Homme des douleurs", comme le décrit le Livre du prophète Isaïe, au chapitre 53, versets 3-5, et 12 ) : "Objet de mépris et rebut de l’humanité, homme de douleurs, Il a été transpercé à cause de nos péchés (…), et Il s’est livré Lui-même à la mort", parce que par sa mort Il a voulu détruire le péché, et rétablir l’homme dans l’amitié divine.

 

Le péché véniel, bien que nettement moins grave que le péché mortel, puisqu’il ne détruit pas la charité surnaturelle dans l’âme, s’oppose néanmoins à cette charité, et en diminue la force et le développement. 
     * C’est surtout le cas des péchés véniels délibérés, c’est-à-dire accomplis sciemment, avec une pleine volonté : ces péchés véniels délibérés, s’ils deviennent habituels, font perdre à l’âme la ferveur, le sens de l’offense à Dieu, et l’installent dans la tiédeur : celle-ci se caractérise par une certaine indifférence au péché véniel, et expose l’âme au péché grave.
Sainte Thérèse d’Avila déclare ceci :


" Tremblez si vous ne regrettez pas les fautes que vous commettez, car le péché, même véniel, doit vous pénétrer de douleur jusqu’au plus intime de l’âme…Veillez avec le plus grand soin à ne jamais tomber dans le péché véniel, je parle du péché véniel de propos délibéré…Ce n’est pas peu de choses que d’offenser une si haute Majesté ". ( Le chemin de la perfection, chap 43, p. 797-798 ).


       * Tout autres sont les péchés véniels qui surviennent par fragilité ou inadvertance, qui nous échappent au moment de la tentation, alors qu’en vérité nous ne voudrions pas y céder, et que nous regrettons aussitôt avec douleur en demandant pardon au Seigneur.
Ces péchés là ne causent pas de grand préjudice à l’âme, ce sont seulement des manifestations de faiblesse, qui doivent nous inciter à accepter notre misère, et à mettre en Dieu seul notre confiance. Nous faisons ainsi l’expérience de la réalité de la Parole du Seigneur Jésus : "Hors de moi vous ne pouvez rien faire" ( St Jean, chap.15, verset 5 ). Ces chutes présentent l’intérêt de nous faire connaître notre néant, et de nous enraciner dans l’humilité, qui est la base la vie spirituelle.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, au sujet de ces péchés de faiblesse, affirmait "Qu’ils ne faisaient pas de peine au Bon Dieu" ( Manuscrit A, 80v ), parce qu’ils ne proviennent d’une volonté mauvaise qui commet le péché froidement.

 

Retenons bien chers amis, que nous devons acquérir le sens profond de l’offense faite à Dieu par le péché volontairement commis. Et nous devons avoir le désir en ce Carême, et nous devons en prendre la résolution, de ne plus commettre de péchés délibérés même véniels, qui sont des désordres qui nous éloignent de Dieu. 


Courage, à demain 

Jeudi de la première semaine de Carême :
Prouver à Jésus que nous L’aimons.



