Le blog du Temps de l'Immaculée.
12/11/2025
Ce sont les circonstances qui ont favorisĂ© la proximitĂ© entre mĂšre et fils, proximitĂ© Ă©mouvante et fĂ©conde, bien quâexcessivement fusionnelle parfois. AprĂšs la mort brutale de son pĂšre, en 1904 - il a 4 ans -, puis de son frĂšre cadet en 1917 - il en a alors 17 -, voilĂ Antoine devenu le seul homme de la maison. Veuve et mĂšre Ă©prouvĂ©e, Marie sâappuie sur ce fils un brin capricieux mais si aimant, quâelle avait implorĂ© saint Antoine de lui donner, aprĂšs la naissance de deux filles.
Une relation privilégiée
Empreinte dâune touchante dĂ©licatesse, leur correspondance, partiellement dĂ©voilĂ©e au grand public, ne laisse aucun doute : ces deux-lĂ sâaimaient dâamour tendre et Antoine nâaurait pas rejoint la cohorte de nos grands Ă©crivains et poĂštes français experts en humanitĂ© sâil nâavait Ă©tĂ© profondĂ©ment influencĂ© par sa mĂšre.
Enfant, il lui assurait fiĂšrement : "Vous ĂȘtes fatiguĂ©e, maman, appuyez-vous sur moi, je suis votre chevalier !". Adolescent, il ne cesse de lui rĂ©pĂ©ter combien il lui est attachĂ©, combien il lâaime "du fond du cĆur". Homme mĂ»r, dĂ©sespĂ©rĂ© par lâaffaissement moral et spirituel de la France occupĂ©e, il lui Ă©crit quatre ans avant sa mort : "Jâai infiniment besoin de votre tendresse, maman chĂ©rie, ma petite maman. Pourquoi faut-il que tout ce que jâaime sur terre soit menacĂ© ? (âŠ) La seule fontaine rafraĂźchissante, je la trouve dans certains souvenirs dâenfance."
Quelle mĂšre ne rĂȘverait se dâentendre dire "Dites-vous bien que de toutes les tendresses la vĂŽtre est la plus prĂ©cieuse et que l'on revient dans vos bras aux minutes lourdes. Et que l'on a besoin de vous, comme un petit enfant, souvent. Et que vous ĂȘtes un grand rĂ©servoir de paix et que votre image rassure autant que lorsque vous donniez du lait Ă vos tout-petits." ? (Lettre de 1930).
Une influence bienfaisante et protectrice
De fait, Marie a transmis Ă son fils son amour du beau, son attachement aux valeurs morales (courage, obĂ©issance, sens du devoir), son goĂ»t pour le silence et lâintĂ©rioritĂ©, sa foi en la dignitĂ© de tout ĂȘtre, quel quâil soit. Convaincue du talent dâAntoine, elle ne cessa de lâencourager Ă Ă©crire et eut la primeur de presque tous ses manuscrits. La quintessence de lâĆuvre de Saint-ExupĂ©ry, son humanisme tourmentĂ©, ses appels dĂ©sespĂ©rĂ©s pour la sauvegarde de la civilisation, sa quĂȘte des cimes lui viennent de sa mĂšre, sa fĂ©e tutĂ©laire. Ne lui doit-il pas dâavoir eu souvent la vie sauve, lui qui bravait parfois le danger avec un zeste dâinconscience ou la fougue dâun conquĂ©rant ?
Ceux pour qui la communion des saints est une rĂ©alitĂ© tangible nâen douteront pas : Marie prie sans cesse pour son fils, le recommande au Tout-Puissant au cours de messes en semaine, le confie Ă ses deux enfants appelĂ©s auprĂšs du PĂšre, François et Marie-Madeleine ("que nos anges veillent sur toi" lui Ă©crit-elle en septembre 1939, au dĂ©but de la guerre).
Quand Antoine, en 1935, sâĂ©crase en avion dans le dĂ©sert libyen et manque dây laisser sa peau, sa mĂšre exhorte ses proches convaincus de sa mort Ă prier encore et Ă croire au miracle. ExaucĂ©e, elle se rend Ă Assise dans le couvent de Saint-Damien pour rendre grĂące Ă Dieu et remercier le Poverello pour son intercession. Le pilote lui avoue dâailleurs que câest avant tout son image qui lui a permis de tenir pendant ces trois jours dâerrance oĂč la chaleur et la soif faillirent avoir raison de lui. Ne lâa-t-il pas toujours considĂ©rĂ©e comme "son ange gardienne" ?
Médiatrice auprÚs du PÚre
Marie ne sâest pas contentĂ©e dâimplorer le Seigneur pour la protection de son fils. Meurtrie que ce dernier ait perdu Sa trace aprĂšs la mort de son petit frĂšre, elle ne cessa jamais de prier pour quâil retrouve la foi. En 1940, elle adresse Ă Antoine ces mots bouleversants : "Je voudrais que tu sois en paix, je dis au bon Dieu que je prends tout sur moi, tout ce qui dans ta vie a pu ĂȘtre imparfait, je Lui dis aussi que tu as fait beaucoup de bien, que tes livres ont rĂ©veillĂ© beaucoup d'Ăąmes."
Telle sainte Monique, la mĂšre de saint Augustin, elle ne perdit jamais lâespoir dâĂȘtre exaucĂ©e un jour⊠et ce jour vint. Plus dâun an aprĂšs la disparition de son fils, en septembre 1945, elle eut une vision quâelle transcrivit dans un poĂšme : Antoine dans la maison du PĂšre accueilli par tous ses proches morts avant luiâŠ
Ce que le livre posthume de lâĂ©crivain poĂšte Citadelle lui faisait pressentir se rĂ©vĂ©lait donc vrai : Ă la toute fin de sa traversĂ©e terrestre, lâauteur du Petit Prince avait retrouvĂ© le Dieu de son enfance ! Dans cet ultime manuscrit, Antoine nâĂ©crivait-il pas, sans doute en mĂ©moire de sa foi en la vertu des priĂšres maternelles : "Je ne connais qu'un acte fertile qui est la priĂšre, mais je connais aussi que tout acte est priĂšre s'il est don de soi pour devenir." ? Lâune des nombreuses apostrophes adressĂ©es au CrĂ©ateur par un vieux souverain du dĂ©sert, personnage-clĂ© de ce recueil : "Seigneur, je vais Ă toi, selon ta grĂące, le long de la pente qui fait devenir" ne fait-elle pas Ă©cho Ă une exhortation de sa mĂšre, aprĂšs la parution de Courrier Sud en 1929, soit 15 ans plus tĂŽt "Abandonne-toi au Seigneur, rĂ©pĂšte-Lui chaque jour : Seigneur je vais Ă Toi selon Ta grĂące. Ta foi n'est pas Ă©teinte puisque tu n'as pas perdu l'essentiel : le goĂ»t de Dieu." ? Cette lecture avait convaincu Marie que son fils Ă©tait revenu Ă Dieu. Sa vision acheva de lâen convaincre et lui rendit la paix, paix quâelle avait implorĂ© le PĂšre de lui donner : "Mon Dieu, vous m'avez tout repris/ Donnez-moi la paix Ă ce prix."
Raphaëlle Coquebert dans ALETEIA
Lettres à sa mÚre, Antoine de Saint-Exupéry, Gallimard, 1997, 8 euros.
11/11/2025
Elle est la Vierge ImmaculĂ©e, pleine de grĂące dĂšs sa conception, la plus belle de toutes les crĂ©atures. Par son oui, libre et amoureux, elle est « cause de salut pour elle-mĂȘme et pour tout le genre humain », comme lâaffirmait avec force saint IrĂ©nĂ©e ; elle est la Fille obĂ©issante du PĂšre, la MĂšre du Fils de Dieu, lâEpouse de lâEsprit Saint qui la prit sous son ombre quand elle eut consenti Ă lâIncarnation⊠Comment, si tout cela est vrai (et câest bien ce que lâEglise nous demande de croire), Marie ne serait-elle pas co-rĂ©demptrice et mĂ©diatrice de toutes grĂąces ? Par elle, grĂące Ă elle, JĂ©sus-Christ, notre unique Salut, est entrĂ© dans le monde pour y rĂ©aliser lâĆuvre de la RĂ©demption. Marie a consenti Ă son sacrifice, elle sây est associĂ©e librement et sans rĂ©serve, elle donne son Fils par tout son ĂȘtre, de toute son Ăąme et de tout son corps.
Et dâailleurs sâil est demandĂ© Ă chacun de nous-autres, pauvres pĂ©cheurs, dâachever dans sa chair ce qui manque Ă la passion du Christ, câest-Ă -dire de coopĂ©rer Ă lâĆuvre de la RĂ©demption, combien plus peut-on dire que Marie la toute sainte y a coopĂ©rĂ© de maniĂšre unique et prééminente ? Si on ne peut dire quâelle est co-rĂ©demptrice, notre propre coopĂ©ration au salut nâexiste plusâŠ
Mater Populi Fidelis, la note du DicastĂšre pour la Doctrine de la foi qui refuse dâattribuer explicitement ces titres de co-rĂ©demptrice et de mĂ©diatrice de toutes les grĂąces Ă la TrĂšs Sainte Vierge Marie, suggĂšre quâils ne sont pas erronĂ©s, mais quâil ne faut pas les dire. Notamment parce quâils exigent quelques explications. Nul ne conteste ce dernier point, mais est-ce vraiment une raison acceptable pour refuser de proclamer une vĂ©ritĂ© ? Nous savons bien que le mystĂšre nous dĂ©passe et que son expression exige des explications claires. Le dogme se dĂ©finitâŠ
Marie Co-rédemptrice et médiatrice de toutes grùces : une évidence « inopportune » ?
La Note affirme donc que la proclamation de ces titres est « toujours inopportune ».
Comme si la chose nâĂ©tait pas importante, comme sâil nâĂ©tait pas urgent de dire et redire, sur tous les tons, avec amour et parce quâil nous faut honorer pĂšre et mĂšre, le rĂŽle incomparable, quoiquâĂ©videmment subordonnĂ©, jouĂ© par la Vierge dans lâĂ©conomie du salut⊠Sâil est une co-rĂ©demptrice et une mĂ©diatrice de toutes les grĂąces, câest cela prĂ©cisĂ©ment qui nous dit que nous devons aller Ă JĂ©sus par Marie. Câest le secret de Marie quâenseigne encore et toujours saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Totus Tuus disait Ă sa suite la devise de Jean-Paul IIâŠ
Marie est MĂšre de Dieu. En faisant lâoffrande de son Fils au temple, elle a consenti Ă toute la volontĂ© de Dieu, de la Sainte TrinitĂ©, au sujet de son plan de salut. Au glaive qui transpercerait son Ăąme et aux clous et Ă la lance qui transperceraient le corps de JĂ©sus.
Marie est MĂ©diatrice. Au jour des noces de Cana, alors que lâheure de la mort de notre Seigneur nâĂ©tait pas encore venue, elle a prĂ©sentĂ© les besoins des Ă©poux Ă son Fils, et elle a obtenu la grĂące du bon vin, figure du sang qui allait ĂȘtre versĂ© par le CrucifiĂ©.
Marie la toute innocente est Avocate au pied de la Croix. Elle a vu le plus innocent des hommes torturĂ© et souffrant avant de subir cette mort Ă laquelle elle a consenti. Dans nâimporte quel procĂšs humain, elle aurait Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme partie civile, en droit de dĂ©noncer lâiniquitĂ© de la crucifixion, et demander rĂ©paration. Mais non, elle plaide pour nous, pauvres pĂ©cheurs qui lui demandons, dans chaque Ave Maria, grĂące pour les malfaiteurs que nous sommes. Pour que nos fautes dont elle a si cruellement souffert soient effacĂ©es et rĂ©parĂ©es.
Marie Co-rĂ©demptrice et mĂ©diatrice parce quâelle est MĂšre
Marie est MĂšre au pied de la Croix, elle a compati aux souffrances de son fils. Toute femme ayant donnĂ© la vie comprend quâune mĂšre souffre presque autant que son enfant de la douleur et des souffrances qui le frappent. Marie a Ă©tĂ© vĂ©ritablement associĂ©e au sacrifice rĂ©dempteur. Elle y a participĂ© dâune maniĂšre inconcevable pour le commun des mortels, car il nây a en elle, pleine de grĂące, quâamour de Dieu.
Marie est MĂšre de tous les hommes depuis lâinstant oĂč JĂ©sus a exprimĂ© cette derniĂšre volontĂ©. Quelle mĂšre serait-elle si elle ne donnait pas Ă ses enfants qui lâimplorent les grĂąces obtenues par son Fils du fait de son indispensable « oui » Ă elle ?
Elle est MĂšre de lâEglise qui nous distribue et communique son Fils lui-mĂȘme. Hors de lâEglise, point de salut. Ne pourrait-on pas dire dĂšs lors : « Fors Marie, point de salut ? » On nâa pas lâune sans lâautreâŠ
Elle est Reine du Ciel et Reine de lâUnivers â ce Cosmos dont je me plais Ă penser quâil fut sa dot, de telle sorte que le CrĂ©ateur le conçut merveilleusement beauâŠ
Elle est la Reine-MĂšre de Notre Seigneur qui est notre Roi⊠Nâest-il pas vrai que dans lâAncien Testament, câest la mĂšre du roi qui est assise Ă sa droite et que mĂȘme le roi se lĂšve Ă son entrĂ©e ? Nâest-ce pas elle qui est chargĂ©e de prĂ©senter les demandes du peuple, et que le Roi les honore non par devoir, mais par amour filial ?
« Faites tout ce quâIl vous dira », dit la Vierge MĂšre Ă Cana, car elle sait quâelle sera elle-mĂȘme entendue, Ă©coutĂ©e, exaucĂ©e.
Par amour filial Ă notre tour, et parce quâelle nous donne Dieu lui-mĂȘme, nous honorons en elle la Co-rĂ©demptrice et la MĂ©diatrice de toutes grĂąces.
10/11/2025
Célébrer les saints, honorer les morts
Avec la pĂ©dagogie quâon lui connaĂźt, lâĂglise, en ce dĂ©but du mois de novembre, ne lie donc point par hasard la fĂȘte de la Toussaint avec celle de la commĂ©moraison des fidĂšles dĂ©funts.
CĂ©lĂ©brer les saints qui, ici-bas, ont vĂ©cu en amis de JĂ©sus et ont manifestĂ© de maniĂšre significative la puissance de la victoire du Christ dans leur Ăąme ; honorer les morts qui, entrĂ©s dans leur Ă©ternitĂ©, rĂ©clament nos priĂšres pour se laisser, Ă leur tour et Ă la suite des saints, possĂ©der par Dieu tout entier. Une mĂ©ditation sâimpose : si la mort fait partie de la vie, il sâagit de ne pas oublier trop vite aussi que la saintetĂ© doit faire partie de la vie chrĂ©tienne. Ou, Ă dĂ©faut quâelle nâen tienne la meilleure place, ambitionner Ă tout le moins de commencer Ă lâavoir pour but.
« Que demandez-vous Ă lâĂglise de Dieu ? » interroge le ministre au commencement du rituel du baptĂȘme, « La Foi ! » rĂ©pondent les parrain et marraine. « Que vous procure la foi ? », « La vie Ă©ternelle ! ». Ainsi, cet ĂȘtre de sang et de boue quâest lâhomme se trouve appelĂ©, dĂšs le frĂ©missement de la vie en lui, au plus glorieux des hĂ©ritages. Dieu veut que lâhumanitĂ© dans son ensemble relĂšve la tĂȘte vers la lumiĂšre, cette « lumiĂšre vĂ©ritable » (Jn 1, 9) qui brille dans la personne de son fils, jaillit de son Ăvangile et Ă©clate dans lâenseignement constant de son Ăglise.
« La foi, expliquait, espiĂšgle, Gustave Thibon, câest la noblesse de lâhomme qui, une fois dĂ©grisĂ©, tient ses promesses dâivrogne. » Oui, il y a dans lâhygiĂšne de vie chrĂ©tienne â celle-lĂ qui fait les saints â quelque chose de profondĂ©ment contre-intuitif et dâapparence dĂ©raisonnable. Cette foi, qui donne droit Ă la vie Ă©ternelle, paraĂźt, Ă vue humaine, insensĂ©e.
