Le blog du Temps de l'Immaculée.

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PĂšlerins de l’EspĂ©rance : trois particularitĂ©s du pĂšlerinage de Chartres

01/12/2024

PĂšlerins de l’EspĂ©rance : trois particularitĂ©s du pĂšlerinage de Chartres

– Pourquoi avoir fait ce recueil sur le PĂšlerinage de ChrĂ©tientĂ©, dont vous ĂȘtes l’un des fondateurs ?

 

– AprĂšs bientĂŽt un demi-siĂšcle d’existence, il s’agit de considĂ©rer ce pĂšlerinage Ă  l’aune des intuitions qui l’ont inspirĂ© et des Ă©crits qui l’ont accompagnĂ© au fil des ans. D’oĂč ce sous-titre : « Propos de route et jalons pour l’histoire ». Ce recueil de textes divers, Ă©chelonnĂ©s sur plus de quarante ans, constitue en quelque sorte un livre blanc pour juger sur piĂšces de ses intentions. Il ne prĂ©tend pas dire toute la vĂ©ritĂ© du pĂšlerinage, lequel n’est Ă©videmment pas exempt (comme ces textes) de critiques ni de faiblesses, mais rĂ©vĂ©ler substantiellement son esprit depuis les origines. Esprit inscrit dans une « contextualisation » prĂ©cise (comme on dit aujourd’hui), qui est celle de la crise religieuse post-conciliaire. En nous retrempant ainsi dans « l’esprit des origines » – qui se voulait aussi comme un esprit de croisade derriĂšre l’appel de Jean-Paul II Ă  la France – et au vu de la croissance du pĂšlerinage, nous sommes cependant d’autant plus fiers d’y avoir participĂ© – comme pauvre cause instrumentale avec nos amis du Centre Charlier – que nous nous en sentons bien indignes


 

Cette rĂ©trospective induit en mĂȘme temps une prospective ou une rĂ©flexion autour des notions de ChrĂ©tientĂ©, de Tradition et de Mission (cf. nos annexes). Celle-ci vise surtout Ă  montrer que nous ne cherchons pas Ă  revenir en arriĂšre, Ă  ĂȘtre des pĂšlerins d’hier pas plus d’ailleurs que des pĂšlerins de demain, mais surtout des pĂšlerins d’aujourd’hui, autrement dit des pĂšlerins de toujours, perigini : Ă©trangers au monde dans l’exacte mesure oĂč l’esprit du monde est Ă©tranger Ă  Dieu. C’est en cherchant Dieu, au-delĂ  du monde et du temps, que les moines ont bĂąti la ChrĂ©tientĂ© sans le préétablir
 Ce livre s’inscrit d’ailleurs dans la prĂ©paration de l’annĂ©e sainte 2025 dont le thĂšme est « PĂšlerins de l’espĂ©rance » !

 

– Qu’est-ce qui, selon vous, caractĂ©rise le PĂšlerinage de ChrĂ©tientĂ© dans la durĂ©e?

 

– Aux trois piliers dĂ©sormais bien connus (Tradition-ChrĂ©tientĂ©-Mission), j’ajouterais trois particularitĂ©s connexes :

 

L’importance des laĂŻcs selon la juste orientation de Vatican II pour la promotion du laĂŻcat chrĂ©tien. Conçu, organisĂ© et dirigĂ© par des laĂŻcs, le pĂšlerinage Ă©chappe ainsi depuis sa crĂ©ation Ă  ce que le pape François appelle le (mauvais) clĂ©ricalisme (tant en interne qu’en externe), ce qui explique peut-ĂȘtre son ressort, sa concorde et sa longĂ©vitĂ©. Il y a en effet une grĂące d’état liĂ©e au laĂŻcat, non seulement Ă  la jeunesse (comme disait AndrĂ© Charlier) mais aux familles et particuliĂšrement aux parents qui ont la charge Ă©ducative et temporelle de transmettre la foi qu’ils ont eux-mĂȘmes reçue de leurs parents. Sans ĂȘtre de l’Église enseignante, ils ont leur juste mot Ă  dire en la matiĂšre et ils n’ont pas besoin de mandat pour ce faire. Dans les annĂ©es 80, avec l’appui de prĂȘtres amis, les organisateurs du pĂšlerinage ne se sont pas privĂ©s d’user de ce droit Ă©lĂ©mentaire, comme d’autres l’avaient fait avant eux (Lemaire et Madiran face Ă  la rĂ©volution catĂ©chĂ©tique et liturgique, les Scouts d’Europe devant la rĂ©forme SDF, le MJCF, les Ă©coles indĂ©pendantes
).