 La Croix de Jésus est la plus grande preuve d’amour que le Seigneur ait donnée aux hommes. C’est un amour volontairement crucifié.  Et nous, si nous voulons vraiment rendre amour pour amour, nous devons embrasser la mortification volontaire, pour que notre amour soit aussi un amour crucifié : Vouloir souffrir volontairement pour Jésus, non en paroles mais en actes, Lui dit que nous voulons L’aimer plus que nous-mêmes. 
      Chaque acte de pénitence volontaire, soit physique soit morale, est une preuve de notre amour. Mais la valeur devant Dieu de cette pénitence repose bien davantage sur l’esprit intérieur avec lequel nous l’accomplissons, que sur l’intensité de la souffrance que nous nous imposons. Ainsi, ces actes de pénitence doivent être régis par la vertu de prudence, spécialement l’obéissance au confesseur ou au directeur spirituel, ce qui permet d’éviter qu’il y ait trop de nous-mêmes dans ces actes, et pas assez d’humilité et de générosité surnaturelle : Il s’agit avant tout de ne se rechercher en rien, d’avoir une grande pureté d’intention. De ce point de vue, une légère mortification, accomplie avec tout l’amour dont un cœur est capable, vaudra toujours plus qu’une pénitence pénible, mais accomplie matériellement, en se recherchant soi-même.
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      Plus un coeur aime Jésus, plus ce coeur désire Lui donner des preuves de son amour, en profitant de toutes les circonstances de chaque jour. Alors l’âme devient de plus en plus vigilante, pour ne laisser passer aucune occasion de renoncement.  Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus appelait cette pratique "jeter des fleurs" : Ne nous y trompons pas, derrière cette expression d’allure enfantine se cache une spiritualité très exigeante, que nous devons prendre pour modèle, parce qu’elle est accessible à tous. Voilà ce qu’écrit sainte Thérèse de Lisieux dans l’ "Histoire d’une âme", en s’adressant à Jésus :
« Comment vous témoignerai-je mon amour, puisque l’amour se prouve par les œuvres ? Je n’ai pas d’autre moyen pour Vous prouver mon amour que de jeter des fleurs ; c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter des moindres actions et de les faire par amour. Je veux souffrir par amour, et même jouir par amour ; ainsi je jetterai des fleurs. Je n’en rencontrerai pas une sans l’effleurer pour Vous…Et puis je chanterai, je chanterai toujours, même s’il faut cueillir mes roses au milieu des épines ; et mon chant sera d’autant plus mélodieux que ces épines seront plus longues et plus piquantes ».
        
        Le Seigneur est en croix pour nous chaque jour par la messe, qui rend réellement présent son sacrifice. Et nous, nous devons être en croix pour Lui. Si nous pouvions comprendre combien le moindre renoncement, le plus petit sacrifice fait par amour du Seigneur est précieux pour notre âme, pour la famille paroissiale, pour l’Eglise. 
         Demandons au Seigneur Jésus-Christ, en ce début de Carême, d’avoir un amour aussi fort, aussi vrai, aussi ardent, que celui de sainte Thérèse. Lui qui peut tout nous donner, Lui qui peut en un instant transformer un cœur aride et froid en une fournaise de charité… Il suffit que nous le voulions vraiment. 
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, priez pour nous .



Vendredi de la première semaine de Carême :
l’esprit de pauvreté, et l’aumône.



« Ne vous amassez point de trésor sur la terre (..), mais amassez-vous des trésors dans le Ciel (..), car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » ( St Matthieu, chapitre 6, versets 19-21 ).

      Nous devons tous pratiquer l’esprit de pauvreté, quoique de façon différente selon notre état de vie. L’esprit de pauvreté est le détachement au moins affectif des biens matériels, de manière à ne pas les rechercher avec avidité et esprit de cupidité. Ceux qui, comme les pères et les mères de famille, ont le devoir d’administrer des biens, et de les accroître par un honnête travail, doivent le faire de façon ordonnée, c’est-à-dire en évitant que les affaires et les intérêts matériels ne les distraient de l’application aux intérêts de l’âme et aux devoirs envers Dieu . "Que servira t’il à l’homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme " (St Matthieu, 16,26).
Pour ceux qui possèdent peu et vivent dans la gêne matérielle, l’esprit de pauvreté requiert l’acceptation patiente de leur condition, en y voyant une invitation à imiter de plus près la vie pauvre de Jésus.

        L’exercice de la pauvreté doit être logiquement associé à celui de la charité : en détachant notre coeur des biens terrestres, l’esprit de pauvreté doit nous rendre généreux dans l’aumône aux nécessiteux.
        
         "Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît" ( St Matthieu, chapitre 6, verset 33 ). L’esprit de pauvreté véritable ne sera en nous ni profond ni durable s’il n’est pas fondé sur une confiance absolue en la divine Providence et en sa Parole : cette confiance parfaite nous donne le courage d’écarter toute préoccupation excessive pour les affaires temporelles. Le Seigneur ne nous défend pas de pourvoir au lendemain, mais Il ne veut pas de ce souci désordonné qui nous plonge tout entier dans les soucis matériels. 

