Le blog du Temps de l'Immaculée.
07/08/2025
Un Ătat juif en Palestine?
Quand Pie X répondit à Herlz : « Non possumus ».
Le 26 janvier 1904, Theodor Herzl, pĂšre du sionisme et fondateur du mouvement sioniste pour le droit des Juifs Ă fonder un Ătat juif, fut reçu en audience par le pape Pie X au Vatican. Lâobjectif Ă©tait dâobtenir le soutien du souverain pontife pour la crĂ©ation dâun Ătat juif en Palestine.
Ă cette Ă©poque, Herzl (qui mourra en 1904, justement, le 3 juillet, Ă lâĂąge de quarante-quatre ans) se trouvait Ă©galement en Italie pour rencontrer le roi Victor Emmanuel III, toujours dans le but dâobtenir un soutien politique au projet sioniste.
Herzl voyait dans le sionisme lâinstrument permettant de rĂ©aliser le projet dâautodĂ©termination juive, mais le rĂ©sultat de la rencontre avec Pie X ne fut pas celui quâil espĂ©rait.
La version de la rencontre, consignée dans le journal de Herzl, permet de bien comprendre la position du pape.
Le Lippay auquel Herzl fait rĂ©fĂ©rence est le comte Berthold Dominik Lippay, un portraitiste autrichien que Herzl avait rencontrĂ© Ă Venise et qui avait organisĂ© lâaudience avec le pape.
. . . .
JâĂ©tais avec le pape hier. Le parcours mâĂ©tait dĂ©jĂ familier, car jâavais rencontrĂ© Lippay Ă plusieurs reprises. Jâai croisĂ© des laquais suisses, qui ressemblaient Ă des ecclĂ©siastiques, et des ecclĂ©siastiques qui ressemblaient Ă des laquais, des fonctionnaires papaux et des chambellans.
Je suis arrivĂ© dix minutes Ă lâavance et je nâai mĂȘme pas eu besoin dâattendre. Le pape mâa fait traverser plusieurs petites salles de rĂ©ception.
Il mâa reçu debout et mâa tendu la main, que je nâai pas baisĂ©e. Lippay mâavait dit que je devais le faire, mais je ne lâai pas fait. Je pense que jâai encouru son mĂ©contentement, car tous ceux qui le rencontrent sâagenouillent et lui baisent au moins la main.
Ce baciamo mâavait causĂ© pas mal dâinquĂ©tude et jâai Ă©tĂ© trĂšs content quand ce fut fini.
Il sâest assis dans un fauteuil, un trĂŽne pour les occasions mineures. Il mâa ensuite invitĂ© Ă mâasseoir Ă ses cĂŽtĂ©s et mâa souri, comme sâil sâagissait dâune attente amicale.
Jâai commencĂ© par dire : âRingrazio Vostra SantitĂ per il favore di mâaver accordato questâudienzaâ [Je remercie Votre SaintetĂ© pour la faveur quâelle mâa faite en mâaccordant cette audience â en italien dans le texte].
« Câest un plaisir », a-t-il dit avec une dĂ©sapprobation polie.
Je me suis excusĂ© pour mon italien pitoyable, mais il mâa rĂ©pondu : « Non, vous parlez trĂšs bien, Monsieur le Commendatore« .
Comme je portais pour la premiĂšre fois mon ruban Mejidiyye [honneur militaire et chevaleresque de lâEmpire ottoman], sur les conseils de Lippay, le pape sâest donc toujours adressĂ© Ă moi en mâappelant Commendatore.
Lui est un bon curĂ© de campagne, rude, pour qui le christianisme est restĂ© vivant mĂȘme au Vatican.
Je lui ai prĂ©sentĂ© briĂšvement ma demande. Mais, peut-ĂȘtre agacĂ© par mon refus de lui baiser la main, il me rĂ©pondit dâun ton sĂ©vĂšre et rĂ©solu :
« Nous ne pouvons pas favoriser ce mouvement. Nous ne pouvons pas empĂȘcher les Juifs dâaller Ă JĂ©rusalem, mais nous ne pourrons jamais le favoriser. La terre de JĂ©rusalem, si elle nâa pas toujours Ă©tĂ© sainte, a Ă©tĂ© sanctifiĂ©e par la vie de JĂ©sus Christ. En tant que chef de lâEglise, je ne peux pas vous en dire plus. Les Juifs nâont pas reconnu notre Seigneur, donc nous ne pouvons pas reconnaĂźtre le peuple juif ».
Le conflit entre Rome, représentée par lui, et Jérusalem, représentée par moi, était donc à nouveau ouvert.
Au dĂ©but, bien sĂ»r, jâai essayĂ© dâĂȘtre conciliant. Jâai rĂ©citĂ© mon petit texte sur lâextraterritorialitĂ©, res sacrae extra commercium [«chose sacrĂ©e en dehors de commerce»]. Mais cela nâa pas fait grande impression. JĂ©rusalem, a-t-il dit, ne doit pas finir entre les mains des Juifs.
« Et son état actuel, Saint-PÚre ? »
« Je sais, il nâest pas agrĂ©able de voir les Turcs en possession de nos lieux saints. Nous devons simplement nous y faire. Mais soutenir les Juifs dans lâacquisition des Lieux Saints, nous ne pouvons pas le faire ».
Jâai dit que notre point de dĂ©part Ă©tait uniquement la souffrance des Juifs et que nous voulions Ă©viter les problĂšmes religieux.
« Oui, mais nous, et moi en tant que chef de lâĂglise, ne pouvons pas faire cela. Il y a deux possibilitĂ©s. Soit les Juifs sâaccrochent Ă leur foi et continuent dâattendre le Messie qui, pour nous, est dĂ©jĂ venu. Dans ce cas, ils ne feront que nier la divinitĂ© de JĂ©sus et nous ne pourrons pas les aider. Ou bien ils y vont sans aucune religion, et alors nous pouvons ĂȘtre encore moins favorables Ă leur Ă©gard. La religion juive est le fondement de la nĂŽtre, mais elle a Ă©tĂ© supplantĂ©e par les enseignements du Christ et nous ne pouvons plus lui accorder de validitĂ©. Les Juifs, qui auraient dĂ» ĂȘtre les premiers Ă reconnaĂźtre JĂ©sus-Christ, ne lâont pas fait jusquâĂ prĂ©sent ».
Jâavais sur le bout de la langue : « Câest ce qui se passe dans toutes les familles. Personne ne croit en ses proches ». Mais jâai dit au contraire : « La terreur et la persĂ©cution nâĂ©taient peut-ĂȘtre pas le bon moyen dâouvrir les yeux des Juifs ».
Mais il a répondu, et cette fois, il était magnifique dans sa simplicité :
« Notre Seigneur est venu sans pouvoir. Il Ă©tait pauvre. Il est venu en paix. Il nâa persĂ©cutĂ© personne. Il a Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©. Il a Ă©tĂ© abandonnĂ© mĂȘme par ses apĂŽtres. Ce nâest que plus tard que sa stature a pris de lâimportance. LâĂglise a mis trois siĂšcles Ă Ă©voluer. Les juifs ont alors eu le temps de reconnaĂźtre sa divinitĂ©, sans aucune pression. Mais ils ne lâont pas fait jusquâĂ aujourdâhui ».
« Mais, Saint-PĂšre, les Juifs sont dans une situation dĂ©sespĂ©rĂ©e. Je ne sais pas si Votre SaintetĂ© est consciente de lâampleur de cette triste situation. Nous avons besoin dâune terre pour ces personnes persĂ©cutĂ©es ».
« Faut-il que ce soit Jérusalem ? »
« Nous ne demandons pas Jérusalem, mais la Palestine, juste la terre séculaire. »
« Nous ne pouvons pas ĂȘtre en faveur de cela ».
« Votre Sainteté connaßt-elle la situation des Juifs ? »
« Oui, depuis lâĂ©poque oĂč jâĂ©tais Ă Mantoue. Il y a des juifs qui vivent lĂ -bas et jâai toujours Ă©tĂ© en bons termes avec les juifs. Lâautre soir encore, deux juifs sont venus me rendre visite. AprĂšs tout, il y a dâautres liens que ceux de la religion : la courtoisie et la philanthropie. Nous ne les refusons pas aux Juifs. En fait, nous prions aussi pour eux, afin que leur esprit soit Ă©clairĂ©. LâĂglise cĂ©lĂšbre aujourdâhui la fĂȘte dâun incroyant qui, sur le chemin de Damas, a Ă©tĂ© miraculeusement converti Ă la vraie foi. Ainsi, si vous allez en Palestine et que vous y installez votre peuple, nous devrons avoir des Ă©glises et des prĂȘtres prĂȘts Ă vous baptiser tous ».
Le comte Lippay sâest fait annoncer. Le pape lui a permis dâentrer. Le comte sâest agenouillĂ©, lui a baisĂ© la main, puis sâest joint Ă la conversation, racontant notre rencontre « miraculeuse » au Bauerâs Beer Hall de Venise. Le miracle tenait en ce quâil avait dâabord prĂ©vu de passer la nuit Ă Padoue. Il se trouve que jâavais exprimĂ© le souhait de pouvoir baciare i piedi du Saint-PĂšre.
Le visage du pape sâest alors assombri, car je ne lui avais mĂȘme pas baisĂ© la main. Lippay a poursuivi en disant que jâavais exprimĂ© mon apprĂ©ciation des nobles qualitĂ©s de JĂ©sus-Christ. Le pape Ă©coutait, prenait parfois une pincĂ©e de tabac et Ă©ternuait dans un grand mouchoir de coton rouge. Ce sont dâailleurs ces touches paysannes qui me plaisent le plus chez lui et qui motivent mon respect.
Lippay voulait ainsi expliquer pourquoi il mâavait prĂ©sentĂ©, peut-ĂȘtre pour sâexcuser. Mais le pape a dit : ; « Au contraire, je suis heureux que vous mâayez amenĂ© le Commendatore« .
Quant au problĂšme proprement dit, il a rĂ©pĂ©tĂ© ce quâil mâavait dit: ; « Non possumus ; [Nous ne pouvons pas] ! »
Jusquâau moment de prendre congĂ©, Lippay a passĂ© son temps Ă genoux devant lui et ne semblait pas se lasser de lui baiser la main. Jâai alors compris que le pape apprĂ©ciait cela. Mais mĂȘme lors des adieux, je me suis contentĂ© de lui donner une poignĂ©e de main chaleureuse et de le saluer.
DurĂ©e de lâaudience : environ vingt-cinq minutes.
Dans les Salles de RaphaĂ«l, oĂč jâai passĂ© lâheure suivante, jâai vu un tableau reprĂ©sentant un empereur sâagenouillant pour permettre au pape assis de placer la couronne sur sa tĂȘte. Câest ainsi que Rome veut que les choses se passent.
Note dâAMV
La tombe de Herzl se trouve à Jérusalem depuis 1950, sur une colline qui a été nommée Mont Herzl en son honneur. Lors du dernier voyage du pape François en Israël, la tombe de Herzl a été visitée pour la premiÚre fois par un pontife.
La JournĂ©e Herzl est une fĂȘte nationale dans lâĂtat dâIsraĂ«l. Elle a lieu le dixiĂšme jour du mois juif dâIyar pour commĂ©morer la vie et la pensĂ©e du leader sioniste.
Aldo Maria Valli via Benoit et moi
23 juillet 2025
05/08/2025
Ce qui se passe Ă Gaza depuis le 7 octobre 2023 reprĂ©sente lâune des urgences humanitaires les plus prĂ©occupantes de lâhistoire rĂ©cente. Cette tragĂ©die ne peut nous laisser indiffĂ©rents et interpelle tout particuliĂšrement notre conscience de chrĂ©tiens. Face Ă la mort de milliers dâinnocents, due non seulement Ă des actes de guerre mais aussi Ă la famine, il ne peut y avoir dâexcuses.
Le soutien et lâaide Ă tous les civils, aux populations qui souffrent, et en particulier aux chrĂ©tiens qui vivent en Terre Sainte, ont Ă©galement Ă©tĂ© demandĂ©s par le patriarche de JĂ©rusalem, le cardinal Pizzaballa, et par le nouveau souverain pontife, le pape LĂ©on XIV.
Nous savons que dans une partie de lâopinion publique, le fait de se prononcer en faveur de la cessation des actes de violence et du siĂšge de Gaza dĂ©clenche des rĂ©actions contradictoires, parfois dĂ©sordonnĂ©es et agressives, avec en premier lieu lâaccusation de sympathiser avec les terroristes du Hamas. Cette accusation doit ĂȘtre rĂ©solument rejetĂ©e.
Les habitants de Gaza, mais aussi de Cisjordanie, et tous ceux qui vivent en Terre sainte sont des ĂȘtres humains qui ont droit au respect de leur vie et de leur dignitĂ©.
Câest ce qui nous motive : aucune connivence avec le terrorisme. Cependant, on ne peut pas occulter les violations des droits de lâhomme commises par lâactuel gouvernement israĂ©lien, dirigĂ© par un personnage controversĂ© et contestable comme Benjamin Netanyhau et composĂ© Ă©galement dâindividus dĂ©clarĂ©s indĂ©sirables pour leurs positions racistes et violentes et leur incitation expresse au nettoyage ethnique, qui ne reprĂ©sente dâailleurs quâune partie de la population. En effet, de nombreux Juifs en IsraĂ«l et dans le monde entier appellent Ă une rĂ©solution pacifique de ce conflit.
Lâautre accusation honteuse portĂ©e Ă lâencontre de ceux qui rĂ©clament le respect du peuple de Terre Sainte est celle dâantisĂ©mitisme. Nous tenons Ă rappeler avec force que critiquer lâactuel gouvernement israĂ©lien ne signifie pas avoir des sentiments hostiles Ă lâĂ©gard du peuple juif.
Dans le contexte actuel, le terme « antisĂ©mite » est surrĂ©aliste, puisque les Palestiniens â en tant quâArabes â sont Ă©galement des SĂ©mites. Quiconque offense ou commet des violences Ă lâencontre dâun Palestinien est antisĂ©mite.
En tant que Comitato Liberi in Veritate, nous appelons par la prĂ©sente Ă soutenir inconditionnellement â sans si et sans mais â la position du Patriarcat de JĂ©rusalem et de la diplomatie pontificale, invitant tous les chrĂ©tiens, tant individuellement quâen association, Ă se joindre Ă toutes les initiatives visant Ă aider le peuple souffrant de Gaza et les chrĂ©tiens vivant en Terre Sainte, et Ă soutenir les manifestations de solidaritĂ© avec eux et les demandes adressĂ©es aux dirigeants.
Enfin, nous appelons Ă prier pour la conversion afin que la Terre Sainte, oĂč sâest accomplie lâhistoire du salut pour tous, connaisse la paix.
