Le blog du Temps de l'Immaculée.
22/12/2025
O Roi des nations ! Vous approchez toujours plus de cette BethlĂ©hem oĂč vous devez naĂźtre. Le voyage tire Ă son terme, et votre auguste MĂšre, quâun si doux fardeau console et fortifie, va sans cesse conversant avec vous par le chemin.
Elle adore votre divine majestĂ©, elle remercie votre misĂ©ricorde ; elle se rĂ©jouit dâavoir Ă©tĂ© choisie pour le sublime ministĂšre de servir de MĂšre Ă un Dieu. Elle dĂ©sire et elle apprĂ©hende tout Ă la fois le moment oĂč enfin ses yeux vous contempleront. Comment pourra-t-elle vous rendre les services dignes de votre souveraine grandeur, elle qui sâestime la derniĂšre des crĂ©atures ?
Comment osera-t-elle vous Ă©lever dans ses bras, vous presser contre son cĆur, vous allaiter Ă son sein mortel ? Et pourtant, quand elle vient Ă songer que lâheure approche oĂč, sans cesser dâĂȘtre son fils, vous sortirez dâelle et rĂ©clamerez tous les soins de sa tendresse, son cĆur dĂ©faille et lâamour maternel se confondant avec lâamour quâelle a pour son Dieu, elle est au moment dâexpirer dans cette lutte trop inĂ©gale de la faible nature humaine contre les plus fortes et les plus puissantes de toutes les affections rĂ©unies dans un mĂȘme cĆur.
Mais vous la soutenez, ĂŽ DĂ©sirĂ© des nations ! Car vous voulez quâelle arrive Ă ce terme bienheureux qui doit donner Ă la terre son Sauveur, et aux hommes la Pierre angulaire qui les rĂ©unira dans une seule famille.
Soyez bĂ©ni dans les merveilles de votre puissance et de votre bontĂ©, ĂŽ divin Roi ! et venez bientĂŽt nous sauver, vous souvenant que lâhomme vous est cher, puisque vous lâavez pĂ©tri de vos mains. Oh ! Venez, car votre Ćuvre est dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e ; elle est tombĂ©e dans la perdition ; la mort lâa envahie : reprenez-la dans vos mains puissantes, refaites-la ; sauvez-la ; car vous lâaimez toujours, et vous ne rougissez pas de votre ouvrage.
22/12/2025
Lorsquâils ne sont pas dans leurs ateliers situĂ©s au Lion dâAngers dans le Maine-et-Loire ou au pied de calvaires Ă restaurer des cimetiĂšres ou des croix en bordure de route, les bĂ©nĂ©voles de SOS Calvaires, tous amoureux du patrimoine catholique de France, montent au sommet de montagnes, pour remplacer ou rĂ©parer des calvaires abimĂ©s par le temps.
Un film d'Armel Joubert des Ouches.
21/12/2025
Divin Soleil, ĂŽ JĂ©sus ! Vous venez nous arracher Ă la nuit Ă©ternelle : soyez Ă jamais bĂ©ni ! Mais combien vous exercez notre foi, avant de luire Ă nos yeux dans toute votre splendeur ! Combien vous aimez Ă voiler vos rayons, jusquâĂ lâinstant marquĂ© par votre PĂšre cĂ©leste, oĂč vous devez Ă©panouir tous vos feux ! Voici que vous traversez la JudĂ©e ; vous approchez de JĂ©rusalem ; le voyage de Marie et de Joseph tire Ă son terme.
Sur le chemin, vous rencontrez une multitude dâhommes qui marchent en toutes les directions, et qui se rendent chacun dans sa ville dâorigine, pour satisfaire Ă lâĂdit du dĂ©nombrement. De tous ces hommes, aucun ne vous a soupçonnĂ© si prĂšs de lui, ĂŽ divin Orient ! Marie, votre MĂšre, est estimĂ©e par eux une femme vulgaire ; tout au plus, sâils remarquent la majestĂ© et lâincomparable modestie de cette auguste Reine, sentiront-ils vaguement le contraste frappant entre une si souveraine dignitĂ© et une condition si humble ; encore ont-ils bientĂŽt oubliĂ© cette heureuse rencontre. Sâils voient avec tant dâindiffĂ©rence la mĂšre, le fils non encore enfantĂ© Ă la lumiĂšre visible, lui donneront-ils une pensĂ©e ?
Et cependant ce fils, câest vous-mĂȘme, ĂŽ Soleil de justice ! Augmentez en nous la Foi, mais accroissez aussi lâamour. Si ces hommes vous aimaient, ĂŽ libĂ©rateur du genre humain, vous vous feriez sentir Ă eux ; leurs yeux ne vous verraient pas encore, mais du moins leur cĆur serait ardent dans leur poitrine, ils vous dĂ©sireraient, et ils hĂąteraient votre arrivĂ©e par leurs vĆux et leurs soupirs.
O JĂ©sus, qui traversez ainsi ce monde que vous avez fait, et qui ne forcez point lâhommage de vos crĂ©atures, nous voulons vous accompagner dans le reste de votre voyage ; nous baisons sur la terre les traces bĂ©nies des pas de celle qui vous porte en son sein ; nous ne voulons point vous quitter jusquâĂ ce que nous soyons arrivĂ©s avec vous Ă lâheureuse BethlĂ©hem, Ă cette Maison du Pain, oĂč enfin nos yeux vous verront, ĂŽ Splendeur Ă©ternelle, notre Seigneur et notre Dieu !
J'en connais deux qui vont hurler Ă propos de cette version !
21/12/2025
20/12/2025
O Fils de David, hĂ©ritier de son trĂŽne et de sa puissance, vous parcourez, dans votre marche triomphale, une terre soumise autrefois Ă votre aĂŻeul, aujourdâhui asservie par les Gentils. Vous reconnaissez de toutes parts, sur la route, tant de lieux tĂ©moins des merveilles de la justice et de la misĂ©ricorde de JĂ©hovah votre PĂšre envers son peuple, au temps de cette ancienne Alliance qui tire Ă sa fin.
BientĂŽt, le nuage virginal qui vous couvre Ă©tant ĂŽtĂ©, vous entreprendrez de nouveaux voyages sur cette mĂȘme terre ; vous y passerez en faisant le bien, et guĂ©rissant toute langueur et toute infirmitĂ©, et cependant nâayant pas oĂč reposer votre tĂȘte. Du moins, aujourdâhui, le sein maternel vous offre encore un asile doux et tranquille, oĂč vous ne recevez que les tĂ©moignages de lâamour le plus tendre et le plus respectueux.
Mais, ĂŽ Seigneur ! il vous faut sortir de cette heureuse retraite ; il vous faut, LumiĂšre Ă©ternelle, luire au milieu des tĂ©nĂšbres ; car le captif que vous ĂȘtes venu dĂ©livrer languit dans sa prison. Il sâest assis dans lâombre de la mort, et il y va pĂ©rir, si vous ne venez promptement en ouvrir les portes avec votre Clef toute-puissante !
Ce captif, ĂŽ JĂ©sus, câest le genre humain, esclave de ses erreurs et de ses vices : venez briser le joug qui lâaccable et le dĂ©grade ; ce captif, câest notre cĆur trop souvent asservi Ă des penchants quâil dĂ©savoue : venez, ĂŽ divin LibĂ©rateur, affranchir tout ce que vous avez daignĂ© faire libre par votre grĂące, et relever en nous la dignitĂ© de vos frĂšres.
Dom Guéranger
ANTIENNE A LâANGE GABRIEL.
O Gabriel ! Messager des cieux, qui es entrĂ© prĂšs de moi les portes fermĂ©es, et mâas dit cette parole : Vous concevrez et enfanterez ; on lâappellera Emmanuel !
20/12/2025
Cette nomination revĂȘt une signification toute particuliĂšre. Que cela plaise ou non, les Ătats-Unis sont le pays le plus important au monde, et New York est la ville la plus importante des Ătats-Unis. Câest en quelque sorte la caput mundi sĂ©culiĂšre, et son Ă©vĂȘque dispose dâune tribune planĂ©taire.