Elle fait rire les mondains et suscite lâironie des puissants, comme on a pu le voir derniĂšrement Ă lâoccasion du succĂšs du film SacrĂ© CĆur, contre tous les pronostics et les coups bas de lâentre-soi « mĂ©diatiquement correct ». Ă ce monde du spectacle, saint Paul pourrait Ă nouveau lancer ses percutantes envolĂ©es sur la folie raisonnable du message divin. Sa premiĂšre lettre aux Corinthiens en est truffĂ©e :
« Dieu a choisi ce qui est folie pour le monde afin de confondre les sages. » (1 Co 1, 27)
« Que personne ne sây trompe : si quelquâun parmi vous se croit sage selon ce monde, quâil devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. » (1 Co 3, 18-19)
« Nous sommes fous à cause du Christ. » (1 Co 4, 10)
« Car ce qui serait folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes. » (1 Co 1, 25)
Tel est lâenjeu de notre propre conversion : devenir raisonnablement fou. Sâinterdire dâapprĂ©hender la saintetĂ© comme une affaire de dĂ©veloppement personnel, sâempĂȘcher de croire que lâamitiĂ© avec Dieu est question de recette. On ne sâinitie pas Ă la saintetĂ© selon la mĂȘme logique cognitive de lâapprentissage dâune langue Ă©trangĂšre. Pas dâapplication DuoSancto comme Duolingo.
De mĂȘme, pas de croissance dans la grĂące Ă la maniĂšre dâune prise de masse musculaire. Pratiquer les commandements rĂ©clame tout autre chose quâune docilitĂ© scrupuleuse Ă des exercices quotidiens, tels quâils peuvent ĂȘtre prĂ©conisĂ©s par le youtubeur Tibo InShape.
Aimer Dieu follement avec toute sa raison
Quâest-ce que la saintetĂ©, sinon dâaimer Dieu follement avec toute sa raison ? Lâaimer et lui plaire certes, mais avec une prĂ©cision de taille : « en tĂąchant dâanĂ©antir son amour-propre pour faire vivre et rĂ©gner lâamour de Dieu » (saint François de Sales).
ReconnaĂźtre lâincohĂ©rence de ses certitudes pour vivre de lâamour de Dieu, câest cet « anĂ©antissement de lâamour-propre » dont Bruno Guillot a fait lâexpĂ©rience saisissante, jusquâĂ modifier le cours de sa vie : Belge converti au salafisme, imam repenti redevenu catholique, vous pourrez lire son formidable tĂ©moignage dans ce numĂ©ro.
« Faire vivre et rĂ©gner lâamour de Dieu », câest encore tout le projet du CongrĂšs Mission qui se tient actuellement Ă Paris-Bercy et qui sâattache Ă rassembler, sans exclusive, tous ceux qui aspirent Ă diffuser le message dâamour et de vĂ©ritĂ© de lâĂglise. Comme quoi, la saintetĂ© nâa pas dit son dernier mot. Et vous ?
09/11/2025
Câest prĂ©cisĂ©ment ce dernier type de consistoire qui caractĂ©rise la convocation que le pape LĂ©on XIV entend tenir au dĂ©but de lâannĂ©e prochaine. Dans une communication confidentielle adressĂ©e le 6 novembre par le SecrĂ©tariat dâĂtat aux membres du SacrĂ© CollĂšge , il est indiquĂ© que « le Saint-PĂšre LĂ©on XIV entend convoquer un consistoire extraordinaire les 7 et 8 janvier 2026 ». La note, signĂ©e avec la formule de respect habituelle, prĂ©cise simplement que le doyen du CollĂšge des cardinaux communiquera en temps voulu les dĂ©tails officiels. Rien n'a encore Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© quant au thĂšme de la rĂ©union, mais cette annonce suffit Ă susciter attente et interrogations .
AprĂšs des annĂ©es oĂč la gouvernance de l'Ăglise s'est exercĂ©e par des cercles restreints et des instances parallĂšles â comme le Conseil des Neuf Cardinaux instituĂ© par le pape François et surnommĂ© au Vatican « le Conseil du Roi » â, LĂ©on XIV semble dĂ©sormais dĂ©terminĂ© Ă redonner au CollĂšge des Cardinaux son rĂŽle originel : conseiller le pape de maniĂšre collĂ©giale et universelle . Le 21 avril 2025 , le Conseil a Ă©tĂ© dissous et les thĂ©ologiennes invitĂ©es Ă s'exprimer sur l' ordination des femmes et autres sujets mineurs sont rentrĂ©es chez elles.
Avant François, BenoĂźt XVI prĂ©fĂ©rait remplacer ces instances par des rĂ©unions informelles Ă la veille de la crĂ©ation de nouveaux cardinaux, tandis que saint Jean-Paul II convoqua six consistoires extraordinaires : trois concernant la rĂ©forme de la Curie et les finances du Vatican , et trois consacrĂ©s Ă la doctrine et des thĂšmes pastoraux de grande portĂ©e â de la dĂ©fense de la vie Ă la prĂ©paration du JubilĂ© de lâan 2000 , et enfin la rĂ©flexion sur la mission de lâĂglise au XXIe siĂšcle Ă la lumiĂšre de lâ encyclique Novo Millennio Ineunte (2001). Le premier consistoire extraordinaire du pape François remonte aux 20 et 21 fĂ©vrier 2014 , lorsque les cardinaux se sont rĂ©unis pour discuter de la famille , en prĂ©paration des deux synodes de 2014 et 2015. Les 29 et 30 aoĂ»t 2022 , malgrĂ© la mention dâune « rĂ©union de cardinaux » par le Bureau de presse du Saint-SiĂšge, il sâagissait en rĂ©alitĂ© dâun consistoire extraordinaire convoquĂ© pour « informer les cardinaux » de la nouvelle constitution apostolique Praedicate Evangelium concernant la rĂ©forme de la Curie romaine . Ă cette occasion, plusieurs cardinaux ont dĂ©plorĂ© dâavoir Ă©tĂ© convoquĂ©s seulement aprĂšs la publication du document, un texte qui restructurait lâensemble de la Curie .
Un signe de mĂ©thode , avant mĂȘme toute question de contenu.
Ce geste de LĂ©on XIV revĂȘt une signification qui dĂ©passe le sujet qui sera abordĂ©. La forme mĂȘme du consistoire symbolise un retour Ă la collĂ©gialitĂ© ecclĂ©siale , aprĂšs une longue pĂ©riode durant laquelle de nombreux cardinaux ont dĂ©plorĂ© leur exclusion des processus dĂ©cisionnels . Ce n'est pas un hasard si, lors des congrĂ©gations gĂ©nĂ©rales prĂ©cĂ©dant le conclave , plusieurs cardinaux avaient exprimĂ© le dĂ©sir d'un pape capable d'Ă©couter et d' associer l'ensemble du cardinalat .
LĂ©on XIV semble dĂ©terminĂ© Ă rĂ©pondre Ă cette attente, en choisissant de convoquer tous les cardinaux , et non seulement un petit groupe de conseillers de confiance ou de « thĂ©ologiens ». Dans l'attente du thĂšme, on a le sentiment que ce consistoire extraordinaire pourrait marquer un tournant , non pas tant par ce qui sera dit , mais par ce qu'il reprĂ©sente . Une Ăglise qui retrouve le droit de dĂ©libĂ©rer ensemble , en prĂ©sence de son Pasteur , est dĂ©jĂ une Ăglise qui respire Ă nouveau pleinement .
Source : Silere non Possum (Italie)
08/11/2025
Un droit fondamental bafoué : Le Rapport 2025 de l'AED
Le Rapport 2025 sur la libertĂ© religieuse dans le monde, rĂ©alisĂ© par la fondation pontificale Aide Ă l'Ăglise en DĂ©tresse (AED), dresse un Ă©tat des lieux dramatique de la situation entre janvier 2023 et dĂ©cembre 2024.
Deux tiers de l'humanité menacés
PortĂ©e et Aggravation : Sur 196 pays Ă©tudiĂ©s, plus de 5,4 milliards de personnes (soit prĂšs des deux tiers de l'humanitĂ©) vivent dans un Ătat oĂč la libertĂ© religieuse est gravement menacĂ©e.
Pays de PersĂ©cution : 24 pays sont classĂ©s dans la catĂ©gorie la plus grave, celle de la persĂ©cution, oĂč les violations sont "graves et systĂ©miques". Cela concerne plus de 1,4 milliard de personnes dans des pays comme la Chine, la CorĂ©e du Nord, l'Inde, le Nigeria et le Nicaragua.
Pays de Discrimination : 38 pays sont classĂ©s dans la catĂ©gorie des discriminations, oĂč les groupes religieux (soit 1,3 milliard de personnes) font face Ă des restrictions de culte et d'expression, notamment l'Ăgypte, l'Ăthiopie et la Turquie.
Situation en DĂ©clin : L'Ă©tat global de la libertĂ© religieuse ne s'est pas amĂ©liorĂ© depuis le prĂ©cĂ©dent rapport, avec une aggravation de la situation dans 75% des pays de persĂ©cution. Seuls le Sri Lanka et le Kazakhstan ont montrĂ© une lĂ©gĂšre amĂ©lioration, tout en restant des pays oĂč les droits sont encore profondĂ©ment bafouĂ©s.
Le bilan particuliÚrement lourd pour les Chrétiens
Le christianisme reste la confession la plus touchée par la violence et la répression :
Chiffres alarmants : Un chrĂ©tien sur six dans le monde vit dans un pays oĂč les persĂ©cutions antichrĂ©tiennes reprĂ©sentent une menace forte.
Exemples de Violences :
Au NigĂ©ria, plus de 1 600 victimes chrĂ©tiennes ont Ă©tĂ© recensĂ©es depuis 2023, la majoritĂ© Ă©tant victimes des violences menĂ©es par Boko Haram et l'Ătat islamique.
En Chine, le rapport fait état de morts sous la torture, de la surveillance électronique des églises et de l'interdiction formelle faite aux mineurs d'assister à la messe.
En Irak, des centaines de chrĂ©tiens auraient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, avec des interdictions similaires de pratique religieuse pour les mineurs.
L'Europe n'est pas épargnée par les actes antichrétiens
Bien que l'Occident ne soit pas classé dans les catégories de violations graves, le rapport note une augmentation significative des attaques contre les sites et les fidÚles chrétiens :
La France en tĂȘte : Avec environ 1 000 actes anti-chrĂ©tiens enregistrĂ©s en 2023, la France est identifiĂ©e par AmĂ©lie Berthelin de l'AED comme le pays d'Europe le plus touchĂ© par ce type d'actes.
Autres pays concernĂ©s : La GrĂšce (plus de 600 cas de vandalisme d'Ă©glises), l'Italie, l'Espagne, les Ătats-Unis et la Croatie sont Ă©galement citĂ©s pour des profanations de lieux de culte, des agressions de membres du clergĂ© et des perturbations d'offices religieux.
Un appel Ă la conscience et Ă l'action
Face Ă cette "souffrance cachĂ©e", l'AED passe Ă l'action en lançant, pour la premiĂšre fois de son histoire, une pĂ©tition mondiale pour la protection du droit Ă la libertĂ© religieuse. L'objectif est double : susciter une rĂ©elle prise de conscience auprĂšs des signataires et, surtout, interpeller les responsables politiques afin qu'ils "prennent Ă leur tour la mesure de lâenjeu". L'urgence de la situation globale ne fait que souligner la nĂ©cessitĂ© de cet engagement.
07/11/2025
Le 4 novembre 2025, lors de lâouverture de lâAssemblĂ©e plĂ©niĂšre dâautomne des Ă©vĂȘques de France Ă Lourdes, le cardinal Jean-Marc Aveline a pris la parole devant lâensemble de lâĂ©piscopat. Sâinscrivant dans la continuitĂ© du magistĂšre de ses prĂ©dĂ©cesseurs, le cardinal Aveline a alertĂ© sur la fragilitĂ© du climat social et politique en France, affirmant que « la dĂ©mocratie elle-mĂȘme semble ĂȘtre en danger, comme le rĂ©vĂšlent la recrudescence de lâantisĂ©mitisme et lâattrait exercĂ© par des populismes devenus menaçants ». Ces mots, prononcĂ©s avec gravitĂ©, traduisent une inquiĂ©tude face Ă la montĂ©e des divisions et Ă la perte du sens spirituel dans la vie publique. Pour lui, la dĂ©rive du dĂ©bat dĂ©mocratique et la banalisation des discours de haine tĂ©moignent dâune crise plus profonde. Citant le patriarche BartholomĂ©e, il a rappelĂ© : « Lorsque Dieu disparaĂźt du regard humain, la terre devient un bien Ă exploiter, lâautre un rival Ă craindre et la vie elle-mĂȘme une marchandise. »
Le cardinal a Ă©galement appelĂ© Ă une attention particuliĂšre envers les jeunes gĂ©nĂ©rations, dont il a voulu comprendre les aspirations : « Ce dĂ©sir dâidentitĂ© taraude le cĆur de nombreux jeunes et nous devons le considĂ©rer positivement, le comprendre et le nourrir, afin quâil ne soit pas rĂ©cupĂ©rĂ© pour servir dâalibi Ă de dangereuses crispations identitaires. » Selon lui, ce besoin dâenracinement ne doit pas ĂȘtre jugĂ© mais accompagnĂ©, pour quâil devienne un chemin dâouverture et non de fermeture.
Pour Ă©clairer la mission de lâĂglise dans ce contexte, le cardinal Aveline sâest rĂ©fĂ©rĂ© Ă Jean-Paul II, citant lâencyclique Dominum et vivificantem (1986) : « Il est beau et salutaire de penser que, partout oĂč lâon prie dans le monde, lâEsprit Saint, souffle vital de la priĂšre, est prĂ©sent. » Il a ajoutĂ© : « Je dois au pape Jean-Paul II dâavoir mieux compris, pour tout ce qui concerne la mission, lâurgence dâune solide thĂ©ologie trinitaire et notamment dâune pneumatologie (câest-Ă -dire la partie de la thĂ©ologie qui Ă©tudie la personne et lâaction du Saint-Esprit). » Le prĂ©lat a ensuite rĂ©sumĂ© cette vision en une formule marquante : « LâĂglise sâessouffle vite si elle prĂ©tend souffler Ă la place de lâEsprit. » Cette image, simple et percutante, illustre la conviction que la fĂ©conditĂ© pastorale naĂźt de la docilitĂ© Ă lâEsprit Saint et non dâune activitĂ© purement humaine.
Ăvoquant enfin la pensĂ©e de BenoĂźt XVI, le cardinal Aveline a rappelĂ© le dialogue que le cardinal Ratzinger avait menĂ© avec le philosophe JĂŒrgen Habermas en 2004 : « Peut-ĂȘtre nous faudra-t-il [âŠ] avoir le courage de dĂ©noncer, grĂące Ă la raison, les pathologies de la religion, lorsque celle-ci prĂ©fĂšre la contrainte Ă la libertĂ©, et, dans le mĂȘme temps, dĂ©noncer, grĂące Ă la religion, les pathologies de la raison, lorsque celle-ci choisit dâignorer la dimension spirituelle de lâhumain. » Cette rĂ©fĂ©rence, a-t-il expliquĂ©, souligne la nĂ©cessitĂ© dâun Ă©quilibre entre foi et raison pour prĂ©server la libertĂ© et la dignitĂ© de lâhomme.Par ces rĂ©fĂ©rences Ă Jean-Paul II et Ă BenoĂźt XVI, le cardinal Aveline a voulu replacer la rĂ©flexion de lâĂglise de France dans la continuitĂ© dâune tradition spirituelle et intellectuelle solide. Ă Lourdes, son intervention a insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© dâun engagement lucide face aux tensions sociales et dâune fidĂ©litĂ© renouvelĂ©e Ă lâEsprit Saint, source du vĂ©ritable discernement chrĂ©tien.