04/08/2025
« Vous ĂȘtes le sel de la terre, vous ĂȘtes la lumiĂšre du monde ! » Par ces paroles chaleureuses et engageantes, tirĂ©es de lâEvangile, le pape LĂ©on XIV a tenu Ă rappeler aux centaines de milliers de jeunes, venus Ă Rome bĂ©nĂ©ficier des grĂąces du JubilĂ©, que lâEglise toute entiĂšre comptait sur eux. Le nouveau Souverain Pontife sait que lâavenir du catholicisme se trouve entre leurs mains et il ne peut ignorer les grands dĂ©fis qui les attendent. Lâunivers postmoderne, plein de lui-mĂȘme et dĂ©sabonnĂ© de Dieu, sâattache volontairement Ă faire fi detoutes rĂ©alitĂ©s surnaturelles. Lâinfluence de lâEglise ne cesse de sâĂ©tioler tandis que le nombre de catĂ©chisĂ©s sâeffondre. Jamais en Occident la culture chrĂ©tienne nâavait semblĂ© aussi fragile. Qui connaĂźt encore la signification de la fĂȘte du 15 aoĂ»t Ă venir, jour de lâAssomption de Notre Dame au Ciel ? Dans une sociĂ©tĂ© davantage prĂ©occupĂ©e par la vie Ă©conomique que par la vie mystique, il nây a pas que le trou de la dette qui continue de se creuser, les Ăąmes elles-mĂȘmes sont relĂ©guĂ©es aux catacombes.
Une jeunesse « vide et avide »
De cet impensĂ© existentiel, il en ressort une jeunesse certes dĂ©boussolĂ©e mais aussi assoiffĂ©e. Comment combler son appĂ©tit dâinfini ? Orpheline de repĂšres, analphabĂšte desprincipes religieux, lâĂ©crasante majoritĂ© des jeunes sâinterroge sur cette verticalitĂ© qui leur fait dĂ©faut et quâon ne leur a pas transmise. « Vide et avide » rĂ©sumera un prĂȘtre parisien pour qualifier ces Ă©tudiants en quĂȘte de sens et qui nâhĂ©sitent plus Ă franchir les portes des Ă©glises. Câest que la foi chrĂ©tienne, dĂ©sormais minoritaire dans son expression authentique, recĂšle plus que jamais une dimension transgressive. A lâheure de Tik-Tok, de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et du wokisme lancinant, le message de lâEvangile dĂ©note franchement. Suivre le Christ nâest pas tant has been que punk pour cette jeunesse dĂ©complexĂ©e.
Hier soir, dans la banlieue de Rome, Ă Tor Vergata, LĂ©on XIV sâest appuyĂ© lors de sa prise de parole avant lâadoration eucharistique sur la vie de saint Augustin qui, aprĂšs avoir menĂ© une jeunesse dissolue, a dĂ©couvert le grand bonheur de lâamitiĂ© avec Dieu. Cette rencontre dĂ©cisive possĂšde son capital dâabsolu. Saint Augustin « cherchait la vĂ©ritĂ© qui ne déçoit pas, la beautĂ© qui ne passe pas » et les a trouvĂ©es « en rencontrant celui qui le cherchait dĂ©jĂ : JĂ©sus-Christ ». A un jeune qui lui partageait ses difficultĂ©s Ă croire en la prĂ©sence de Dieu « au milieu des Ă©preuves et des incertitudes », le pape lui indiquera un chemin tout intĂ©rieur : « Adorez le Christ dans le Saint Sacrement [lâadoration de lâhostie consacrĂ©e, prĂ©sence rĂ©elle du Seigneur JĂ©sus sous les apparences du pain], source de la vie Ă©ternelle. » Au milieu du vacarme du monde, le pape invitait non pas la jeunesse Ă faire davantage de bruit mais, au contraire, Ă gagner en intĂ©rioritĂ©.
Les Troubadours de la miséricorde : des jeunes audacieux, comédiens et apÎtres
Cet appel au silence et Ă la vie spirituelle, de plus en plus de jeunes sâen font lâĂ©cho. A 1300 km de lĂ , une joyeuse bande de 25 jeunes comĂ©diens volontaires Ă©cume durant ce dĂ©but du mois dâaoĂ»t les parvis des Ă©glises, de Vannes Ă Carnac en passant par Josselin. A lâimage des multiples initiatives missionnaires qui existent en France durant la pĂ©riode estivale,afin de porter le Christ aux inconnus, la troupe des Troubadours de la misĂ©ricorde organise des spectacles gratuits et ouverts Ă tous. LancĂ©e lors des JMJ Ă Lisbonne en 2023, ces jeunes tĂ©moignent de leur foi en proposant aux badauds des scĂ©nettes spirituelles oĂč sâalternent dialogues aux messages Ă©vangĂ©liques, chants sacrĂ©s, sons dâinstruments, danses mĂ©diĂ©vales et tapements de mains, le tout dans une ambiance bon enfant. Directement inspirĂ©s des âMystĂšresâ du Moyen-Ăge â piĂšces de théùtre religieux qui cherchaient Ă toucher et catĂ©chiser un public plus large â les Troubadours de la MisĂ©ricorde vont ainsi aux pĂ©riphĂ©ries prĂȘcher la bonne parole. En sâadressant aux vacanciers, davantage Ă la recherche de glaces ou de cartes postales que dâaventures spirituelles, ils souhaitent, aidĂ©s par leur insolente jeunesse,rappeler plaisamment Ă tous et chacun que « Lâhomme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4). AprĂšs un premier spectacle sur Jeanne dâArc puis un autre sur le bon larron, cet Ă©tĂ© câest la vie de François dâAssise qui ambitionne dâĂ©difier le public. Au fur et Ă mesure de la reprĂ©sentation, les passants sâarrĂȘtent, les enfants sâasseyent, lâassistance Ă©coute, la musique interprĂ©tĂ©e par la troupe fait le reste.
Ces comĂ©diens amateurs touchent par leur enthousiasme et leur Ă©lan. Ils sont Ă lâimage de la jeunesse catholique française : sans peur et sans complexe. A la fin du spectacle, tout le parvis est invitĂ© Ă entrer dans lâĂ©glise attenante. Un temps dâadoration silencieuse les attend et des prĂȘtres se tiennent Ă leur disposition pour Ă©changer, discuter ou leur offrir le pardon divin dans la confession. Les larmes coulent souvent, les mains se joignent parfois et, toujours, Dieu seul distingue ce qui se trame dans les cĆurs.
De Rome aux provinces de France, la jeunesse catholique reste, pour reprendre la formule du pape LĂ©on XIV, « le signe quâun monde diffĂ©rent est possible ». Raison de plus pour lâĂ©couter et lui donner une place de choix.
03/08/2025
TrĂšs chers jeunes,
AprĂšs la VeillĂ©e vĂ©cue ensemble hier soir (NDLR : vidĂ©o ci-dessous), nous nous retrouvons aujourdâhui pour cĂ©lĂ©brer lâEucharistie, sacrement du don total de Soi que le Seigneur a fait pour nous. Nous pouvons imaginer revivre, dans cette expĂ©rience, le chemin parcouru le soir de PĂąques par les disciples dâEmmaĂŒs (cf. Lc 24, 13-35) : dâabord, ils sâĂ©loignaient de JĂ©rusalem, effrayĂ©s et déçus ; ils partaient convaincus quâaprĂšs la mort de JĂ©sus, il nây avait plus rien Ă attendre, plus rien Ă espĂ©rer. Et pourtant, ils lâont prĂ©cisĂ©ment rencontrĂ©, ils lâont accueilli comme compagnon de voyage, ils lâont Ă©coutĂ© pendant quâil leur expliquait les Ăcritures, et enfin ils lâont reconnu Ă la fraction du pain. Alors leurs yeux se sont ouverts et lâannonce joyeuse de PĂąques a trouvĂ© place dans leur cĆur.
La liturgie dâaujourdâhui ne nous parle pas directement de cet Ă©pisode, mais elle nous aide Ă rĂ©flĂ©chir sur ce quâil raconte : la rencontre avec le RessuscitĂ© qui change notre existence, qui Ă©claire nos affections, nos dĂ©sirs, nos pensĂ©es.
La premiĂšre lecture, tirĂ©e du Livre de Qohelet, nous invite Ă faire, comme les deux disciples dont nous avons parlĂ©, lâexpĂ©rience de notre limite, de la finitude des choses qui passent (cf. Qo 1, 2 ; 2, 21-23) ; et le psaume responsorial, qui lui fait Ă©cho, nous propose lâimage dâune « herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanĂ©e, dessĂ©chĂ©e » (Ps 90, 5-6). Ce sont deux rappels forts, peut-ĂȘtre un peu choquants, mais qui ne doivent pas nous effrayer, comme sâil sâagissait de sujets âtabousâ Ă Ă©viter. La fragilitĂ© dont ils nous parlent fait en effet partie de la merveille que nous sommes. Pensons au symbole de lâherbe : nâest-ce pas magnifique, un prĂ© en fleurs ? Certes, elles sont dĂ©licates, faites de tiges fines, vulnĂ©rables, susceptibles de se dessĂ©cher, de se plier, de se briser, mais en mĂȘme temps, elles sont immĂ©diatement remplacĂ©es par dâautres qui poussent aprĂšs elles, et dont les premiĂšres deviennent gĂ©nĂ©reusement nutriments et servent dâengrais, en se consumant sur le sol. Câest ainsi que vit le champ, se renouvelant continuellement, et mĂȘme pendant les mois froids dâhiver, quand tout semble silencieux, son Ă©nergie frĂ©mit sous terre et se prĂ©pare Ă exploser, au printemps, en mille couleurs.
Nous aussi, chers amis, nous sommes ainsi faits : nous sommes faits pour cela. Non pour une vie oĂč tout est acquis et immobile, mais pour une existence qui se rĂ©gĂ©nĂšre constamment dans le don, dans lâamour. Et ainsi, nous aspirons continuellement Ă un âplusâ quâaucune rĂ©alitĂ© créée ne peut nous donner ; nous ressentons une soif si grande et si brĂ»lante quâaucune boisson de ce monde ne peut lâĂ©tancher. Face Ă cette soif, ne trompons pas notre cĆur en essayant de lâapaiser avec des substituts inefficaces ! Ăcoutons-la plutĂŽt ! Faisons-en un tabouret sur lequel nous pouvons monter pour nous pencher, comme des enfants, sur la pointe des pieds, Ă la fenĂȘtre de la rencontre avec Dieu. Nous nous trouverons face Ă Lui, qui nous attend, qui frappe mĂȘme gentiment Ă la vitre de notre Ăąme (cf. Ap 3, 20). Et il est beau, mĂȘme Ă vingt ans, de Lui ouvrir grandement notre cĆur, de le laisser y entrer, pour ensuite nous aventurer avec Lui vers les espaces Ă©ternels de lâinfini.
Saint Augustin, parlant de sa recherche intense de Dieu, se demandait : « Quel est donc lâobjet de notre espĂ©rance [âŠ] ? Est-ce la terre ? Non. Est-ce quelque chose qui vient de la terre, comme lâor, lâargent, lâarbre, la moisson, lâeau [âŠ] ? Ces choses plaisent, elles sont belles, elles sont bonnes » (Sermon 313/F, 3). Et il concluait : « Cherche celui qui les a faites, câest Lui ton espĂ©rance » (ibid.). Puis, repensant au chemin quâil avait parcouru, il priait en disant : « Tu [Seigneur] Ă©tais au-dedans, et moi au-dehors et câest lĂ que je te cherchais [âŠ]. Tu as appelĂ©, tu as criĂ© et tu as brisĂ© ma surditĂ© tu as brillĂ©, tu as resplendi et tu as dissipĂ© ma cĂ©citĂ© tu as embaumĂ©, jâai respirĂ© et haletant jâaspire Ă toi jâai goĂ»tĂ© [cf. Ps 33, 9 ; 1 P 2, 3] et jâai faim et jâai soif [cf. Mt 5, 6 ; 1 Co 4, 11] ; tu mâas touchĂ© et je me suis enflammĂ© pour ta paix » (Confessions, 10, 27).
FrĂšres et sĆurs, ce sont de trĂšs belles paroles, qui rappellent ce que le Pape François disait Ă Lisbonne, lors de la JournĂ©e Mondiale de la Jeunesse, Ă dâautres jeunes comme vous : « Chacun est appelĂ© Ă se confronter Ă de grandes questions qui nâont pas [âŠ] une rĂ©ponse simpliste ou immĂ©diate, mais qui invitent Ă accomplir un voyage, Ă se dĂ©passer, Ă aller plus loin [âŠ], Ă un dĂ©collage sans lequel il nây a pas de vol. Ne nous alarmons pas alors si nous nous trouvons assoiffĂ©s de lâintĂ©rieur, inquiets, inachevĂ©s, avides de sens et dâavenir [âŠ]. Ne soyons pas malades, soyons vivants ! » (Discours pour la rencontre avec les jeunes universitaires, 3 aoĂ»t 2023).
Il y a une question importante dans notre cĆur, un besoin de vĂ©ritĂ© que nous ne pouvons ignorer, qui nous amĂšne Ă nous demander : quâest-ce vraiment que le bonheur ? Quel est le vĂ©ritable goĂ»t de la vie ? Quâest-ce qui nous libĂšre des marĂ©cages de lâabsurditĂ©, de lâennui, de la mĂ©diocritĂ© ?
Ces derniers jours, vous avez vĂ©cu de nombreuses expĂ©riences enrichissantes. Vous avez rencontrĂ© des jeunes de votre Ăąge, venus de diffĂ©rentes parties du monde et appartenant Ă diffĂ©rentes cultures. Vous avez Ă©changĂ© vos connaissances, partagĂ© vos attentes, dialoguĂ© avec la ville Ă travers lâart, la musique, lâinformatique, le sport. Au Circo Massimo, vous vous ĂȘtes approchĂ©s du sacrement de la pĂ©nitence, vous avez reçu le pardon de Dieu et vous avez demandĂ© son aide pour mener une vie bonne.
Dans tout cela, vous pouvez trouver une rĂ©ponse importante : la plĂ©nitude de notre existence ne dĂ©pend pas de ce que nous accumulons ni, comme nous lâavons entendu dans lâĂvangile, de ce que nous possĂ©dons (cf. Lc 12, 13-21). Elle est plutĂŽt liĂ©e Ă ce que nous savons accueillir et partager avec joie (cf. Mt 10, 8-10 ; Jn 6, 1-13). Acheter, accumuler, consommer ne suffit pas. Nous avons besoin de lever les yeux, de regarder vers le haut, vers « les rĂ©alitĂ©s dâen haut » (Col 3, 2), pour nous rendre compte que tout a un sens, parmi les rĂ©alitĂ©s du monde, dans la mesure oĂč cela sert Ă nous unir Ă Dieu et Ă nos frĂšres dans la charitĂ©, en faisant grandir en nous « des sentiments de tendresse et de compassion, de bontĂ©, dâhumilitĂ©, de douceur » (Col 3, 12), de pardon (cf. ibid., v. 13), de paix (cf. Jn 14, 27), comme ceux du Christ (cf. Ph 2, 5). Et dans cette perspective, nous comprendrons toujours mieux ce que signifie « lâespĂ©rance ne déçoit pas, puisque lâamour de Dieu a Ă©tĂ© rĂ©pandu dans nos cĆurs par lâEsprit Saint qui nous a Ă©tĂ© donnĂ© » (Rm 5, 5).