Dâautre part, Ă©tant donnĂ© lâimportance de ce siĂšge, il ne fait aucun doute que le pape LĂ©on sâest personnellement impliquĂ© dans cette nomination, et câest prĂ©cisĂ©ment ce que nous attendions pour dĂ©duire lâorientation de son pontificat.
Les raisons invoquĂ©es par ce mĂ©dia pour attribuer Ă Mgr Hicks lâappartenance aux rangs du « printemps franciscain » prĂȘtent Ă rire ou font pitiĂ© ; on ne sait pas si elles sont le fruit de la mĂ©chancetĂ© ou de la sĂ©nilitĂ© des journalistes responsables. Ce quâils ont fait, câest Ă©mettre des hypothĂšses sur la base de faits qui ne menaient pas nĂ©cessairement aux conclusions quâils souhaitaient. Ils nâont pas fait ce que tout professionnel aurait fait, câest-Ă -dire consulter les fidĂšles actuels du nouvel archevĂȘque ou, au moins, les mĂ©dias amĂ©ricains.
La premiĂšre raison Ă©tait dâaffirmer que Hicks Ă©tait un proche du cardinal Cupich, un disciple de Bergoglio, comme nous le savons tous. En rĂ©alitĂ©, il a Ă©tĂ© formĂ© et Ă©tait un fidĂšle disciple du cardinal Francis George, prĂ©dĂ©cesseur de Cupich au siĂšge de Chicago et clairement conservateur, dĂ©fenseur explicite de la doctrine morale catholique traditionnelle et opposĂ© Ă toute forme de relativisme doctrinal.
La deuxiĂšme raison Ă©tait dâaffirmer que Mgr Hicks est un Ă©vĂȘque missionnaire et soucieux des pauvres, puisquâil a passĂ© cinq ans de sa vie Ă diriger un orphelinat pour enfants pauvres au Salvador et dans dâautres pays dâAmĂ©rique centrale.
Il sâagit lĂ , une fois de plus, de la mĂȘme vieille tactique : dans ce cas, partir du principe que tout missionnaire et tout prĂȘtre proche des pauvres est progressiste. Selon ce critĂšre, saint François Xavier, saint Vincent de Paul, MĂšre Teresa de Calcutta et Mgr Marcel Lefebvre lui-mĂȘme auraient appartenu Ă cette faction. Il sâagit lĂ de vertus chrĂ©tiennes fondamentales et cela en dit long sur Mgr Hicks qui a consacrĂ© une partie de sa vie Ă ce service, laissant de cĂŽtĂ© le confort de la vie paroissiale aux Ătats-Unis. Les auteurs de lâarticle veulent nous faire croire que tout « agent pastoral » qui se consacre au soin des pauvres adhĂšre Ă la thĂ©ologie de la libĂ©ration ou Ă sa version plus modĂ©rĂ©e mais tout aussi nĂ©faste, la thĂ©ologie du peuple.
Lâarticle ajoute que le fait que LĂ©on accepte la dĂ©mission du cardinal conservateur Dolan du siĂšge new-yorkais sept mois seulement aprĂšs sa prĂ©sentation est un signe de lâinimitiĂ© quâil lui porte et de sa volontĂ© dâimprimer rapidement un changement dans la direction de lâĂglise amĂ©ricaine.
Il ignore, ou ne veut pas savoir, que câest le cardinal Dolan lui-mĂȘme qui a demandĂ© Ă ĂȘtre remplacĂ©, car son archidiocĂšse est confrontĂ© Ă de nombreux problĂšmes graves quâil nâest plus en mesure de rĂ©soudre. Parmi ceux-ci, on peut citer la nĂ©cessitĂ© de rĂ©unir, par la vente de biens immobiliers, la somme de 300 millions de dollars pour indemniser les victimes dâabus sexuels commis par des prĂȘtres, et la pĂ©nurie profonde de vocations sacerdotales : pour une population de deux millions et demi de catholiques, il nây a que 16 sĂ©minaristes.
Dâautre part, le manque de professionnalisme dont font preuve les auteurs de lâarticle est surprenant, car il est facile de savoir que Mgr Hicks a Ă©tĂ© Ă©lu par 68 % de ses collĂšgues pour prĂ©sider lâune des commissions de la ConfĂ©rence Ă©piscopale. On peut donc difficilement parler dâun changement de direction de lâĂ©piscopat amĂ©ricain.
Ce que les mĂ©dias ont rapportĂ© et les tĂ©moignages que lâon peut lire sur les rĂ©seaux sociaux des fidĂšles de Joliet concordent : Mgr Ronald Hicks est considĂ©rĂ© comme un pĂšre spirituel trĂšs proche des prĂȘtres et des fidĂšles, câest un homme de priĂšre profonde et un promoteur du culte eucharistique, un fervent dĂ©fenseur de la messe traditionnelle (dans le diocĂšse de Joliet, Traditiones custodes nâa pratiquement pas Ă©tĂ© appliquĂ©) et un excellent administrateur.
DĂšs que la nouvelle a Ă©tĂ© confirmĂ©e, le site Rorate coeli, qui ne peut ĂȘtre soupçonnĂ© de progressisme, a commentĂ© ainsi : « Si câest vrai, câest un excellent choix ».
Deo gratias!
18/12/2025
O Seigneur suprĂȘme ! AdonaĂŻ ! Venez nous racheter, non plus dans votre puissance, mais dans votre humilitĂ©. Autrefois vous vous manifestĂątes Ă MoĂŻse, votre serviteur, au milieu dâune flamme divine ; vous donnĂątes la Loi Ă votre peuple du sein des foudres et des Ă©clairs : maintenant il ne sâagit plus dâeffrayer, mais de sauver. Câest pourquoi votre trĂšs pure MĂšre Marie ayant connu, ainsi que son Ă©poux Joseph, lâĂdit de lâEmpereur qui va les obliger dâentreprendre le voyage de BethlĂ©hem, sâoccupe des prĂ©paratifs de votre heureuse naissance. Elle apprĂȘte pour vous, divin Soleil, les humbles langes qui couvriront votre nuditĂ©, et vous garantiront de la froidure dans ce monde que vous avez fait, Ă lâheure oĂč vous paraĂźtrez, au sein de la nuit et du silence. Câest ainsi que vous nous dĂ©livrerez de la servitude de notre orgueil, et que votre bras se fera sentir plus puissant, alors quâil semblera plus faible et plus immobile aux yeux des hommes. Tout est prĂȘt, ĂŽ JĂ©sus ! Vos langes vous attendent : partez donc bientĂŽt et venez en BethlĂ©hem, nous racheter des mains de notre ennemi.
O Adonai, et Dux domus Israel,
qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti,
et ei in Sina legem dedisti:
veni ad redimendum nos in brachio extento.
18/12/2025
Lâarticle dâAlexandra Borchio Fontimp sâinscrit dans un dĂ©bat rĂ©current qui agite la sociĂ©tĂ© française chaque hiver : la place des symboles d'origine chrĂ©tienne dans lâespace rĂ©publicain. Pour l'auteure, la question dĂ©passe le cadre cultuel pour toucher Ă lâidentitĂ© profonde de la nation.
Elle articule son argumentation autour de trois axes principaux :
Le refus de « l'amnésie » républicaine : à l'occasion des 120 ans de la loi de 1905, la sénatrice rappelle que la laïcité ne doit pas signifier l'effacement de l'histoire. Elle souligne que nos jours fériés, notre littérature et notre morale sont imprégnés d'un héritage chrétien qui a façonné l'humanisme français.
Une dimension culturelle et populaire : S'appuyant sur un sondage indiquant que 79 % des Français sont favorables aux crÚches (1), elle transforme l'objet religieux en un objet patrimonial. La crÚche devient une « scÚne familiÚre » liée à l'enfance et à l'art de vivre, particuliÚrement dans le Sud de la France.
L'enjeu économique et artisanal : L'article met en avant la réalité concrÚte des territoires, notamment en Provence et dans les Alpes-Maritimes. La fabrication des santons et les marchés de Noël représentent un dynamisme local et un savoir-faire artisanal qu'il serait, selon elle, absurde de sacrifier au nom d'une interprétation restrictive de la loi.