07/11/2025
Il fallait sans doute cela pour rĂ©veiller les consciences. Il fallait un film capable de dĂ©placer les foules, croyantes ou non, un film qui parle dâamour, du seul vĂ©ritable amour, celui qui se donne sans retour : lâamour du Christ. SacrĂ©-CĆur, produit et co-rĂ©alisĂ© par Steven et Sabrina Gunnell,distribuĂ© par SAJE Distribution, a su toucher le cĆur du public comme peu dâĆuvres contemporaines.
En plein triomphe en France oĂč le film sâapprĂȘte Ă franchir le cap des 400 000 entrĂ©es, Hubert de Torcy, patron de SAJE films, a confiĂ© Ă Tribune ChrĂ©tienne que le film reçoit Ă©galement un accueil triomphal en Afrique et dans lâocĂ©an Indien, avec des sorties programmĂ©es jusquâen AmĂ©rique et en Asie : câest une vĂ©ritable aventure missionnaire du grand Ă©cran qui ne fait que commencer et de se poursuivre. « En Belgique et en Suisse, les salles sont combles comme en France. Ă Monaco, le film est mĂȘme prolongĂ© devant la demande du public ».Le film, vĂ©ritable phĂ©nomĂšne, a entamĂ© sa diffusion en Afrique et dans lâocĂ©an Indien la semaine derniĂšre. Les premiers rĂ©sultats confirment un accueil exceptionnel. « Ă lâĂźle Maurice, nous avons dĂ©passĂ© les 7 000 entrĂ©es en deux semaines. En CĂŽte dâIvoire, câest un vĂ©ritable carton avec plus de 2 300 entrĂ©es en un seul week-end ! » explique le distributeur français.
« Voici ce CĆur qui a tant aimĂ© les hommes quâil nâa rien Ă©pargnĂ© jusquâĂ sâĂ©puiser et se consumer pour leur tĂ©moigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrĂ©vĂ©rences et leurs sacrilĂšges, et par les froideurs et les mĂ©pris quâils ont pour moi dans ce sacrement dâamour. »
Sainte Marguerite-Marie-Alacoque (1647-1690)
Et la vĂ©ritable success story de SacrĂ©-CĆur sâĂ©tend dĂ©sormais au SĂ©nĂ©gal, au Burkina Faso, au Togo, au Cameroun et en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo. Pour le responsable de SAJE Distribution, cette expansion tĂ©moigne dâune vĂ©ritable soif spirituelle. « Tout cela est trĂšs rĂ©jouissant. On sent que le public, partout, a besoin dâhistoires vraies, lumineuses, porteuses dâespĂ©rance », souligne-t-il.Il nous confie Ă©galement que « le film poursuivra sa route au Liban courant dĂ©cembre, avant dâarriver au Canada Ă la mĂȘme pĂ©riode. »
Et lâaventure ne sâarrĂȘte pas lĂ : « Nous prĂ©parons une version pour les Ătats-Unis, dont la sortie est prĂ©vue Ă lâoccasion des fĂȘtes du SacrĂ©-CĆur, en juin 2026 », prĂ©cise le distributeur. Des accords sont Ă©galement en discussion avec des partenaires en Allemagne et en Espagne, tandis que lâAmĂ©rique latine se prĂ©pare Ă accueillir le film : « Des contacts sont dĂ©jĂ Ă©tablis au Mexique, en Colombie et au Chili ».Et la demande sâĂ©largit encore : « De nombreuses sollicitations nous parviennent des Philippines, mais aussi de CorĂ©e du Sud », confie-t-il, avant dâajouter avec un sourire : « Ce nâest que le dĂ©but de lâaventure internationale de SacrĂ©-CĆur. »
Partout oĂč il est projetĂ©, SacrĂ©-CĆur rassemble et touche les Ăąmes. De Bruxelles Ă Abidjan, de GenĂšve Ă Port-Louis, les spectateurs sortent bouleversĂ©s par ce film qui remet le Christ au centre des vies et des histoires humaines. Il y avait longtemps quâun film nâavait pas su dire lâamour vrai avec autant de simplicitĂ© et de force. Dans les regards des spectateurs Ă©mus, dans les applaudissements qui montent Ă la fin des sĂ©ances, on devine quâil se passe quelque chose de plus grand quâun simple succĂšs de cinĂ©ma : un rĂ©veil des cĆurs. Rappelons que les Visitandines de Nantes peinent Ă rĂ©pondre Ă lâavalanche de commandes de leur « Sauvegarde du SacrĂ© CĆur » ( photo).
Le film ne se contente pas dâĂ©mouvoir, il appelle Ă aimer, Ă croire, Ă espĂ©rer. Et de mĂȘme quâil y eut, dans les annĂ©es 90 , une « gĂ©nĂ©ration Grand Bleu », marquĂ©e par le rĂȘve et la mer, il semble quâĂ©merge aujourdâhui une gĂ©nĂ©ration SacrĂ©-CĆur, toute tournĂ©e vers le CĆur du CĆur de lâamour, une gĂ©nĂ©ration qui cherche, dans lâobscuritĂ© du monde, la lumiĂšre du monde.
06/11/2025
Le temps d'enseignement est sacré : pas de priÚre sur les heures de cours.
Devant la commission des affaires culturelles de lâAssemblĂ©e nationale, le 4 novembre dernier, la position d'Ădouard Geffray a Ă©tĂ© limpide : le temps d'enseignement, financĂ© par l'Ătat, doit ĂȘtre exclusivement consacrĂ© Ă l'enseignement. Chaque minute payĂ©e par le contribuable a pour unique vocation la transmission des savoirs inscrits aux programmes, sans exception.
Cette mise au point est une rĂ©ponse directe Ă Guillaume PrĂ©vost, le nouveau secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâEnseignement catholique. Ce dernier avait rĂ©cemment suscitĂ© la polĂ©mique en dĂ©fendant la possibilitĂ© pour les enseignants de prier avec leurs Ă©lĂšves, invoquant la « libertĂ© pĂ©dagogique et la libertĂ© de conscience ».
Pour asseoir son propos, le ministre a utilisĂ© une formule simple et directe, se plaçant sur le terrain du contrat qui lie l'Ătat aux Ă©tablissements privĂ©s :
« Lorsque lâĂtat paie un professeur, il le paie pour enseigner. Ăa me semble lâĂ©vidence. Donc une minute payĂ©e par lâĂtat, câest une minute dâenseignement, ça ne sert pas Ă autre chose. Et donc je ne vois pas comment, sur un temps dâenseignement, on pourrait faire une priĂšre ».
L'argument du ministre est particuliĂšrement puissant car il dĂ©place le dĂ©bat. En ramenant la question Ă une logique de service rendu contre financement public (« une minute payĂ©e⊠câest une minute dâenseignement »), il contourne un dĂ©bat philosophique ou thĂ©ologique potentiellement sans fin sur la laĂŻcitĂ©. Il transforme l'enjeu en une question quasi managĂ©riale de respect du contrat d'association avec l'Ătat. Pour une institution "sous contrat", un tel argument fondĂ© sur le bon sens et les obligations contractuelles devient difficile Ă contester.
L'éducation à la sexualité : un menu unique, obligatoire pour tous
La fermeté du ministre ne s'est pas limitée à la question de la priÚre. Concernant le nouveau programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), la ligne est tout aussi stricte. Son application est qualifiée d'obligatoire « partout », sans aucune possibilité d'adaptation ou de sélection.
LĂ encore, Ădouard Geffray rĂ©pond aux propositions de Guillaume PrĂ©vost. Bien qu'il se soit engagĂ© Ă appliquer le programme, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâEnseignement catholique avait Ă©voquĂ© la mise en place d'un « projet de rĂ©seau » spĂ©cifique Ă ses Ă©tablissements sur ce sujet, suggĂ©rant une marge de manĆuvre.
La rĂ©plique du ministre, qu'il a lui-mĂȘme qualifiĂ©e de rĂ©ponse « en loi et en bon sens », ne laisse aucune place Ă l'interprĂ©tation et rĂ©affirme l'autoritĂ© du programme national :
« Un programme, câest un programme, câest obligatoire partout. Ce nâest ni discutable, ni nĂ©gociable, ni amendable. On ne fait pas son marchĂ© dans un programme, on ne commence pas Ă dire je le fais, je ne le fais pas, etc. ».
Cette dĂ©claration rĂ©affirme sans dĂ©tour l'autoritĂ© de l'Ătat sur les contenus pĂ©dagogiques fondamentaux. En refusant un « projet de rĂ©seau » spĂ©cifique, Ădouard Geffray ne dĂ©fend pas seulement le programme EVARS ; il protĂšge le principe mĂȘme d'un curriculum national unifiĂ©. Accepter une exception crĂ©erait un dangereux prĂ©cĂ©dent, ouvrant la porte Ă d'autres rĂ©seaux ou Ă©tablissements qui pourraient rĂ©clamer un traitement « Ă la carte » sur d'autres sujets. C'est un rappel que le contrat avec l'Ătat n'est pas un buffet oĂč l'on choisit ce qui convient. L'insistance martelĂ©e du ministre est le coup de grĂące Ă toute ambiguĂŻtĂ© : « Je veux mâassurer que ce soit partout. Et jâai bien dit partout. »
Partout ? On lui souhaite bon courage ! Les enseignants musulmans feront Ă raison ce qu'ils veulent et le ministre â nous le savons tous â regardera ailleurs.
à la rentrée 2023, l'Enseignement catholique scolarisait 2 060 000 élÚves. Forte de ce nombre, la hiérarchie catholique aurait tort de ne pas élever le ton pour défendre son nouveau secrétaire de l'Enseignement catholique. l'éphémÚre et faible gouvernement en place a d'autres chats à fouetter !
Vive le Christ Roi !
Sources : Le Figaro, le Salon Beige et La Croix
05/11/2025
Le cardinal Gerhard MĂŒller a averti que certains Ă©vĂȘques contraignent de fait les catholiques conservateurs Ă rester chez eux ou Ă se rĂ©fugier auprĂšs de la FraternitĂ© Saint-Pie-X. Dans un entretien approfondi avec Raymond Arroyo d'EWTN, l'ancien prĂ©fet de la CongrĂ©gation pour la Doctrine de la Foi a dĂ©clarĂ© : « J'ai entendu dire par certains Ă©vĂȘques que les catholiques qui ne souhaitent pas la nouvelle forme de la liturgie peuvent soit rester chez eux, soit rejoindre les Lefebvristes [FSSPX]. » Il a plaidĂ© pour un dialogue, affirmant : « Nous devons faire preuve d'une grande ouverture, dialoguer avec les fidĂšles dans un esprit synodal, afin de parler ensemble. »
Le cardinal MĂŒller a ajoutĂ© que ce n'est pas la messe en latin qui divise l'Ăglise, mais plutĂŽt la bĂ©nĂ©diction des couples homosexuels, qui, selon lui, « relativise le sacrement du mariage, qui est une vĂ©ritĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e ». Il a critiquĂ© ce qu'il perçoit comme un relativisme thĂ©ologique croissant dans l'approche du Vatican en matiĂšre de dialogue interreligieux et a condamnĂ© l'Ă©tablissement d'une salle de priĂšre musulmane au sein du Vatican. « Le Vatican est le siĂšge de l'Ăglise catholique, et y autoriser le culte non catholique revient Ă se relativiser soi-mĂȘme », a-t-il dĂ©clarĂ©. « Cette dĂ©cision semble motivĂ©e par un dĂ©sir de paraĂźtre "ouvert" plutĂŽt que par une rĂ©flexion thĂ©ologique. »
Il s'est Ă©galement interrogĂ© sur la consultation des autoritĂ©s compĂ©tentes, dĂ©clarant : « J'ignore si un cardinal, la CongrĂ©gation pour la Doctrine de la Foi ou le Pape ont Ă©tĂ© consultĂ©s. Les musulmans pourraient y voir une victoire symbolique, la reconnaissance de leur prĂ©tendue supĂ©rioritĂ©. » Le cardinal MĂŒller a rĂ©affirmĂ© que les fondements de la doctrine catholique puisent leurs racines dans la philosophie grecque et romaine, telle que l'interprĂ©taient les PĂšres de l'Ăglise, qui « reconnaissaient la part de vĂ©ritĂ© dans la philosophie, mais jamais dans les religions paĂŻennes grecques ou romaines. Ils n'ont jamais acceptĂ© les anciennes religions. »
Mettant en garde contre toute confusion entre les confessions, il a dĂ©clarĂ© : « Les diffĂ©rentes religions ont des conceptions diffĂ©rentes de la paix, de la libertĂ© et de la dignitĂ© de la personne. Nous ne pouvons les mĂ©langer. Nous ne sommes pas tous frĂšres. » Concernant lâordination des femmes, il a affirmĂ© clairement : « Il est contraire Ă la foi catholique que les femmes puissent recevoir le sacrement de lâOrdre. Seuls les hommes peuvent devenir Ă©vĂȘques, prĂȘtres ou diacres. »
Depuis le concile Vatican II, les divisions entre courants conservateurs et libĂ©raux au sein de l'Ăglise catholique se sont accentuĂ©es, notamment quant Ă l'interprĂ©tation de ses rĂ©formes. La mise en Ćuvre de Fiducia Supplicans , qui a ouvert la voie Ă la bĂ©nĂ©diction des couples de mĂȘme sexe, et le maintien de Traditionis Custodes , qui restreint la messe traditionnelle en latin, ont exacerbĂ© ces tensions. Nombreux sont ceux qui perçoivent dĂ©sormais un conflit naissant entre ceux qui cherchent Ă prĂ©server la continuitĂ© doctrinale et liturgique et ceux qui promeuvent une approche plus pastorale et inclusive.
Source : Le Catholic Herald
Le cardinal MĂŒller, thĂ©ologien renommĂ© et l'une des figures les plus influentes du conservatisme au sein de l'Ăglise, continue de dĂ©fendre ce qu'il appelle les « vĂ©ritĂ©s immuables de la foi » face Ă ce qu'il perçoit comme un relativisme croissant. En 2019, il a pris la dĂ©fense de ceux qui avaient jetĂ© les statues de la Pachamama dans le Tibre, dĂ©clarant : « La grande erreur a Ă©tĂ© d'introduire les idoles dans l'Ăglise, et non de les en expulser. » Il s'est Ă©galement montrĂ© un critique virulent du Chemin synodal allemand, qui vise Ă libĂ©raliser la doctrine de l'Ăglise. En 2024, il a cĂ©lĂ©brĂ© la messe pontificale solennelle traditionnelle en latin lors de la clĂŽture du pĂšlerinage de Chartres, en France.
04/11/2025
Le 29 octobre dernier, Ă lâoccasion dâun Ă©vĂ©nement organisĂ© Ă lâuniversitĂ© du Mississipi et dĂ©diĂ© Ă la mĂ©moire de Charlie Kirk, le vice-prĂ©sident amĂ©ricain en personne se confiait sur le gĂ©nie du christianisme. Avec conviction et assurance, JD Vance affirmait en effet Ă la tribune :
« Lâun de mes versets prĂ©fĂ©rĂ©s de la Bible est : âCâest Ă leurs fruits que vous les reconnaitrezâ. Je pense que les fruits de la foi chrĂ©tienne sont la civilisation la plus morale, la plus juste et la plus prospĂšre de lâhistoire. Je nâai aucune honte Ă penser que les valeurs chrĂ©tiennes sont un fondement important dans ce pays. »
La religion chrĂ©tienne civilise les mĆurs
Il y aurait beaucoup Ă Ă©crire sur ce que, non seulement les Etats-Unis mais aussi les pays du monde entier doivent Ă lâEglise. Pour cela, il suffirait de se plonger dans le superbe livre de lâhistorien Christophe DickĂšs, sobrement intitulĂ© Pour lâEglise, mais prolongĂ© dâun sous-titre significatif : Ce que le monde lui doit (Perrin, 2024). Pourtant, câest peu de le dire, entre des scandales en tout genre qui Ă©claboussent lâinstitution ecclĂ©siale et un personnel ecclĂ©siastique en manque de repĂšres et de figures fĂ©dĂ©ratrices, lâEglise peine Ă sâimposer dans le paysage politico-mĂ©diatique actuel. Le message de lâEvangile ne porte-t-il pas en lui les mĂȘmes vertus dynamiques dâil y a 2000 ans ? Au contact de lâenseignement du Christ, tout homme est censĂ© trouver Ă sa disposition une rampe de lancement inouĂŻe : celle seule qui est en capacitĂ© de tirer ce quâil y a de meilleur en lui. Encore faut-il prendre du temps pour son Ăąme.