           « Ô Seigneur, guérissez-moi, je vous en prie,  de mon excessive inquiétude pour les nécessités de la vie. Dans le silence de mon coeur, il me semble entendre résonner votre doux reproche : "Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela" ».
( prière attribuée à St François d’Assise ).
             Si nous ne pouvons négliger  matériellement tous les biens et les affaires terrestres, qu’au moins nous renoncions à toute sollicitude et préoccupation exagérée. Que notre unique souci soit celui d’aimer Jésus et de Le servir de toutes nos forces.

            Concluons en disant que les richesses ne constituent pas par elles-mêmes un obstacle à la sainteté et au salut éternel, mais elles le deviennent quand l’homme s’en rend esclave. Et il n’est pas nécessaire de posséder beaucoup, pour être l’esclave des biens terrestres ; il suffit de posséder quelque chose avec un attachement déréglé. Ce qui libère l’âme de cette servitude n’est pas tant la pauvreté matérielle que la pauvreté en esprit, c’est-à-dire la pauvreté des attachements, même les plus petits : C’est ce détachement là qui fait l’âme enfin libre de tous les biens qu’elle pourrait posséder.

Mercredi de la première semaine de Carême La mortification corporelle (suite ) : la chasteté

 
Notre corps, à l’instant du Baptême, est consacré à Dieu, il devient le Temple de Dieu, puisque la Sainte Trinité habite et vit réellement dans l’âme possédant la grâce sanctifiante. Dès lors notre corps est sacré. C’est ce que dit l’apôtre saint Paul dans la première épître aux Corinthiens :
"Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le Temple de Dieu (…), Dieu le détruira, car le Temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous ."
( 1ère épître aux Corinthiens, chapitre 3, versets 16-17 ).
      
Nous avons donc le grave devoir de respecter ce corps ; et le péché impur est une profanation du Temple de Dieu qu’est notre corps. Pour cette raison, chaque chrétien doit pratiquer la vertu de chasteté selon son état de vie : 
* En dehors du mariage, la continence parfaite ( c’est-à-dire l’abstention de tout plaisir charnel ) est la règle absolue pour tous. Et cela est possible avec la grâce de Dieu, qui ne fait défaut qu’à ceux qui ne la demandent pas. D’où l’importance fondamentale d’une véritable vie de prière, d’une vie sacramentelle régulière, et d’un esprit de pénitence, de mortification, pour garder la pureté. 
* Pour les personnes engagées dans le mariage, la chasteté conjugale consiste à limiter le plaisir charnel aux actes conjugaux d’union physique qui accomplissent les deux buts du mariage sacramentel ( la procréation des enfants, et l’amour mutuel des époux ). Dans ce cadre précis, le plaisir charnel est bon, licite, et voulu par Dieu.
       
      La chasteté du corps ne suffit pas, il faut aussi celle des pensées, des désirs, du coeur. Pour être chaste de corps, il est donc nécessaire d’être chaste de coeur : le Seigneur Jésus insiste beaucoup sur cette pureté intérieure, notamment en saint Matthieu chapitre 6, versets 22 et 23 :
"La lampe du corps, c’est l’œil ; si donc ton œil est sain, ton corps tout entier sera dans la lumière. Mais si ton œil est malade, ton corps tout entier sera dans les ténèbres".

        La chasteté parfaite suppose donc une maîtrise absolue de l’esprit sur la matière. Mais dans notre coeur blessé par le péché originel, la tendance désordonnée vers les plaisirs sensibles s’oppose à cette maîtrise. Nous portons le trésor de la chasteté "dans des vases d’argile" comme le dit saint Paul dans la deuxième épître aux Corinthiens ( chapitre 4, verset 7 ), c’est-à-dire dans le vase fragile d’un corps de chair qui se sent poussé vers les satisfactions des sens : Disons le une fois encore, la prière est essentielle, parce que personne ne peut être pur et chaste si Dieu ne le lui concède ( Livre de la Sagesse, chapitre 8, verset 21 ). Prière et pénitence.
         