En conclusion, Alexandra Borchio Fontimp livre un plaidoyer pour une France qui « ne se renie pas ». Elle invite Ă ne pas percevoir la crĂšche comme une menace pour la neutralitĂ© de l'Ătat, mais comme le tĂ©moignage d'une continuitĂ© historique. Pour la sĂ©natrice, assumer cet hĂ©ritage est la condition d'une nation confiante, "capable de faire cohabiter ses traditions avec les exigences de la modernitĂ© rĂ©publicaine". Roulement de tambours !
(1) de fait, c'est le sondage qui est intĂ©ressant : Selon un sondage CSA pour CNEWS, le JDD et Europe 1, publiĂ© ce dimanche 7 dĂ©cembre, 79% des Français (mĂȘme 2 sympathisants sur 3 de la gauche, soit 65%) sont en faveur de la prĂ©sence de crĂšches de NoĂ«l dans les mairies.
18/12/2025
Un duel symbolique : les blindés contre le vivant
Pour Christophe Guilluy, lâimage des blindĂ©s face aux Ă©leveurs en AriĂšge nâest pas quâun incident de maintien de lâordre, câest une scĂšne de « dĂ©civilisation » au sens premier. Il y voit une réédition de La Guerre des mondes, oĂč une technostructure froide tente dâasservir un monde de producteurs quâelle ne comprend plus.
« Cette scĂšne dĂ©voile la nature profonde de lâaffrontement entre MĂ©tropolia et PĂ©riphĂ©ria. [...] Les vrais dĂ©civilisĂ©s sont dâabord les fondateurs de MĂ©tropolia, cette machine Ă broyer les existences. »
Selon le gĂ©ographe, le modĂšle mĂ©tropolitain est dĂ©sormais un « astre mort ». SurendettĂ©, tertiarisĂ© Ă l'excĂšs et enfermĂ© dans des bulles culturelles, il a sacrifiĂ© lâagriculture et lâindustrie sur lâautel du libre-Ă©change (Mercosur).
Le basculement de la puissance
L'un des points forts de l'entretien est le constat d'un basculement géographique du pouvoir. La puissance ne résiderait plus dans les tours de la Silicon Valley ou de Londres, mais dans les villes productives de la périphérie, comme Bourges ou Saint Charles (USA).
Le retour du producteur : Le XXIe siĂšcle appartient Ă ceux qui maĂźtrisent les bases industrielles et agricoles.
La fin de l'attraction urbaine : Les métropoles s'enfoncent, au propre comme au figuré, sous le poids de leur propre modÚle.
La victoire de la « majoritĂ© ordinaire » : Guilluy affirme que la Guerre des mondes est en passe d'ĂȘtre gagnĂ©e par PĂ©riphĂ©ria.
« La vraie puissance, elle, se trouve dans les villes qui produisent, inventent et résistent : Périphéria est en marche. »
Une révolte de l'ùme contre le tableur Excel
Guilluy souligne que la crise actuelle, à l'instar de celle des « gilets jaunes », est avant tout existentielle et transcendante. Il oppose l'éleveur, « celui qui élÚve moralement », à une administration qui ne jure que par les data et les tableurs.
Le soutien massif de l'opinion publique à ces mouvements s'explique, selon lui, par une résonance spirituelle :
« Lâargent nâest pas â et ne sera jamais â leur motivation. [...] Pour ceux que la transcendance effraie, souvenons-nous dâHugo : "La rĂ©alitĂ©, câest lâĂąme !" »
Effectivement , le vrai problĂšme n'est pas politique, mais culturel et surtout spirituel. Nos chers Ă©vĂȘques, et eux seuls, ont la clé⊠se rĂ©veilleront-ils ?.
L'autonomie politique des classes populaires
Sur le plan politique, l'entretien balaie l'idĂ©e de l'homme providentiel. Guilluy dĂ©crit un mouvement « bottom-up » (du bas vers le haut) oĂč les citoyens ont dĂ©jĂ construit leur propre diagnostic, rendant les clivages gauche-droite obsolĂštes.
Le « soft power » des classes populaires s'articule désormais autour de quatre piliers non négociables :
Le travail (réindustrialisation).
LâĂtat-providence (services publics).
La sécurité.
La régulation des flux migratoires.
Christophe Guilluy nous livre ici une vision prophĂ©tique : celle d'une France qui refuse d'ĂȘtre dĂ©possĂ©dĂ©e de son identitĂ© et de sa capacitĂ© de production. Si « MĂ©tropolia » a encore la montre, la « PĂ©riphĂ©ria », elle, semble avoir le temps. Le futur appartiendrait Ă ceux qui, face Ă la technostructure, choisissent de rester debout pour leurs troupeaux et leur terre.
Ave Maria !
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Petit lexique de la pensée de Christophe Guilluy
MĂ©tropolia DĂ©signe la « France des mĂ©tropoles » mondialisĂ©es. Câest le territoire des Ă©lites dirigeantes, des cadres supĂ©rieurs et dâune Ă©conomie dĂ©matĂ©rialisĂ©e (services, finance). Pour Guilluy, câest un modĂšle en fin de cycle, un « astre mort » qui brille encore mais ne produit plus de richesse rĂ©elle.
PĂ©riphĂ©ria La « France pĂ©riphĂ©rique », composĂ©e des zones rurales, des petites et moyennes villes. Longtemps dĂ©peinte comme fragile, elle est pour l'auteur le nouveau centre de la puissance rĂ©elle, car câest lĂ que se situent la production (agriculture, industrie) et la rĂ©sistance culturelle.
La majorité ordinaire Elle regroupe les classes populaires et les classes moyennes qui vivent en dehors des grandes métropoles. Guilluy la décrit comme une force sociologique autonome qui ne suit plus les consignes des partis traditionnels et qui porte une demande de dignité « existentielle » plutÎt que purement matérielle.
Soft Power des classes populaires Contrairement au « hard power » (le pouvoir politique ou militaire), câest lâinfluence culturelle et intellectuelle que la base exerce sur le sommet. Câest la capacitĂ© de la majoritĂ© ordinaire Ă imposer ses thĂšmes (travail, sĂ©curitĂ©, identitĂ©) dans le dĂ©bat public sur le temps long, forçant les Ă©lites Ă s'y adapter.
La technostructure L'appareil administratif, politique et expert (souvent liĂ© Ă l'Union europĂ©enne ou Ă la haute fonction publique) qui dirige le pays par les chiffres, les donnĂ©es et les tableurs Excel. Guilluy l'accuse d'ĂȘtre devenue aveugle aux rĂ©alitĂ©s humaines et sensibles du terrain.
DĂ©civilisation (version Guilluy) Loin dâĂȘtre un simple manque de politesse, la dĂ©civilisation est ici le processus par lequel le modĂšle Ă©conomique globalisĂ© dĂ©truit les structures sociales, les mĂ©tiers (producteurs) et les liens humains qui fondent une sociĂ©tĂ© stable.
18/12/2025
Vous voici donc en marche, ĂŽ Fils de JessĂ©, vers la ville de vos aĂŻeux. LâArche du Seigneur sâest levĂ©e et sâavance, avec le Seigneur qui est en elle, vers le lieu de son repos. « Quâils sont beaux vos pas, ĂŽ Fille du Roi, dans lâĂ©clat de votre chaussure » , lorsque vous venez apporter leur salut aux villes de Juda ! Les Anges vous escortent, votre fidĂšle Ăpoux vous environne de toute sa tendresse, le ciel se complaĂźt en vous, et la terre tressaille sous lâheureux poids de son CrĂ©ateur et de son auguste Reine. Avancez, ĂŽ MĂšre de Dieu et des hommes, Propitiatoire tout-puissant oĂč est contenue la divine Manne qui garde lâhomme de la mort ! Nos cĆurs vous suivent, vous accompagnent, et, comme votre Royal ancĂȘtre , nous jurons « de ne point entrer dans notre maison, de ne point monter sur notre couche, de ne point clore nos paupiĂšres, de ne point donner le repos Ă nos tempes, jusquâĂ ce que nous ayons trouvĂ© dans nos cĆurs une demeure pour le Seigneur que vous portez, une tente pour le Dieu de Jacob. » Venez donc, ainsi voilĂ© sous les flancs trĂšs purs de lâArche sacrĂ©e, ĂŽ rejeton de JessĂ©, jusquâĂ ce que vous en sortiez pour briller aux yeux des peuples, comme un Ă©tendard de victoire. Alors les rois vaincus se tairont devant vous, et les nations vous adresseront leurs vĆux. HĂątez-vous, ĂŽ Messie ! Venez vaincre tous nos ennemis, et dĂ©livrez-nous.