Aussi, lorsque JD Vance affirme voir dans le christianisme un gĂ©nie particulier, le responsable politique nâa pas pour ambition de se cantonner Ă un prosĂ©lytisme civilisationnel. En homme de foi, il sait quâune telle attitude se rĂ©vĂ©lerait vite sĂšche et stĂ©rile. Il prĂ©cise donc, Ă bon droit, que le Nouveau Monde, avant dâavoir Ă©tĂ© civilisĂ© par la croix, lâEvangile et lâenseignement de lâEglise, Ă©tait en proie Ă un paganisme Ă©hontĂ© qui pratiquait les sacrifices humains. Cette rĂ©alitĂ© historique, qui sâoppose en tout point au mythe rousseauiste du âbon sauvageâ (lâhomme nait naturellement bon, câest la sociĂ©tĂ© qui le corrompt ensuite), avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© filmĂ©e par la camĂ©ra de Mel Gibson, dans Apocalypto (2006). Oui, la religion chrĂ©tienne a fait Ćuvre de civilisation. Comment ? En commençant par infuser la charitĂ© dans les mĆurs des hommes.
Le christianisme confĂšre Ă lâexistence un sens et se propose dâen anoblir le cours.
Alors que nous entrons de plein pied dans le mois de la grisaille et de la mĂ©lancolie, ce fameux mois de Novembre, qui selon les vers dâEmile Verhaeren « en son manteau grisĂątre, se blottit de peur au fond de lâĂątre », nous donne lâoccasion de mĂ©diter sur une rĂ©alitĂ© Ă laquelle la tradition culturelle et cultuelle de lâEglise nous invite Ă nous Ă©lever : la mort, la vie, la filiation et la saintetĂ©.
LâEglise civilise nos coutumes en nous rappelant sans cesse â dans sa liturgie, dans ses priĂšres et dans son patrimoine esthĂ©tique â que nous ne venons pas de nulle part. Se mĂ©prendre sur la piĂ©tĂ© filiale qui doit ĂȘtre la nĂŽtre Ă lâendroit de ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s ici-bas ne relĂšve pas seulement de lâingratitude. Lâattitude adolescente de ârĂ©voltĂ© qui ne doit rien Ă personneâ est surtout dangereusement mortifĂšre. Comment se donner soi-mĂȘme si lâon nâa pas appris Ă remercier ? Comment cĂ©lĂ©brer le prĂ©sent si lâon se refuse Ă honorer le passĂ© ? Dans un entretien donnĂ© au Figaro Magazine, le directeur du dĂ©partement Opinion de lâIfop, JĂ©rĂŽme Fourquet, constatait, lucide :
« La citrouille dâHalloween nâa pas encore remplacĂ© le chrysanthĂšme mais on sâen approche. (âŠ) Le substrat chrĂ©tien est en voie dâeffacement. »
« Le héros est un homme qui se croit au-dessus des autres, le saint est un homme qui se sait avec les autres » Georges Bernanos
Au-delĂ du sujet de la piĂ©tĂ© filiale, comprenons que le corpus du christianisme sâavĂšre proprement en mesure de rĂ©chauffer lâenthousiasme de la vie. En confĂ©rant Ă lâexistence un sens, il propose Ă tout homme de se dĂ©passer sans cesse pour en anoblir le cours.
Entre la civilisation païenne et la civilisation chrétienne, la différence est de taille. La premiÚre conduit au transhumanisme et la deuxiÚme conduit, plus humblement quoique plus avantageusement, à devenir plus humain. Dans un recueil de textes épars de Bernanos, Les Prédestinés, la sainteté est une aventure (Le Passeur Editeur), ce contraste est souligné :
« Le monde admire les héros et persécute les saints. Le monde réclame des idoles, car il a peur des témoins. »
Et lâauteur dâexpliquer que les saints ne sont pas des hĂ©ros, Ă la maniĂšre des hĂ©ros de Plutarque. Pour Bernanos, le hĂ©ros donne lâillusion de dĂ©passer lâhumanitĂ© quand le saint, lui ne la dĂ©passe pas mais lâassume. Il sâefforce mĂȘme de la rĂ©aliser le mieux possible :
« Le hĂ©ros est un destin, le saint est une vocation. Le hĂ©ros est seul, le saint est solidaire. Le hĂ©ros se fait admirer, le saint se fait aimer. Le hĂ©ros est un homme qui se croit au-dessus des autres, le saint est un homme qui se sait avec les autres, dans la mĂȘme misĂšre, dans la mĂȘme espĂ©rance. [âŠ] Le hĂ©ros est un homme qui se fait dieu, le saint est un homme qui laisse Dieu se faire homme en lui. [âŠ] Le hĂ©ros finit toujours par se trahir lui-mĂȘme, car il porte en lui la contradiction de vouloir ĂȘtre plus quâhomme sans Dieu. Le saint, lui, ne se trahit jamais, car il nâa rien Ă dĂ©fendre que la vĂ©ritĂ© de Dieu en lui. »
En ce mois de novembre, honorer nos dĂ©funts consistera pour les plus initiĂ©s â les plus catĂ©chisĂ©s, jâentends â Ă prier pour le repos de leur Ăąme, Ă faire cĂ©lĂ©brer des messes Ă leur mĂ©moire pour appeler sur chacun dâeux la misĂ©ricorde de Dieu. Mais il y aura toujours tout Ă gagner que de visiter les cimetiĂšres, de fleurir les tombes de ses aĂŻeuls et de se rappeler Ă leur bon souvenir. Tous ces gestes, tous ces rites, justement parce quâils peuvent paraĂźtre les plus inutiles ont leur pesant de noblesse. Ils permettent de sâinscrire sur le temps long, et nous rappeler que le pari de la foi ouvre la voie Ă la plus belle des expĂ©riences : lâĂ©largissement de notre horizon.
03/11/2025
«Mais dites-moi votre avis. Un homme avait deux enfants. Sâadressant au premier, il dit : Mon enfant, va-tâen aujourdâhui travailler Ă la vigne. Je ne veux pas, rĂ©pondit-il ; ensuite pris de remords, il y alla. Sâadressant au second, il dit la mĂȘme chose ; lâautre rĂ©pondit : Entendu, Seigneur, et il nây alla point. Lequel des deux a fait la volontĂ© du pĂšre ? » (Mt 21, 28-31).
Cette parabole du Sauveur peut servir dâexergue Ă ce modeste propos. Notre vie dâici-bas doit se mouler sur celle de notre Seigneur et Sauveur. Or que nous dit-il ? Citons-le un peu, et dâabord en saint Jean : « Ma nourriture est de faire la volontĂ© de Celui qui mâa envoyĂ© et de mener son Ćuvre Ă bonne fin » (Jn 4, 34). « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volontĂ©, mais la volontĂ© de Celui qui mâa envoyĂ© » (Jn 6, 38). De leur cĂŽtĂ©, les synoptiques ont conservĂ©, entre autres, une maxime du Sauveur sur la nĂ©cessitĂ© dâadhĂ©rer Ă la volontĂ© divine pour rĂ©pondre Ă notre vocation dâenfants de Dieu, vocation si fortement marquĂ©e dans le Prologue de saint Jean : « Quiconque fait la volontĂ© de Dieu, celui-lĂ mâest un frĂšre et une sĆur et une mĂšre » (Mc 3, 35 ; cf. Mt 12, 49). Mais on pourrait multiplier les citations de ce genre. Saint Paul rĂ©sumera toute la vie du divin MaĂźtre dans cette formule de son ĂpĂźtre aux Philippiens qui est devenue cĂ©lĂšbre (citĂ©e ici dans la traduction de Crampon) : « Bien quâil fĂ»t dans la condition de Dieu, il nâa pas retenu avidement son Ă©galitĂ© avec Dieu ; mais il sâest anĂ©anti lui-mĂȘme en prenant la condition dâesclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il sâest abaissĂ© lui-mĂȘme, se faisant obĂ©issant jusquâĂ la mort, et Ă la mort de la croix » (Ph 2, 6-8). La perfection de notre union Ă notre Sauveur se mesurera Ă celle de notre imitation de sa vie suivant notre vocation ; ainsi accomplirons-nous le commandement que le PĂšre nous a donnĂ© au travers du saint patriarche Abraham qui est, selon lâĂcriture, le pĂšre spirituel de toutes les Ăąmes de foi : « Marche devant ma face et sois parfait » (Gn 17, 1).
Ces considĂ©rations sont remplies de consĂ©quences pour notre vie de chaque jour. Lâimportant pour nous rendre Dieu proche nâest pas dâaccomplir ici-bas des Ćuvres extraordinaires, et surtout pas celles qui nous vaudront des admirateurs (qui nous vaudront aussi, hĂ©las, des jaloux !). LâamitiĂ© avec Dieu nâexige pas davantage la multiplication des exercices religieux ni les macĂ©rations en tout genre ; elle nâimplique mĂȘme pas que nous consacrions notre vie aux Ćuvres de misĂ©ricorde, mĂȘme si celles-ci sont mises en avant par Notre Seigneur lui-mĂȘme dans le tableau quâil nous fait du jugement dernier. Tout cela est trĂšs bon, excellent mĂȘme, mais tout cela ne fait pas forcĂ©ment de nous des amis de Dieu et de Notre Seigneur ; bref, tout cela ne nous mĂšne pas sĂ»rement Ă cette perfection que le Tout-Puissant et son Verbe IncarnĂ© dĂ©sirent de nous. On connaĂźt le cĂ©lĂšbre passage de saint Paul (1 Cor 13, 3) : « Quand je distribuerais tous mes biens en aumĂŽnes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je nâai pas la charitĂ©, cela ne me sert de rien. » Câest lâamour surnaturel de charitĂ© qui fait de nous des amis de Dieu ; câest son intensitĂ© en nous qui marque lâintensitĂ© de notre union avec le Sauveur et son PĂšre.
Mais cette intensitĂ© dâunion avec Dieu et avec Notre Seigneur est en lien indissoluble avec lâobĂ©issance Ă la volontĂ© divine qui nous a Ă©tĂ© manifestĂ©e. Dans cette obĂ©issance, notre libertĂ© elle-mĂȘme se dĂ©ploie et notre volontĂ© se fortifie. Le Seigneur JĂ©sus, en effet, nâa pas voulu ĂȘtre autre chose quâune obĂ©issance Ă son PĂšre, comme le note lâĂpĂźtre aux HĂ©breux (10, 5s), se faisant lâĂ©cho de lâĂpĂźtre aux Philippiens citĂ©e plus haut : « En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu nâas voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu mâas façonnĂ© un corps. Tu nâas agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les pĂ©chĂ©s. Alors jâai dit : âVoici, je viens, car câest de moi quâil est question dans le rouleau du livre, pour faire, ĂŽ Dieu, ta volontĂ©â. » Le Christ est tout pour nous, et nous ne plairons au PĂšre que dans la mesure oĂč il retrouvera son Fils divin en nous ; et il ne le retrouvera que sâil trouve en nous les dispositions de son CĆur sacrĂ©, et avant tout celle-ci qui est prĂ©judicielle : notre souci dâaccomplir constamment sa divine volontĂ©.
« Dans le plan de Dieu, notait un spiritain, notre programme de vie est fixĂ©, notre route est tracĂ©e ; notre tĂąche de manĆuvre consiste Ă laisser Dieu agir, Ă Ă©couter et comprendre, Ă nous laisser conduire pas Ă pas. La meilleure prĂ©occupation, touchant notre avenir et notre salut, est de nous en rapporter entiĂšrement Ă Dieu. Personne ne peut mieux que lui pourvoir Ă notre bien. Il est la BontĂ© mĂȘme. Il est notre PĂšre, nous sommes ses enfants. Notre plus grand ennemi est une trop grande bonne volontĂ©. Conduits par le moi, nous nous Ă©garons [âŠ]. Dire âOui, PĂšre !â au moment prĂ©sent, voilĂ la saintetĂ©. Et le dire aussi par rapport Ă lâavenir. Personne ne peut faire Ă Dieu de plus bel hommage que de remettre, les yeux fermĂ©s, tout son avenir entre ses mains. Câest un sacrifice dâagrĂ©able odeur qui monte vers le trĂŽne du TrĂšs-Haut. Quoi que lâavenir me rĂ©serve, joies ou peines, croix ou consolations, je dis rĂ©solument : âOui, PĂšre !â Je me fie Ă Vous. âIta, Pater !â telle est la signature au bas de mon programme de vie. Et je sais que par lĂ je ne signe pas un arrĂȘt de mort, mais que je mâouvre les perspectives du plus grand bonheur. Et pourtant je signe aussi un arrĂȘt de mort car nous devons ĂȘtre ensevelis avec le Christ pour ressusciter avec lui » (1).
Demandons Ă la Vierge Marie cette grĂące de suivre le Christ JĂ©sus selon la voie quâil a tracĂ©e pour nous. Avec elle, accompagnons-le dans lâobĂ©issance du Calvaire, et rĂ©jouissons-nous pour toujours de sa victoire.
Par un moine de Triors
(1) Richard Graef, cssp : Oui, PĂšre ! (Ita Pater), Ăditions Le Laurier, rééd. 2004.
02/11/2025
La journĂ©e des dĂ©funts est Ă la fois une journĂ©e de commĂ©moraison et une journĂ©e dâintercession. On fait mĂ©moire de ceux qui nous ont quittĂ©s, et lâon prie pour eux. Cette priĂšre sâenracine dans la conviction profonde que la mort ne rompt pas la communion entre les membres du Corps du Christ. LâĂglise enseigne que les Ăąmes appelĂ©es Ă la vision de Dieu passent par une purification nĂ©cessaire pour ĂȘtre pleinement unies Ă Lui. Notre priĂšre, nos sacrifices et nos Ćuvres de charitĂ© peuvent les soutenir dans cette ultime Ă©tape, en vertu du mystĂšre de la communion des saints. Celle-ci exprime le lien spirituel et indestructible entre les vivants et les morts : dans le Christ, une vĂ©ritable solidaritĂ© unit les membres de lâĂglise terrestre, les Ăąmes du purgatoire et les saints du ciel.
Le 2 novembre, chaque fidĂšle est donc invitĂ© Ă se recueillir, Ă visiter les cimetiĂšres, et Ă prier pour les dĂ©funts. Prier pour les morts, câest poser un acte de foi et dâamour, une affirmation silencieuse de lâespĂ©rance chrĂ©tienne : la vie nâest pas dĂ©truite, elle est transformĂ©e. Pour que la Toussaint, instituĂ©e en France en 835, conserve son sens propre de fĂȘte de la gloire cĂ©leste, saint Odilon, abbĂ© de Cluny, dĂ©cida vers lâan 1000 dâinstaurer, dans tous les monastĂšres de lâordre, une messe solennelle pour les dĂ©funts le lendemain, le 2 novembre. Cette commĂ©moration, dâabord limitĂ©e Ă la famille monastique, sâĂ©tendit rapidement Ă toute la chrĂ©tientĂ© sous lâinfluence du puissant rĂ©seau clunisien. Ă cette Ă©poque, la doctrine du purgatoire nâĂ©tait pas encore pleinement formulĂ©e, mais les moines de Cluny exprimaient dĂ©jĂ la foi de lâĂglise : celle dâun Dieu misĂ©ricordieux, qui purifie et sauve. Le saint curĂ© dâArs rĂ©sumera plus tard ce mystĂšre avec des mots simples : « Le purgatoire est lâinfirmerie du Bon-Dieu. »
Au XVá” siĂšcle, les Dominicains dâEspagne introduisirent la pratique de cĂ©lĂ©brer trois messes le jour des dĂ©funts, en signe dâintercession renouvelĂ©e. Ce privilĂšge fut Ă©tendu Ă toute lâĂglise par le pape BenoĂźt XV en 1915, en mĂ©moire des innombrables victimes de la PremiĂšre Guerre mondiale, afin que les prĂȘtres puissent offrir le Saint Sacrifice pour les Ăąmes de tous les dĂ©funts. Aujourdâhui encore, lâĂglise continue de prier avec ferveur pour ses enfants dĂ©funts. Le sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon, en Normandie, demeure un lieu privilĂ©giĂ© oĂč des fidĂšles du monde entier confient leurs proches Ă la misĂ©ricorde divine. Les communautĂ©s paroissiales organisent des liturgies, et de nombreux fidĂšles se rendent dans les cimetiĂšres pour prier au pied des tombes, souvent en famille, un chapelet Ă la main.