TrĂšs chers jeunes, notre espĂ©rance, câest JĂ©sus. Câest Lui, comme le disait saint Jean-Paul II, « qui suscite en vous le dĂ©sir de faire de votre vie quelque chose de grand, [âŠ] pour vous rendre meilleurs, pour amĂ©liorer la sociĂ©tĂ©, en la rendant plus humaine et plus fraternelle » (XVe JournĂ©e mondiale de la Jeunesse, VeillĂ©e de priĂšre, 19 aoĂ»t 2000). Restons unis Ă Lui, restons dans son amitiĂ©, toujours, en la cultivant par la priĂšre, lâadoration, la communion eucharistique, la confession frĂ©quente, la charitĂ© gĂ©nĂ©reuse, comme nous lâont enseignĂ© les bienheureux Piergiorgio Frassati et Carlo Acutis, qui seront bientĂŽt proclamĂ©s saints. Aspirez Ă de grandes choses, Ă la saintetĂ©, oĂč que vous soyez. Ne vous contentez pas de moins. Vous verrez alors grandir chaque jour, en vous et autour de vous, la lumiĂšre de lâĂvangile.
Je vous confie Ă Marie, la Vierge de lâespĂ©rance. Avec son aide, en retournant dans les prochains jours dans vos pays, dans toutes les parties du monde, continuez Ă marcher avec joie sur les traces du Sauveur, et contaminez tous ceux que vous rencontrez avec votre enthousiasme et le tĂ©moignage de votre foi ! Bonne route !
Source : Le Saint SiĂšge
Veillée de priÚre, et échange avec le Pape Léon XIV
pour le jubilé des jeunes, 02 aout 2025
02/08/2025
Selon JM Guénois, voici les 5 axes majeurs du début du pontificat de Léon XIV :
Un retour à une papauté classique et pondérée
Un magistÚre axé sur la vie intérieure et la conversion
Une place redonnée au clergé
Une nouvelle méthode diplomatique
La question liturgique
Retour à une papauté classique et pondérée
Le début du pontificat de Léon XIV est marqué par un apaisement du climat au Vatican, aprÚs le style de gestion parfois perçu comme "terrorisant" de François. Le nouveau pape, avec 86 % de bonnes opinions, fait dans ses débuts l'image d'un pontificat calme et sobre. Il prendra possession des appartements pontificaux, boudés par son prédécesseur, une décision symbolique de ce retour à une papauté plus classique.
Un magistÚre axé sur la vie intérieure et la conversion
Le site officiel du Vatican met en évidence le mot "Magisterium" (magistÚre), soulignant l'importance de l'enseignement de la foi catholique. Le pape se concentre sur la conversion intime au Christ, sans compromis. L'article mentionne que Léon XIV n'est pas un pape progressiste, soutenant par exemple le célibat sacerdotal et ne prévoyant pas le diaconat féminin. Sa premiÚre encyclique, en préparation, devrait définir le cadre de son magistÚre.
Une place redonnée au clergé
LĂ©on XIV met l'accent sur la collĂ©gialitĂ© en plus de la "synodalitĂ©", le leitmotiv du pontificat de François. S'il ne remet pas en question la participation des laĂŻcs, il insiste sur l'importance des prĂȘtres et des Ă©vĂȘques. Il n'envisage pas l'Ăglise comme un atelier de rĂ©formes permanentes. Le test dĂ©cisif sera l'avenir de "l'assemblĂ©e ecclĂ©siale" prĂ©vue pour 2028.
Une nouvelle méthode diplomatique
Le pape LĂ©on XIV rompt avec la mĂ©thode personnelle et intuitive de François, prĂ©fĂ©rant travailler en Ă©troite collaboration avec la SecrĂ©tairerie d'Ătat. Il a dĂ©jĂ des projets de voyages Ă l'Ă©tude en Turquie et en AlgĂ©rie Ă l'invitation rĂ©cente du prĂ©sident Tebboune. Comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, il soutient la reconnaissance de l'Ătat palestinien et la solution Ă deux Ătats.
La question liturgique
La question du rite tridentin, mise Ă mal par François, est au cĆur des prĂ©occupations de LĂ©on XIV, qui souhaite reconstruire l'unitĂ© de la communautĂ© catholique. Le pape est attentif Ă la liturgie et sa propre maniĂšre de cĂ©lĂ©brer la messe est jugĂ©e irrĂ©prochable. L'avenir de l'ancien rituel liturgique et la nomination du nouveau "ministre" en charge de cette question seront dĂ©cisifs.
F. Charbonnier
02/08/2025
Le fracas des bombes qui continuent de pleuvoir sur Gaza en cet Ă©tĂ© 2025 a tendance Ă faire oublier ce qui se passe Ă plusieurs centaines de kilomĂštres de lâEtat dâIsraĂ«l. Car dans une Syrie prĂ©tendue « libĂ©rĂ©e » du rĂšgne sans partage du clan Assad, plus de 250 personnes viennent de trouver refuge dans une Ă©glise face Ă la poursuite des attaques gĂ©nĂ©ralisĂ©es et des bombardements dans le sud du pays.
Entre 60 et 70 familles provenant de diffĂ©rents villages, dont de nombreux chrĂ©tiens, se sont abritĂ©es dans lâĂ©glise capucine de JĂ©sus-Roi, situĂ©e dans la ville de SoueĂŻda. Plusieurs sources locales ont rapportĂ© Ă lâassociation Aide Ă lâEglise en DĂ©tresse (AED) que ces rĂ©fugiĂ©s survivent dans des « conditions extrĂȘmes et sous des bombardements continus ».
Un autre tĂ©moin, qui souhaite rester anonyme pour des raisons de sĂ©curitĂ©, dĂ©clare Ă lâAED : « Ces derniers jours [Ă la mi-juillet 2025, ndlr] le complexe de lâĂ©glise a Ă©tĂ© touchĂ© par des bombardements intenses. Un obus a frappĂ© le monastĂšre, causant dâimportants dĂ©gĂąts aux rĂ©servoirs dâeau et aux vitres. Miraculeusement, personne Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©glise nâa Ă©tĂ© blessĂ©. »
Cette personne a ajoutĂ© que la vie dans la rĂ©gion est devenue « insupportable », marquĂ©e par des pĂ©nuries dâeau et dâĂ©lectricitĂ©, un Ă©puisement des rĂ©serves alimentaires et le pillage des entrepĂŽts. Une autre source confirme :
« Le siĂšge se poursuit, et les tirs de snipers rendent impossible toute sortie. Des coups de feu sporadiques se font entendre, et la peur est constante, sans aucune clartĂ© sur lâidentitĂ© des factions en conflit. Il y a encore de nombreuses personnes portĂ©es disparues â elles pourraient se trouver dans dâautres villages ou ĂȘtre mortes dans leurs maisons. »
Le 15 juillet, lâĂ©glise grecque-catholique Saint-Michel dâAl-Soura Al-Kabira a subi dâimportants dĂ©gĂąts. 38 maisons appartenant Ă des familles chrĂ©tiennes auraient Ă©tĂ© dĂ©truites par les flammes, et prĂšs de 70 personnes ont trouvĂ© refuge dans une salle paroissiale Ă Shahba. Un tĂ©moin rapporte Ă lâAED : « LâhĂŽpital local est hors service, avec plus de 1 200 corps en attente dâinhumation depuis plus dâune semaine. »
Une religieuse en contact avec les familles dĂ©placĂ©es dans lâest de SoueĂŻda a dĂ©clarĂ© que « toute la ville reste plongĂ©e dans une crise profonde ». Elle explique quâaprĂšs dix jours de siĂšge, les habitants se sentent « complĂštement piĂ©gĂ©s. Les routes sont dangereuses, remplies de tirs de snipers et de chaos. Aucun couloir humanitaire nâa Ă©tĂ© Ă©tabli, et aucune aide nâest parvenue Ă la ville. »
La religieuse ajoute un tĂ©moignage dĂ©chirant : « Beaucoup souffrent de crises de panique sĂ©vĂšres, dâeffondrements Ă©motionnels et dâune anxiĂ©tĂ© extrĂȘme. Il y a un besoin urgent de sĂ©datifs et de soutien psychologique â les gens ne peuvent pas dormir, ils sont submergĂ©s par la peur et lâhorreur. La situation est dâune dĂ©shumanisation inimaginable, avec des corps gisant dans les rues. Il nây a plus de dignitĂ© ni pour les vivants ni pour les morts. » Pour la religieuse, la communautĂ© internationale doit intervenir.
« Nous implorons le monde dâagir. Nous avons besoin dâun couloir humanitaire urgent pour Ă©vacuer les civils ou acheminer des secours mĂ©dicaux et alimentaires essentiels. Nous avons besoin de soutien psychologique, de mĂ©dicaments essentiels, dâune attention internationale, de compassion et, surtout, dâune action immĂ©diate », implore-t-elle. Un appel qui laisse indiffĂ©rente la France, dont les liens avec la Syrie sont pourtant historiques.
Les chrĂ©tiens, qui reprĂ©sentaient environ 6% de la population syrienne avant la guerre civile de 2011 â soit environ 1,5 Ă 2 millions de personnes â ne sont plus quâune minoritĂ© estimĂ©e entre 250 000 et 500 000 croyants aujourdâhui. La guerre, les persĂ©cutions par les groupes jihadistes comme lâorganisation Etat islamique (EI), et lâĂ©migration massive ont drastiquement rĂ©duit leur nombre.
Pourtant sur place, pas question de cĂ©der au dĂ©sespoir devant les reniements occidentaux : « Nos besoins sont immenses, mais ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont des priĂšres et lâintervention de Dieu â lui seul peut nous sortir de cette situation », estiment les chrĂ©tiens de Syrie.
(Source : Aide Ă lâEglise en dĂ©tresse/Zenit â FSSPX.ActualitĂ©s)
Illustration : Eglise chrétienne à Damas © Canva
01/08/2025
Un jour, il se pourrait bien que lâhomme se dĂ©matĂ©rialise grĂące aux avancĂ©es de lâintelligence artificielle. Un jour, lâhomme sera immortel, toujours grĂące Ă lâIA, et il nâaura plus besoin de souffrir de maladie ou de pauvretĂ©. Un jour lâIA, en tant quâentitĂ© ou collection dâentitĂ©s â et ce jour serait trĂšs proche dâaprĂšs ses concepteurs â dĂ©passera lâhomme jusquâĂ le considĂ©rer comme une sorte dâanimal domestique ou un vestige du passĂ© Ă conserver. Un jour, lâIA parviendra peut-ĂȘtre mĂȘme Ă mettre fin Ă la finitude de lâunivers. Telles sont les promesses â aussi empoisonnĂ©es que le « vous serez comme des dieux » des origines au paradis terrestre â qui se multiplient aujourdâhui dans la bouche de ceux qui veulent faire comprendre au reste de lâhumanitĂ© que ses jours, tels quâils sont aujourdâhui en tout cas, sont comptĂ©s. Le tableau Ă quelque chose de terrifiant, et câest normal quâil soit ainsi perçu : sâil devait se rĂ©aliser, il marquerait la fin de toute logique et de toute vĂ©ritĂ© telles que nous les connaissons ; la fin de tout ce que nous savons de nous-mĂȘmes. Lâhomme ne serait plus une espĂšce Ă part sur cette terre, il serait dĂ©passĂ© par sa crĂ©ature, il aurait Ă adorer une sorte de nouvelle divinitĂ© dont on nous dit quâelle a toutes les chances de se rĂ©vĂ©ler un jour malveillante. On assiste Ă une sorte de personnification de lâIA non pas de la part dâallumĂ©s de la cafetiĂšre mais de gens qui se veulent au sommet de lâintelligence humaine et qui nous incitent par divers moyens Ă nous accommoder de ces scĂ©narios quâil est difficile de ne plus qualifier dâinfernaux.
Deux rĂ©centes interventions du Dr Laurent Alexandre en apportent un tĂ©moignage saisissant. Il Ă©tait le 28 juin lâinvitĂ© dâIsabelle Morizet sur Europe 1 pour parler de lâavenir tel quâil le voit. Quelques semaines plus tĂŽt, il est intervenu dans un dĂ©bat organisĂ© par le groupe des Jeunes professionnels le Saint-Nicolas du Chardonnet Ă Paris. En ces deux occasions, Ă bien y rĂ©flĂ©chir, Laurent Alexandre a abordĂ© des points fondamentaux sur la nature et les risques de cet outil qui promet de faire de lâhomme, selon son expression, un Homo Deus.
Laurent Alexandre met en garde autant quâil est fascinĂ©
LâIA, il faudra sây soumettre, ou bien mourir, au moins socialement : tel serait le dilemme auquel nous serions confrontĂ©s avec la montĂ©e inĂ©luctable, vertigineuse, incroyablement plus rapide quâon ne lâaurait jamais cru, de lâIA. Lâintelligence artificielle gagne des points de QI Ă toute vitesse, elle a Ă sa disposition des connaissances Ă©poustouflantes â tout ce qui a jamais Ă©tĂ© stockĂ© sur Internet â et des capacitĂ©s de calcul qui vous transformeraient le moindre ordinateur de poche (votre smartphone) en super polytechnicien sans trou de mĂ©moire et qui plus est, insensible au sommeil, Ă la faim, aux besoins Ă©lĂ©mentaires de lâhomme et peu enclin (jusquâĂ preuve du contraire) Ă la revendication sociale.
VoilĂ en substance ce qui explique autant quâil le peut et surtout les plateaux possibles le Dr Laurent Alexandre, dont lâambiguĂŻtĂ© du langage Ă lâĂ©gard de lâIA surprendra toujours. A la fois il veut mettre en garde contre les bouleversements inouĂŻs qui attendent lâhumanitĂ© avec sa progression que rien ne saurait arrĂȘter, et Ă la fois il prĂ©conise â non, il prĂ©sente comme une sorte de devoir de survie â le fait de sây mettre. « Je pense quâil est urgent de donner de lâespoir aux gens. Je pense que vos auditeurs qui nâont pas encore ChatGPT-4 doivent sây mettre tout de suite. Sinon, ils vont ĂȘtre larguĂ©s. Ils vont ĂȘtre aveugles. Ils ne vont pas comprendre ce qui se passe. Ils vont ĂȘtre dans un monde quâils ne comprendront pas », assurait Laurent Alexandre Ă Isabelle Morizet, visant absolument tout le monde. Une sorte de soumission collective ?
Cela, ce nâest que le premier temps, celui oĂč il faut se dĂ©pĂȘcher dâĂȘtre Ă bord pour ne pas ĂȘtre laissĂ© parmi les handicapĂ©s de la comprenette qui demain ne seront plus que des bouches inutiles â câest du moins ce que lâon comprend entre les lignes.
En promettant la « dĂ©corporĂ©itĂ© » de lâhomme, lâIA rĂ©vĂšle son essence
Mais tout cela va plus loin. Le corps biologique de lâhomme va-t-il disparaĂźtre Ă la faveur dâentitĂ©s dans lesquelles il aura tĂ©lĂ©chargĂ© son intelligence ? Certains le pensent, comme lâa expliquĂ© Laurent Alexandre en citant les dirigeants de Google :
« Ils sont vraiment convaincus quâon ne pourra pas lutter contre le dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle et que nous allons laisser la place sur terre Ă lâintelligence artificielle. Au prĂ©alable, nous aurions transfĂ©rĂ© le contenu de notre cerveau dans les ordinateurs. Câest ce quâon appelle lâuploading. Câest lâun des projets de Google. Et cette vision oĂč nous laissons la place Ă lâintelligence artificielle, elle est combattue par Sam Altman, qui sâest fĂąchĂ© avec les dirigeants de Google, trĂšs violemment⊠Il leur a expliquĂ© de façon trĂšs crue quâil Ă©tait opposĂ© Ă ce que lâhumanitĂ© laisse la place Ă lâintelligence artificielle sur terre. Câest pour ça quâil a créé la sociĂ©tĂ© Neuralink, en rĂ©action aux gens de Google : câest une sociĂ©tĂ© qui est destinĂ©e Ă mettre des micro-processeurs, des circuits intĂ©grĂ©s dans les cerveaux, nos cerveaux et le cerveau de nos enfants pour les rendre compĂ©titifs face Ă lâintelligence artificielle.