      Aujourd’hui, les moyens vraiment sataniques qui excitent les passions impures ont extraordinairement augmenté, ils répandent l’immoralité partout, et propagent les attraits du mal, ils sont accessibles en quelques instants et corrompent les âmes dans tous les milieux. Dans cette situation, pour garder la chasteté, la pureté de nos âmes, nous devons intensifier notre lutte spirituelle, c’est bien d’un combat dont il s’agit : La pureté des âmes vivant de la grâce surnaturelle ne se conservera jamais sans combat. Mais ce combat spirituel ne pourra être mené et gagné que si nous avons conscience du don extraordinaire que nous avons reçu avec le baptême : une vie surnaturelle, une vie divine, absolument nécessaire au salut, fruit des souffrances et de la mort de Jésus sur la croix . C’est ce trésor qu’il nous faut défendre : Plus notre foi sera vive, plus nous l’estimerons, et plus notre ferveur et notre force seront grandes.  Ne nous croyons pas insensibles et invincibles aux attraits et aux périls, nous sommes faibles, soyons humbles pour le reconnaître. Menons ce combat spirituel nécessaire, pour nous, nos familles, nos enfants, sur les champs de bataille de l’Eglise, où s’affrontent la vertu et le vice impur. C’est aussi cela le Carême. Levons les yeux vers le Ciel, d’où le Seigneur Jésus-Christ et la Vierge Immaculée toute pure nous contemplent, qu’ils nous soutiennent et dirigent nos efforts. Mater purissima ora pro nobis 

Mardi de la première semaine de Carême
La mortification corporelle


 La mortification chrétienne a pour but de réparer nos péchés, et de neutraliser les influences mauvaises que le péché originel exerce encore dans nos âmes, même après que le Baptême les ait régénérées. La mortification n’est pas une fin en elle-même ; elle n’est pas l’élément principal de la vie chrétienne, mais elle y occupe une place  fondamentale en tant qu’elle favorise la vie de l’esprit, et les progrès de la grâce sanctifiante dans les âmes.

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        Ainsi la mortification corporelle n’a pas pour but d’imposer gêne et privations au corps pour le plaisir de le faire souffrir, mais pour affaiblir toutes ces tendances qui s’opposent à la vie de la grâce, et qui sont à l’origine de très nombreux péchés . C’est ce que dit saint Paul dans l’épître aux Romains ( chapitre 8, verset 13 ) : "Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez".

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Exemples pratiques de mortification du corps pendant le Carême (inspirés du Cardinal Mercier)
( à soumettre à l’approbation du confesseur, ou du directeur de conscience, pour être dans l’obéissance )
* Pour la nourriture, se borner au simple nécessaire. On peut décider de ne pas se resservir, et de ne rien prendre entre les repas, à moins de nécessité, ou de raisons de convenance. Le Mercredi des Cendres, et les vendredis de Carême, pratiquer l’abstinence de viande, et le jeûne de 18 à 60 ans, avec discrétion. 

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* En ce qui concerne la qualité des aliments, s’en tenir au conseil de Notre-Seigneur : "Mangez ce que l’on vous sert" ( saint Luc, chapitre 10, verset 8 ). « Manger ce qui est bon sans s’y complaire, ce qui est mauvais sans en témoigner de l’aversion, et se montrer aussi indifférent en l’un qu’en l’autre, voilà la vraie mortification » ( St François de Sales ).
* Offrir à Dieu ses repas, à table s’imposer une petite privation dont les autres convives ne peuvent s’apercevoir.
* Pour le sommeil, garder le nombre d’heures nécessaires à une bonne santé, mais se fixer une heure pour le coucher et le lever, et s’y tenir fermement : éviter spécialement toute mollesse le matin pour se lever.
* Dans la journée, ne prendre du repos que dans la mesure du nécessaire. Se livrer avec générosité au travail, et aux différentes tâches du devoir.
*  En cas de légère indisposition, ne pas se plaindre ni manifester la moindre mauvaise humeur. Supporter avec patience et persévérance la maladie.
* Supporter tout ce qui afflige naturellement la chair : le froid de l’hiver, la chaleur de l’été, la dureté du coucher et toutes les incommodités du même genre. Faire bon visage à tous les temps, sourire à toutes les températures ( "Froid, chaud, pluie, bénissez le Seigneur", Cantique de Daniel ). Faire sienne cette parole de saint François de Sales : "Je ne suis jamais mieux que lorsque je ne suis pas bien".