L’importance de la piĂ©tĂ© filiale : le pĂšlerinage s’inscrit dans une continuitĂ© (cf. le prĂ©ambule historique d’Yves Chiron) avec des sources d’inspiration revendiquĂ©es, de saint Louis Ă  PĂ©guy et aux Charlier (laĂŻcs prĂ©cisĂ©ment !), sans oublier Czestochowa et Le Mesnil-Saint-Loup, etc
 Nous ne prĂ©tendons rien inventer sous l’inspiration de je ne sais quelle nouvelle PentecĂŽte charismatique. PĂšlerins d’espĂ©rance parce que pĂšlerins de toujours, ni de demain ni d’hier ! En quĂȘte du Royaume et donc du salut des Ăąmes. Notre volontĂ© missionnaire est fondĂ©e sur l’Évangile et la Tradition. Une PentecĂŽte de ChrĂ©tientĂ© !


L’importance de la forme donnĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© (dont dĂ©pend le bien ou le mal des Ăąmes, selon Pie XII) ou de la royautĂ© sociale du Christ. Car si son Royaume est au dedans de nous et n’est pas de ce monde (d’oĂč la distinction des pouvoirs spirituel et temporel et le concept de saine et lĂ©gitime laĂŻcitĂ© de l’État), il a forcĂ©ment un rayonnement sur notre vie sociale et politique au sens large. C’est l’objet de l’encyclique Quas Primas de Pie XI dont nous fĂȘterons aussi l’an prochain le centenaire : « Les hommes ne sont pas moins soumis Ă  l’autoritĂ© du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privĂ©e. » Pas moins mais d’une maniĂšre autre Ă©videmment comme on feint de ne pas le comprendre. Bien sĂ»r la communautĂ© surnaturelle de personnes qu’est l’Église fondĂ©e par le Christ ne se confond pas avec la sociĂ©tĂ© temporelle de familles qu’est la nation (voulue par le CrĂ©ateur) et que l’Église doit informer (au sens philosophique) quelque soit l’unitĂ© ou la division de croyances en place. Mais si l’Église ne peut plus y trouver une certaine correspondance culturelle, ses fidĂšles devront forcĂ©ment agir en contre-culture, comme pour les premiers chrĂ©tiens (ou au sein des dictatures modernes), avec ce que BenoĂźt XVI appelait des « minoritĂ©s crĂ©atives » ou des « oasis de chrĂ©tientĂ© ». C’est notre conviction militante qui s’incarne dans un combat contre-rĂ©volutionnaire, pour un « lit de camp » Ă  offrir au surnaturel, selon le mot de PĂ©guy, qui n’est pas sans rappeler la parabole Ă©vangĂ©lique du terrain et de la semence, qui rĂ©sume notre « thĂ©ologie politique » 


– Quel bilan portez-vous sur cette aventure spirituelle contemporaine, cet « appel » de Chartres ?

 

– À vues humaine et historique, c’est une incontestable rĂ©ussite qui Ă©tonne Ă©tant donnĂ© les entraves humaines, religieuses et mĂ©diatico-politiques que le pĂšlerinage a dĂ» souvent surmonter. Si rĂ©duite soit cette rĂ©ussite, elle correspond visiblement Ă  une aspiration de notre jeunesse et de notre Ă©poque pour la vraie religion, transcendante et exigeante. À un besoin d’identitĂ© chrĂ©tienne Ă©galement dans un monde qui fait tout pour la renier. Elle constitue, nous semble t-il, une preuve vivante de la rĂ©silience et de la rĂ©surgence de l’esprit de chrĂ©tientĂ© malgrĂ© l’apostasie et la sĂ©cularisation. Un reproche vivant aussi Ă  ceux qui, parmi les catholiques (dits progressistes), ont voulu tĂ©mĂ©rairement refouler cette grĂące de l’hĂ©ritage spirituel et des (re)commencements dont parle Chesterton : – Laissez-nous faire l’expĂ©rience de la ChrĂ©tientĂ© !

 

En termes surnaturels, cette aventure providentielle ne dĂ©pend pas de nous et il faut rester humble devant ce succĂšs. Car la vertu thĂ©ologale d’espĂ©rance justement nous fait dĂ©passer la seule logique de l’ordre temporel pour nous faire entrer dans l’ordre surnaturel qui peut nous apprendre Ă©galement les leçons de l’insuccĂšs, d’une certaine stĂ©rilitĂ©, le mystĂšre de l’obscuritĂ© et de l’ensevelissement, finalement le mystĂšre de la Croix et la fĂ©conditĂ© du Sacrifice : « Si le grain de blĂ© ne meurt
 » On pense par exemple Ă  l’épopĂ©e de Jeanne d’Arc ou aux chrĂ©tiens d’Orient. Il y a des rĂ©ussites spirituelles visibles en ce monde mais aussi des Ă©checs productifs, des clartĂ©s et des nuits de la foi, qui se suivent et s’enchaĂźnent dans le mystĂšre de l’espĂ©rance et des fins derniĂšres. Sachons gouter et mĂ©diter pour l’heure les mystĂšres joyeux plutĂŽt que douloureux de cette route de Chartres en pĂšlerins de l’espĂ©rance !

 

Source : l'Appel de Chartres via le Salon Beige