Ce geste humble est un acte de foi : croire que nos morts vivent en Dieu, croire que notre priĂšre peut les accompagner vers la lumiĂšre Ă©ternelle, croire enfin que la mort ne sĂ©pare pas ceux que le Christ a unis. La sainte MĂšre Ăglise, fidĂšle Ă sa mission dâintercession, implore Dieu « pour les Ăąmes de tous ceux qui se sont endormis dans lâespĂ©rance de la rĂ©surrection, mais aussi en faveur de tous les hommes depuis la crĂ©ation du monde, dont le Seigneur seul connaĂźt la foi », afin quâils rejoignent « la communautĂ© des habitants du ciel » et jouissent du bonheur Ă©ternel.
Et, selon la belle parole de saint Ambroise :
« Nos morts ont Ă©tĂ© envoyĂ©s non pas loin de nous, mais avant nous â eux que la mort ne prendra pas mais que lâĂ©ternitĂ© recevra. » Ainsi, la commĂ©moration du 2 novembre nâest pas une journĂ©e de tristesse, mais une fĂȘte dâespĂ©rance, celle de la fidĂ©litĂ© de Dieu et de la communion sans fin entre les vivants et les morts dans le Christ ressuscitĂ©.
Avec nominis
01/11/2025
Nous vivrons avec des gens qui ont un cĆur de pauvre, pas avec des orgueilleux, des rĂąleurs, des malcontents, des mĂ©prisants⊠Quel bonheur de vivre avec des gens qui cherchent Ă promouvoir lâautre plutĂŽt quâeux-mĂȘmesâŻ! Nous vivrons avec des doux, avec des misĂ©ricordieux qui ne font pas la liste de leurs griefs envers nous mais nous accueillent avec un grand cĆur. Avec des personnes sensibles qui osent pleurer du mal qui frappe lâhomme. Avec des pacifiques. Avec des amoureux de la justice â non pas seulement la justice sociale, mais aussi celle qui concerne Dieu : que Dieu soit honorĂ© comme il convient, et le prochain servi comme il convientâŻ! Nous vivrons avec des gens qui ont tant aimĂ© le Seigneur quâils nâont pas craint les insultes ou la persĂ©cution. Bref, quel paradis partagĂ© avec de tels frĂšres et sĆurs, Ă contempler lâauteur de toute beautĂ©, de toute joie, de tout amour : nous verrons Dieu tel quâil estâŻ! (1âŻJn 3,2)
Vous me direz : et pour tous ceux qui ne sont pas comme le dit JĂ©sus, quây aura-t-il pour euxâŻ? Câest pour eux que la mĂ©ditation de lâĂglise, a partir des indications de lâĂcriture qui parlent dâune purification possible aprĂšs la mort, a imaginĂ© quâil y avait un Purgatoire : un lieu oĂč lâĂąme trop tournĂ©e vers elle-mĂȘme apprend Ă sâouvrir, Ă devenir gĂ©nĂ©reuse, Ă entrer dans le pardon et la louange. Câest pourquoi nous prions pour nos morts, afin de les soutenir dans ce processus de transformation qui introduit Ă la vie du ciel. Sans doute que ce sont eux aussi, et pas seulement les martyrs, ceux qui «âŻviennent de la grande Ă©preuveâŻÂ» et «âŻont blanchi leur robe par le sang de lâAgneauâŻÂ» (ApâŻ7,14)
Revenons Ă la question qui demande : est-ce seulement pour lâavenirâŻ?âŻEn rĂ©alitĂ© nous pouvons dĂ©jĂ commencer le paradis maintenant. Le Royaume des cieux est dĂ©jĂ prĂ©sent. Regardez-vous : nous sommes entre saintsâŻ! Il nây a pas que les saints canonisĂ©s, ni les saints inconnus que nous fĂȘtons en cette fĂȘte de Toussaint qui mĂ©ritent ce nom de saint. Saint Paul appelait souvent «âŻsaintsâŻÂ» les chrĂ©tiens auxquels il sâadressait. Vous me direz : avec tous les dĂ©fauts de lâĂglise, ce nâest pas trop ça⊠Mais qui donne la saintetĂ©âŻ? Le saint fait des efforts pour se corriger, pour devenir plus aimant et plus persĂ©vĂ©rant, mais ce ne sont pas ses efforts qui lui donnent la saintetĂ©. Le saint nâest pas celui qui est irrĂ©prochable, mais celui qui se laisse purifier par Dieu. Plus dĂ©terminant que les efforts que nous faisons, ce sont les efforts que Dieu fait qui changent la donne. Ce qui nous rend saints, câest dâaccueillir sa misĂ©ricorde, câest de se laisser animer par lui. Lui seul est capable de nous rendre purs, de redonner Ă notre Ăąme sa beautĂ©, son ardeur Ă aimer. En cette fĂȘte de tous les saints, dĂ©sirons Ă notre tour ĂȘtre saints : dĂ©sirons que Dieu nous transforme par son amour, et quâainsi nous allions de lâavant.
Abbé Christophe Cossement
NDLR sur l'image : Des hautes montagnes en Galilée ... quand l'I.A. a la foi, tout est possible, je ne l'ai pas brimée !
01/11/2025
La Fondation pontificale Aide Ă l'Ăglise en DĂ©tresse, qui se consacre Ă l'assistance aux chrĂ©tiens persĂ©cutĂ©s dans le monde entier, a rĂ©cemment publiĂ© son Rapport 2025 sur la libertĂ© religieuse , Ă©galement relayĂ© par La Nuova Bussola Quotidiana. Pour marquer la parution de ce document, qui analyse le niveau de libertĂ© religieuse dans 196 pays, la section italienne de la Fondation a organisĂ© Ă Florence, en collaboration avec le diocĂšse local et l'association Agata Smeralda, la rencontre publique « TĂ©moins d'espĂ©rance de la Syrie blessĂ©e ». L'invitĂ© d'honneur Ă©tait Son Excellence Monseigneur Jacques Mourad, moine syriaque catholique et ancien abbĂ© du monastĂšre Saint-Ălian, archevĂȘque de Homs Ă partir de 2023. Monseigneur Mourad a un parcours singulier : nĂ© et Ă©levĂ© Ă Alep, il est issu dâune famille de syriaques catholiques qui a fui Mardin (aujourdâhui en Turquie) en 1915 en raison des persĂ©cutions des Jeunes-Turcs contre les chrĂ©tiens, notamment les ArmĂ©niens (le tristement cĂ©lĂšbre gĂ©nocide), mais aussi les syriaques catholiques, les ChaldĂ©ens, les orthodoxes grecs et les Assyriens.
AprĂšs des Ă©tudes de thĂ©ologie au Liban, il entre dans la communautĂ© monastique de Mar Moussa, fondĂ©e par le pĂšre jĂ©suite italien Paolo DallâOglio, enlevĂ© en 2013, vraisemblablement par des militants de lâĂtat islamique. OrdonnĂ© prĂȘtre, Mourad rĂ©pond Ă la demande de son Ă©vĂȘque de restaurer lâancien monastĂšre de Mar-Ălian, dans la rĂ©gion de Homs, dont il devient lâabbĂ©. En 2015, il est lui-mĂȘme victime dâun enlĂšvement par lâĂtat islamique, mais parvient Ă sâĂ©chapper aprĂšs quatre mois de captivitĂ©.
En marge de la réunion publique, Monseigneur Mourad a accordé un long entretien à Nuova Bussola Quotidiana au sujet de la Syrie et de son expérience personnelle en tant que chrétien.
Monseigneur Mourad, dans un entretien accordé à l'Agence Fides le 31 janvier, vous aviez évoqué la profonde confusion qui régnait en Syrie aprÚs la prise de pouvoir par l'ancien groupe d'Al-Qaïda, Hayat Tahrir al-Sham. Quelle a été la situation aujourd'hui, prÚs d'un an plus tard ?
Il est difficile de se prononcer, car la situation est complexe et surtout parce que le nouveau gouvernement manque de clarté : ceux qui sont au pouvoir adoptent une stratégie de manipulation, c'est-à -dire qu'ils disent une chose et en font une autre. Les relations avec la population sont marquées par une absence totale de franchise. Pour les nouveaux dirigeants, la population syrienne, composée en grande partie de résistants ayant souffert et été persécutés sous le régime d'Assad, est une population de « flul » (alliés, terme sous-entendu par l'ancien régime) à persécuter.
C'est ainsi que le peuple syrien a souffert et souffre encore aujourd'huiâŠ
Bien sĂ»r. Le peuple subit innocemment les reprĂ©sailles contre Assad, et le paradoxe est que le nouveau gouvernement utilise, encore plus raffinĂ©, les mĂȘmes mĂ©thodes criminelles dĂ©jĂ Ă©prouvĂ©es par l'ancien rĂ©gime. De plus, le peuple syrien est appauvri : le nouveau gouvernement a licenciĂ© la plupart des fonctionnaires, les laissant sans salaire. Les rares qui ont pu conserver leur emploi sont payĂ©s en livres syriennes, tandis que les nouveaux arrivants le sont en dollars : 60 dollars par mois pour les premiers, 500 dollars pour les seconds. Le gouvernement a rĂ©cemment dĂ©clarĂ© que la situation allait changer le mois prochain et que tous seraient payĂ©s de la mĂȘme maniĂšre. EspĂ©rons-le.
Selon certaines sources, des élections législatives ont eu lieu en Syrie le 5 octobre, mais la majorité de la population n'a pas pu y participer. Avez-vous voté personnellement ?
Non ! Personne n'a voté. Seul un petit groupe d'électeurs sélectionnés par le gouvernement s'est rendu aux urnes pour voter pour les candidats désignés par le gouvernement. Il n'y a pas eu d'élections : une mascarade pour les médias.
Vous étiez un ami et un confrÚre du pÚre Dall'Oglio, disparu depuis 2013. Avez-vous des informations sur ce qui a pu lui arriver ?
Aucune nouvelle. à mon avis, l'histoire du pÚre Dall'Oglio illustre une grave injustice ; elle symbolise toutes les personnes enlevées depuis des décennies en Syrie et la douleur de leurs familles. Le fait est que les enlÚvements se poursuivent encore aujourd'hui, avec une grande violence. Il faudra beaucoup de temps pour que la situation s'améliore.
Et peut-ĂȘtre aurons-nous aussi besoin de nouveaux dirigeantsâŠ
Ce qui m'inquiÚte, c'est que ce gouvernement soit acceptable pour la communauté internationale.
Ă votre avis, pourquoi ?
Je crois que Trump souhaite ménager Israël, faire ce qu'Israël veut.
Nul n'ignore que Hayat Tahrir al-Sham a pris le pouvoir en Syrie grĂące Ă l'aval de la Turquie, d'IsraĂ«l et des Ătats-UnisâŠ
âŠet aussi de la Russie, qui a convaincu Assad de quitter le pays et de se rĂ©fugier Ă Moscou.
Y a-t-il quelqu'un en sécurité en Syrie actuellement ?
Non. Les musulmans sont autant en danger que les chrĂ©tiens, sinon plus. Les Druzes sont persĂ©cutĂ©s, les Alaouites sont persĂ©cutĂ©s, les Chiites sont persĂ©cutĂ©sâŠ
Les Kurdes ?
Non, on ne les a pas persĂ©cutĂ©s, car ce sont des combattants courageux et armĂ©s. Nâoublions pas que ce sont les Kurdes qui ont vaincu Daech dans le nord-est de la Syrie.
En 2015, vous avez Ă©tĂ© enlevĂ© par des militants de lâĂtat islamique. Avez-vous reconnu certains de vos ravisseurs parmi les nouveaux dirigeants syriens ?
Non, ceux qui sont actuellement au pouvoir sont membres de Hayat Tahrir al-Sham, un groupe issu d'al-Nosra, la branche syrienne d'al-QaĂŻda. L'EI et al-Nosra sont ennemis et s'affrontent.
Pourtant, dans le chaos de la nouvelle Syrie, il semble y avoir une place pour l'EI, dont les objectifs ne paraissent pas si Ă©loignĂ©s de ceux du gouvernement de HTS : par exemple, l'Ă©limination des minoritĂ©s religieuses semble ĂȘtre un point commun aux deux groupes.
La diffĂ©rence rĂ©side dans le fait que l'EI poursuit le projet du califat islamique, un royaume oĂč la communautĂ© des croyants en Allah, l' umma islamya, serait soumise Ă un seul dirigeant. Al-Nosra, et donc HTS, visent quant Ă eux Ă rĂ©pandre la loi islamique dans le monde entier, tout en respectant les diffĂ©rentes nations.
Pour revenir à vos quatre mois et vingt jours de captivité, quelle a été la plus grande souffrance que vous ayez endurée entre les mains de vos ravisseurs ?
Sans aucun doute, une souffrance psychologique. Les deux premiers jours, j'ai Ă©tĂ© sauvagement battu, mais la souffrance psychologique est plus intense et dangereuse que la souffrance physique. Je dois admettre que Daech a une mĂ©thode Ă©prouvĂ©e et efficace pour exercer une pression psychologique. Au dĂ©but, ils m'ont menacĂ© de dĂ©capitation si je ne me convertissais pas Ă l'islam â pour eux, convertir un prĂȘtre catholique aurait Ă©tĂ© un grand succĂšs. Quand ils ont compris que cette mĂ©thode ne fonctionnait pas, ils m'ont envoyĂ© un homme trĂšs gentil et respectueux qui m'a racontĂ© l'histoire d'un pasteur anglican converti Ă l'islam, devenu un enseignant respectĂ© et pĂšre de quatre femmes. Cela n'a pas fonctionnĂ© non plus.
Avez-vous déjà été tenté de céder ?
Bien sĂ»r, c'est normal. Non seulement de cĂ©der, mais aussi de se sentir abandonnĂ© de Dieu. Quand je me sentais ainsi, je rĂ©citais le chapelet mentalement, car je n'en avais pas sur moi quand ils m'ont kidnappĂ©. Quand ils m'ont battu violemment pour la premiĂšre fois, j'ai cĂ©dĂ© Ă la douleur physique et au sentiment d'abandon, et c'est la seule fois oĂč j'ai pleurĂ©. Puis je me suis endormie, j'ai dormi deux heures, et je me suis rĂ©veillĂ©e en chantant la priĂšre de sainte ThĂ©rĂšse d'Avila â que rien ne te trouble, que rien ne t'effraie â en arabe, une langue dans laquelle je ne l'avais jamais rĂ©citĂ©e. J'y ai vu un signe que le Seigneur ne m'avait pas abandonnĂ©e, un don gratuit qui m'a donnĂ© la force d'avancer.
Que pouvons-nous faire, nous autres Occidentaux, pour la Syrie ?
Prier. Nous devons tous nous unir dans la priÚre : je suis convaincue que la priÚre est la véritable force capable de sauver le monde. Alors que j'étais prisonniÚre et que je priais pour tous, j'ai eu la grùce d'entendre les priÚres de tant de personnes qui imploraient Dieu pour moi. Si j'ai réussi à échapper à mes ravisseurs, c'est grùce à la puissance de la priÚre.
Avez-vous peur aujourd'hui ?
Non. J'en suis arrivé à la conclusion que, si je meurs pour la foi, je ne suis ni le premier ni le dernier. De plus, comme le dit saint Paul en parlant de sa propre mort, nous sommes avec Jésus ; que pouvons-nous désirer de plus ? Si la mort est le chemin qui mÚne à Jésus, c'est magnifique.