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Celui qui veut progresser sur le chemin de la sainteté et de l’union à Dieu doit être disposé à tout donner, même dans le domaine physique, mais il faut toujours en cette matière dépendre du confesseur, dans l’exercice de la vertu de prudence.´ En effet on ne peut pas préférer une pratique matérielle à l’obéissance, parce que "l’obéissance est la pénitence de la raison et de la discrétion" ( St Jean de la Croix, « Nuit obscure » ), et donc le sacrifice le plus agréable à Dieu.

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Courage, à demain !

Lundi de la 1ère semaine
Le temps du Salut



"Voici maintenant le temps favorable, voici le temps du salut"  ( 2 Corinthiens 6,2 )

 

      Chers amis, le Carême est un temps exceptionnel de conversion et de grâce, à la condition toutefois que nous soyons dociles à son enseignement.


      A la suite du péché originel, l’homme s’est détourné de Dieu ; le péché est apparu dans le monde, et avec lui la souffrance et la mort. L’âme humaine, coupable du péché d’orgueil, a perdu, en s’éloignant ainsi de son Créateur, la domination que Dieu lui avait donnée à l’origine sur le corps, les passions, et les biens matériels. Ce grave désordre est appelé par l’apôtre saint Jean, dans sa première épître ( chapitre 2, verset 16 ), "la triple concupiscence" : 
* Concupiscence de l’esprit ( orgueil )
* Concupiscence de la chair 
* Concupiscence des yeux ( désir désordonné    des biens matériels ).

 

        L’orgueil, la chair, l’argent : ce sont les trois plaies de l’être humain blessé par le péché originel ; et nous savons bien, par l’expérience de nos vies, combien cela est vrai. Les tentations du démon pour nous pousser au péché s’exerceront toujours sur l’un au l’autre de ces trois désordres.


        Les pratiques du Carême vont consister à mortifier ces tendances désordonnées, à les affaiblir fortement, pour permettre le triomphe en nous de la vie de l’esprit et de la grâce :
- L’orgueil, première concupiscence, qui nous pousse à l’indépendance vis à vis de Dieu, sera combattu par nos efforts dans la vie de prière, et nos efforts pour mortifier notre amour propre et notre volonté propre ( ce que l’on peut appeler aussi la pénitence de l’esprit).
- La concupiscence de la chair, qui se manifeste dans la recherche de toutes les satisfactions sensuelles, sera combattue par le jeûne et par nos efforts de mortification corporelle, toutefois avec prudence ( il est toujours meilleur de soumettre nos intentions dans ce domaine à l’approbation d’un prêtre en qui nous avons confiance, et qui nous connaît ).
- La concupiscence des yeux, qui nous pousse de façon désordonnée vers la possession de l’argent et des biens terrestres, sera combattue par l’aumône matérielle et par l’aumône de notre charité ( les œuvres de miséricorde temporelle et spirituelle ).

 

       Ces œuvres de pénitence du Carême ont donc pour but non seulement de réparer nos péchés, mais aussi de neutraliser les influences mauvaises que le péché originel et nos péchés personnels exercent en nous par la triple concupiscence. 


         C’est cet état de notre nature blessée et rendue infirme par le péché originel, que saint Paul appelle "le Vieil Homme" dans l’épître aux Romains, par opposition à "l’Homme Nouveau", qui est celui en qui a triomphé la grâce du Seigneur Jésus-Christ, la vie surnaturelle,  nécessaire pour entrer au Ciel.


          Pour l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour l’amour de la Vierge Marie, et soutenus par la grâce, entrons pleinement dans ces efforts de prière, de pénitence, et de charité, que la sainte Église nous demande en ce début de Carême. Ces efforts nous permettront une nouvelle conversion, et nous conduiront à ressusciter avec le Christ à la vie nouvelle de Pâques, prélude de la vie éternelle.

 

Samedi après les Cendres :
L’esprit de la pénitence.



La prière, la pénitence, et la charité sont les trois œuvres essentielles du Carême. Intéressons nous aujourd’hui à la pénitence, et spécialement à son esprit..
 