18/12/2025
Concernant la Chine, le pape LĂ©on a dĂ©clarĂ© quâil nâĂ©tait pas pressĂ©. Ă court terme, il a prĂ©cisĂ© quâil sâen tiendrait Ă lâaccord secret entre Rome et PĂ©kin en vigueur depuis 2018 et quâĂ plus longue Ă©chĂ©ance, il prendra une dĂ©cision aprĂšs avoir Ă©coutĂ© toutes les parties, y compris « les catholiques chinois qui, pendant de nombreuses annĂ©es, ont vĂ©cu une sorte dâoppression ou des difficultĂ©s Ă vivre leur foi librement sans devoir choisir un camp ».
Mais pendant ce temps, le rĂ©gime de PĂ©kin redouble de brutalitĂ© pour humilier lâĂglise. Et Rome subit. Elle va mĂȘme jusquâĂ rendre hommage Ă ses persĂ©cuteurs dans des dĂ©clarations exagĂ©rĂ©es.
Câest ce qui sâest passĂ© lors de la derniĂšre nomination dâun Ă©vĂȘque chinois, rendue publique le 5 dĂ©cembre. Il sâagit dâune copie conforme de la prĂ©cĂ©dente, celle qui avait fait titrer Settimo Cielo : « PremiĂšre gifle de la Chine au pape LĂ©on. Qui encaisse en silence ».
Ce deuxiĂšme affront trouve aussi son origine dans lâinterrĂšgne entre la mort du pape François et lâĂ©lection de LĂ©on. Fin avril, la rumeur circulait que les autoritĂ©s chinoises avaient fait « Ă©lire » par des assemblĂ©es Ă leurs ordres deux Ă©vĂȘques pour deux siĂšges importants.
En vertu de lâaccord, câest au nouveau pape dâapprouver ou non ces nominations. Et de fait, le 15 octobre, un communiquĂ© du Saint-SiĂšge confirmait que la premiĂšre avait bien Ă©tĂ© acceptĂ©e : il sâagissait du nouvel Ă©vĂȘque auxiliaire de Shanghai, Ignace Wu Jianlinâââdans un diocĂšse qui comptait dĂ©jĂ deux auxiliaires, mais mis au ban par le rĂ©gime, ce qui leur avait valu des punitions sĂ©vĂšres : le premier, Joseph Xing Wenzi, contraint Ă se retirer depuis longtemps et le second, ThaddĂ©e Ma Daqin, aux arrĂȘts depuis treize ans dâaffilĂ©e.
Quant Ă la seconde nomination, le silence a Ă©tĂ© rompu le 5 dĂ©cembre. Avec la prĂ©cision, dans le communiquĂ© du Vatican, que LĂ©on lâavait approuvĂ©e le 11 aoĂ»tâââle jour mĂȘme oĂč il avait signĂ© la nomination de lâĂ©vĂȘque auxiliaire de Shanghai.
Dans le mĂȘme temps, comme toujours, lâagence officielle de lâĂglise chinoise asservie au rĂ©gime publiait son propre communiquĂ©âââsans mĂȘme mentionner le pape LĂ©on, seul habilitĂ© Ă nommer les Ă©vĂȘquesâââet antidatant avant la date fatidique du 30 avril, donc avant le conclave, lâ« Ă©lection » de ce nouvel Ă©vĂȘque.
Ce dernier sâappelle François Li Jianlin, il a 51 ans et a Ă©tĂ© ordonnĂ© le 5 dĂ©cembre par lâĂ©vĂȘque de PĂ©kin Joseph Li ShanâââĂ©galement prĂ©sident de lâAssociation patriotique catholique chinoise et vice-prĂ©sident de la ConfĂ©rence Ă©piscopale chinoise non reconnue par Romeâââet par dâautres Ă©vĂȘques fidĂšles au rĂ©gime. Il est dĂ©sormais Ă la tĂȘte du diocĂšse (ou plutĂŽt de la prĂ©fecture apostolique) de Xinxiang. Or, cette prĂ©fecture avait dĂ©jĂ un Ă©vĂȘque depuis 1992 : Joseph Zhang Weizhu, 67 ansâââlâun des quelque vingt Ă©vĂȘques, sur une centaine, Ă ne pas ĂȘtre reconnus officiellement par PĂ©kin, car refusant de se soumettre Ă ses diktats.
Mais le communiqué du Vatican du 5 décembre a déclaré que la question était réglée, affirmant que le pape avait également « accepté la renonciation au gouvernement pastoral » présentée par Mgr Zhang.
Le 6 dĂ©cembre, une dĂ©claration du directeur de la salle de presse du Vatican annonçait « avec satisfaction » que lâĂ©vĂȘque dĂ©chu avait Ă©tĂ© « reconnu civilement ».
Avec cette précision redondante : « Ce geste est le fruit du dialogue entre le Saint-SiÚge et les autorités chinoises et représente une nouvelle étape importante dans le chemin de communion de cette circonscription ecclésiastique. »
Or, en lisant le communiquĂ© chinois parallĂšle, on apprend que, lors de la cĂ©rĂ©monie semi-secrĂšte de sa soi-disant « mise Ă la retraite »âââsans mention explicite de quelque reconnaissance officielle que ce soitâââZhang aurait « prononcĂ© un discours pour exprimer la nĂ©cessitĂ© dâadhĂ©rer au patriotisme et Ă lâamour de la religion, de respecter le principe des Ăglises indĂ©pendantes et autonomes, de suivre lâorientation de la sinisation du catholicisme dans le pays, et de contribuer Ă la construction dâun pays socialiste moderne ainsi quâĂ la grande renaissance de la nation chinoise ».
Un autodafĂ©, identique Ă ce quâon a fait dire Ă un autre Ă©vĂȘque mis Ă la « retraite » forcĂ©e : Augustin Cui Tai, du diocĂšse supprimĂ© de Xuanhua, malgrĂ© le caractĂšre invraisemblable dâun tel acte de soumission de la part de deux Ă©vĂȘques qui ont toujours tĂ©moignĂ© avec hĂ©roĂŻsme de leur foi, au prix dâarrestations et de persĂ©cutions incessantes.
Et ce jusquâĂ la fin. Il suffit de prĂ©ciser quâon a interdit Ă lâĂ©vĂȘque Ă©vincĂ© dâassister Ă lâordination de son successeur ou mĂȘme de rencontrer sa famille.
Le curriculum du nouvel Ă©vĂȘque de Xinxiang est trĂšs diffĂ©rent. Le 8 avril 2018, alors quâil occupait la fonction de secrĂ©taire de la Commission pour les affaires de lâĂglise de la province du Henan, il a signĂ© une ordonnance interdisant Ă tous les enfants et jeunes de moins de 18 ans dâentrer dans les Ă©glises pour assister Ă la messe, et interdisant aux prĂȘtres dâorganiser toute activitĂ© de formation religieuse pour les enfants et jeunes, sous peine dâarrestation des prĂȘtres et de la fermeture des Ă©glises.
On ne sâĂ©tonnera donc pas que, dans un article de lâagence Asia News de lâInstitut Pontifical des Missions ĂtrangĂšresâââqui paraĂźt et qui est lu Ă©galement en langue chinoise â, rapportant la rĂ©flexion Ă©mouvante dâun prĂȘtre « souterrain » de la diocĂšse de Xinxiang, on peut lire que la nomination du nouvel Ă©vĂȘque et le limogeage de son prĂ©dĂ©cesseur « ouvrent de nouvelles blessures au lieu de les refermer ».
