Le blog du Temps de l'Immaculée.
18/12/2025
Un duel symbolique : les blindés contre le vivant
Pour Christophe Guilluy, lâimage des blindĂ©s face aux Ă©leveurs en AriĂšge nâest pas quâun incident de maintien de lâordre, câest une scĂšne de « dĂ©civilisation » au sens premier. Il y voit une réédition de La Guerre des mondes, oĂč une technostructure froide tente dâasservir un monde de producteurs quâelle ne comprend plus.
« Cette scĂšne dĂ©voile la nature profonde de lâaffrontement entre MĂ©tropolia et PĂ©riphĂ©ria. [...] Les vrais dĂ©civilisĂ©s sont dâabord les fondateurs de MĂ©tropolia, cette machine Ă broyer les existences. »
Selon le gĂ©ographe, le modĂšle mĂ©tropolitain est dĂ©sormais un « astre mort ». SurendettĂ©, tertiarisĂ© Ă l'excĂšs et enfermĂ© dans des bulles culturelles, il a sacrifiĂ© lâagriculture et lâindustrie sur lâautel du libre-Ă©change (Mercosur).
Le basculement de la puissance
L'un des points forts de l'entretien est le constat d'un basculement géographique du pouvoir. La puissance ne résiderait plus dans les tours de la Silicon Valley ou de Londres, mais dans les villes productives de la périphérie, comme Bourges ou Saint Charles (USA).
Le retour du producteur : Le XXIe siĂšcle appartient Ă ceux qui maĂźtrisent les bases industrielles et agricoles.
La fin de l'attraction urbaine : Les métropoles s'enfoncent, au propre comme au figuré, sous le poids de leur propre modÚle.
La victoire de la « majoritĂ© ordinaire » : Guilluy affirme que la Guerre des mondes est en passe d'ĂȘtre gagnĂ©e par PĂ©riphĂ©ria.
« La vraie puissance, elle, se trouve dans les villes qui produisent, inventent et résistent : Périphéria est en marche. »
Une révolte de l'ùme contre le tableur Excel
Guilluy souligne que la crise actuelle, à l'instar de celle des « gilets jaunes », est avant tout existentielle et transcendante. Il oppose l'éleveur, « celui qui élÚve moralement », à une administration qui ne jure que par les data et les tableurs.
Le soutien massif de l'opinion publique à ces mouvements s'explique, selon lui, par une résonance spirituelle :
« Lâargent nâest pas â et ne sera jamais â leur motivation. [...] Pour ceux que la transcendance effraie, souvenons-nous dâHugo : "La rĂ©alitĂ©, câest lâĂąme !" »
Effectivement , le vrai problĂšme n'est pas politique, mais culturel et surtout spirituel. Nos chers Ă©vĂȘques, et eux seuls, ont la clé⊠se rĂ©veilleront-ils ?.
L'autonomie politique des classes populaires
Sur le plan politique, l'entretien balaie l'idĂ©e de l'homme providentiel. Guilluy dĂ©crit un mouvement « bottom-up » (du bas vers le haut) oĂč les citoyens ont dĂ©jĂ construit leur propre diagnostic, rendant les clivages gauche-droite obsolĂštes.
Le « soft power » des classes populaires s'articule désormais autour de quatre piliers non négociables :
Le travail (réindustrialisation).
LâĂtat-providence (services publics).
La sécurité.
La régulation des flux migratoires.
Christophe Guilluy nous livre ici une vision prophĂ©tique : celle d'une France qui refuse d'ĂȘtre dĂ©possĂ©dĂ©e de son identitĂ© et de sa capacitĂ© de production. Si « MĂ©tropolia » a encore la montre, la « PĂ©riphĂ©ria », elle, semble avoir le temps. Le futur appartiendrait Ă ceux qui, face Ă la technostructure, choisissent de rester debout pour leurs troupeaux et leur terre.
Ave Maria !
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Petit lexique de la pensée de Christophe Guilluy
MĂ©tropolia DĂ©signe la « France des mĂ©tropoles » mondialisĂ©es. Câest le territoire des Ă©lites dirigeantes, des cadres supĂ©rieurs et dâune Ă©conomie dĂ©matĂ©rialisĂ©e (services, finance). Pour Guilluy, câest un modĂšle en fin de cycle, un « astre mort » qui brille encore mais ne produit plus de richesse rĂ©elle.
PĂ©riphĂ©ria La « France pĂ©riphĂ©rique », composĂ©e des zones rurales, des petites et moyennes villes. Longtemps dĂ©peinte comme fragile, elle est pour l'auteur le nouveau centre de la puissance rĂ©elle, car câest lĂ que se situent la production (agriculture, industrie) et la rĂ©sistance culturelle.
La majorité ordinaire Elle regroupe les classes populaires et les classes moyennes qui vivent en dehors des grandes métropoles. Guilluy la décrit comme une force sociologique autonome qui ne suit plus les consignes des partis traditionnels et qui porte une demande de dignité « existentielle » plutÎt que purement matérielle.
Soft Power des classes populaires Contrairement au « hard power » (le pouvoir politique ou militaire), câest lâinfluence culturelle et intellectuelle que la base exerce sur le sommet. Câest la capacitĂ© de la majoritĂ© ordinaire Ă imposer ses thĂšmes (travail, sĂ©curitĂ©, identitĂ©) dans le dĂ©bat public sur le temps long, forçant les Ă©lites Ă s'y adapter.