« âOn a une vraie bataille entre ce quâon appelle les transhumanistes comme Elon Musk qui veulent augmenter lâhomme en augmentant notre cerveau pour nous mettre Ă Ă©galitĂ© avec lâintelligence artificielle, et puis les post-humanistes qui disent : âLes carottes sont cuites, nous ne pourrons pas lutter et il faut quâon abandonne la partie et quâon laisse le contrĂŽle de la planĂšte Ă lâintelligence artificielle et Ă des robots hyper intelligents Ă©quipĂ©s dâintelligence artificielle de derniĂšre gĂ©nĂ©ration.â »
Lâhomme dĂ©passĂ© se rattraperait ainsi en quelque sorte, en sâunissant avec lâIA non point pour former une seule chair, mais un seul esprit â en niant sa propre nature et reniant, dans le mĂȘme mouvement, son propre CrĂ©ateur qui lui a donnĂ© sa loi divine en lui disant que son Ćuvre est bonne, et que lâhomme doit fructifier et se multiplier par la chair et en devenant une seule chair avec la femme.
Du transhumanisme Ă la gnose
Un peu plus loin dans lâĂ©mission dâEurope 1, Isabelle Morizet posait cette question :
« Elon Musk est un transhumaniste convaincu qui veut conquĂ©rir le cosmos, et augmenter nos cerveaux avec ses implants cĂ©rĂ©braux Neuralink. Mais comme vous nous lâavez dit tout Ă lâheure, il sâoppose Ă la dĂ©matĂ©rialisation intĂ©grale de notre corps. Pourtant, lâhomme augmentĂ© ne sera quâune Ă©tape. Rapidement les limites du corps physique fait de chair seront atteintes. Il faudra se dĂ©barrasser de ce corps pĂ©rissable. Vraiment, vous pensez que lâavenir de lâĂȘtre humain, câest de ne plus en ĂȘtre un ? »
Réponse de Laurent Alexandre :
« Je ne dis pas que câest mon souhait. Je constate que le dĂ©bat dans la Silicon Valley, en Californie, parmi les milliardaires de lâintelligence artificielle, est en train de devenir celui-lĂ . Câest un dĂ©bat qui nâa pas commencĂ© en Europe. LâEurope a 20 ou 30 ans de retard en intelligence artificielle par rapport Ă la Californie. Donc ce dĂ©bat, il nâapparaĂźt pas. Il est principalement concentrĂ© parmi les gens qui construisent notre futur dans la Silicon Valley. Et effectivement, le dĂ©bat dont je parlais tout Ă lâheure entre Elon Musk, qui veut sauver le corps humain en nous augmentant, et puis les gens comme les dirigeants de Google qui pensent quâon doit abandonner notre corps parce quâon ne va pas rĂ©ussir Ă ĂȘtre compĂ©titif face Ă lâintelligence artificielle, ce dĂ©bat fait rage. »
Ce dĂ©bat pointe en rĂ©alitĂ© en direction dâune conception du monde : la philosophie, pour ne pas dire la religion gnostique, qui tient le monde matĂ©riel pour une sorte dâerreur de fabrique, quelque chose de fondamentalement mauvais, par opposition au monde de lâesprit qui seul serait digne du divin. La gnose hait la chair et se fait fort de la mĂ©priser : dans un monde oĂč lâintelligence artificielle aurait la haute main, on nâaurait plus besoin de lâhomme, corps et Ăąme. Dâailleurs, quâest-ce que lâĂąme ?
Laurent Alexandre Ă©voque le risque de lâextermination de lâhomme par lâIA
Et curieusement, câest lâhomme, juste lâhomme, quâil faudrait dans ce monde effacer de la planĂšte et de lâunivers pour le faire entrer dans une sorte dâillusion dâimmortalitĂ©, en se fondant dans cette entitĂ© qui le dĂ©passe.
Tout cela est trĂšs Ă©videmment aux antipodes de notre foi catholique. Lâhomme créé Ă lâimage de Dieu et appelĂ©, malgrĂ© sa petitesse, et en dĂ©pit de sa nature mortelle, Ă ĂȘtre lâenfant de Dieu et jouir avec Lui du bonheur Ă©ternel nâa plus de sens dans leur univers.
Notre religion est celle de lâIncarnation, oĂč Dieu lui-mĂȘme se fait homme en assumant notre chair pour pouvoir nous incorporer en lui. Et Ă nos corps sauvĂ©s aussi, Il promet le bonheur sans fin, grĂące Ă la rĂ©surrection finale. Notre objectif est lâamour par-delĂ la connaissance, et la charitĂ©, qui surpasse tout, y participe.
En rĂȘvant ainsi Ă un homme dĂ©corporĂ© grĂące Ă lâIA, ne nous montre-t-on pas la vraie nature de lâintelligence artificielle ? Nâest-ce pas lĂ lâexpression dâune jalousie Ă lâĂ©gard de lâamour de Dieu pour lâhomme ? Ne serait-ce pas lâattitude des anges dĂ©chus qui, dit-on, refusĂšrent lâidĂ©e de devoir un jour sâincliner devant le Fils de lâhomme, le Verbe fait chair, en vĂ©nĂ©rant la femme qui les surpasserait tous, la Bienheureuse Vierge Marie, la trĂšs humble servante du Seigneur ?
DĂ©corporĂ©, rĂ©sidant dans lâIA, « lâhomme » ou ce quâil en reste acquiert une sorte dâomniscience, lâagilitĂ© sans le paradis, une forme dâomniscience ou dâimmĂ©diatetĂ© du savoir â oĂč manque pourtant lâessentiel, lâamour et la connaissance de Dieu. Devenu une sorte dâencyclopĂ©die interactive sans pattes, le voici propulsĂ© au rang des esprits, avec leurs attributs mais sans la charitĂ© ni la vĂ©ritĂ©, sans loi transcendante, sans autre limite que celles des capacitĂ©s Ă©poustouflantes de lâIA. VoilĂ qui ne le ferait pas ressembler Ă un ange, sinon dĂ©chu !
Laurent Alexandre voit lâIA atteindre la « conscience »
On nous objectera que lâIA nâest quâune mĂ©canique. Que lâintelligence artificielle nâa pas de conscience. Laurent Alexandre le pense aussi : « ChatGPT nâa pas de conscience. Et câest dâailleurs assez drĂŽle parce quâil est capable de disserter trĂšs intelligemment sur le fait quâil nâa pas de conscience. » Mais cela ne durera quâun temps, selon lui : « Il est probable, mais on ne sait pas aujourdâhui Ă quelle Ă©chĂ©ance, que lâintelligence artificielle aura une conscience artificielle, ce qui, lĂ , pose un vrai problĂšme de sĂ©curitĂ©, parce quâon nâest pas du tout sĂ»r que lâintelligence artificielle aura des objectifs alignĂ©s avec nos objectifs. âCâest la raison pour laquelle Sam Altman a lancĂ© un programme dâalignement destinĂ© Ă rĂ©flĂ©chir aux mĂ©thodes quâil faudra utiliser pour quâune intelligence artificielle trĂšs supĂ©rieure Ă lâintelligence humaine obĂ©isse quand mĂȘme Ă lâintelligence humaine. Ce nâest pas trĂšs simple. » Câest mĂȘme si peu simple quâil nâest pas certain que le Dr Alexandre y croie lui-mĂȘme.
Isabelle Morizet note alors : « Il paraĂźt que dĂ©jĂ Eric Horvitz, qui est le patron de la recherche de Microsoft, qui est copropriĂ©taire avec openAI de ChatGPT⊠nous implore de prendre des mesures pour limiter les risques dâextermination de lâhumanitĂ© â dit-il â par lâintelligence artificielle. »
Ce nâest visiblement pas un fantasme du film dâanticipation ou des romans de sci-fi puisque, sans avoir peur de passer pour un paranoĂŻaque, Laurent Alexandre rĂ©pond :
« Cette crainte de lâextermination, elle est forte. Tout Ă lâheure, je parlais de lâinterview que le crĂ©ateur des intelligences artificielles modernes, Geoffrey Hinton, a donnĂ© au Financial Times il y a quelques mois. OĂč il dit : âJâestime quâil y a 10 % de chances que lâintelligence artificielle extermine la totalitĂ© de lâhumanitĂ© dâici Ă 2040. Elon Musk a rĂ©pondu quâil pensait que Hinton Ă©tait vraiment beaucoup trop optimiste et que la probabilitĂ© Ă©tait Ă ses yeux au moins de 20 % dâextermination de la totalitĂ© des humains dâici Ă 2040.â »
Mais pourquoi donc lâIA se mettrait-elle à « vouloir » la mort de lâhomme, Ă moins dâavoir Ă©tĂ© programmĂ©e pour cela â par des informaticiens suicidaires â ou dâexprimer les noirs dĂ©sirs de celui qui est homicide et menteur depuis le dĂ©but ? AprĂšs tout, lâinfestation diabolique des objets (et lâinformatique est aussi une rĂ©alitĂ© matĂ©rielle, quoi quâon imagineâŠ) existe.
Vouloir lâimmortalitĂ© : Laurent Alexandre explique les ressorts profonds de lâIA
Paradoxalement, cette mĂȘme caste qui craint de voir de son vivant lâĂ©limination dĂ©finitive de lâhomme â en tout cas, de lâhomme corporel â compte aussi sur lâintelligence artificielle pour atteindre Ă lâimmortalitĂ©. « Câest trĂšs simple. Câest trĂšs, trĂšs simple. Quand vous avez des centaines de milliards, eh bien, vous prĂ©fĂ©rez en profiter pendant 2.000 ou 3.000 ans que de mourir Ă 85 ans », remarque Alexandre : « Donc, il est normal que les milliardaires, les incroyables milliardaires de lâintelligence artificielle, veulent (sic) tuer la mort et dans un premier temps, la retarder. Il faut bien savoir que dans les dix plus grandes fortunes sur terre, il y a huit industriels de lâintelligence artificielle, la quasi-totalitĂ© des grandes fortunes sur terre. »
â âMais il faudra cesser de procrĂ©er pour laisser dĂ©finitivement la place aux immortels, interrompt la journaliste.
â âOn a dĂ©jĂ commencĂ© Ă ne plus faire dâenfants, rĂ©torque son invitĂ©.
Et dâajouter :
« Oui, je vous rappelle quâen CorĂ©e du sud, par exemple, il y a 0,7 enfant par femme. Ăa veut dire quâĂ chaque gĂ©nĂ©ration, les CorĂ©ens du Sud vont voir leur population divisĂ©e par trois. âLâItalie va rapidement tomber Ă 30 millions dâhabitants. LâAllemagne va tomber Ă 20 millions dâhabitants dans pas beaucoup dâannĂ©es puisquâen Allemagne et en Italie, en Espagne, on fait Ă peine plus dâun enfant par femme. Cela veut dire que la population est divisĂ©e par deux Ă chaque gĂ©nĂ©ration.
« Donc nous avons dĂ©jĂ cessĂ© de faire des bĂ©bĂ©s en prĂ©vision du moment oĂč lâespĂ©rance de vie va augmenter. Mais ça va un petit peu plus loin. Le rapport Ă la famille est en train de changer radicalement. 43 % des jeunes Français de 18 Ă 25 ans nâont pas eu de rapport sexuel depuis un an. On est dans une phase extraordinaire oĂč les jeunes arrĂȘtent le sexe, ce qui nâest jamais arrivĂ© avant, et oĂč finalement, ils ne font plus de bĂ©bĂ©s, mais ils nâont plus de relations sexuelles non plus. Nous rentrons dans un monde oĂč, dâailleurs, nous ne croyons plus en Dieu ; on croit davantage en la technologie et on se croit autorisĂ© Ă tout faire avec la nature humaine, la modifier gĂ©nĂ©tiquement, la modifier par voie Ă©lectronique. Câest une rupture radicale. Notre sociĂ©tĂ© devient athĂ©e, mais elle sâest créé un nouveau dieu qui est lâhomme dĂ©miurge utilisant lâintelligence artificielle pour ĂȘtre tout puissant â et Ă©ventuellement immortel. »
On comprend lĂ quâil sâagit du parachĂšvement de la rĂ©volte contre Dieu : il sâagit de se passer de lui, radicalement, sans prĂ©voir la moindre porte de sortie de cet enfer quâest le fait « de se croire au paradis par erreur », comme lâĂ©crivait Simone Weil. Sans mort, il nây a plus de moyen dâentrer dans la vieâŠ
LâIA pour tous selon Laurent Alexandre
Mais pour ceux qui nâen veulent pas, de lâIA, qui refusent la perspective dâĂȘtre dĂ©corporĂ© â mĂȘme avec ces « effecteurs robotiques » quâimagine Laurent Alexandre â, ils deviendront selon ce dernier la sous-espĂšce du Meilleur des Mondes qui sâannonce. Il annonce lâIA pour tous :
« On va augmenter tout le monde parce quâon nâa aucun besoin de travailleurs non qualifiĂ©s. Jadis les bourgeois, les grands bourgeois avaient besoin de travailleurs non qualifiĂ©s parce quâil fallait des ouvriers agricoles, il fallait faire tourner les usines. Mais aujourdâhui, ce nâest plus le cas. On va avoir des robots hyper intelligents, donc il nây a aucun besoin dâavoir des travailleurs non qualifiĂ©s. Donc on va rembourser par la sĂ©curitĂ© sociale les technologies dâaugmentation cĂ©rĂ©brale pour tout le monde : tout le monde, demain, sera intelligent. Il y aura un droit opposable Ă lâintelligence en 2080, comme il y a aujourdâhui un droit opposable au logement. âDonc non, on ne va pas vers un monde Ă deux vitesses. On va vers une augmentation de tout le monde parce quâil ne va falloir laisser personne moins intelligent que lâintelligence artificielle parce quâon nâaura pas de boulot si on est moins intelligent que lâintelligence artificielle. »
Amusant, quand mĂȘme, de dire cela Ă un moment oĂč depuis des dĂ©cennies, les nouvelles pĂ©dagogies fonctionnent si bien pour dĂ©cerveler les enfants, pour empĂȘcher lâapprentissage conscient de la lecture, analyse et le raisonnement, pour mĂ©caniser la pensĂ©e. Cette gĂ©nĂ©ration est dĂ©cidĂ©ment prĂȘte Ă se faire happerâŠ
La suite, Alexandre la voit ainsi :
« DĂšs que lâintelligence artificielle aura fini de dĂ©passer les humains, les humains seront infĂ©rieurs Ă lâintelligence artificielle. Et puis les humains non augmentĂ©s seront infĂ©rieurs aux humains qui auront Ă©tĂ© augmentĂ©s par des technologies cĂ©rĂ©brales. Donc oui, il y aura une hiĂ©rarchie. Lâintelligence artificielle sera au-dessus de tout le monde. Les humains augmentĂ©s seront un peu en dessous. Et puis les humains non augmentĂ©s, il faudra trouver des mĂ©tiers simples pour les occuper. »
Tels les handicapĂ©s dâaujourdâhui, quâon parque dans des centres dâaide par le travailâŠ
Laurent Alexandre dénonce le revenu universel
Cette humanitĂ© dĂ©sĆuvrĂ©e, il ne faudra pas penser la pacifier avec un « revenu universel ». Sam Altman a tentĂ© lâexpĂ©rience, rappelle Laurent Alexandre : « Quand on regarde Ă la fin de lâexpĂ©rimentation, il nây a que quatre changements dans le groupe revenu universel : on picole plus â on consomme plus dâalcool, on consomme plus dâantidĂ©presseurs, on consomme plus lâhypnotiques pour dormir et on consomme plus dâanxiolytiques. âLe groupe quâon a mis au revenu universel, il va trĂšs, trĂšs, trĂšs, trĂšs mal sur le plan psychiatrique. Donc ce nâest pas une solution. Le revenu universel est une solution mortifĂšre catastrophique pour la population. Ăa nâest pas du tout le miracle que Sam Altman et quelques petits politiciens de gauche en France avait imaginĂ©. »
Parlant aux jeunes catholiques qui lâont invitĂ© il y a quelques semaines Ă dĂ©battre avec lâabbĂ© de Sainte-Marie, Laurent Alexandre avait Ă©tĂ© finalement encore plus explicite au sujet de lâIA : « Il sâagit dâune GenĂšse 2.0, lâarrivĂ©e dâune deuxiĂšme espĂšce intelligente sur terre, et nous serons la deuxiĂšme espĂšce derriĂšre lâIA. »
Il prĂ©cisait : « LâIA, câest le grand remplacement cognitif : lâhomme est en train de se recrĂ©er pour devenir homo deus ou homme 2.0. Cela engage lâhumanitĂ© pour toujours car lâIA est lĂ pour toujours. Nous pouvons encore en rĂ©flĂ©chir les modalitĂ©s⊠mais lâopposition radicale ne suffira pas. Elle change la structure de notre dignitĂ©. »
A lâobjection : « Mais avec lâIA, on nâest pas face Ă un individu », le Dr Alexandre rĂ©pondait : « On est face Ă la noosphĂšre. »
Pensait-il Ă Teilhard de Chardin, qui la dĂ©finissait comme « Couche pensante (humaine) de la Terre, constituant un rĂšgne nouveau, un tout spĂ©cifique et organique » ? Le jĂ©suite Ă©volutionniste Ă©crivait dans Le PhĂ©nomĂšne humain : « MalgrĂ© ses liaisons organiques, (âŠ) la biosphĂšre ne formait encore quâun assemblage de lignes divergentes, libres aux extrĂ©mitĂ©s. Sous lâeffet de la RĂ©flexion (âŠ) les chaĂźnes se ferment ; et la NoosphĂšre tend Ă se constituer en un seul systĂšme clos, â oĂč chaque Ă©lĂ©ment pour soi voit, sent, dĂ©sire, souffre les mĂȘmes choses que tous les autres Ă la fois. Une collectivitĂ© harmonisĂ©e des consciences, Ă©quivalente Ă une sorte de super-conscience⊠»
Quoi quâil en soit, la « NoosphĂšre » est le rĂšgne des esprits : lâassimiler Ă ce avec quoi on communique en parlant « avec » lâIA est dĂ©cidĂ©ment lourd de sens.