Le texte intĂ©gral de cette rĂ©flexionâââque beaucoup espĂšrent parvenir au papeâââfigure dans cette Ă©dition du 6 dĂ©cembre dâAsia News :
> Xinxiang : il vescovo Zhang e gli altri cattolici ridotti al silenzio
En voici un extrait :
Comme un agneau conduit Ă lâabattoir
(par un prĂȘtre de la communautĂ© « souterraine » de Chine)
Quel que soit le rĂ©cit officiel, il est un fait qui ne peut ĂȘtre effacĂ© : avant cette ordination, la prĂ©fecture apostolique de Xinxiang avait dĂ©jĂ un Ă©vĂȘque lĂ©gitime nommĂ© par le Saint-SiĂšge en la personne de Mgr Zhang Weizhu.
AprĂšs des annĂ©es de surveillance, de restrictions et dâisolement, sans jamais se plaindre publiquement, il a finalement Ă©tĂ© incitĂ© Ă prĂ©senter sa dĂ©mission. Et le jour oĂč un nouvel Ă©vĂȘque est ordonnĂ©, lui, le pasteur du diocĂšse, nâa mĂȘme pas pu franchir le seuil de lâĂ©glise. Il a Ă©tĂ© exclu de maniĂšre totale, silencieuse, presque chirurgicale, telle une ombre que lâon voudrait effacer du temps.
Mais lâhistoire et la mĂ©moire de lâĂglise ne lâoublieront pas. Il apparaĂźt vraiment comme « un agneau conduit Ă lâabattoir », silencieux, doux, obĂ©issant sous la croix. Sâil y a en cela une victoire du monde, la victoire du Royaume revient au tĂ©moignage de Mgr Zhang.
Ce nâest ni la premiĂšre ni la derniĂšre fois que lâĂglise, soumise Ă un systĂšme de contrĂŽle strict, se trouve contrainte au silence, Ă lâhumiliation, Ă la souffrance.
Pourtant, nous continuons Ă croire que ce nâest pas le pouvoir qui soutient lâĂglise, mais bien la foi ; que ce nâest pas la volontĂ© humaine qui fait un Ă©vĂȘque, mais un don de lâEsprit ; que la vĂ©ritable histoire ne sâĂ©crit pas dans les communiquĂ©s, mais dans le tĂ©moignage ; que les oubliĂ©s, les exclus, les silencieux sont souvent les signes les plus profonds de la prĂ©sence de Dieu dans lâhistoire.
Aujourdâhui, un nouveau chapitre semble sâouvrir Ă Xinxiang, mais de nombreuses blessures restent ouvertes et bien des questions demeurent sans rĂ©ponse. Peut-ĂȘtre la seule voie est-elle celle-ci : aller vers la croix, vers la vĂ©ritĂ©, vers Celui qui voit ce que les hommes ignorent et qui ne raye jamais personne de son cĆur.
Ce que vit Xinxiang nâest pas seulement une question religieuse ou politique, mais une manifestation des tensions et des Ă©preuves de notre temps. Et pourtant, nous croyons que Dieu agit dans les silences de lâhistoire, quâil se manifeste dans les oubliĂ©s, quâil plante des graines de rĂ©surrection prĂ©cisĂ©ment dans les endroits les plus obscurs.
Puisse le nouvel Ă©vĂȘque ĂȘtre le gardien de ces graines. Que la croix de Zhang se fasse lumiĂšre pour le diocĂšse. Que tous ceux qui ont Ă©tĂ© exclus, rĂ©duits au silence et oubliĂ©s sachent que, pour Dieu, personne nâest un « vide ».
Nous ne savons pas ce que lâavenir rĂ©serve mais nous savons une chose : Dieu nâabandonnera pas son Ăglise.
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Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l'hebdomadaire L'Espresso.
Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.
Ainsi que l'index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.
17/12/2025
« Ein Laus, dein Tod. » Comme tous ses compagnons de misĂšre, le PĂšre de Porcaro avait certainement lu cet avertissement des autoritĂ©s SS, affichĂ© sur les murs du Konzentrationslager (KL) bavarois de Dachau. Quatre syllabes sĂšches comme les ordres aboyĂ©s Ă chaque instant par les gardiens et kapos du camp : «âUn pou, ta mort.â» Cynique avertissement dâune administration concentrationnaire, dont lâobjectif ultime Ă©tait de faire mourir tous les dĂ©tenus aprĂšs les avoir harassĂ©s par le travail. Mais comment le respecter lorsque la crasse des hardes, la promiscuitĂ© des chĂąlits, lâabsence de sanitaires, font du camp un terrain de chasse rĂȘvĂ© pour les parasitesâ? Le rasage intĂ©gral des tĂȘtes, des aisselles et des pubis, infligĂ© aux dĂ©portĂ©s, qui subissent ensuite la brĂ»lure insupportable du CrĂ©syl rapidement badigeonnĂ©, ne ralentissent quâĂ peine le pullulement des poux, dont les excrĂ©ments sont porteurs de la bactĂ©rie du typhus.
Dans la « baraque des prĂȘtres »
Alors que lâeffondrement du TroisiĂšme Reich nâest plus quâune question de semaines, de quelques mois au plus, lâabbĂ© de Porcaro â comme tant de ses compagnons â est piquĂ©. ĂgĂ© de 40 ans, il est arrivĂ© Ă Dachau le 20 janvier 1945. Le matricule 138374 y a retrouvĂ© des confrĂšres dont certains sont lĂ depuis 1938, dans les « Blocks » rĂ©servĂ©s par les SS aux ecclĂ©siastiques, les fameuses «âbaraques des prĂȘtresâ». Les piqĂ»res suscitent dâĂ©pouvantables dĂ©mangeaisons et les anciens savent bien que les soulager est fatalâ: câest par les plaies ainsi ouvertes que sâimmisce la bactĂ©rie.
ArrivĂ© Ă Dachau le 7 janvier 1945, lâabbĂ© Robert Beauvais connaĂźt le danger, lui qui croupissait auparavant Ă Buchenwald pour faits de rĂ©sistance. Dans le froid mordant du camp, il ne cesse dâexhorter son camaradeâ: « Pierre, ne te gratte pas ! » Mais Pierre sâest grattĂ©. Il contracte le mal qui se rĂ©pand dans son organisme affaibli. TerrassĂ© par la fiĂšvre, il reçoit les derniers sacrements, puis est conduit Ă lâ«âinfirmerieâ» du camp, en fait un mouroir, oĂč il sâĂ©teint aprĂšs douze jours dâagonie. Le crĂ©matoire, qui tourne Ă plein rĂ©gime, a tĂŽt fait de le faire disparaĂźtre. Seuls son ceinturon scout et son briquet, quâil avait confiĂ©s au PĂšre Beauvais, reprendront le chemin de la France.
Pierre de Porcaro fait partie des 2720 prĂȘtres â dont une Ă©crasante majoritĂ© de Polonais (1780) â qui ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s dans ce camp quâHimmler avait conçu, dĂšs 1933, comme le prototype du systĂšme concentrationnaire. Son parcours est singulier. Issu dâune famille de la vieille noblesse bretonne, il entre au grand sĂ©minaire de Versailles en 1923, aprĂšs ĂȘtre passĂ© par le petit. Il est ordonnĂ© prĂȘtre six ans plus tard, en 1929, par Mgr Roland-Gosselin, coadjuteur de Mgr Gibier, lâĂ©vĂȘque de la ville royale.
TrĂšs rapidement, il va mettre son caractĂšre dynamique au service des Ă©lĂšves du petit sĂ©minaire oĂč il est nommĂ© professeur. Il rejoindra ensuite la paroisse de Saint-Germain-en-Laye oĂč il est nommĂ© vicaire Ă la fin de lâannĂ©e 1935. MarquĂ© par le scoutisme et les patronages, câest un entraĂźneur dâhommes nĂ©, mĂȘme si son caractĂšre parfois instable, contre lequel il mĂšne un combat permanent, peut lui jouer des tours. «âIl Ă©tait plutĂŽt pourvu â ou affligĂ©, câest comme vous voulez â dâun fort tempĂ©rament, que lâon pourrait mĂȘme qualifier de volcanique ou de sanguinâ; les choristes chantant sous sa direction et auteurs de fausses notes lâont parfois appris Ă leurs dĂ©pensâ!â», sourit lâabbĂ© Pierre Amar, qui signe le scĂ©nario dâune bande dessinĂ©e consacrĂ©e au personnage.