30/10/2025
"On parle beaucoup des crises de notre époque : divisions politiques, incertitudes économiques, menace de guerre. Pourtant, sous ce tumulte se cache une crise plus profonde, souvent négligée : une crise spirituelle. Comme l'observait mon héros Chesterton, nous avons tendance à nous préoccuper des mauvais dangers. Nous craignons les guerres et les effondrements financiers, alors que la véritable menace est la corruption morale et spirituelle qui ronge l'ùme.
Ă la base, notre monde moderne a nĂ©gligĂ© la dimension spirituelle. Ce n'est pas tant le chaos qui nous entoure que le vide intĂ©rieur qui dĂ©stabilise la sociĂ©tĂ©. Les gens se perdent car ils ne savent plus pourquoi ils sont lĂ â un problĂšme profondĂ©ment spirituel. Nous avons besoin d'idĂ©aux plus Ă©levĂ©s et d'une boussole morale, et non de simples slogans politiques. Lorsque l'humanitĂ© dĂ©tourne le regard de Dieu, un vide se crĂ©e, comblĂ© par des substituts : idĂ©ologies, modes et obsessions qui masquent le malaise sans jamais le guĂ©rir.
Ă une Ă©poque oĂč la foi Ă©tait encore vivante, l'impossible se produisit : le christianisme conquit l'Empire romain, Ă©difia des cathĂ©drales, engendra l'art, la littĂ©rature et des systĂšmes juridiques. Mais le monde moderne, qui se prĂ©tend rationnel et Ă©clairĂ©, a abandonnĂ© les miracles et vit dans une pauvretĂ© spirituelle. Il nie le surnaturel et se plaint ensuite de son absence. C'est lĂ la tragĂ©die du monde moderne. Il dit : « Montrez-moi un miracle, et alors je croirai. » Mais en rĂ©alitĂ©, c'est l'inverse : croyez, et alors vous verrez le miracle. Le miracle n'est pas que Dieu apparaisse dans toute Sa splendeur et Sa majestĂ© ; le miracle, c'est qu'Il Se soit tenu dans un atelier, en train de scier des planches.
« L'idolĂątrie ne se commet pas seulement en Ă©rigeant de faux dieux, mais aussi en Ă©rigeant de faux dĂ©mons ; en faisant craindre aux hommes la guerre, l'alcool ou les lois Ă©conomiques, alors qu'ils devraient craindre la corruption spirituelle et la lĂąchetĂ©. » â G.K. Chesterton
Cette remarque spirituelle de 1909 rĂ©sonne aujourd'hui comme une prophĂ©tie. Nous identifions toutes sortes d'ennemis terrestres â du changement climatique aux Ă©pidĂ©mies virales â et nous nous mobilisons contre eux, tout en ignorant les ennemis invisibles de l'Ăąme : l'absurditĂ© de la vie, la dĂ©cadence morale et le dĂ©sespoir. C'est comme si l'humanitĂ© s'affairait Ă Ă©teindre un petit feu dans le jardin, tandis que les fondations de la maison â le socle spirituel â s'affaissent lentement.
L'un des aspects les plus remarquables et radicaux de l'envoi des apÎtres par Jésus est son commandement : « Si quelqu'un ne vous reçoit pas et ne vous écoute pas, secouez la poussiÚre de vos pieds en témoignage contre lui. » Nous voyons ici quelque chose de presque impensable de nos jours : la certitude absolue de la foi. C'est un point crucial : le catholicisme n'est pas une opinion parmi d'autres sur Dieu et le monde. Il est la vérité, toute la vérité et rien que la vérité (je connais cette réplique d'une série télévisée américaine). Et la vérité n'est pas sujette à débat, à synodalité ou à compromis. Les apÎtres n'ont pas reçu l'ordre de débattre, de négocier indéfiniment ni de s'adapter aux désirs de leurs auditeurs. Si quelqu'un n'accepte pas ce que proclament les apÎtres, il passe à autre chose.
C'est tout le contraire du christianisme moderne, qui s'excuse souvent lui-mĂȘme et se contorsionne par tous les moyens pour rester acceptable et pertinent aux yeux du monde sĂ©culier. L'injonction de secouer la poussiĂšre de ses pieds n'est pas un appel au mĂ©pris, mais un signe de la vĂ©ritĂ© objective de la foi. Refuser le Christ n'est pas une question d'interprĂ©tation, mais un rejet tragique de la rĂ©alitĂ© elle-mĂȘme. Un avertissement retentit ici pour l'Ăglise occidentale : n'ayez pas peur d'ĂȘtre impopulaire. Les apĂŽtres ne l'Ă©taient pas non plus. Et pourtant, ils ont changĂ© le monde.
Les apĂŽtres appellent Ă la repentance, Ă la conversion. Non pas Ă une spiritualitĂ© vague, ni Ă un message gĂ©nĂ©ral d'amour, de paix et de comprĂ©hension, mais Ă la conversion â l'appel Ă un mode de vie radicalement nouveau. La religion n'est pas une simple prĂ©fĂ©rence personnelle sans consĂ©quences. Le christianisme n'est pas un mode de vie spirituel optionnel. C'est le chemin du salut. Et c'est pourquoi la mission des apĂŽtres est la mission de l'Ăglise Ă travers les Ăąges. L'Ăglise n'est pas une institution neutre qui prĂ©serve le patrimoine culturel. Elle est une dĂ©fenseure de la vĂ©ritĂ©, une Ăglise qui ne se soumet pas aux caprices du temps mais accomplit sa mission sans compromis. L'Ăglise qui prend sa mission au sĂ©rieux sera persĂ©cutĂ©e. L'Ăglise qui cherche Ă plaire au monde sera ignorĂ©e.
Et puis, point culminant de l'aventure, les apĂŽtres sortent et chassent les esprits impurs. C'est l'apogĂ©e du combat : la vĂ©ritable bataille n'est pas contre les hommes, ni contre les cultures, ni contre les dirigeants. La vĂ©ritable bataille est contre les puissances des tĂ©nĂšbres. La mission de JĂ©sus est la dĂ©faite du mal. C'est donc aussi la mission de l'Ăglise. Le christianisme n'est pas une thĂ©orie, ni une simple morale, ni une affaire purement humaine. C'est une guerre contre le mal lui-mĂȘme. Le monde moderne a tendance Ă psychologiser le mal, Ă le rĂ©duire Ă des facteurs sociaux, Ă le traiter comme une abstraction. Mais le christianisme est bien plus rĂ©aliste : le mal est une rĂ©alitĂ©.
Puisque la racine de la crise est spirituelle, la solution doit l'ĂȘtre aussi. C'est, au fond, un combat pour l'Ăąme. On peut voter des centaines de lois et inventer des merveilles technologiques, mais si l'Ăąme est malade, les symptĂŽmes ne cesseront de rĂ©apparaĂźtre. Nous le constatons clairement : la prospĂ©ritĂ© et la science ont accompli beaucoup, mais le malaise intĂ©rieur et la confusion morale n'ont pas diminuĂ©. En rĂ©alitĂ©, Ă mesure que les gens font moins confiance Ă Dieu, ils font confiance Ă tout le reste. Chesterton a bien saisi ce paradoxe : quand les hommes cessent de croire en Dieu, ils ne croient pas en rien ; ils croient en n'importe quoi.
On le constate partout. LĂ oĂč les bancs des Ă©glises se vident, les gourous du dĂ©veloppement personnel, les sites d'horoscope et les « spiritualitĂ©s » Ă la mode pullulent. La soif humaine de sens demeure, mĂȘme quand on rejette le Christ. Mais les substituts â qu'il s'agisse d'une foi aveugle dans le marchĂ©, d'un culte de la science Ă©rigĂ© en sauveur tout-puissant ou d'expĂ©riences Ă©sotĂ©riques â ne peuvent remplacer le Christ. Ils sont comme du sel sans saveur.
Ainsi, quand on abandonne le Christ, la crise ne fait que s'aggraver. On le voit autour de nous : Ă mesure que la foi chrĂ©tienne disparaĂźt, les normes morales s'estompent et les communautĂ©s se dĂ©sagrĂšgent. Une sociĂ©tĂ© qui perd son Ăąme perd aussi sa solidaritĂ© et son cap. Au lieu de la charitĂ© de l'Ăvangile, nous hĂ©ritons d'une culture froide d'affirmation de soi radicale, oĂč chacun a sa propre « vĂ©ritĂ© » et oĂč plus rien n'est sacrĂ©. Cela engendre la solitude, la polarisation et le dĂ©sespoir â une crise spirituelle qui amplifie toutes les autres. Cela mĂšne inĂ©vitablement Ă la dĂ©cadence et, finalement, Ă la destruction. Consultez vos livres d'histoire.
Comment cela se fait-il ? Laissez-moi vous parler de mon voisin. J'aime aller chez lui. Pourquoi ? Parce qu'il fait du bon café : une machine à café italienne de type barista haut de gamme. J'étais justement là quand il a déballé cette machine. Et j'ai essayé de la faire fonctionner. Mais nous n'y sommes pas parvenus. Elle a d'abord produit de la vapeur, puis un bruit infernal, et enfin un café fade. Une expérience trÚs décevante, en somme. Le lendemain, il a eu une idée de génie : il a pris le mode d'emploi et a suivi les instructions. Résultat : un café délicieux. C'est tout simple : le fabricant de cette machine sait comment elle fonctionne. Il l'a conçue. Suivez ses instructions et vous obtiendrez le résultat escompté. Ignorez-les, et vous obtiendrez soit un café médiocre, soit une machine qui ne fonctionne pas du tout, soit, pire encore, vous la détruirez.
Pourquoi cet Ă©vĂȘque vous parle-t-il de machines Ă cafĂ© ? Comment un ĂȘtre humain peut-il s'Ă©panouir pleinement ? Nous avons un CrĂ©ateur, nous sommes conçus par un Concepteur. Comment connaĂźtre notre raison d'ĂȘtre et comment la rĂ©aliser ? Nous a-t-Il donnĂ© des instructions ? Oui. Il nous a donnĂ© l'Ancien Testament (principalement le diagnostic de nos erreurs) et le remĂšde : le Nouveau Testament : JĂ©sus-Christ, les ApĂŽtres, l'Ăglise, la Tradition, l'enseignement de l'Ăglise. Suivez ces instructions et vous dĂ©couvrirez votre raison d'ĂȘtre et comment atteindre votre but : la vie Ă©ternelle. Ignorez les instructions de notre CrĂ©ateur et tout ira mal. Comme une machine dĂ©faillante qui tombe en panne. LĂ oĂč le Christ est absent, les choses tournent mal. LĂ oĂč le Christ n'est pas Roi, le chaos rĂšgne. Et cela, mes chers amis, c'est ce que nous appelons la modernitĂ©.
Sans Dieu, il nous incombe de guĂ©rir le monde de ses dĂ©fauts. Que les choses aillent mal depuis la nuit des temps est une Ă©vidence. Sans le Christ, quel est le remĂšde ? Le monde croit au progrĂšs. Mais pourquoi se soucier du progrĂšs quand la condition humaine est le problĂšme ? Le problĂšme, c'est que la modernitĂ© ne le perçoit pas comme tel. Elle pense que le problĂšme, c'est la sociĂ©tĂ©, les structures, les autres, l'Ă©conomie, la politique, et que nous ne pouvons agir que sur ces aspects. C'est ce que pensaient les rĂ©volutionnaires français, les bolcheviks, et c'est ce que le Printemps arabe Ă©tait censĂ© accomplir. Et nous savons oĂč cela mĂšne : au chaos et Ă la destruction. L'histoire biblique de la tour de Babel l'a dĂ©jĂ clairement dĂ©montrĂ© : la tentative humaine de reconquĂ©rir le paradis. Nous savons comment cela s'est terminĂ©. Et nous continuons de croire que c'est possible : l'Union europĂ©enne, le Nouvel Ordre Mondial, la grande rĂ©initialisation.
Avant le siĂšcle des LumiĂšres, personne ne croyait au progrĂšs (le christianisme Ă©tait dominant ; les idĂ©es utopiques n'avaient aucune chance). Les LumiĂšres ne croyaient pas en Dieu. L'homme Ă©tait fondamentalement bon ; le problĂšme rĂ©sidait dans les structures de la sociĂ©tĂ©. Voltaire avait cette idĂ©e du « bon sauvage ». LĂ oĂč l'argent et le christianisme ne risquaient pas de perturber la vie en sociĂ©tĂ©, il devait y avoir harmonie, amour, paix et comprĂ©hension. Or, cela s'est avĂ©rĂ© ĂȘtre une erreur. Voltaire a Ă©galement Ă©crit un livre sur l'Ă©ducation des enfants. Avait-il lui-mĂȘme des enfants ? Oui, cinq. Savez-vous comment il les a Ă©levĂ©s ? Il ne les a pas Ă©levĂ©s. Juste aprĂšs leur naissance, il les a tous abandonnĂ©s Ă l'orphelinat. Je n'en dirai pas plus.
Nous croyons encore au progrÚs : progrÚs technologique, progrÚs scientifique. Si les LumiÚres croyaient aussi au progrÚs moral, depuis le XXe siÚcle (Hitler, Staline, Mao, Pol Pot), nous n'y croyons plus. Mais puisque nous ne croyons ni à la vie aprÚs la mort ni au progrÚs moral, que reste-t-il : la folie, l'absurdité, l'antithÚse d'une société utopique. Comment cela se fait-il ?
Deux raisons :
L'Ăglise catholique a toujours adhĂ©rĂ© Ă la philosophie de Thomas d'Aquin. Pourquoi ? Parce qu'elle repose sur le bon sens. La philosophie de saint Thomas se fonde sur la conviction universelle qu'un Ćuf est un Ćuf. Cela peut paraĂźtre Ă©vident, mais dans un monde complexe, ce n'est plus le cas. L'hĂ©gĂ©lien pourrait affirmer qu'un Ćuf est en rĂ©alitĂ© une poule, car il participe Ă un processus de devenir infini. Le partisan de Berkeley pourrait prĂ©tendre que les Ćufs pochĂ©s n'existent que comme un rĂȘve, puisqu'il est tout aussi simple de dire que le rĂȘve a engendrĂ© les Ćufs que l'inverse. Le pragmatiste pourrait croire que l'on apprĂ©cie au mieux les Ćufs brouillĂ©s en oubliant qu'il s'agissait d'Ćufs et en ne retenant que le rĂ©sultat.
Mais aucun disciple de saint Thomas n'a besoin de se creuser la tĂȘte pour conclure qu'un Ćuf est simplement un Ćuf. Le thomiste sait que les Ćufs ne sont ni des poules, ni des rĂȘves, ni de simples suppositions pratiques, mais des rĂ©alitĂ©s confirmĂ©es par l'autoritĂ© des sens. Ainsi parlait l'apĂŽtre Ă l'esprit brillant, G.K. Chesterton.
Il semble que les thomistes et les chestertoniens â ces personnes pour qui il est Ă©vident qu'un garçon est un garçon et une fille est une fille â soient rares. Ce sont des faits biologiques perceptibles par les sens. Un garçon n'existe pas comme un rĂȘve ; ce n'est pas le rĂȘve qui est la cause de son ĂȘtre, ni son ĂȘtre la cause du rĂȘve. On peut recourir Ă autant de chirurgie esthĂ©tique qu'on veut et oublier Ă quoi ressemblait le corps Ă l'origine, cela ne change rien au fait qu'il reste un garçon. Et un bĂ©bĂ© est un bĂ©bĂ©âŠ
Il y a deux vĂ©ritĂ©s fondamentales que Chesterton dĂ©fend : la famille et la foi. La sociĂ©tĂ© moderne tout entiĂšre s'attaque Ă ces deux vĂ©ritĂ©s. S'attaquer Ă la famille, c'est s'attaquer Ă la vie elle-mĂȘme, et s'attaquer Ă la foi, c'est s'attaquer au CrĂ©ateur de la vie.