En effet la pénitence ( qu’on peut appeler aussi mortification  parce qu’elle consiste à mourir à soi-même) ne se limite pas à la mortification physique, mais concerne aussi et surtout le renoncement à l’amour propre et à la volonté propre, dans leurs manifestations multiples.
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L’esprit véritable de la pénitence vise avant tout à mortifier l’amour propre, parce qu’il est l’obstacle principal à l’union avec Dieu, qui est le but de notre vie ici-bas. Les mortifications physiques que nous pourrons nous imposer pendant le Carême, notamment le jeûne, n’auront aucune fécondité spirituelle si nous ne savons pas supporter l’adversité, une parole blessante, une humiliation, un caractère difficile, ou encore si nous ne savons pas renoncer à nos idées ou à notre manière de voir les choses dans une conversation trop animée.
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Le véritable esprit de pénitence concerne d’abord toutes les occasions de souffrance physique ou morale permises par Dieu dans le cours de nos vies, c’est-à-dire toutes les circonstances que le Seigneur met sur notre chemin chaque jour. Il serait absurde de refuser une seule de ces occasions providentielles de pénitence, pour préférer des mortifications volontaires de notre propre choix : nous fuirions alors les meilleures occasions de mortifier notre amour propre, et la certitude de suivre la volonté de Dieu, où rien n’est attribuable à notre propre volonté ou à nos goûts. 
         Tous nous devons avoir ce profond esprit de pénitence, qui accepte avec générosité toute occasion de renoncement préparée ou permise par Dieu.
         Daigne le Seigneur nous donner ce regard surnaturel qui sait juger les événements sous Sa lumière, et qui parvient à pénétrer la signification intime de la souffrance qu’Il met sur le chemin de nos vies.

A suivre…

Carême 2024 - Mercredi des Cendres -
Entrée en Carême

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Chers amis, sainte Thérèse d’Avila disait à ses religieuses ces mots : " Souvenez-vous que vous n’avez qu’une seule âme, que vous devez mourir une seule fois, et vous serez détachées de bien des choses " ( "Avis aux moniales", No 68 ). 
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     C’est-à-dire que nous devons nous éloigner, pendant le Carême qui commence, de tout ce qui, dans nos actes, dans nos habitudes, n’a pas de valeur d’éternité : le péché, bien sûr et en premier, et aussi nos imperfections. Nous devons chercher tout ce qui rend plus parfaits nos actes et nos habitudes volontaires. C’est cela se convertir, c’est revenir à la volonté de Dieu dans toutes les circonstances de nos vies, dans nos pensées, nos paroles, nos actions,  comme si le Seigneur devait nous rappeler à Lui demain. C’est exigeant, toujours, et héroïque, souvent. Nous devons être de cette trempe là.
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      Le but du Carême, c’est cette conversion. Et le principal moyen de cette conversion, c’est la pénitence.
       La pénitence est cette vertu surnaturelle qui nous donne le regret d’avoir offensé Dieu, le désir de réparer nos péchés, et qui nous fait poser des actes par lesquels nous voulons, par amour du Seigneur, ressembler à Jésus souffrant, pour participer nous aussi à sa Passion et au mystère de la Rédemption des âmes. 
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        Si les actes de mortification corporelle sont nécessaires ( notamment le jeûne (1), l’abstinence de viande (2) ), la mortification de l’esprit est plus importante encore : La pénitence consiste ici surtout dans la patience surnaturelle, qui signifie supporter, dans l’humilité, le silence, et avec foi, les adversités, les oppositions ,les contraintes du devoir d’état, les circonstances douloureuses de nos journées. On ne peut pas être l’intime du Christ si l’on ne souffre pas avec Lui, et pour Lui, même dans une mesure minime. La pénitence ainsi pratiquée, avec ces dispositions intérieures d’amour de Jésus et d’humilité, attire infailliblement la miséricorde et les grâces du Seigneur.
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Toute la liturgie du Mercredi des Cendres est une invitation à la pénitence :
* "Changeons de vêtements, couvrons nous de cendres et du cilice, jeûnons et pleurons devant le Seigneur, car notre Dieu tout miséricordieux remettra nos péchés".
* "Réparons par une vie meilleure les fautes que nous avons commises par ignorance, de peur que, surpris soudainement par le jour de la mort, nous ne cherchions le temps de la pénitence sans pouvoir le trouver".
    ( cérémonie de l’imposition des Cendres )
" Voici ce que dit le Seigneur : Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, dans les larmes, et dans les gémissements. Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car Il est bon et compatissant, patient et riche en miséricorde".
   ( Épître de la messe, Livre du Prophète Joël )
* L’évangile de la messe, extrait de saint Matthieu, évoque la pureté d’intention avec laquelle doivent être pratiquées les œuvres de pénitence : "Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme font les hypocrites, qui défigurent leur visage, pour faire paraître aux hommes qu’ils jeûnent". Vive la joie chrétienne toujours ! Et comprenons que l’amour propre dans les œuvres de pénitence en détruit la valeur et la fécondité.
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Enfin, justement, recevoir les Cendres, de la poussière , doit réprimer notre orgueil insensé : "Tu es poussière, et tu retourneras en poussière", nous dit le prêtre en déposant les Cendres sur notre front, reprenant les mots que Dieu a prononcés le premier, et adressés à Adam après le péché originel ( Gen III,19). Oui nous sommes pur néant, sans la grâce de Dieu, et destinés à la mort : Ceci veut dire brièveté de la vie, vanité des choses terrestres, "tout passe Dieu seul demeure", "tout est vanité hormis aimer Dieu et Le servir Lui seul" ( Imitation de Jésus-Christ ).
Bon et saint Carême, bien chers amis, et à demain !
(1) : le jeûne est obligatoire de 18 à 60 ans, le Mercredi des Cendres, et le Vendredi Saint ( il est conseillé les vendredis de Carême ).
Il consiste à faire un seul repas par jour le midi, sans viande, et une collation le matin et le soir ( un liquide : thé ou café le matin, potage le soir, avec 60g de pain autorisés, soit 2 à 3 tranches ).
(2) : l’abstinence de viande est obligatoire le Mercredi des Cendres et tous les vendredis de Carême.
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Jeudi après les Cendres :
Aimer Jésus-Christ de tout notre coeur.