Prisonnier en 1940
Survient la guerre. Pierre de Porcaro, qui a fait son service militaire dans un rĂ©giment de chars de combat, est affectĂ© dans un bataillon du gĂ©nie, et rejoint la rĂ©gion des Vosges. Câest dans ce secteur que le surprend lâoffensive allemande de 1940. Le 23 juin, alors quâarmĂ©s seulement de quelques fusils, ses camarades et lui avaient reçu pour ordre dâarrĂȘter une colonne de blindĂ©s, il est fait prisonnier sur les hauteurs de Cornimont, Ă quelques encĂąblures du ballon dâAlsace. DĂ©tenu dans un «âStalagâ», il est libĂ©rĂ© en aoĂ»t 1941 et regagne sa paroisse.
LâabbĂ© de Porcaro reprend ses activitĂ©s. Lâoccupation revĂȘt une tonalitĂ© singuliĂšre Ă Saint-Germain-en-Laye, oĂč le marĂ©chal Von Rundstedt a Ă©tabli le Grand Quartier gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e allemande. Le 16 avril 1943, il reçoit une lettre dĂ©cisive qui va sceller son destinâ: Mgr Roland-Gosselin lui demande de prendre le chemin de lâAllemagne pour y assurer une prĂ©sence sacerdotale clandestine auprĂšs des ouvriers du Service du travail obligatoire (STO). « ĂgoĂŻstement, je prĂ©fĂšrerais rester ici. Oui Ă©goĂŻstement. En vĂ©ritĂ©, câest un nouvel appel Ă la croix. Toute croix comporte ses grĂącesâ: sâil faut des grĂąces pour tenir, le Seigneur fera un miracleâ», Ă©crit-il le soir mĂȘme. Fiat. Le bouillant vicaire entre dans le mystĂšre de lâoblationâ: «âOui mon Dieu, jâaccepte avec toute la gĂ©nĂ©rositĂ© possible, tout, y compris dâen mourir, de mourir sur une terre Ă©trangĂšre, loin de tout, loin de tous. Notre-Dame des Sept Douleurs, prĂ©sentez mon offrande.â»
PrĂȘtre clandestin au STO
Son chemin lâemmĂšne Ă Dresde dans une usine de carton ondulĂ©. En bleu de travail, «âPierreâ» connaĂźt les conditions de travail de tous les travailleurs, et profite de chaque instant pour assurer son ministĂšre. Les autoritĂ©s nazies ne tardent pas Ă avoir vent de lâexistence dâun membre clandestin du clergĂ© chez les ouvriers du STO, organisĂ© depuis la France par Mgr Rodhain, futur fondateur du Secours catholique. Un dĂ©cret de septembre 1943, signĂ© par Ernst Kaltenbrunner, le chef du Reichsicherheitshauptamt (RSHA), intensifie la chasse aux aumĂŽniers clandestins.
Le 11 septembre, probablement trahi par un mouchard, le PĂšre de Porcaro est arrĂȘtĂ© par les sĂ©ides de la Gestapo, sans pouvoir exĂ©cuter la parade quâavec humour il avait conçueâ: «âJe me dĂ©guiserai en lapin, et ils pourront courir aprĂšs moiâ!â» Il ne faudra pas plus de huit semaines Ă Dachau pour avoir raison du corps vigoureux de lâabbĂ© de Porcaro. Le camp fut en revanche incapable de mettre Ă bas cette grande Ăąme, qui avait confiĂ© Ă lâun de ses camarades de Dresdeâ: «âDieu, qui fait les croix, fait aussi les Ă©paules, et nul ne lâĂ©gale dans lâart des proportions.â»
Guillaume Zeller
Pierre de Porcaro. PrĂȘtre clandestin volontaire,
Venzac (illustrations), Pierre Amar (auteur),
Ă©d. Plein Vent, fĂ©vrier 2025, 48 pages, 15,90 âŹâ

17/12/2025
t toujours plus pressante, retentit la promesse : « Voyez, tout est accompli », et finalement : « Sachez aujourd'hui que le Seigneur vient, et demain vous le verrez dans sa gloire ». Lors de la veillĂ©e, quand scintille l'arbre de lumiĂšre et que s'Ă©changent les cadeaux, le dĂ©sir inassouvi d'une autre lumiĂšre monte en nous, jusqu'Ă ce que sonnent les cloches de la messe de minuit et que se renouvelle, sur des autels parĂ©s de cierges et de fleurs, le miracle de NoĂ«l. Et le Verbe s'est chair. Nous voilĂ parvenus Ă l'instant bienheureux oĂč notre attente est comblĂ©e. »
( Le mystÚre de Noël , conférence de sainte Edith Stein, Janvier 1931)
16/12/2025
Confiante en Dieu, elle sâĂ©chappe et est secourue par Othon Ier. Ce dernier lâĂ©pouse et elle devient Ă ses cĂŽtĂ©s impĂ©ratrice du Saint Empire romain germanique en 962. Ă nouveau veuve, elle est momentanĂ©ment Ă©cartĂ©e de la cour par son fils Othon II, mais doit par la suite assurer la rĂ©gence en attendant la majoritĂ© de son petit-fils Othon III. Elle consacre les derniĂšres annĂ©es de sa vie au soutien des pauvres et Ă la visite des nombreux monastĂšres quâelle a fondĂ©s, dont celui de Seltz, en Alsace, oĂč elle meurt le 16 dĂ©cembre 999. De toute sa vie, elle ne sâest jamais vengĂ©e de tous ceux qui lui ont fait du mal et qui lâont trahie. En elle resplendissent au contraire toutes les vertus chrĂ©tiennes, notamment dans son attention pour les pauvres, ainsi que toutes les qualitĂ©s dâun grand chef dâĂtat. Sainte AdĂ©laĂŻde est lâune des personnalitĂ©s les plus influentes de lâEurope du Xe siĂšcle. Elle a durablement marquĂ© la chrĂ©tientĂ© mĂ©diĂ©vale.
Les raisons d'y croire
La vie dâAdĂ©laĂŻde ne nous est pas connue par des sources tardives et folkloriques, mais par de nombreux documents qui lui sont contemporains : chroniques, chartes, donations, traditions mĂ©morielles, etc. Ses nombreux actes de charitĂ© envers les plus pauvres nous sont notamment rapportĂ©s par les actes impĂ©riaux officiels. Le rĂ©cit de sa vie, son rĂŽle politique et spirituel, son impact historique et son influence posthume reposent sur un ensemble de tĂ©moignages variĂ©s, issus dâauteurs, de clercs, dâinstitutions, dâactes juridiques et de pratiques cultuelles.
MalgrĂ© son jeune Ăąge et sa haute naissance, qui lâa peu habituĂ©e aux tracas, AdĂ©laĂŻde fait face aux Ă©preuves avec une force morale hors du commun. Ă dix-neuf ans, alors quâelle vient de donner le jour Ă une fille, son mari meurt brutalement, probablement empoisonnĂ© par un de ses rivaux. AdĂ©laĂŻde se retrouve alors sans appui, sans conseil, sans secours : elle est menacĂ©e par un ennemi de son mari, qui lâemprisonne Ă Garda, dĂ©pouillĂ©e de sa dignitĂ©, humiliĂ©e, soumise Ă des tentatives de coercition politique et de mariage forcĂ©. Seule une relation authentique Ă Dieu peut procurer, dans de telles circonstances, la paix et la constance dont AdĂ©laĂŻde fait preuve. Elle demeure confiante en la providence, et remet tout â sa personne et ses biens â, entre les mains de Dieu.