Chaque enfant est JĂ©sus : un visiteur du ciel, confiĂ© un temps Ă ses parents. Le mariage est un sacrement. Il rĂ©vĂšle une vĂ©ritĂ© religieuse : l'amour est inconditionnel et source de vie. S'attaquer Ă la famille, c'est avant tout s'attaquer Ă une vĂ©ritĂ© religieuse. Et c'est s'attaquer Ă la religion qui a rĂ©vĂ©lĂ© cette vĂ©ritĂ© : l'Ăglise catholique romaine. DĂ©fendre la foi, c'est dĂ©fendre la famille. Mais c'est aussi dĂ©fendre la foi elle-mĂȘme : ses prĂ©ceptes, ses pratiques, sa puretĂ©. Les attaques viennent de toutes parts, subtiles ou manifestes. Chesterton affirme : « Ce qui est rĂ©ellement Ă l'Ćuvre dans le monde aujourd'hui, c'est l'anticatholicisme, et rien d'autre. »
Chesterton : « Les adversaires du christianisme croiraient n'importe quoi, sauf le christianisme. » Et en effet, nous avons constatĂ© que les sectes et les cultes les plus Ă©tranges sont pris au sĂ©rieux, tandis que l'Ăglise est tournĂ©e en ridicule. Chaque hĂ©rĂ©sie s'est appropriĂ©e un fragment de vĂ©ritĂ© et a rejetĂ© le reste. Ainsi, les luthĂ©riens sont devenus obsĂ©dĂ©s par la « foi seule », les calvinistes par la souverainetĂ© de Dieu, les baptistes par la Bible, les adventistes du septiĂšme jour par le sabbat, et ainsi de suite.
L'Ăglise catholique a Ă©tĂ© attaquĂ©e pour ĂȘtre trop austĂšre ou trop ostentatoire, trop matĂ©rialiste ou trop spirituelle, trop mondaine ou trop dĂ©tachĂ©e du monde, trop complexe ou trop simpliste. On reproche aux catholiques d'ĂȘtre cĂ©libataires, mais aussi d'avoir trop d'enfants ; on leur reproche d'ĂȘtre injustes envers les femmes, mais aussi parce que « seules les femmes » assistent Ă la messe. Les modernistes dĂ©plorent la mort de l'Ăglise catholique, et s'indignent encore plus de son pouvoir et de son influence. Les laĂŻcs admirent l'art italien tout en mĂ©prisant la religion italienne. Le monde reproche aux catholiques leurs pĂ©chĂ©s â et pire encore, de les confesser. Les protestants affirment que les catholiques ne prennent pas la Bible au sĂ©rieux, puis les critiquent pour leur interprĂ©tation littĂ©rale de l'Eucharistie.
En fin de compte, toute attaque contre l'Ăglise est une attaque contre le sacerdoce et l'Eucharistie. Toute attaque contre l'Ăglise est une attaque contre le Christ : Dieu venu comme un enfant, fondateur de l'Ăglise, qui a prĂ©sentĂ© le pain et le calice en disant : « Ceci est mon corps. Ceci est mon sang. » Chesterton a dĂ©fendu l'Ăglise alors mĂȘme qu'il en Ă©tait encore un Ă©tranger. Ironie du sort, aujourd'hui, nous devons parfois dĂ©fendre l'Ăglise contre des personnes de l'intĂ©rieur â contre des catholiques, mĂȘme Ă Rome â qui cherchent Ă saper leur propre foi. Dieu merci, les choses semblent se normaliser.
Pourtant, ce combat n'est pas perdu d'avance. Au contraire, le premier pas vers la guérison est la reconnaissance : admettre que ce à quoi nous sommes confrontés n'est pas seulement politique ou économique, mais une urgence morale et spirituelle. Ce n'est qu'alors que nous pourrons choisir les armes appropriées. Aussi, nous devons nous interroger : comment mener un combat spirituel ? La foi est une affaire personnelle. Jésus a le plus souffert sur la croix, sachant qu'il ne sauverait pas tout le monde, que tous ne croiraient pas en lui (« Mon peuple, voyez ce que j'ai fait pour vous ; qu'aurais-je pu faire de plus ? C'est pourquoi Jésus connaßt Jérusalem »). Il est vrai que nous avons le libre arbitre. Il nous appartient de coopérer au plan de salut de Jésus. Le monde séculier cherche à résoudre les problÚmes ; les chrétiens aspirent au salut.
En temps de crise, certains dĂ©plorent l'Ă©chec du christianisme, la perte d'influence de l'Ăglise. Mais l'idĂ©al chrĂ©tien a-t-il jamais Ă©tĂ© vĂ©ritablement mis Ă l'Ă©preuve et jugĂ© insuffisant ? Notre monde ne souffre pas parce que nous avons suivi le Christ de trop prĂšs, mais parce que nous ne l'avons pas suivi du tout. MĂȘme au sein de l'Ăglise, le problĂšme persiste. L'Ăglise aprĂšs Vatican II⊠Non pas le Concile lui-mĂȘme, mais l'interprĂ©tation qu'on en a faite : le prĂ©tendu « Esprit de Vatican II ». Le document de Vatican II en lui-mĂȘme nâest pas fondamentalement erronĂ©. Sacrosanctum Concilium souligne l'importance du latin, du chant grĂ©gorien ; il n'est nullement question de supprimer la balustrade de l'autel ni de remplacer le maĂźtre-autel par une table de cuisine. Mais les mĂ©dias et des personnalitĂ©s comme KĂŒng et Schillebeeckx ont dĂ©tournĂ© le Concile et l'ont transformĂ© en quelque chose de complĂštement diffĂ©rent. J'ai eu des centaines de discussions avec ces personnes et je leur pose toujours la mĂȘme question : « Avez-vous lu les documents ? » La rĂ©ponse est invariablement : « Non, mais⊠» Non, non, pas de « mais », lisez-les et revenez ensuite. Ils ne le font jamais. Certes, Vatican II avait ses dĂ©fauts et son langage pastoral laissait place Ă diverses interprĂ©tations, mais ne confondons pas le concile lui-mĂȘme avec le concile des mĂ©dias et de ceux qui cherchaient Ă modifier la doctrine de l'Ăglise. Le rĂ©sultat ? De la mauvaise foi. C'est alors qu'on sait que quelque chose cloche vraiment.
Le problĂšme, bien sĂ»r, c'est qu'il ne s'agissait pas d'un concile dogmatique. La seule raison d'ĂȘtre des conciles Ă©tait de clarifier les choses. D'ailleurs, nous devrions ĂȘtre reconnaissants envers Arius et les autres hĂ©rĂ©tiques. Sans eux, nous n'aurions pas la confession de foi telle que formulĂ©e par le concile de NicĂ©e. Les conciles Ă©taient lĂ pour clore les dĂ©bats : si vous croyez ceci, vous ĂȘtes dedans, sinon, vous ĂȘtes dehors. Roma locuta, causa finita. Plus de Sed Contra.
Aggionamento. Nous pensions devoir suivre le courant de la sociĂ©tĂ© sĂ©culiĂšre. Nous voulions ĂȘtre pertinents Ă notre Ă©poque ; l'Ăglise de Nice au lieu de l'Ăglise de NicĂ©e. RĂ©unions mondaines. Nous avons rĂ©duit les dix commandements Ă un seul : aime ton prochain, sois bon. Cela se reflĂšte dans le Novus Ordo : l'autel a Ă©tĂ© remplacĂ© par une table [contrairement Ă Sacrosanctum Concilium]. L'autel symbolise le sacrifice. L'Eucharistie est un sacrifice sous la forme d'un repas, et non un repas sous la forme d'un sacrifice. JĂ©sus a rompu le pain lors de la CĂšne, mais cela faisait rĂ©fĂ©rence au sacrifice sur la croix ! Et non au simple fait de « rompre et partager » ! Certes, nous sommes trĂšs sociables, mais qui parle de la vie aprĂšs la mort, du jugement, des quatre derniĂšres Ă©tapes humaines ?
Le problĂšme n'est pas que l'Ăvangile soit dĂ©passĂ©, mais que nous l'ayons troquĂ© contre des substituts plus faciles. Les demi-vĂ©ritĂ©s ne peuvent guĂ©rir l'Ăąme. Seule la vĂ©ritĂ© radicale et intĂ©grale du Christ le peut. Il ne s'agit pas d'un idĂ©al « mĂ©diĂ©val ». La crise de notre temps â solitude, injustice, amertume â appelle de vĂ©ritables chrĂ©tiens qui apportent un amour courageux et l'espĂ©rance lĂ oĂč rĂšgnent le cynisme et le dĂ©sespoir.
Certains se dĂ©tournent de la foi Ă cause des manquements des chrĂ©tiens : scandales, hypocrisie, compromis. Certes, ces manquements ont nui Ă la crĂ©dibilitĂ© de lâĂglise. Mais cela ne remet pas en cause la vĂ©ritĂ© de son message. LâĂglise nâest pas sainte parce que ses fidĂšles ne pĂšchent jamais, mais parce quâelle offre aux pĂ©cheurs un chemin vers la saintetĂ©. Les manquements des chrĂ©tiens prouvent non pas que le Christ a failli, mais que nous avons failli Ă le suivre.
La sortie de crise commence par un authentique retour au Christ. La foi ne doit pas ĂȘtre un accessoire culturel, mais la source de la vie. Lorsque les chrĂ©tiens vivent leur foi avec sĂ©rieux â non par obligation, mais par amour â elle rayonne. LâĂąme du monde ne peut ĂȘtre guĂ©rie que lorsque nos propres Ăąmes sâembrasent Ă nouveau de foi, dâespĂ©rance et dâamour.
Ceci nous amĂšne au rĂŽle de lâĂglise. Certaines communautĂ©s tentent encore dâenrayer le dĂ©clin en sâadaptant Ă leur Ă©poque : modernisation, simplification, perfectionnement jusquâĂ ce que rien ne choque. Dâautres font le contraire : nager Ă contre-courant, sâaccrocher Ă la tradition et Ă lâorthodoxie mĂȘme si elles semblent « dĂ©passĂ©es ». Lequel fonctionne vraiment ?
Chesterton, converti au catholicisme, Ă©tait catĂ©gorique : adapter lâĂglise Ă chaque mode est vain. « Nous ne voulons pas, comme le disent les journaux, une Ăglise qui suit le monde. Nous voulons une Ăglise qui fasse bouger le monde. » Autrement dit : une Ăglise gagne en crĂ©dibilitĂ© non pas en se faisant lâĂ©cho du monde, mais en le corrigeant. Nous avons besoin dâune foi qui nous interpelle lorsque nous avons tort, et non dâune foi qui se contente de nous rassurer lorsque nous sommes dĂ©jĂ dâaccord.
Et de fait, que constatons-nous ? Les Ăglises dites « libĂ©rales » â celles qui diluent ou relativisent la doctrine pour paraĂźtre pertinentes â sont en dĂ©clin. Leurs bancs se vident et vieillissent. Les sociologues rĂ©sument la situation ainsi : « Les Ăglises libĂ©rales nâont pas dâenfants. » Elles ne peuvent inspirer les nouvelles gĂ©nĂ©rations. DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 2000, on constatait le dĂ©clin de ces communautĂ©s, frĂ©quentĂ©es principalement par des personnes ĂągĂ©es. Les jeunes ne sont pas attirĂ©s par un christianisme tiĂšde et sĂ©cularisĂ©. Un humanisme rĂ©chauffĂ© nâa aucun pouvoir dâinspiration.
ParallĂšlement, les Ăglises orthodoxes â celles qui proclament avec audace leurs convictions, ancrĂ©es dans la tradition â attirent les jeunes. Ce sont des Ăglises qui dĂ©fendent des valeurs, et cela se remarque. Une Ăglise qui ose ĂȘtre une oasis dans le dĂ©sert, offrant l'eau vive aux assoiffĂ©s, attire les chercheurs de vĂ©ritĂ©. Ce n'est pas une illusion : des enquĂȘtes rĂ©centes confirment que les jeunes gĂ©nĂ©rations, de façon surprenante, connaissent un modeste retour Ă la foi, et que les communautĂ©s orthodoxes en sont les principales bĂ©nĂ©ficiaires.
En bref : les Ăglises qui restent fidĂšles â que ce soit par une liturgie empreinte de recueillement, une doctrine claire ou un enseignement moral intransigeant â sont prĂ©cisĂ©ment celles qui suscitent un renouveau, surtout chez les jeunes. J'en rencontre beaucoup. Ils ne veulent pas ĂȘtre dorlotĂ©s, mais interpellĂ©s. Ils veulent savoir s'il existe des convictions et des valeurs auxquelles croire et qu'il faut mettre en pratique. Ils veulent connaĂźtre la vĂ©ritĂ©. Ils arrivent dans nos Ăglises de façon totalement inattendue. Ils sont peu nombreux, mais ils sont lĂ . Et cela se produit partout (4 caractĂ©ristiques : 1. un environnement laĂŻque ; 2. le dĂ©sir de connaĂźtre la vĂ©ritĂ© ; 3. un trĂšs jeune Ăąge ; 4. tous de jeunes hommes/garçons).
Paradoxalement, au milieu de ce dĂ©clin, des signes d'espoir apparaissent chez les jeunes. Dans certains endroits, la gĂ©nĂ©ration Z semble lĂ©gĂšrement plus religieuse que les Milleniaux qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©e. Aux Pays-Bas, par exemple, des enquĂȘtes montrent que 30 % des jeunes adultes ĂągĂ©s de 15 Ă 35 ans se dĂ©clarent religieux. Cela peut paraĂźtre peu, mais ce chiffre semblait avoir considĂ©rablement diminuĂ©. De plus, les communautĂ©s chrĂ©tiennes orthodoxes â catholiques, orthodoxes et Ă©vangĂ©liques â sont en pleine expansion.
Pourquoi ? Parce que les jeunes recherchent la profondeur et la clartĂ©. Ils ont grandi dans une culture oĂč « chacun a sa propre vĂ©ritĂ© », mais ils ont constatĂ© que cela les laissait insatisfaits. Ils aspirent Ă une VĂ©ritĂ© qui les dĂ©passe, un fondement solide sur un sol instable. Ils ne veulent pas d'une foi superficielle, mais de la foi authentique. Et ils ont soif de communautĂ©. Dans une culture atomisĂ©e et individualiste, une authentique communautĂ© chrĂ©tienne rayonne comme une famille. C'est pourquoi les groupes de jeunes, les pĂšlerinages et les paroisses traditionnelles, frĂ©quentĂ©es par de jeunes familles, sont en plein essor. Loin d'ĂȘtre rebutĂ©s par une foi exigeante, beaucoup y sont attirĂ©s. Ils aspirent au mystĂšre, Ă la beautĂ© et au dĂ©fi â et non Ă une pĂąle copie de la culture profane.
Nous sommes partis du principe que la crise actuelle est, au fond, spirituelle. Et en effet, les rĂ©ponses les plus profondes doivent l'ĂȘtre aussi. L'apĂŽtre Paul nous le rappelle dans sa lettre aux ĂphĂ©siens : « Car nous n'avons pas Ă lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de tĂ©nĂšbres, contre les esprits mauvais rĂ©pandus dans l'air. » Autrement dit, le combat le plus profond du chrĂ©tien n'est pas contre des ĂȘtres de chair et de sang, mais contre les puissances invisibles du mal. Il ne s'agit pas d'une superstition mĂ©diĂ©vale, mais d'une rĂ©alitĂ© concrĂšte de la vie chrĂ©tienne. Nous vivons, comme l'a dit C.S. Lewis, en territoire ennemi, oĂč les tĂ©nĂšbres rĂŽdent encore malgrĂ© la victoire dĂ©cisive remportĂ©e par le Christ sur la croix.
Pourtant, ce combat spirituel paraĂźt Ă©trange, voire irrĂ©el, Ă beaucoup. Ă notre Ă©poque moderne et Ă©clairĂ©e, parler de diables et d'anges semble dĂ©suet. Le mal est expliquĂ© par la psychologie ou la sociologie, sans intervention surnaturelle. Mais peut-ĂȘtre que ce scepticisme est prĂ©cisĂ©ment ce que Satan souhaite. Nous pouvons tomber dans deux piĂšges opposĂ©s concernant le diable : soit nous nions totalement son existence, soit nous dĂ©veloppons une obsession malsaine Ă son sujet. Comme l'observait Lewis dans The Screwtape Letters (Tactique du diable), le diable se rĂ©jouit tout autant des deux extrĂȘmes. Le chrĂ©tien sage reste vigilant sans hystĂ©rie : il reconnaĂźt le mal avec luciditĂ©, sans paranoĂŻa.