 
   
Chers amis, dans l’évangile de la messe des Cendres ( St Matthieu, VI, 16-21 ), le Seigneur Jésus-Christ nous dit ceci : "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur". Ce qui prend notre coeur, voilà donc ce qui constitue notre trésor. Demandons nous en conscience à quoi tient véritablement notre coeur par dessus tout ; et nous verrons combien nous sommes attachés de manière désordonnée à nous-mêmes ou aux créatures, bien loin le plus
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souvent de la volonté de Dieu sur nous, qu’il s’agisse d’imperfections volontaires, ou de véritables péchés. Il y a bien des exemples de ces imperfections habituelles :  L’habitude de trop parler, la curiosité non réfrénée, l’attachement à de petites choses, qu’il s’agisse d’objets, de personnes, dont nous refusons de nous passer ; il y a aussi l’attachement à ses aises, à certaines satisfactions sensibles, à de petites vanités, à de sottes complaisances en soi-même, à ses propres idées, à son point d’honneur, etc…Il y a tellement d’inclinations désordonnées, dont notre âme ne se libère pas, précisément parce qu’elle est attachée à ces satisfactions égoïstes qu’elle trouve dans ses misères, c’est pourquoi elle ne se décide pas du tout à y renoncer. Ce sont là justement ces habitudes d’imperfections volontaires qu’il nous faut corriger dans ce Carême qui commence.
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        Notre Seigneur au contraire nous demande dans cet évangile de saint Matthieu d’aimer le Ciel, et de nous constituer un trésor dans le Ciel, un trésor qui dure, et ce trésor c’est Dieu Lui-même. Hormis Dieu, tout passe, même les êtres les plus chers, même l’argent entassé à l’abri des coffres-forts, et même notre vie qui est notre bien par excellence, tout cela disparaîtra ; un jour prochain, celui de notre mort, nous n’aurons plus rien. Il faut donc dès à présent, sans perdre davantage de temps, opérer en nous cette œuvre de détachement et de renoncement, si nous voulons vraiment nous unir à Jésus-Christ pour mériter le Ciel.
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         Et pour nous tourner vraiment vers Lui, l’épître de la messe des Cendres, tirée du Livre du prophète Joël, nous donne le moyen : "Revenez à moi, de tout votre cœur", nous dit le Seigneur. Jésus veut tout notre coeur, Il ne veut pas que nous Le partagions. N’allons pas chercher le bonheur là où il n’est pas, il n’y a qu’un seul vrai bonheur, c’est la béatitude surnaturelle, éternelle, du Ciel, à laquelle Dieu nous appelle, il n’y a pas d’autre véritable bonheur. Même les bonheurs les plus légitimes d’ici-bas sont éphémères et imparfaits.
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        Ainsi il nous faut vouloir, en ce début de Carême, nous tourner vers le Seigneur Jésus-Christ, de tout notre coeur. C’est cela exactement  nous convertir, c’est revenir à Dieu de tout notre être : nous nous étions détournés de Lui par le péché, par nos mauvaises habitudes et nos affections désordonnées, nous devons désirer L’aimer Lui seul de tout notre coeur, de toute notre âme, et pour cela nous éloigner résolument de tout ce qui s’oppose à Lui ( le péché et les imperfections volontaires, l’attachement désordonné aux créatures ), et même de tout ce qui, sans être forcément mauvais, ne conduit pas à Lui.
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Courage, à demain, que Dieu et la Vierge Marie nous aident et nous bénissent au seuil du Carême.