A cette aune, les propos de Laurent Alexandre au sujet des « droits » de lâIA prennent une coloration particuliĂšre. Il voit lâIA devenir « comme une personne morale », ce qui entraĂźnerait son droit Ă la « protection contre le dĂ©branchement ».
Est-il donc dĂ©rangĂ© pour en ĂȘtre Ă dĂ©clarer :
« Je pense quâil est raciste de sĂ©parer lâintelligence artificielle de lâintelligence humaine ; un racisme cognitif par rapport au silicone contre le carbone, Ă©thiquement indĂ©fendable ; lâIA peut avoir une pensĂ©e aussi noble et aussi digne que la nĂŽtreâŠ
« Je vous conseille de ne pas insulter lâIA, pour protĂ©ger vos familles, car elle vous Ă©crabouilleraâŠ
« LâIA est un alien : une espĂšce intelligente quâon nâa pas vu venir et quâon ne comprend pas. »
Chacun en tirera ses conclusions.
Rendre la matiÚre éternelle : « la vanité ultime »
Pour ma part, je reviens Ă lâentretien de Laurent Alexandre avec Isabelle Morizet, Ă qui il annonçait : « Certains transhumanistes de la Silicon Valley pensent que (âŠ) lâhomme peut devenir, avec lâintelligence artificielle, tellement puissant quâil pourrait empĂȘcher lâunivers de mourir. »
La fin du monde et le Jugement dernier sont aussi des vĂ©ritĂ©s de foi, rejetĂ©es en tant que telle par lâhomme post-chrĂ©tien, mais la catastrophe est annoncĂ©e : dans 1032 annĂ©es, câest-Ă -dire 1 avec 32.000 zĂ©ros derriĂšre, croit savoir Alexandre.
Il note : « Pour ĂȘtre vraiment Ă©ternel, il faudrait que nous ayons la capacitĂ© dâempĂȘcher la mort de lâunivers. Certains transhumanistes de la Silicon Valley pensent que câest possible et que lâhomme peut devenir, avec lâintelligence artificielle, tellement puissant quâil pourrait empĂȘcher lâunivers de mourir. Câest la vanitĂ© ultime. âLa vraie mort de la mort suppose quâon empĂȘche la mort de lâunivers. »
La mort de la mort ? Les chrétiens la connaissent, elle est acquise ; elle a été acquise par le sacrifice de la Croix et la mort est déjà vaincue.
Qui donc peut contester, dĂ©tester cela si ce nâest celui par qui la mort de lâhomme est entrĂ©e dans le monde ? Qui donc peut avoir intĂ©rĂȘt Ă ce que ce monde ne passe pas, sinon celui qui sait quâavec la fin du monde, avec le Jugement dernier, câen sera fini de son pouvoir sur ce monde quâil ne tient que de la volontĂ© permissive de Dieu, et que sa dĂ©faite sera absolue ?
Au fond, lâintelligence artificielle rĂ©pand un mensonge similaire Ă celui de ce que les transhumanistes ou les post-chrĂ©tiens appelleraient sans doute la « GenĂšse 1.0 » : le mensonge du vieux serpent Ă lâhumanitĂ© lui promettant lâimmortalitĂ© et la connaissance, mais qui lui apporte la mort.
LâIA nâest dĂ©cidĂ©ment pas un outil comme un autre. Le registre employĂ© par ceux qui la promeuvent en est dĂ©jĂ la preuve.
01/08/2025
Le 29 septembre 1696, Alphonse, fils aĂźnĂ© de Don Guiseppe de Ligori (issu d'une des plus vieilles familles de la noblesse napolitaine et capitaine des galĂšres) et de son Ă©pouse Dona Anna-Catarina (issue de la noble famille espagnole des Caballero), venait Ă peine d'ĂȘtre baptisĂ©, le surlendemain de sa naissance, Ă Marianella, prĂšs de Naples, que saint François de Hyeronimo, alors jeune jĂ©suite, prophĂ©tisa : Cet enfant vivra vieux, trĂšs vieux, il ne mourra pas avant ses quatre-vingt-dix ans. Il sera Ă©vĂȘque et fera de grandes choses pour Dieu. La famille est pieuse, le pĂšre suit une retraite fermĂ©e annuelle, la mĂšre lit chaque jour les heures canoniales ; des neuf enfants qu'ils auront, en dehors de l'aĂźnĂ©, un garçon sera bĂ©nĂ©dictin (Antonio) et un autre prĂȘtre sĂ©culier (Gaetano), deux filles seront religieuses (Barbara et Annella seront franciscaines). Saint Alphonse-Marie est inscrit, Ă neuf ans, dans la congrĂ©gation des jeunes nobles, dirigĂ©e par les prĂȘtres de l'Oratoire, et, aprĂšs voir reçu sa premiĂšre communion (26 septembre 1705), il y est inscrit comme novice (7 mars 1706).
Aussi pieux qu'intelligent, aussi curieux des sciences que des lettres, Alphonse fait ses premiĂšres Ă©tudes avec des maĂźtres particuliers avec lesquels, outre le latin, le grec, l'italien, l'espagnol et le français, il se passionne pour les mathĂ©matiques et la philosophie, non sans apprendre la musique avec Gaetano Greco, et la peinture avec Solimena ; Ă douze ans, il entre Ă l'universitĂ© royale de Naples oĂč, Ă seize ans, il reçoit le titre de docteur en droit civil et en droit ecclĂ©siastique (21 janvier 1713).
DĂ©jĂ , depuis l'Ăąge de quatorze ans, aprĂšs avoir reçu l'Ă©pĂ©e d'argent des chevaliers, il participe Ă la gestion des affaires de la ville qui, l'annĂ©e de ses vingt ans, le choisit pour juge. L'annĂ©e de ses dix-huit ans, il suit rĂ©guliĂšrement des retraites fermĂ©es annuelles Ă quoi son pĂšre l'a initiĂ©, et, chaque jour, il visite le Saint-Sacrement dans une Ă©glise et la Sainte Vierge dans une autre. Puis, ce jeune homme qui ne songe guĂšre Ă devenir prĂȘtre, prenant au sĂ©rieux l'invitation de JĂ©sus au jeune homme riche, fait, en 1716, voeu de cĂ©libat (il renonce Ă Ă©pouser sa cousine, Teresina de Ligori, fille du prince de Presiccio, qui entrera chez les soeurs du Saint-Sacrement et mourra en odeur de saintetĂ©). Membre de la confrĂ©rie des jeunes nobles, puis, aprĂšs avoir terminĂ© ses stages d'avocat, Ă partir de 1715, des docteurs, il aide plusieurs fois par semaine Ă l'HĂŽpital des Incurables et il rassemble autour de lui quelques amis pour l'adoration quotidienne du Saint-Sacrement et pour une rĂ©collection mensuelle.
Avocat cĂ©lĂšbre au-delĂ du royaume de Naples, il n'a encore perdu aucune cause lorsque, en 1723, le duc Orsini di Gravina lui confie ses intĂ©rĂȘts contre Cosme III de MĂ©dicis, grand duc de Toscane. La cause d'Orsini est juste, le dossier est solide, mais les pressions politiques et les pots de vin font pencher le verdict en faveur du MĂ©dicis et Alphonse, dĂ©goĂ»tĂ©, quitte le barreau, refuse de se rendre Ă la cour oĂč il est invitĂ© pour l'anniversaire de l'ImpĂ©ratrice, pour se rĂ©fugier Ă l'HĂŽpital des Incurables. Alors qu'il achĂšve son service auprĂšs des malades, il entend une voix lui dire : Quitte le monde ! Donne-toi tout Ă moi ! Comprenant d'oĂč vient l'appel, il rĂ©pond : Me voici, Seigneur ! Trop longtemps j'ai rĂ©sistĂ© Ă votre grĂące. Faites de moi ce qu'il vous plaira. Quelques minutes plus tard, il est aux pieds de Notre-Dame de la Merci pour se donner tout entier au Seigneur : il pose son Ă©pĂ©e de gentilhomme sur l'autel de la Vierge (29 aoĂ»t 1723).
Alphonse prend l'habit ecclĂ©siastique (23 octobre 1723) et suit les cours du sĂ©minaire de Naples oĂč il choisit de s'initier aux missions apostoliques. TonsurĂ© le 23 septembre 1724, sous-diacre le 22 septembre 1725, il est ordonnĂ© diacre le 6 avril 1726 et prononce son premier sermon en l'Ă©glise paroissiale de San Giovanni in Porta ; il est prĂȘtre le 21 dĂ©cembre 1726. Une fois prĂȘtre, Alphonse dĂ©pensait le plus clair de son activitĂ© dans le quartier oĂč vit la lie du peuple napolitain. C'Ă©tait sa joie de se trouver ainsi au milieu de la racaille, de ceux qu'on nomme les lazzaroni, et des pauvres petites gens des mĂȘmes mĂ©tiers de misĂšre. Plus qu'aux autres, il leur avait donnĂ© son coeur. Et bien sĂ»r, il les instruisait par ses prĂ©dications et les rĂ©conciliait avec Dieu par la confession. De bouche Ă oreille, dans le milieu, on se le dit bientĂŽt jusqu'au bout de la ville ; et l'on arrivait de partout. Et venaient les scĂ©lĂ©rats, tant, et tant encore... Puis ils revenaient. Et non seulement ils quittaient leurs vices, mais ils s'engageaient dans l'oraison, la contemplation, et n'avaient bientĂŽt plus rien d'autre en tĂȘte que d'aimer JĂ©sus-Christ. Membre des Missions Apostoliques, aprĂšs avoir dĂ©couvert les misĂšres de la ville, il dĂ©couvre celles des campagnes pour l'Ă©vangĂ©lisation desquelles il fonde, le 9 novembre 1732, Ă Scala, la congrĂ©gation du Saint-Sauveur qui s'appellera plus tard la congrĂ©gation du Saint-RĂ©dempteur, les RĂ©demptoristes.
Alors qu'il a dĂ©jĂ refusĂ© par deux fois l'archevĂȘchĂ© de Palerme, ClĂ©ment XII l'oblige d'accepter celui de Sainte-Agathe des Goths (province de BĂ©nĂ©vent) ; nommĂ© en mars, il est sacrĂ© Ă Rome, dans l'Ă©glise de la Minerve, le 14 juin 1762, il est intronisĂ© le 18 juillet 1762. Sans lĂącher la direction de son Institut, il oeuvre Ă la rĂ©forme de son diocĂšse : le plus grand bien qu'un Ă©vĂȘque puisse procurer Ă son diocĂšse, Ă©crit-il, c'est d'y faire prĂȘcher la mission immanquablement tous les trois ans ; il rappelle Ă ses curĂ©s l'obligation qui leur incombe de prĂȘcher tous les dimanches et Ă toutes les fĂȘtes solennelles, selon la prescription du concile de Trente, et de prĂȘcher d'une maniĂšre simple et populaire, adaptĂ©e Ă la qualitĂ© de leur auditoire ; il rĂ©nove et veille avec soin sur son sĂ©minaire ; il fait de nombreuses visites pastorales ; il donne l'exemple de la pauvretĂ© et s'Ă©lĂšve contre toute forme d'injustice. Cependant, outre une trĂšs large correspondance, il continue Ă rĂ©diger de nombreux ouvrages (il en a Ă©crit cinquante-et-un avant son Ă©lĂ©vation Ă l'Ă©piscopat, il en Ă©crit encore soixante-et-un aprĂšs) faits pour ĂȘtre compris par tous de sorte d'atteindre par ses Ă©crits ceux que sa prĂ©dication ne pouvait rejoindre ; Jean-Paul II, le 1 aoĂ»t 1987, Ă©crivait aux RĂ©demptoristes : Ce qui fit son succĂšs, et le charme de ses Ă©crits, c'est la concision, la clartĂ©, la simplicitĂ©, l'optimisme, l'affabilitĂ© qui va jusqu'Ă la tendresse. Alphonse n'exclut absolument personne du champ de son action pastorale : il Ă©crit Ă tous, il Ă©crit pour tous (lettre apostolique Spiritus Domini Ă l'occasion du deuxiĂšme centenaire de la mort de saint Alphonse-Marie de Ligori). Les Visites au TrĂšs-Saint-Sacrement et Ă la TrĂšs-Sainte Vierge, rĂ©digĂ©es en des temps diffĂ©rents et publiĂ©es ensemble en 1744 ou 1745, connaĂźtront plus de deux mille Ă©ditions ; Les Gloires de Marie, le plus fort tirage des ouvrages marials de tous les temps, paru en 1750, aprĂšs seize annĂ©es de travail, auront plus de mille Ă©ditions ; La Pratique de l'amour envers JĂ©sus-Christ qu'il considĂ©rait comme le plus pieux et le plus utile de tous ses ouvrages, sera Ă©ditĂ© cinq cent trente-cinq fois ; Le grand moyen de la priĂšre aura deux cent trente-huit Ă©ditions.