Le prince des tĂ©nĂšbres n'est pas l'Ă©gal de Dieu. Il n'est pas un anti-dieu Ă©ternel, mais un ange dĂ©chu â une crĂ©ature jadis bonne, dĂ©sormais en rĂ©volte. Il est limitĂ©. Intelligent et dangereux comparĂ© Ă nous, certes, mais fini et, en fin de compte, soumis Ă la puissance de Dieu. Il y a bien une guerre dans l'univers, mais non entre deux dieux Ă©gaux. C'est la rĂ©bellion d'une crĂ©ature contre son CrĂ©ateur. Cette perspective permet d'Ă©viter Ă la fois la surestimation et la sous-estimation de l'ennemi.
Paul met en garde contre les « ruses du diable ». Ces ruses évoquent la tromperie et la subtilité. Le diable n'apparaßt généralement pas avec des cornes et des collants rouges. Son but est de nous éloigner de Dieu, et il y parvient par le mensonge et les tentations déguisées en pensées et humeurs ordinaires.
Avez-vous remarquĂ© avec quelle rapiditĂ© votre humeur peut basculer de la foi et de la joie au doute ou au dĂ©couragement, parfois sans raison apparente ? Une force obscure peut ĂȘtre Ă l'Ćuvre, avide d'exploiter ces moments de faiblesse. Le diable connaĂźt nos vulnĂ©rabilitĂ©s. Il murmure : « Ta priĂšre est vaine ; abandonne. » Il rĂ©veille de vieux remords pour nous dĂ©moraliser. Sa tactique ne consiste gĂ©nĂ©ralement pas Ă renier Dieu ouvertement, mais Ă Ă©roder progressivement notre confiance en sa bontĂ©.
Prenons l'exemple d'une dispute au sein de l'Ăglise. En apparence, il s'agit d'un simple dĂ©saccord humain. Mais bientĂŽt, l'orgueil ou le ressentiment s'insinuent. L'autre personne commence Ă ressembler Ă l'ennemi. Les paroles de Paul nous rappellent que cette personne n'est pas le vĂ©ritable ennemi. Le vĂ©ritable ennemi rit lorsque les chrĂ©tiens se dĂ©chirent.
Prenons par exemple les tentations modernes. Souvent, le diable n'a mĂȘme pas besoin de nous effrayer ; il prĂ©fĂšre nous endormir. Il nous noie sous un flot de divertissements, de distractions et de confort, jusqu'Ă ce que Dieu devienne insignifiant. GrĂąces soient rendues Ă Dieu, car il ne nous a pas laissĂ©s sans dĂ©fense. Paul prescrit l'armure de Dieu (Eph 6,13-17). L'image est celle d'un soldat romain, mais les armes sont des vertus spirituelles, non de l'acier. Examinons-les :
âą La ceinture de vĂ©ritĂ© : La ceinture d'un soldat maintenait tout en place. De mĂȘme, la vĂ©ritĂ© nous empĂȘche de sombrer dans la confusion. Dans un monde de relativisme et de mensonge, l'honnĂȘtetĂ© et l'amour de la vĂ©ritĂ© sont notre premiĂšre dĂ©fense.
âą La cuirasse de justice : La cuirasse protĂšge le cĆur. La justice dĂ©signe Ă la fois le don de la justification par le Christ et notre intĂ©gritĂ© morale.
âą Les chaussures de la disponibilitĂ© Ă proclamer l'Ăvangile de paix : Les chaussures donnent stabilitĂ© et mouvement. Notre disponibilitĂ© Ă vivre et Ă partager l'Ăvangile nous rend fermes sur nos appuis.
⹠Le bouclier de la foi : Par la foi, nous éteignons les « flÚches enflammées du Malin ». La foi est la confiance dans les promesses de Dieu.
⹠Le casque du salut : Le casque protÚge l'esprit. Le salut est notre assurance d'appartenir au Christ et notre espérance de la vie éternelle.
⹠L'épée de l'Esprit, qui est la Parole de Dieu : La seule arme offensive. « Croyez-vous que je sois venu apporter la paix ? Non, la division. »
Paul ajoute ensuite ce qui donne vie Ă tous : la priĂšre. La priĂšre est le lien qui nous unit Ă notre Commandant. Elle nous maintient connectĂ©s Ă son commandement. Sans priĂšre, mĂȘme la meilleure armure nous laisse isolĂ©s.
Ayez le courage d'aller à contre-courant. N'ayez pas honte de l'orthodoxie ni des valeurs « traditionnelles ». Ce sont précisément elles qui donnent de la crédibilité.
BĂątissez des communautĂ©s de vrais catholiques. Une paroisse ou une famille oĂč le Christ est vĂ©ritablement roi est une rĂ©ponse puissante Ă la crise du sens. Unissez les communautĂ©s.
Le combat n'est pas encore gagnĂ©. Mais il n'est pas perdu non plus. L'histoire montre que la VĂ©ritĂ©, mĂȘme Ă©touffĂ©e ou oubliĂ©e, finit toujours par triompher. Et dans nos heures les plus sombres, la lumiĂšre du Christ peut briller de tout son Ă©clat.
Le monde est plein de fous qui disent que les temps sont sombres. Mais moi, je dis : c'est prĂ©cisĂ©ment dans les tĂ©nĂšbres qu'une simple bougie â le petit reste â brille le plus fort.
Alors, levons haut la flamme de la foi. Non avec amertume, mais avec joie ; non avec rĂ©signation, mais avec espĂ©rance. Car le Christ seul est la rĂ©ponse qui peut transformer la crise. Il est le mĂȘme hier, aujourd'hui et Ă©ternellement.
Parfois, l'armure nous paraĂźt lourde. Parfois, nous nous sentons las. Pourtant, le combat est celui du Seigneur. Notre rĂŽle est de rester fidĂšles, de prier, de tenir bon. Souvenez-vous : le plus faible des saints, revĂȘtu de l'armure de Dieu, est plus fort que l'enfer. Efforcez-vous de devenir un saint. Si ce n'est pas votre but dans la vie, vous l'aurez gĂąchĂ©e.
Merci de votre attention. Viva Christe Re !"
Mgr Robert Mutsaerts
29/10/2025
Ils ont pu démontrer que Benoßt Payan avait méconnu les libertés publiques et porté atteinte aux droits des croyants catholiques.
Tout nâa pas pu ĂȘtre sauvĂ© puisque des reprĂ©sentations du film Ă©taient programmĂ©es du 22 au 28 octobre seulement, et que lâaudience et lâordonnance reconnaissant le bon droit des requĂ©rants nâont pu intervenir que le 25 octobre. En pratique, cela ne laissait place quâĂ deux projections Ă la Buzine, dont la premiĂšre, le 25, nâa pas pu bĂ©nĂ©ficier dâune publicitĂ© correcte, faute de temps mais le symbole est lĂ , et il est fort.
Comme lors de la levĂ©e des restrictions excessives imposĂ©es au culte catholique au sortir du confinement covid de 2020, oĂč lâAGRIF Ă©tait au nombre des requĂ©rants victorieux, cette association de dĂ©fense des droits des chrĂ©tiens et des français en France est intervenue au soutien de StĂ©phane Ravier et des rĂ©alisateurs.
StĂ©phane Ravier et les Gunnell soutenus par lâAGRIF devant le tribunal administratif
LâAlliance gĂ©nĂ©rale contre le racisme et pour le respect de lâidentitĂ© française et chrĂ©tienne (AGRIF) a cette fois agi en soutien des requĂ©rants, sâassociant Ă leur dĂ©marche et en la soutenant financiĂšrement par la prise en charge de 50 % des frais. StĂ©phane Ravier, qui sâest fortement mobilisĂ© en faveur du droit de projeter SacrĂ© CĆur comme nâimporte quelle autre Ćuvre cinĂ©matographique et sans lui laisser infliger une discrimination anti-chrĂ©tienne, a dâailleurs envoyĂ© ce message Ă lâAGRIF : « Encore un grand merci pour votre rĂ©activitĂ© le soir oĂč nous vous avons appelĂ© Ă lâaide. TrĂšs belle opĂ©ration ! Elle eut Ă©tĂ© impossible sans votre gĂ©nĂ©reux engagement. »
En effet, face Ă de telles dĂ©cisions de la part des pouvoirs publics, il faut avoir les capacitĂ©s et aussi les moyens matĂ©riels dâintervenir. LâAGRIF, association privĂ©e qui ne reçoit pas de subvention de lâEtat, a une fois de plus dĂ©montrĂ© ici la nĂ©cessitĂ© de son existence et lâefficacitĂ© de ses interventions de diverses natures.
En cette occurrence, câest un rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ© qui a Ă©tĂ© dĂ©posĂ© par lâavocat des requĂ©rants, Me Belmont, qui a pu faire reconnaĂźtre lâurgence dâobtenir une dĂ©cision de la part du juge administratif â dĂ©cision de surcroĂźt favorable, qui joue en faveur des droits des chrĂ©tiens en France dans leur ensemble.
Au chĂąteau de La Buzine Ă Marseille, on projette bien un film sur le DalaĂŻ-Lama !
BenoĂźt Payan sâĂ©tait appuyĂ© sur des conseils dâavocats pour censurer cette Ćuvre artistique portant sur la foi chrĂ©tienne quâest SacrĂ© CĆur. Comme le note le communiquĂ© co-signĂ© par « Marseille dâabord », la formation du sĂ©nateur StĂ©phane Ravier, et lâAGRIF, « Ă©tonnamment, la municipalitĂ© nâa rien trouvĂ© Ă redire lors de la projection du film Kundun qui retraçait la vie du DalaĂŻ-Lama, chef spirituel du bouddhisme tibĂ©tain ».
Les requĂ©rants signalaient Ă©galement que SacrĂ© CĆur a bel et bien obtenu un visa dâexploitation du Centre national du cinĂ©ma (CNC), qui lâautorise Ă ĂȘtre diffusĂ© dans toutes les salles de France, y compris les 386 salles gĂ©rĂ©es en rĂ©gie municipale, comme lâest celle du chĂąteau de la Busine.
Leur communiquĂ© souligne encore que « ce mĂȘme maire nâhĂ©site pas Ă se rendre Ă des prĂȘches islamiques pour y promettre la construction de nouvelles et plus grandes mosquĂ©es ».
Devant le juge administratif de Marseille, lâavocat de la commune a conclu au rejet de la requĂȘte de StĂ©phane Ravier et des Ă©poux Gunnell, soutenant que le film Ă©tait diffusĂ© dans un autre cinĂ©ma de la ville et quâil nây avait donc pas dâurgence. Aucune libertĂ© fondamentale nâĂ©tait affectĂ©e, prĂ©tendait-on, puisquâil nây avait pas dâinterdiction individuelle ou gĂ©nĂ©rale de la diffusion du film.
Lâavocat Mendes Constante avançait Ă©galement que, sâagissant dâun cinĂ©ma communal gĂ©rĂ© en rĂ©gie directe et constituant un service public local, le principe de neutralitĂ© du service public devait sâappliquer, y compris dans le domaine culturel, pour faire obstacle Ă la diffusion dâun « film confessionnel et prosĂ©lyte ».
Le vice-président du tribunal administratif a donné raison aux premiers.
ReconnaĂźtre le bon droit de SacrĂ© CĆur, une urgence
Pour ce qui est de lâurgence, le juge a dĂ©cidĂ© : « Il rĂ©sulte de lâinstruction que la dĂ©cision en litige a pour effet de dĂ©programmer une Ćuvre cinĂ©matographique, restreignant ainsi sa diffusion, limitĂ©e Ă un seul autre cinĂ©ma Ă Marseille lors dâune sĂ©ance unique Ă la date de la prĂ©sente ordonnance, avec pour consĂ©quence nĂ©cessaire dâempĂȘcher une partie du public dây avoir accĂšs », alors mĂȘme que les sĂ©ances ne peuvent ĂȘtre reportĂ©es au chĂąteau de La Buzine oĂč les sĂ©ances sont programmĂ©es Ă date prĂ©cise.
Et de souligner que la commune de Marseille « ne fait Ă©tat dâaucune circonstance tirĂ©e notamment de lâordre public, susceptible de justifier lâatteinte aux libertĂ©s fondamentales invoquĂ©es par les requĂ©rants ».
Le juge a tout particuliĂšrement tirĂ© argument du devoir de neutralitĂ© de lâEtat par rapport aux religions, ce qui comporte notamment le droit de « garantir le libre exercice des cultes ». En outre, lâadministration doit « se conformer aux principes dâĂ©galitĂ© » et garantir Ă chacun « un traitement impartial », souligne lâordonnance de rĂ©fĂ©rĂ©.
La commune, dit-elle encore, a simplement le devoir de ne pas marquer de prĂ©fĂ©rence religieuse Ă lâĂ©gard dâun culte donnĂ©, ni dâaccorder une « subvention directe ou indirecte Ă une Ćuvre » au caractĂšre religieux affirmĂ©. Dans le cas de SacrĂ© CĆur, note le juge, les conditions tarifaires pratiquĂ©es pour accĂ©der Ă lâĆuvre ne prĂ©sentent aucune particularitĂ©.
Par consĂ©quent, mĂȘme si le maire de Marseille, BenoĂźt Payan, nâa pas prononcĂ© dâinterdiction gĂ©nĂ©rale ou particuliĂšre Ă la diffusion de ce film, souligne le juge, « il a portĂ© une atteinte grave et manifestement illĂ©gale Ă la libertĂ© dâexpression et Ă la libertĂ© de crĂ©ation et Ă la libertĂ© de diffusion artistique, libertĂ©s fondamentales » selon le code de justice administrative. Savourez ces mots : pour une fois ils sont prononcĂ©s au service du vrai, du bien et du beau.
Et savourez encore ceux-ci, par lesquels le juge ordonne la reconnaissance des droits de SacrĂ© CĆur :
« Article 1er : LâexĂ©cution de la dĂ©cision du maire de Marseille annulant les projections du film âSacrĂ©-Coeurâ au cinĂ©ma du chĂąteau de La Buzine est suspendue.
« Article 2 : Il est enjoint au maire de Marseille dâautoriser la projection du film âSacrĂ©-Coeurâ au cinĂ©ma du chĂąteau de La Buzine telle quâelle avait Ă©tĂ© initialement programmĂ©e, Ă compter de la notification de la prĂ©sente ordonnance et jusquâau 28 octobre 2025. »
Le tribunal administratif reconnaßt le devoir de garantir les droits des chrétiens
Pendant ce temps, le beau film sur le message du SacrĂ© CĆur Ă sainte Marguerite Marie Alacoque et son appel Ă reconnaĂźtre lâamour que porte Ă la France le Christ crucifiĂ© poursuit son Ă©tonnant chemin en France. Le nombre de salles oĂč il est projetĂ© ne cesse de progresser, atteignant Ă lâheure dâĂ©crire 467 sĂ©ances Ă travers le pays. Et lâaventure semble devoir continuer. Qui lâeĂ»t cru ?
Lundi matin, SacrĂ© CĆur avait dĂ©jĂ fait prĂšs de 250.000 entrĂ©es. Il pourrait, dit-on, dĂ©passer les 400.000 au box office, ce qui serait plus quâun exploit, puisque la plus grande partie des films qui sortent en France ne dĂ©passent guĂšre les 200.000 spectateurs en salles. Câest un succĂšs contre vents et marĂ©es, un succĂšs portĂ© certes par lâadversitĂ© et par les tentatives de bĂąillonnement, comme le refus de la SNCF et de la RATP de faire de la publicitĂ© Ă ce film â lâaffaire de Marseille a certainement aussi aidĂ© â mais un succĂšs qui dit avant tout autre chose.
Il crie Ă la face du monde que nous avons besoin dâamour et dâespĂ©rance, que cette espĂ©rance et que cet amour ont un nom et un visage, et surtout un CĆur qui bat, et qui veut ouvrir, autant que faire se peut, les portes du Ciel aux pauvres crĂ©atures que nous sommes.