 

Vendredi après les Cendres : 
La charité répare nos péchés 

Avec la prière et la pénitence, la charité est l’autre œuvre essentielle du carême. Les textes de la messe d’aujourd’hui nous le montrent :
 
" Le jeûne qui Me plaît, n’est-ce pas celui-ci (…) ? Romps ton pain avec celui qui a faim ; les pauvres et les vagabonds, fais les entrer dans ta maison ; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l’aurore, et ta guérison germera promptement ; ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t’accompagnera".
  ( Epître de la messe du Vendredi après les Cendres, extrait du Livre du Prophète Isaïe, chapitre 58, versets 1-9 )
 
" Mais Moi Je vous dis : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et qui vous calomnient, afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les Cieux (…). Si en effet vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous de plus que les autres ? Les païens mêmes ne le font-ils pas aussi ? » "
 ( Évangile de la messe du Vendredi après les Cendres, selon saint Matthieu, chapitre 5 versets 43-48, et chapitre 6 versets 1-4 )
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C’est aussi l’enseignement de l’Apôtre saint Pierre, dans sa première épître  :
" Avant tout, ayez les uns pour les autres une ardente charité, car la charité couvre une multitude de péchés "
( 1ère épître, chapitre 4, verset 8 )
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Au troisième siècle, saint Cyprien, évêque de Carthage, et l’un des Pères de l’Eglise, rédige un petit livre intitulé : " Des bonnes œuvres et des aumônes ", dont voici un extrait :
" Les aumônes et les bonnes œuvres éteignent dans les âmes les flammes du péché (…). Les bonnes œuvres, par leur continuité et leur multiplication, nous obtiennent sans cesse l’indulgence et le pardon de Dieu (…). L’aumône, mes frères bien aimés, est une chose divine, elle est la consolation des croyants, le gage de notre salut, le soutien de notre espérance, l’appui de notre foi, l’expiation de nos péchés (…). L’aumône est le plus grand de nos devoirs envers Dieu ; aidé par elle, le chrétien s’enrichit de la grâce divine ; il fléchit la colère du Souverain Juge, il compte Dieu parmi ses débiteurs ".
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L’aumône est celle que l’on fait en disposant de son superflu au bénéfice des nécessiteux. Mais l’aumône, la charité, ne se limitent pas à cela : le Seigneur Jésus-Christ, dans l’évangile selon saint Matthieu, précise les œuvres de miséricorde : 
"J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez accueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi ".
Évangile selon saint Matthieu, chapitre 35, versets 35-36.
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La charité fraternelle ypendant le Carême, et bien sûr au delà, peut ainsi s’accomplir de bien des façons :  offrir de son temps, rendre service de façon désintéressée, visiter les personnes seules ou malades, enseigner les ignorants, consoler les affligés, etc…
Tâchons d’exercer la charité fraternelle pendant le Carême avec une ardeur nouvelle, certains que par ce moyen nos péchés si nombreux seront expiés, réparés, grâce à la miséricorde de Dieu. 
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Notre Dame refuge des pécheurs, priez pour nous.