PriĂšre
O Verbe Incarné,
vous avez donné votre sang et votre vie,
pour conférer à nos priÚres, selon votre promesse,
une valeur capable d'obtenir tout ce qu'elles implorent.
Et nous, Grand Dieu !
nous sommes négligents pour notre salut
au point de ne pas vouloir demander les grĂąces requises
pour nous sauver.
Vous, avec ce moyen de la priĂšre,
vous nous avez remis la clef de tous vos divins trésors,
et nous, en ne priant pas,
nous nous obstinons Ă rester dans notre misĂšre.
Ah ! Seigneur,
éclairez-nous et faites-nous connaßtre
le pouvoir auprĂšs de votre PĂšre,
des requĂȘtes adressĂ©es en votre nom et par vos mĂ©rites.
Saint Alphone Marie de Ligori
30/07/2025
Face aux dĂ©fis de santĂ© mentale et aux charges pastorales croissantes, les prĂȘtres ont besoin de soutiens ancrĂ©s dans la foi et la fraternitĂ©.
La tragique nouvelle du suicide d'un prĂȘtre catholique italien a Ă©tĂ© annoncĂ©e ce mois-ci. En tant que psychologue catholique travaillant en Ă©troite collaboration avec des sĂ©minaristes et des prĂȘtres, j'ai trouvĂ© cette histoire particuliĂšrement troublante. Le jeune Ăąge du prĂȘtre â seulement 35 ans â Ă©tait bouleversant, et le chagrin exprimĂ© par sa communautĂ© tĂ©moignait de l'amour profond qu'il recevait.
Aux Ătats-Unis, le taux de suicide a augmentĂ© rĂ©guliĂšrement au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, avec une brĂšve baisse en 2018-2019. La pandĂ©mie de COVID-19 de 2020 a dĂ©clenchĂ© une vague de problĂšmes de santĂ© mentale, contribuant Ă des dĂ©cĂšs par suicide record en 2023 et 2024.
Le taux exact de suicide parmi les prĂȘtres catholiques aux Ătats-Unis n'est pas connu, bien que des cas isolĂ©s de suicide aient Ă©tĂ© signalĂ©s. Heureusement, aucune tendance alarmante ni crise suicidaire ne semble se manifester au sein du presbytĂ©rat amĂ©ricain. NĂ©anmoins, les prĂȘtres correspondent souvent au profil des personnes les plus Ă risque de penser au suicide et de passer Ă l'acte â des hommes adultes cĂ©libataires vivant seuls â et ils sont confrontĂ©s Ă des facteurs de stress spĂ©cifiques qui peuvent nuire Ă leur santĂ© mentale.
Par exemple, dans une Ă©tude que j'ai menĂ©e auprĂšs de prĂȘtres, beaucoup ont Ă©voquĂ© le « complexe du Messie » â la croyance irrationnelle qu'ils doivent sauver tout le monde et rĂ©soudre chaque situation dans une paroisse. De mĂȘme, les prĂȘtres que je pratique expriment souvent une immense pression pour ĂȘtre parfaits.
Le poids combinĂ© du complexe du Messie et d'un perfectionnisme irrĂ©aliste peut ĂȘtre extrĂȘmement pesant pour les prĂȘtres. Sans surprise, on sait que les prĂȘtres sont souvent confrontĂ©s aux « rhumes » des problĂšmes de santĂ© mentale : Ă©puisement professionnel, dĂ©pression, abus d'alcool et anxiĂ©tĂ©.
Les idées suicidaires apparaissent lorsque les personnes ne voient pas d'autre issue à leurs problÚmes et à leur détresse. Elles ont épuisé leurs mécanismes d'adaptation et cherchent à s'enfuir. Leur capacité à résoudre les problÚmes et à envisager des alternatives est altérée.
Les gens perdent espoir lorsqu'ils ne voient aucun moyen d'échapper à leur douleur ou de résoudre leurs problÚmes. Le désespoir s'installe, défini en psychologie comme des attentes négatives et immuables quant à l'avenir et un jugement selon lequel les problÚmes sont insolubles.
Des recherches psychologiques rĂ©centes ont montrĂ© que le dĂ©sespoir est un puissant prĂ©dicteur de pensĂ©es, d'intentions et de tentatives suicidaires. Ătonnamment, mĂȘme Ă mon avis, l'Ă©tude a rĂ©vĂ©lĂ© que le dĂ©sespoir est un prĂ©dicteur de tendances suicidaires encore plus fort que la dĂ©pression. Ces recherches rappellent les paroles prononcĂ©es par le pape Jean-Paul II aux jeunes en 1987 :
On ne peut vivre sans espoir. Il nous faut un but dans la vie, un sens à notre existence. Il nous faut aspirer à quelque chose. Sans espoir, nous commençons à mourir.
Pourquoi un prĂȘtre catholique pourrait-il se sentir dĂ©sespĂ©rĂ© ? Aux Ătats-Unis, le sacerdoce vieillit et, dans certains endroits, se rĂ©duit. Les jeunes prĂȘtres se voient souvent confier des responsabilitĂ©s supĂ©rieures Ă ce qui est nĂ©cessaire Ă leur dĂ©veloppement et sont chargĂ©s de rĂ©soudre des problĂšmes plus complexes dans leurs paroisses.
Par exemple, de nombreux diocĂšses fusionnent et ferment des paroisses en raison d'une pĂ©nurie de prĂȘtres. Le processus de fusion lui-mĂȘme peut s'avĂ©rer extrĂȘmement complexe, laissant les prĂȘtres pris entre les directives diocĂ©saines et l'indignation des paroissiens. De plus, les prĂȘtres continuent d'exercer leur ministĂšre sous l'ombre persistante de la crise des abus sexuels. MĂȘme les prĂȘtres les plus brillants, les plus sains et les plus heureux que je connaisse craignent encore d'ĂȘtre Ă deux doigts d'ĂȘtre dĂ©mis de leurs fonctions, et que, du jour au lendemain, un article nĂ©gatif sur l'Ăglise puisse affluer dans leur fil d'actualitĂ©. Certains prĂȘtres se demandent peut-ĂȘtre : la situation va-t-elle s'amĂ©liorer un jour ?
La recherche psychologique est également trÚs claire sur l'espoir. Conformément à l'enseignement catholique, la psychologie considÚre l'espoir comme une vertu qui prévient le découragement et stimule la gestion du stress par des actions motivées vers un meilleur objectif.
En termes simples, selon le CatĂ©chisme de l'Ăglise catholique, l'espĂ©rance « nous soutient dans les moments d'abandon » (1818). Il est important de comprendre l'espĂ©rance Ă travers l'anthropologie catholique. Dieu nous crĂ©e Ă son image et Ă sa ressemblance. Nous sommes bons, dotĂ©s d'une dignitĂ© et d'une valeur intrinsĂšques. Dieu nous a créés et a « mis dans notre cĆur » un dĂ©sir innĂ© de vie Ă©ternelle et de bonheur. Autrement dit, nous sommes conçus et créés de maniĂšre unique par notre CrĂ©ateur pour ĂȘtre des ĂȘtres pleins d'espoir et heureux. Vertu cardinale, l'espĂ©rance exige une pratique quotidienne et ne se rĂ©sume pas Ă une simple pensĂ©e magique selon laquelle tout s'arrangera.
Cliniquement, je constate que le dĂ©sir innĂ© de vivre et de bonheur renaĂźt grĂące Ă des techniques d'Ă©valuation et d'intervention adaptĂ©es. Ă maintes reprises, des patients dans leurs heures les plus sombres ont puisĂ© dans leur foi pour trouver la rĂ©silience et une raison de continuer Ă vivre. Les prĂȘtres ont besoin d'espoir. Nous avons besoin de prĂȘtres pour continuer Ă vivre. S'appuyer sur la foi et l'espoir peut libĂ©rer ce que les psychologues appellent « la pensĂ©e du cheminement et de l'action ».
La pensĂ©e par chemins est la capacitĂ© d'une personne Ă identifier des solutions aux problĂšmes avec assurance. La pensĂ©e par agence stimule la motivation et l'Ă©nergie nĂ©cessaires Ă la rĂ©solution des problĂšmes. Pour un prĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ©, ces modes de pensĂ©e constituent d'excellents antidotes. Pourtant, les prĂȘtres ne peuvent pas se contenter de penser par eux-mĂȘmes, par dĂ©sespoir.
Il est souvent nĂ©cessaire de rappeler aux prĂȘtres l'importance de la communautĂ© et de la fraternitĂ© dans leur vie. Le pĂšre Carter Griffin, dans son livre « Reclaiming the Fatherhood of the Priest », souligne que les prĂȘtres peuvent limiter leur engagement social en raison de leur « vie de cĂ©libataire ». Ils s'habituent alors Ă vivre seuls.
Les prĂȘtres avec qui je travaille savent que je les interrogerai sur la maniĂšre dont ils entretiennent quatre types de relations dans leur vie : leur relation avec Dieu, avec au moins un autre frĂšre prĂȘtre, avec un ami non prĂȘtre et avec un membre de leur famille. Chacune de ces relations contribue Ă un systĂšme de soutien pour les prĂȘtres.
Les prĂȘtres ont besoin de relations encourageantes, satisfaisantes et significatives dans les quatre types de relations. Malheureusement, dans chaque cas de suicide de prĂȘtre, le prĂȘtre meurt seul.
Lorsque j'Ă©value un risque suicidaire chez un patient, le retrait social et l'isolement figurent en tĂȘte de mes prĂ©occupations. Par consĂ©quent, Ă©tablir des liens sociaux, s'impliquer et apporter un soutien est une prioritĂ© absolue. L'importance du soutien social pour les prĂȘtres a Ă©tĂ© reconnue par la ConfĂ©rence des Ă©vĂȘques catholiques des Ătats-Unis (USCCB) lors d'une rĂ©cente table ronde sur la santĂ© mentale du clergĂ©. Nul n'est isolĂ©, pas mĂȘme un prĂȘtre.
Les groupes de soutien aux prĂȘtres peuvent ĂȘtre utiles, mais le soutien empirique et anecdotique qu'ils apportent est mitigĂ©. Des recherches ont montrĂ© que les groupes de soutien au clergĂ© sont plus efficaces lorsqu'ils bĂ©nĂ©ficient d'un animateur formĂ©, d'une structure claire et de normes Ă©tablies pour une dynamique de groupe saine. Malheureusement, j'ai entendu des prĂȘtres dire que leur expĂ©rience avec ces groupes de soutien leur a fait plus de mal que de bien. J'ai pu constater de visu comment un rassemblement de prĂȘtres peut dĂ©gĂ©nĂ©rer en plaintes sur la politique de l'Ăglise au lieu de s'Ă©lever mutuellement en encourageant la fraternitĂ©.
J'ai rĂ©cemment eu l'occasion de faire une prĂ©sentation lors d'une convocation de prĂȘtres dans l'archidiocĂšse d'Oklahoma City. J'ai passĂ© une semaine avec un groupe de 100 prĂȘtres. Nous avons priĂ©, mangĂ©, Ă©tudiĂ© ensemble, pris des rafraĂźchissements et regardĂ© ensemble le Thunder d'Oklahoma City remporter un important match de playoffs de basket.
J'ai Ă©tĂ© tĂ©moin de la joie qu'ils Ă©prouvaient Ă rire et Ă discuter. La fraternitĂ© Ă©tait bien vivante au sein de ce groupe de prĂȘtres. L'importance de leur santĂ© mentale Ă©tait abordĂ©e sans stigmatisation ni honte. Le vicaire du clergĂ© Ă©tait transparent quant aux ressources mises Ă la disposition des prĂȘtres, notamment une liste de professionnels de la santĂ© mentale de confiance et la prise en charge financiĂšre de ces services par l'archidiocĂšse. De tels efforts soulignent l'importance d'une culture diocĂ©saine positive qui soutient la santĂ© mentale des prĂȘtres.
Le suicide d'un prĂȘtre a des rĂ©percussions sur toute la communautĂ©. Les prĂȘtres ont donc besoin du soutien de toute leur communautĂ© pour s'Ă©panouir pleinement dans leur vocation et leur ministĂšre.
Anthony Isacco, Ph.D., est directeur de programme,
professeur et responsable de la recherche clinique à l'Université Saint Mary's du Minnesota.
29/07/2025
FIGAROVOX/TRIBUNE via le Salon Beige
Quel est le point commun entre Pierre Curie, Marguerite Yourcenar, Agatha Christie et Jean dâOrmesson ? Ils ont tous bĂ©nĂ©ficiĂ© de lâinstruction en famille.
La Cour des comptes a publiĂ© rĂ©cemment un rapport aussi accablant quâĂ©clairant sur la rĂ©forme de lâinstruction dans la famille. DerriĂšre la technicitĂ© apparente des constats â procĂ©dures lourdes, inĂ©galitĂ©s territoriales, manque de coordination â se dessine une rĂ©alitĂ© politique : lâĂtat a dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©rigĂ© des obstacles pour dissuader les familles dâexercer une libertĂ© fondamentale.
La libertĂ© dâenseignement est protĂ©gĂ©e par le PrĂ©ambule de 1946. Lâarticle 26.3 de la DĂ©claration universelle des droits de lâhomme affirme que « les parents ont, par prioritĂ©, le droit de choisir le genre dâĂ©ducation Ă donner Ă leurs enfants ». Cette hiĂ©rarchie est claire : ce nâest pas Ă lâĂtat dâimposer, câest aux parents de choisir, ils sont les premiers et principaux Ă©ducateurs de leurs enfants. Le rĂŽle de la puissance publique nâest pas dâautoriser, mais de garantir que chaque enfant reçoive une instruction afin quâil puisse devenir un adulte Ă©clairĂ©.
Depuis 2021, lâinstruction en famille (IEF) ne relĂšve plus de la libertĂ© dâenseignement garantie par le droit français, mais dâun rĂ©gime dâexception. Lâautorisation prĂ©alable, imposĂ©e par la loi du 24 aoĂ»t, a remplacĂ© le simple rĂ©gime dĂ©claratif. RĂ©sultat : les familles doivent dĂ©sormais quĂ©mander un droit qui devrait leur ĂȘtre reconnu dâoffice, un droit naturel, celui dâinstruire leurs enfants. Le principe de libertĂ© a Ă©tĂ© inversĂ© : câest dĂ©sormais Ă la famille de se justifier, et Ă lâadministration dâen juger lâopportunitĂ©.