Les textes insistent sur le fait quâelle « priait, jeĂ»nait et sâabandonnait Ă Dieu » plutĂŽt que de cĂ©der Ă la violence ou au dĂ©sespoir. Sa captivitĂ©, au lieu de lâenfermer dans lâesprit de vengeance et le dĂ©couragement, lâĂ©lĂšve au contraire vers Dieu. Lâendurance quâelle manifeste est le signe dâune force qui nâest pas seulement naturelle : AdĂ©laĂŻde puise son courage en Dieu. « Elle supporta toutes choses avec patience, mettant son espĂ©rance dans le Seigneur. »
Secourue puis Ă©pousĂ©e par Othon Ier, elle passe de la captivitĂ© Ă la vie dâimpĂ©ratrice, dont les richesses et les honneurs nâentament en rien ses vertus. Il nâest pas courant, pour une personne disposant dâune telle position de gloire et de pouvoir, dâainsi renoncer Ă la vengeance contre ceux qui ont voulu la dĂ©truire. Elle pardonne Ă ceux qui ont emprisonnĂ© et persĂ©cutĂ© sa famille, y compris le meurtrier de son mari. Cette attitude remarquable est un indice de la vĂ©ritĂ© existentielle de lâĂvangile, qui permet de faire ce que la nature humaine seule peinerait Ă rĂ©aliser.
AdelaĂŻde consacre plutĂŽt ses richesses Ă des Ćuvres de charitĂ©. Elle fonde aussi et soutient plusieurs monastĂšres rĂ©formateurs (Cluny, Payerne, Selz), promeut la paix impĂ©riale, encourage la liturgie, la culture et la mission vers les Slaves, libĂšre des captifs et soutient les Ă©vĂȘques missionnaires, tout cela par amour de Dieu et pour lâannonce de lâĂvangile. AdĂ©laĂŻde laisse ainsi des Ćuvres et une paix qui lui survivent. Le bien quâelle suscite est rĂ©el, durable et profond ; cela suggĂšre que la source de tout cela, ce en quoi elle croit, est conforme Ă la vĂ©ritĂ©.
AprĂšs une vie dâimpĂ©ratrice, de rĂ©gente et de mĂšre exemplaire, elle passe la derniĂšre partie de son existence dans la priĂšre et la pauvretĂ© volontaire. La Vita rapporte : « Elle se tenait comme une servante parmi les servantes, et pleurait les pĂ©chĂ©s du monde. » Sa fidĂ©litĂ© constante au Christ Ă travers les peines aussi bien que dans la puissance la mĂšne tout naturellement Ă une fin humble et cachĂ©e, toute dĂ©vouĂ©e Ă la contemplation. AdĂ©laĂŻde se retire au monastĂšre de Seltz, vit dans lâascĂšse, se confesse publiquement et meurt en paix, entourĂ©e des offices liturgiques. Rien ne lâobligeait Ă ce dĂ©pouillement : câest la cohĂ©rence profonde de sa foi qui lây conduit. La cohĂ©rence intĂ©grale de cette vie, du trĂŽne au cloĂźtre et jusque dans la mort, rend le message chrĂ©tien crĂ©dible, car il se vĂ©rifie dans lâexistence de celle qui lâa vĂ©cu.
En savoir plus
Fille du roi Rodolphe II de Bourgogne et de Berthe de Souabe, AdĂ©laĂŻde reçoit dĂšs lâenfance une Ă©ducation solide, nourrie Ă la fois de culture princiĂšre et de foi chrĂ©tienne. Ă seize ans, elle est donnĂ©e en mariage au roi Lothaire dâItalie pour renforcer une alliance stratĂ©gique. Mais cette union ne dure pas : en 950, Lothaire meurt dans des circonstances suspectes, laissant AdĂ©laĂŻde veuve, mĂšre dâune petite fille, et exposĂ©e aux ambitions rivales.
BĂ©renger dâIvrĂ©e, qui souhaite asseoir son autoritĂ© sur lâItalie, tente alors de la contraindre Ă Ă©pouser son fils. Devant son refus rĂ©solu, il la fait enfermer Ă Garda. IsolĂ©e, maltraitĂ©e, privĂ©e de libertĂ©, AdĂ©laĂŻde trouve dans la priĂšre la force de tenir et dâespĂ©rer. Sa captivitĂ©, relatĂ©e par les chroniqueurs, devient lâun des Ă©pisodes fondateurs de sa vie et de sa rĂ©putation. Elle parvient finalement Ă sâĂ©vader grĂące au courage de quelques fidĂšles, au terme dâune fuite qui marquera durablement sa mĂ©moire.
Elle trouve refuge auprĂšs dâOthon Ier, roi de Germanie. Celui-ci la libĂšre des menaces qui pĂšsent sur elle et lâĂ©pouse en 951. Ensemble, ils forment un couple politique exceptionnel : Othon et AdĂ©laĂŻde rĂ©organisent lâItalie, consolident le pouvoir impĂ©rial et soutiennent les rĂ©formes ecclĂ©siastiques qui prĂ©parent le renouveau de lâĂglise. Lors du couronnement impĂ©rial de 962, AdĂ©laĂŻde devient la premiĂšre impĂ©ratrice du Saint Empire romain germanique. Elle exerce alors une influence rĂ©elle : conseillĂšre Ă©coutĂ©e, arbitre dans les crises, protectrice des pauvres, bienfaitrice des monastĂšres.
Ă la mort dâOthon Ier, en 973, elle assure la rĂ©gence pendant la jeunesse de son fils Othon II, puis de son petit-fils Othon III. Cette mission la place au cĆur dâune pĂ©riode troublĂ©e, marquĂ©e par les conflits avec sa belle-fille ThĂ©ophano et les tensions familiales. MalgrĂ© ces Ă©preuves, AdĂ©laĂŻde demeure une figure de stabilitĂ©. Elle continue de soutenir Cluny, favorise les rĂ©formes morales et religieuses, encourage lâĂ©vangĂ©lisation des peuples slaves et sâentoure de guides spirituels dâenvergure, notamment saint Adalbert de Prague et saint Odilon de Cluny, qui contribuera Ă transmettre son souvenir.
Parvenue Ă un Ăąge avancĂ©, AdĂ©laĂŻde se retire au monastĂšre de Seltz, en Alsace, quâelle avait fondĂ©. LĂ , loin des responsabilitĂ©s politiques, elle choisit une vie de priĂšre, dâhumilitĂ© et de charitĂ©. Ses derniĂšres annĂ©es tĂ©moignent dâune impĂ©ratrice devenue servante : elle se consacre aux pauvres, Ă la communautĂ©, Ă la paix intĂ©rieure. Elle meurt le 16 dĂ©cembre 999, entourĂ©e des moniales, aprĂšs une longue prĂ©paration spirituelle. Sa saintetĂ© est rapidement reconnue et son culte se rĂ©pand, surtout en Alsace et en Allemagne.
Sophie Stevenson, normalienne diplÎmée en histoire.
Au delĂ
De la fin du Xe jusquâau dĂ©but du XIIe siĂšcle, lâabbaye de Cluny sâimpose comme un centre majeur de la vie religieuse en Europe, portĂ©e par une observance bĂ©nĂ©dictine rigoureuse et par le rayonnement de ses quatre premiers abbĂ©s, Odon, Mayeul, Odilon et Hugues, tous canonisĂ©s par lâĂglise. Leur action donne Ă Cluny une stature qui dĂ©passe largement lâĂ©chelle locale, car lâabbaye organise un vaste rĂ©seau de prieurĂ©s qui lui sont directement reliĂ©s, ce qui assure une unitĂ© spirituelle et facilite la logistique. Cluny devient ainsi un pĂŽle oĂč se structurent des initiatives liturgiques, caritatives et intellectuelles qui influencent durablement la chrĂ©tientĂ© latine. Les souverains, souvent confrontĂ©s Ă des tensions politiques ou morales, recherchent lâavis de lâabbĂ© de Cluny, non pour recevoir une direction extĂ©rieure Ă leur pouvoir, mais parce que lâabbaye reprĂ©sente un lieu oĂč la stabilitĂ©, la priĂšre continue et lâexpĂ©rience du gouvernement monastique offrent un appui solide dans un monde marquĂ© par les rivalitĂ©s. Lâimportance de Cluny tient aussi Ă sa capacitĂ© Ă inspirer dâautres communautĂ©s, Ă encourager une vie rĂ©guliĂšre plus ordonnĂ©e et Ă servir de relais pour la diffusion des manuscrits et des idĂ©es. En donnant un cadre clair et fidĂšle Ă la tradition bĂ©nĂ©dictine, Cluny façonne ainsi une partie de lâidentitĂ© religieuse et culturelle de lâOccident mĂ©diĂ©val.
Aller plus loin
Vita Adelheidis (Vita Adelheidis abbatissae Vilicensis), hagiographie rĂ©digĂ©e par Bertha de Vilich (XIe siĂšcle). Ădition critique MGH (Monumenta Germaniae Historica).
En complément
Monique Goullet et Dominique IognaâPrat, (dir. Patrick Corbet), AdĂ©laĂŻde de Bourgogne : genĂšse et reprĂ©sentations dâune saintetĂ© impĂ©riale, Ăditions universitaires de Dijon / CTHS, 2002.
Chanoine L. Chaumont, Histoire de Cluny : depuis les origines jusquâĂ la ruine de lâabbaye, 2e Ă©dition, Gallica / BnF, 2007. Une histoire classique de Cluny, utile pour saisir lâĂ©volution de lâabbaye et son influence.
16/12/2025
La mobilisation des Ă©leveurs qui sâinsurgent contre lâabatage systĂ©matique des troupeaux en cas de dermatose nodulaire contagieuse, fait depuis plusieurs jours la une de lâactualitĂ© et attire de nouveau lâattention des mĂ©dias sur la situation souvent dramatique des agriculteurs dans notre pays.
Cette colĂšre des agriculteurs est on ne peut plus comprĂ©hensible, dans la mesure oĂč lâabatage de tout un troupeau rĂ©duit pour ainsi dire Ă nĂ©ant le travail de toute une vieâŠ
Câest la raison pour laquelle plusieurs syndicats agricoles sâopposent Ă la politique dâabattage total, quâĂ tort ou Ă raison ils jugent injuste et inefficace, prĂ©conisent lâabattage ciblĂ© des animaux effectivement infectĂ©s, et proposent une stratĂ©gie prĂ©ventive fondĂ©e sur la vaccination du cheptel dans les zones Ă risque et si nĂ©cessaire, sur lâensemble du territoire national.
Les inquiĂ©tudes du monde agricole sont dâautant plus vives que lâaccord de libre-Ă©change entre lâUnion europĂ©enne et le Mercosur, qui pourrait ĂȘtre adoptĂ© par le Conseil de lâEurope Ă Bruxelles les 18 et 19 dĂ©cembre, prĂ©voit de facto lâimportation de dizaines de milliers de tonnes supplĂ©mentaires de viande bovine et de volaille en provenance de plusieurs pays dâAmĂ©rique du Sud, qui ne sont nullement tenus de respecter les normes environnementales et sanitaires auxquelles nos agriculteurs et nos Ă©leveurs sont soumis.
Dans ces conditions, le combat lĂ©gitimement menĂ© par les agriculteurs et les Ă©leveurs qui luttent pour leur dignitĂ© et leur survie, et par consĂ©quent, pour la pĂ©rennitĂ© de lâagriculture française, ne peut laisser quiconque indiffĂ©rent.
A-t-on suffisamment conscience quâen France, prĂšs de 20% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvretĂ© et que les statistiques officielles font Ă©tat de plus dâun suicide dâagriculteur tous les deux jours ?
Les agriculteurs sont aujourdâhui deux fois moins nombreux quâil y a 15 ou 20 ans, et si lâon en croit M. François Guillaume (ancien prĂ©sident de la FNSEA et ancien Ministre de lâagriculture), la France « perd chaque annĂ©e des dizaines de milliers dâhectares de terres cultivables, plusieurs centaines de milliers de tĂȘtes de bĂ©tail et, bientĂŽt, la capacitĂ© de nourrir les Français ».
Mais peut-on vraiment imaginer une France sans paysans ? Ce serait bien évidemment une tragédie pour le monde rural dans son ensemble et pour nos territoires, mais aussi, la fin de la « souveraineté alimentaire » du pays.
Aux agriculteurs des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques ou dâailleurs qui souffrent et qui luttent pour un modĂšle agricole plus juste et plus conforme aux exigences du Bien commun, jâexprime mon profond respect, ma proximitĂ© et mon soutien fraternel, tout en les assurant de ma priĂšre pour eux-mĂȘmes et leurs familles.
+Marc Aillet
Ă©vĂȘque de Bayonne, Lescar et Oloron
Fait à Bayonne, le 15 décembre 2025
15/12/2025
Distinguer l'Europe de sa bureaucratie
Rod Dreher commence par dissiper un malentendu fondamental : la critique américaine vise les institutions supranationales, non les nations. S'appuyant sur ses échanges avec Michael Anton, ancien conseiller de Trump et rédacteur de la stratégie incriminée, Dreher souligne une distinction cruciale. L'administration Trump ne rejette pas les peuples européens, leurs cultures ou leur histoire ; elle rejette la bureaucratie de l'Union européenne qui, selon elle, étouffe les spécificités nationales.
« Je ne suis pas un fan de lâUnion europĂ©enne en tant que bureaucratie, mais jâaime les pays europĂ©ens, leurs peuples et leurs cultures. » â Michael Anton citĂ© par R. Dreher.
Pour Dreher, francophile revendiqué, aimer l'Europe, c'est aimer ce qui la rend spécifique : le génie français, les cathédrales, l'art de vivre. Or, c'est précisément cet héritage que les élites actuelles trahissent.
L'immigration et la « déculturation »
L'auteur aborde sans dĂ©tour la question migratoire, qu'il lie directement Ă la prĂ©servation du patrimoine culturel. Il cite l'exemple de Vienne, oĂč 41 % des Ă©lĂšves sont dĂ©sormais musulmans, pour illustrer ce qu'il perçoit comme une substitution culturelle progressive.
Son argumentaire se veut toutefois nuancĂ© : reconnaĂźtre le danger de l'immigration de masse pour l'identitĂ© europĂ©enne n'est pas de la haine, mais du bon sens. De la mĂȘme maniĂšre que l'Ăgypte s'inquiĂ©terait d'une colonisation culturelle europĂ©enne, l'Europe a le droit â et le devoir â de prĂ©server sa singularitĂ©.
La trahison des clercs et l'anti-culture
Le point le plus philosophique de l'article réside dans la critique des élites occidentales (politiques, médiatiques, artistiques). Dreher convoque le sociologue Philip Rieff pour dénoncer une « anti-culture » : un mouvement qui cherche à détruire l'ordre sacré et les racines chrétiennes de l'Occident au nom du désir individuel.
Il prend pour exemple une exposition d'art contemporain Ă Vienne tournant le christianisme en dĂ©rision (une grenouille crucifiĂ©e), cautionnĂ©e par l'Ăglise elle-mĂȘme en la personne de l'archevĂȘque d'InnsbrĂŒck. Pour Dreher, ces « Ćuvres de mort » (deathworks) prouvent que l'Occident tente de survivre en niant ses propres sources de vie.
Un électrochoc nécessaire
Rod Dreher conclut son plaidoyer en présentant le message de Donald Trump comme une forme d'« amour vache ». En heurtant la sensibilité des élites technocratiques, l'Amérique tenterait en réalité de réveiller les peuples européens.
Le message est clair : pour que l'AmĂ©rique soit grande, elle a besoin d'une Europe qui l'est tout autant. Et cette grandeur ne passera pas par le projet mondialiste de Bruxelles, mais par un sursaut mĂ©moriel et spirituel. Loin d'ĂȘtre un ennemi, le Trumpisme est ici dĂ©peint comme le miroir tendu Ă une Europe qui a oubliĂ© qui elle Ă©tait, l'invitant Ă puiser dans son passĂ© chrĂ©tien et national pour assurer son futur.
Rod Dreher est Ă©crivain amĂ©ricain, professeur associĂ© au Danube Institute Ă Budapest. Son dernier essai : Comment retrouver le goĂ»t de Dieu dans un monde qui lâa chassĂ© (Ăditions ArtĂšge, 2025)