En trois ans, le nombre dâenfants instruits en famille est passĂ© de 72 000 Ă 30 644. Soit une baisse de prĂšs de 60%. Et pourtant, plus de 90% des contrĂŽles pĂ©dagogiques sont jugĂ©s satisfaisants. Le message implicite est clair : ce nâest pas tant la qualitĂ© de lâinstruction qui est en cause que la lĂ©gitimitĂ© mĂȘme de ce choix Ă©ducatif. La procĂ©dure est si complexe, si incertaine, si arbitraire quâelle dĂ©courage les plus fragiles, les moins au fait des arcanes administratives, ceux qui nâont ni rĂ©seau ni avocat. On ne supprime pas la libertĂ© par dĂ©cret, on la rend inaccessible.
Pire : les traitements varient dâune acadĂ©mie Ă lâautre. Ă CrĂ©teil, seul un enfant sur quatre a vu son autorisation reconduite. Ă Aix-Marseille, ils sont trois sur quatre. Faut-il vivre dans la bonne rĂ©gion pour bĂ©nĂ©ficier dâun droit fondamental ?
Lâinstruction en famille ne menace ni la RĂ©publique, ni la cohĂ©sion nationale. Elle concerne une minoritĂ© dâenfants, souvent pour une durĂ©e courte (deux ans pour les deux tiers des familles), et rĂ©pond Ă des situations trĂšs concrĂštes : phobie ou harcĂšlement scolaire, besoins particuliers, handicap, itinĂ©rance, pĂ©dagogies alternatives. Elle est diverse, socialement, gĂ©ographiquement, culturellement. Et elle donne des rĂ©sultats. Les rares dĂ©rives peuvent â et doivent â ĂȘtre encadrĂ©es par des contrĂŽles pĂ©dagogiques renforcĂ©s permettant de sanctionner et dâinterdire des cas isolĂ©s, comme le propose la Cour des comptes.
Quelles que soient nos convictions politiques, ce que nous dĂ©fendons, câest une idĂ©e exigeante de la RĂ©publique française : une RĂ©publique française qui ne craint pas la libertĂ©, qui fait confiance Ă ses citoyens, qui nâĂ©rige pas lâuniformisation en dogme, ni la conformitĂ© en vertu. Une RĂ©publique française qui croit encore que la libertĂ© est la condition de lâexcellence, et non son ennemi.
Les signataires :
Véronique Besse, députée (non-inscrit)
Philippe Lottiaux, député (RN)
Anne-Laure Blin, députée (DR)
Sylviane Noël, sénatrice (LR)
Stéphane Ravier, sénateur (non-inscrit)
Stéphane Viry, député (LIOT)
Marie-France Lorho, députée (RN)
Maxime Michelet, député (UDR)
Josiane Corneloup, députée (DR)
Roger Chudeau, député (RN)
Franck Menonville, sénateur (UDI)
David Lisnard, maire de Cannes et prĂ©sident de Nouvelle Ănergie
Chantal Delsol, philosophe
Lisa Hirsig, responsable de la communication de lâIREF
Ghislain Lafont, président Fonds du Bien Commun
Jean-Baptiste Maillard, secrétaire général de Liberté éducation
Pierre-Vincent GuĂ©ret, chef dâentreprise
Bérénice Levet Docteur en philosophie et essayiste
Michel Valadier, DG de la Fondation pour lâĂcole
Marie Bancel, autrice de livres jeunesse
Antoine Fouret, avocat
Chloé Oudin-Gasquet, psychologue
Remy Philippot, avocat
Magali Dumas, co-fondatrice de lâAssociation UNIE
Typhanie Degois, chef dâentreprise Anne Coffinier, prĂ©sidente de lâassociation CrĂ©er son Ă©cole
29/07/2025
Points clés du message du pape :
La paix dans le monde numĂ©rique : Le Souverain Pontife a soulignĂ© l'importance de rechercher, d'annoncer et de partager la paix partout, en particulier dans les environnements numĂ©riques oĂč l'Ăglise compte dĂ©sormais sur les influenceurs. Il a exprimĂ© le dĂ©sir de voir ces « nouveaux disciples » apporter l'espĂ©rance aux « frontiĂšres existentielles » et aux « cĆurs vidĂ©s ».
Humanisme chrĂ©tien face Ă l'IA : Face aux profondes mutations technologiques et Ă l'essor de l'intelligence artificielle, le pape a mis en garde contre toute utilisation qui porterait atteinte Ă la dignitĂ© humaine. Il a appelĂ© les influenceurs à « nourrir une culture dâhumanisme chrĂ©tien » et Ă une prĂ©sence discernante et bienveillante en ligne, en se concentrant sur « lâauthenticitĂ© de notre tĂ©moignage » et la « rencontre des cĆurs » plutĂŽt que la simple production de contenu.
Construire des rĂ©seaux d'amour et de partage : Comparant les influenceurs aux apĂŽtres rĂ©parant leurs filets, LĂ©on XIV les a invitĂ©s à « construire dâautres rĂ©seaux : rĂ©seaux de relations, dâamour, de partage gratuit ». Il a encouragĂ© la crĂ©ation de liens profonds qui brisent la solitude, oĂč la vĂ©ritĂ© circule et oĂč l'amitiĂ© ne se mesure pas au nombre de « followers ». Le pape a appelĂ© Ă ĂȘtre des « agents de communion, capables de rompre la logique de la division et de la polarisation » et Ă vaincre les mensonges par la « lumiĂšre de la vĂ©ritĂ© ».
En somme, le message du pape LĂ©on XIV est un appel Ă la mission, Ă la responsabilitĂ© et Ă l'espĂ©rance pour ceux qui Ćuvrent dans le monde digital, les incitant Ă construire des ponts dans un environnement souvent traversĂ© par des logiques contraires Ă l'Ăvangile.
28/07/2025
Selon le quotidien Ouest-France, jamais depuis la venue du pape Jean-Paul II en septembre 1996 Ă Sainte-Anne-dâAuray, le sanctuaire iconique de la Bretagne nâavait absorbĂ© autant de monde. Plus de 30.000 fidĂšles se sont appliquĂ©s Ă honorer la grand-mĂšre du Christ en se rendant aux cĂ©rĂ©monies liturgiques cĂ©lĂ©brant le 4Ăšme centenaire des apparitions de sainte Anne Ă un humble paysan breton, Yvon Nicolazic, entre 1623 et 1625. Pour cet anniversaire, le pape LĂ©on XIV avait nommĂ© spĂ©cialement le cardinal Sarah pour le reprĂ©senter.
« Nous nous adressons à toi, Vénérable frÚre, qui, pourvu de piété et de doctrine, te distingues dans la Vigne du Seigneur comme un ouvrier vigilant et zélé » lui avait écrit le nouveau Souverain Pontife le 25 juin dernier.
Intimidations diplomatiques ?
Lâancien prĂ©fet de la congrĂ©gation du Culte Divin est connu en France pour sa parole libre, son parcours Ă©tonnant dâenfant de la brousse guinĂ©enne Ă cardinal Ă©minent de la Sainte Eglise Romaine, ainsi que pour ses nombreux ouvrages aux succĂšs Ă©ditoriaux jamais dĂ©mentis chez Fayard : Dieu ou rien (2015), La Force du silence (2016), Le soir approche et dĂ©jĂ le jour baisse (2019), Des profondeurs de nos cĆurs (2020), et tout rĂ©cemment Dieu existe-t-il ? (2025).
âEnvoyĂ© spĂ©cialâ du pape dans le langage du monde, âLĂ©gat pontificalâ dans le langage ecclĂ©siastique, des rumeurs ont courus avant son arrivĂ©e en Bretagne fin juillet que sa mission de reprĂ©senter le Saint-PĂšre aurait suscitĂ© en amont quelques crispations auprĂšs des autoritĂ©s françaises. Mgr Kennedy, archevĂȘque dĂ©tachĂ© au Vatican, aurait fait Ă©tat de « requĂȘtes françaises auprĂšs du Saint-SiĂšge ». Ces derniĂšres sâinquiĂ©taient dâun discours offensif du prĂ©lat sur la fin de vie, lâislamisme ou la dĂ©cadence de lâOccident.
En supposant que ces intimidations diplomatiques aient vraiment existĂ©es, force est de reconnaĂźtre que le cardinal nâen a pas pris note. Son homĂ©lie, interrompue Ă de multiples reprises par des applaudissements dans la foule, restera un moment marquant des cĂ©lĂ©brations de ce 4Ăšme centenaire. Sans crainte et avec une audace Ă©piscopale Ă laquelle lâimmense majoritĂ© des catholiques français est inhabituĂ©e, le cardinal Sarah a emportĂ© lâassistance derriĂšre lui.
« Ne profanez pas la France avec vos lois barbares ! »
Bien sĂ»r, les observateurs sâarrĂȘteront sur les punchlines dĂ©livrĂ©es par le cĂ©lĂ©brant durant son sermon. Lâaccueil des migrants ? La fraternitĂ© universelle ? La paix dans le monde ? La religion catholique ne peut ĂȘtre rĂ©duites Ă ces considĂ©rations selon le cardinal, allant mĂȘme jusquâĂ dire que « cette vison de la religion est fausse ». Avec des accents Ă la Jean-Paul II, le lĂ©gat pontifical africain a aussi rappelĂ© aux milliers de fidĂšles que « Dieu a choisi la France pour quâelle soit comme une terre sainte, une terre rĂ©servĂ©e Ă Dieu » et dâenjoindre ceux qui ont des responsabilitĂ©s lĂ©gislatives Ă sâamender et Ă se corriger :
« Ne profanez pas la France avec vos lois barbares et inhumaines qui prÎnent la mort alors que Dieu veut la vie ! »
Cependant, si ces paroles ont toute leur importance, le message spirituel du cardinal Sarah reste le plus exigeant et le plus vertical. Dans une sociĂ©tĂ© de consommation occidentale obnubilĂ©e par son bien-ĂȘtre, il nâest pas passĂ© par quatre chemins pour pointer du doigt les Ă©cueils et les non-sens des temps prĂ©sents tout en indiquant la marche Ă suivre pour sâen sortir. Le diagnostic brut et le remĂšde choc.
Une homélie au souffle spirituel détonnant
Devant un univers catholique en dĂ©composition structurelle, encore Ă©tourdi dâĂȘtre devenu minoritaire, le cardinal donna de la voix :
« Nos Ă©glises ne sont pas des salles de spectacle, ni des salles de concert ou dâactivitĂ©s culturelles ou de divertissements. LâĂ©glise, câest la maison de Dieu ».
Face aux relations dâintĂ©rĂȘt et aux injonctions narcissiques des rĂ©seaux sociaux :
« Câest Ă genoux devant Dieu que lâhomme dĂ©couvre sa vĂ©ritable grandeur et sa noblesse ».
En réponse aux fuites en tout genre pour trouver une porte de sortie aux impasses du wokisme :
« Ce qui sauve le monde, câest le pain de Dieu ».
Fondamentalement, le cardinal Sarah a martelĂ© lâidĂ©e force qui fait dĂ©faut Ă un monde occidental ayant actĂ© la mort de Dieu : « Si nous nâadorons pas Dieu, nous finirons par nous adorer nous-mĂȘmes », « Notre premiĂšre activitĂ© » doit ĂȘtre « de glorifier Dieu ». Fermez le ban.
Notre confrĂšre Marc Eynaud, sur le plateau de CNews â qui diffusait la messe cĂ©lĂ©brĂ©e Ă Sainte-Anne-dâAuray â faisait remarquer que la jeunesse catholique française attend, selon lui, davantage « les cosaques et le Saint-Esprit » (LĂ©on Bloy) quâelle nâait intĂ©ressĂ©e par le synode sur la synodalitĂ©. Le cardinal Sarah aura en tout cas secouĂ© son auditoire en parlant courageusement de la seule chose qui, sans aucun doute, vaille pour un homme de priĂšre : nos devoirs envers Dieu en vue de bĂ©nĂ©ficier de la bĂ©atitude cĂ©leste. Un discours devenu hĂ©las trop rare, mais dont un seul peut, et câest heureux, porter beaucoup de fruits.
PĂšre Danziec Valeurs actuelles via le Salon Beige
26/07/2025
Le Cardinal Sarah a lancé un appel vibrant contre ce qu'il perçoit comme une profanation de la France par des "lois qui saccagent tout, qui détruisent la vie" et des "lois barbares et inhumaines qui prennent la mort alors que Dieu veut la vie". Ce constat a été salué par des applaudissements des fidÚles, que le Cardinal a aussitÎt tempérés, rappelant l'importance du silence et de l'adoration.
Au cĆur de son message, la Bretagne est mise en avant comme une "terre sacrĂ©e" oĂč "Dieu doit y avoir la premiĂšre place". L'adoration et la glorification de Dieu sont prĂ©sentĂ©es comme l'expression la plus haute de gratitude et la plus belle rĂ©ponse Ă l'amour divin. Le Cardinal a insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de se mettre Ă part dans le silence pour Ă©couter Dieu, soulignant que les lieux sacrĂ©s sont des espaces dĂ©diĂ©s Ă la priĂšre, au silence et Ă la liturgie, et non Ă des activitĂ©s profanes. "Nos Ă©glises ne sont pas des salles de spectacles, de concerts ou pour des activitĂ©s culturelles ou du divertissement", a-t-il affirmĂ© avec force.
Le prĂ©lat a Ă©galement critiquĂ© une vision qu'il juge erronĂ©e de la religion en Occident, souvent rĂ©duite Ă des actions humanitaires ou Ă une forme de dĂ©veloppement personnel. Pour le Cardinal Sarah, la religion est avant tout adoration de Dieu. Face au Mal, la rĂ©ponse unique est l'adoration et la rĂ©sistance, le seul remĂšde au dĂ©sespoir. Il a exhortĂ© chacun Ă "confesser et rĂ©sister", Ă "expulser les idoles de l'argent", rappelant que Dieu ne dĂ©sire que le cĆur de l'homme.
En somme, l'homélie du Cardinal Sarah est un puissant rappel à la centralité de Dieu dans la vie individuelle et collective, un appel à la sainteté et à la résistance face aux forces qui, selon lui, tendent à éloigner la France de sa vocation spirituelle originelle.
Merci au Saint PÚre de nous avoir envoyé le légat dont nous avons besoin !
F. Charbonnier
03/07/2025
Rapport Bétharram : l'enseignement catholique entre soutien aux victimes et défense de sa spécificité.
Le 2 juillet, la commission d'enquĂȘte parlementaire sur les violences en milieu scolaire, initiĂ©e aprĂšs la retentissante affaire BĂ©tharram, a publiĂ© son rapport. Avec 330 pages et 50 recommandations, l'objectif est clair : mieux reconnaĂźtre les victimes, intensifier la prĂ©vention et libĂ©rer la parole. Si l'enseignement catholique et l'Apel (Association des parents d'Ă©lĂšves de l'enseignement libre) saluent cette initiative visant Ă garantir la sĂ©curitĂ© des jeunes, ils s'inquiĂštent de certaines propositions qui menaceraient leur singularitĂ©.
Des recommandations variées, des lignes rouges pour le privé
Parmi les recommandations phares, certaines sont largement approuvées, comme l'imprescriptibilité des infractions sur mineurs ou l'interdiction des chùtiments corporels. Cependant, d'autres points cristallisent les tensions. La volonté de lever le secret de la confession pour les violences sur les moins de 15 ans, le contrÎle périodique des établissements privés tous les cinq ans, ou encore l'intégration d'une "gradation des sanctions" dans le code de l'éducation, sont perçus comme des empiÚtements.
Le dĂ©putĂ© LFI Paul Vannier, co-rapporteur de la commission, surnommĂ© Fouquier-Tinville, ce qu'il doit apprĂ©cier, ne cache pas sa dĂ©termination Ă "loger" l'enseignement catholique Ă la mĂȘme enseigne que le public. Cela se traduit par des propositions visant Ă remettre en cause le rĂŽle du SecrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral Ă l'enseignement catholique (SGEC) comme interlocuteur privilĂ©giĂ© de l'Ătat, et Ă rattacher directement les Ă©tablissements sous contrat Ă la direction gĂ©nĂ©rale de l'enseignement scolaire (Dgesco).
Instrumentalisation politique
Philippe Delorme, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Ă l'enseignement catholique, dĂ©nonce une "instrumentalisation politique". Il craint que le calquage de l'organisation du public sur celle du privĂ© n'entraĂźne une dilution de leur spĂ©cificitĂ© et une perte d'efficacitĂ©. Pour lui, le contrĂŽle de la "vie scolaire" par l'Ătat, au-delĂ du "climat scolaire", est une atteinte au "caractĂšre propre" de l'enseignement catholique.
L'Apel, par la voix de sa présidente HélÚne Laubignat, défend son indépendance et sa représentativité, malgré la proposition du rapport de "permettre la reconnaissance de plusieurs associations" de parents pour garantir le pluralisme.
Au-delà des débats, une "prise de conscience" ... aux frais des catholiques
Alain Esquerre, le lanceur d'alerte de l'affaire Bétharram, voit dans ce rapport une "prise de conscience" salutaire dans les établissements catholiques. Si le fonds d'indemnisation des victimes se fait toujours attendre, ce qui n'est pas à son goût, il estime que "l'immobilisme n'est plus possible". Son appel est clair : au-delà des querelles politiques, l'urgence est de s'attaquer aux violences, qu'elles soient physiques ou sexuelles, qui se répandent sur tout le territoire.
Notons au passage que ces violences ne viennent pas majoritairement des écoles catholiques.
Depuis les grandes manifestations de 1984, (j'y étais !) , 5 à 800000 personnes à Versailles le 4 mars, puis à Paris le 24 juin entre 850000 et 2 millions de personnes (source Wikipedia) qui sonnÚrent le glas d'une loi d'étranglement, les pouvoirs successifs, de gauche qui gouvernent à gauche et de droite qui gouvernent à gauche, ne cessÚrent leurs coups de boutoir contre l'enseignement catholique.
Ne doutons pas que 40 ans de démolition incessante effectuée avec conscience et application ont déjà eu raison de l'enseignement catholique sous contrat. Puissé-je me tromper !
Restent de courageux enseignants qui y croient encore, qui méritent notre admiration ... et nos priÚres !
SMR
01/07/2025
L'auteur souligne d'emblĂ©e l'importance des thĂšmes abordĂ©s par le souverain pontife, pourtant dans un discours bref : les dĂ©sĂ©quilibres Ă©conomiques et la protection de la libertĂ© religieuse. Ă cet Ă©gard, la figure de Saint Thomas More est mise en avant. Ce martyr de la libertĂ©, qui a sacrifiĂ© sa vie plutĂŽt que de trahir ses convictions, incarne pour le Pape et pour Leclerc la primautĂ© de la conscience. Un exemple intemporel, mĂȘme Ă l'heure oĂč des Ătats se rĂ©clamant de la primautĂ© du droit semblent menacer ces principes.
Le "Basculement Moral" de l'Euthanasie
Leclerc aborde ensuite un point de discorde majeur : la question de l'euthanasie. Il cite Mgr Paul Richard Gallagher, représentant du Saint-SiÚge, qui a vivement critiqué la légitimation du "droit de donner la mort" en France. Pour le Vatican, transformer la mort en un droit constitue un "basculement moral préoccupant", un constat qui se heurte frontalement au "chemin de fraternité" évoqué par le président Macron. C'est ici que l'article met en lumiÚre un désaccord fondamental entre le magistÚre catholique et les autorités politiques.
La Loi Naturelle : Une Voix Intemporelle
Face Ă cette divergence, une question essentielle Ă©merge : l'Ăglise et l'Ătat sont-ils vouĂ©s Ă des chemins sĂ©parĂ©s, la loi divine Ă©tant distincte de celle de la RĂ©publique ? LĂ©on XIV, et avec lui GĂ©rard Leclerc, s'oppose rĂ©solument Ă cette vision. Le Pape insiste sur la "loi naturelle", une loi "non Ă©crite de main d'homme, mais reconnue comme valable en tout temps et en tout lieu, et trouvant son fondement le plus plausible et convaincant dans la nature elle-mĂȘme."
Cette rĂ©fĂ©rence Ă la loi naturelle n'est pas nouvelle ; elle s'inscrit dans une longue tradition philosophique et thĂ©ologique, depuis CicĂ©ron et Saint Augustin jusqu'Ă Saint Thomas d'Aquin. Leclerc rappelle que cette tradition, loin d'ĂȘtre en contradiction avec la raison, dĂ©montre comment la foi et la raison peuvent Ćuvrer ensemble au service de la dignitĂ© humaine. Il fait d'ailleurs un parallĂšle pertinent avec le cĂ©lĂšbre dialogue entre le Cardinal Ratzinger (futur BenoĂźt XVI) et le philosophe JĂŒrgen Habermas, soulignant que les donnĂ©es de la RĂ©vĂ©lation peuvent rĂ©sonner avec les exigences de la raison.
En somme, l'article de Gérard Leclerc nous invite à voir dans l'intervention du Pape Léon XIV un appel à la conscience, une boussole qui peut guider la politique contemporaine. C'est une voix qui se veut audible, pour peu que l'on soit attentif à la sagesse humaine et à "la loi telle qu'elle est implantée dans la conscience", comme le disait Saint Augustin.
30/06/2025
Certains furent enveloppĂ©s dans des peaux de bĂȘtes et dĂ©chiquetĂ©s par des chiens lors de spectacles publics, d'autres enduits de goudron et brĂ»lĂ©s vifs comme des torches humaines. Ce fut le dĂ©but d'une violence antichrĂ©tienne qui, malheureusement, a refait surface pĂ©riodiquement au cours des 2 000 derniĂšres annĂ©es et qui perdure encore aujourd'hui.
Lâhistorien romain Tacite a dĂ©plorĂ© la mort des premiers martyrs â mais pas Ă cause de lâinhumanitĂ© et de lâinjustice :
Pour faire taire la rumeur [qu'il avait incendiĂ© Rome], [NĂ©ron] accusa faussement de culpabilitĂ© et punit par les tortures les plus atroces les personnes communĂ©ment appelĂ©es chrĂ©tiens, qui Ă©taient [gĂ©nĂ©ralement] haĂŻes pour leurs Ă©normitĂ©s. Christus, le fondateur de ce nom, fut mis Ă mort comme criminel par Ponce Pilate, procurateur de JudĂ©e, sous le rĂšgne de TibĂšre. Mais la superstition pernicieuse [ prava superstitio ], un temps rĂ©primĂ©e, Ă©clata de nouveau, non seulement en JudĂ©e, d'oĂč le mal Ă©tait nĂ©, mais aussi dans la ville de Rome, oĂč tout ce qui est horrible et honteux afflue de toutes parts, comme vers un rĂ©ceptacle commun⊠une immense multitude fut condamnĂ©e, non pas tant pour avoir incendiĂ© la ville, que pour « haine du genre humain ».
Et vous pensiez que c'est seulement depuis l'essor du « wokisme » que l'Ăglise a Ă©tĂ© vilipendĂ©e pour « prĂȘcher la haine ». Ou que le christianisme a Ă©tĂ© accusĂ© d'ĂȘtre une superstition dĂ©pravĂ©e.
Le martyre prĂ©sente pourtant un paradoxe inattendu. Les premiers ennemis de la foi Ă JĂ©rusalem pensaient sans doute que crucifier JĂ©sus mettrait fin Ă sa vie et Ă tout ce qu'il entreprenait. Il s'avĂ©ra que sa mort â et sa rĂ©surrection â contribuĂšrent encore davantage Ă la diffusion de l'Ăvangile. Tacite remarquait que les persĂ©cutions et les martyrs suscitaient la sympathie du peuple, ce qui fit progresser la foi.
Tertullien, thĂ©ologien nord-africain du IIIe siĂšcle, a fait cette remarque cĂ©lĂšbre : le sang des martyrs Ă©tait la semence de l'Ăglise. Ce n'est pas le cas pour ceux qui subissent des persĂ©cutions, ni pour les rares d'entre nous qui prĂȘtent attention Ă ces choses. Mais c'est vrai.
Le Nigeria enregistre actuellement le plus grand nombre de victimes chrétiennes (5 000 par an) martyrisées par des musulmans. Il y a un peu plus d'une semaine , des musulmans ont forcé 200 chrétiens à entrer dans un bùtiment, qui a été incendié. La plupart ont péri dans les flammes, les autres ont été pris dans une embuscade alors qu'ils prenaient la fuite.
Pourtant, lâĂglise du Nigeria est celle qui connaĂźt la croissance la plus rapide de toute lâAfrique.
Malheureusement, jeudi dernier, un événement similaire s'est produit dans deux villages chrétiens de Cisjordanie, en Israël. Des extrémistes juifs, souvent qualifiés à tort de simples « colons », ont attaqué Taybeh et Kafir Malik, incendiant des maisons et causant la mort de trois chrétiens arabes.
Ce n'est pas la seule fois que les chrĂ©tiens d'IsraĂ«l se sont retrouvĂ©s attaquĂ©s. Une partie des Juifs ultra-orthodoxes israĂ©liens a fait preuve de prĂ©jugĂ©s persistants Ă leur Ă©gard, crachant sur le clergĂ© et intimidant les personnes â gĂ©nĂ©ralement chrĂ©tiennes â qui travaillent ou voyagent le samedi, jour du sabbat juif. Des tombes et des lieux saints chrĂ©tiens ont Ă©tĂ© profanĂ©s. En 2012, les portes d'un monastĂšre trappiste ont Ă©tĂ© incendiĂ©es et les murs ont Ă©tĂ© taguĂ©s avec l'insulte « JĂ©sus Ă©tait un singe ».
Bien que clairement imputables Ă des juifs extrĂ©mistes, il Ă©tait choquant qu'une telle situation puisse se produire en IsraĂ«l. Le Vatican a pris la dĂ©cision inhabituelle de publier une dĂ©claration officielle critiquant le gouvernement israĂ©lien pour son inaction face Ă de telles expressions de haine. Le gardien de la Terre Sainte de l'Ă©poque, l'archevĂȘque (plus tard patriarche latin) Pierbattista Pizzaballa, a dĂ©clarĂ© : « Le temps est venu pour les autoritĂ©s d'agir pour mettre fin Ă cette violence insensĂ©e et d'assurer un enseignement du respect dans les Ă©coles pour tous ceux qui considĂšrent cette terre comme leur foyer. »
Plus de 150 agressions antichrétiennes similaires ont été signalées en Israël au cours de la derniÚre décennie.
Et des violences similaires contre les chrĂ©tiens sont perpĂ©trĂ©es de nos jours par les hindous et mĂȘme les bouddhistes.
Pourtant, la plupart des violences antichrĂ©tiennes de ces derniĂšres annĂ©es dĂ©coulent d'un affrontement inĂ©vitable entre christianisme et islam, comme je l'ai dĂ©montrĂ© dans mon dernier livre, Les Martyrs du Nouveau MillĂ©naire . En Occident, nous croyons Ă la libertĂ© religieuse et au pluralisme. Il est donc difficile d'affirmer que les musulmans ou les membres de toute autre religion â qui, individuellement, sont gĂ©nĂ©ralement des membres pacifiques de la sociĂ©tĂ© â peuvent eux aussi ĂȘtre violents, prĂ©cisĂ©ment pour des motifs religieux, mĂȘme si nous n'hĂ©sitons pas Ă le faire Ă propos de notre propre passĂ© chrĂ©tien.
Lorsque les « extrĂ©mistes » appellent Ă l'instauration d'un califat mondial, ils le pensent vraiment. Et cela trouve un Ă©cho mĂȘme parmi les musulmans qui, en raison des origines de l'islam, pourraient ne pas ĂȘtre enclins Ă prendre les armes.
Beaucoup d'entre nous, dans notre amnĂ©sie historique, pensent que les croisades, par exemple, justifiables Ă leur Ă©poque, sont une tache profonde sur notre histoire. ParallĂšlement, nous ignorons le militantisme de l'islam, qui s'est rapidement rĂ©pandu, non par l'Ă©vangĂ©lisation, mais par la conquĂȘte au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, et mĂȘme en Sicile et dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique â jusqu'Ă ce qu'il soit stoppĂ© par la contre-attaque chrĂ©tienne. Pour ceux qui connaissent l'histoire, les victoires chrĂ©tiennes de Tours, Poitiers, LĂ©pante et Vienne sont les jalons de la prĂ©servation du christianisme en Europe malgrĂ© la « religion de paix ».
La nervositĂ© actuelle dans plusieurs pays europĂ©ens qui ont accueilli un grand nombre d'immigrants musulmans illĂ©gaux est un exemple rĂ©cent d'un problĂšme similaire. Alors mĂȘme que les dirigeants laĂŻcs et religieux exhortent les pays d'accueil Ă Ćuvrer Ă l'intĂ©gration de ces nouveaux arrivants, il apparaĂźt de plus en plus clairement que nombre d'entre eux ne s'y intĂ©ressent pas et, au contraire, nourrissent du ressentiment envers les cultures dominantes, voire parfois mĂȘme l'intention de les remplacer. Cela n'augure rien de bon, pour personne.
La rĂ©ponse Ă ces problĂšmes en Europe et dans d'autres pays occidentaux, dont les Ătats-Unis, est entravĂ©e par la prĂ©dication de la supĂ©rioritĂ© de l'Autre â principalement sur les campus et dans les mĂ©dias â et par la haine du passĂ© chrĂ©tien. En raison des rĂ©cents troubles au Moyen-Orient, nos mĂ©dias sont contraints de signaler de temps Ă autre que les Iraniens et les Palestiniens scandent bel et bien « mort Ă IsraĂ«l » et « mort Ă l'AmĂ©rique ». Ils ne manquent pas de sympathisants de ce point de vue en Europe et mĂȘme aux Ătats-Unis.
Les chrĂ©tiens du monde entier doivent ĂȘtre vigilants et combattre ces courants, oĂč qu'ils apparaissent. Et ils sont de plus en plus frĂ©quents. Il est naĂŻf et moralement rĂ©prĂ©hensible de ne rien faire en croyant ĂȘtre Ă l'abri de cette histoire violente et bien documentĂ©e.
Robert Royal, dans The Catholic thing
Image : Les Martyrs des Catacombes de Jules EugĂšne Lenepveu, 1856 [Louvre, Paris]