La technostructure L'appareil administratif, politique et expert (souvent liĂ© Ă l'Union europĂ©enne ou Ă la haute fonction publique) qui dirige le pays par les chiffres, les donnĂ©es et les tableurs Excel. Guilluy l'accuse d'ĂȘtre devenue aveugle aux rĂ©alitĂ©s humaines et sensibles du terrain.
DĂ©civilisation (version Guilluy) Loin dâĂȘtre un simple manque de politesse, la dĂ©civilisation est ici le processus par lequel le modĂšle Ă©conomique globalisĂ© dĂ©truit les structures sociales, les mĂ©tiers (producteurs) et les liens humains qui fondent une sociĂ©tĂ© stable.
18/12/2025
Vous voici donc en marche, ĂŽ Fils de JessĂ©, vers la ville de vos aĂŻeux. LâArche du Seigneur sâest levĂ©e et sâavance, avec le Seigneur qui est en elle, vers le lieu de son repos. « Quâils sont beaux vos pas, ĂŽ Fille du Roi, dans lâĂ©clat de votre chaussure » , lorsque vous venez apporter leur salut aux villes de Juda ! Les Anges vous escortent, votre fidĂšle Ăpoux vous environne de toute sa tendresse, le ciel se complaĂźt en vous, et la terre tressaille sous lâheureux poids de son CrĂ©ateur et de son auguste Reine. Avancez, ĂŽ MĂšre de Dieu et des hommes, Propitiatoire tout-puissant oĂč est contenue la divine Manne qui garde lâhomme de la mort ! Nos cĆurs vous suivent, vous accompagnent, et, comme votre Royal ancĂȘtre , nous jurons « de ne point entrer dans notre maison, de ne point monter sur notre couche, de ne point clore nos paupiĂšres, de ne point donner le repos Ă nos tempes, jusquâĂ ce que nous ayons trouvĂ© dans nos cĆurs une demeure pour le Seigneur que vous portez, une tente pour le Dieu de Jacob. » Venez donc, ainsi voilĂ© sous les flancs trĂšs purs de lâArche sacrĂ©e, ĂŽ rejeton de JessĂ©, jusquâĂ ce que vous en sortiez pour briller aux yeux des peuples, comme un Ă©tendard de victoire. Alors les rois vaincus se tairont devant vous, et les nations vous adresseront leurs vĆux. HĂątez-vous, ĂŽ Messie ! Venez vaincre tous nos ennemis, et dĂ©livrez-nous.
18/12/2025
Lâarticle dâAlexandra Borchio Fontimp sâinscrit dans un dĂ©bat rĂ©current qui agite la sociĂ©tĂ© française chaque hiver : la place des symboles d'origine chrĂ©tienne dans lâespace rĂ©publicain. Pour l'auteure, la question dĂ©passe le cadre cultuel pour toucher Ă lâidentitĂ© profonde de la nation.
Elle articule son argumentation autour de trois axes principaux :
Le refus de « l'amnésie » républicaine : à l'occasion des 120 ans de la loi de 1905, la sénatrice rappelle que la laïcité ne doit pas signifier l'effacement de l'histoire. Elle souligne que nos jours fériés, notre littérature et notre morale sont imprégnés d'un héritage chrétien qui a façonné l'humanisme français.
Une dimension culturelle et populaire : S'appuyant sur un sondage indiquant que 79 % des Français sont favorables aux crÚches (1), elle transforme l'objet religieux en un objet patrimonial. La crÚche devient une « scÚne familiÚre » liée à l'enfance et à l'art de vivre, particuliÚrement dans le Sud de la France.
L'enjeu économique et artisanal : L'article met en avant la réalité concrÚte des territoires, notamment en Provence et dans les Alpes-Maritimes. La fabrication des santons et les marchés de Noël représentent un dynamisme local et un savoir-faire artisanal qu'il serait, selon elle, absurde de sacrifier au nom d'une interprétation restrictive de la loi.
En conclusion, Alexandra Borchio Fontimp livre un plaidoyer pour une France qui « ne se renie pas ». Elle invite Ă ne pas percevoir la crĂšche comme une menace pour la neutralitĂ© de l'Ătat, mais comme le tĂ©moignage d'une continuitĂ© historique. Pour la sĂ©natrice, assumer cet hĂ©ritage est la condition d'une nation confiante, "capable de faire cohabiter ses traditions avec les exigences de la modernitĂ© rĂ©publicaine". Roulement de tambours !
(1) de fait, c'est le sondage qui est intĂ©ressant : Selon un sondage CSA pour CNEWS, le JDD et Europe 1, publiĂ© ce dimanche 7 dĂ©cembre, 79% des Français (mĂȘme 2 sympathisants sur 3 de la gauche, soit 65%) sont en faveur de la prĂ©sence de crĂšches de NoĂ«l dans les mairies.
18/12/2025
O Seigneur suprĂȘme ! AdonaĂŻ ! Venez nous racheter, non plus dans votre puissance, mais dans votre humilitĂ©. Autrefois vous vous manifestĂątes Ă MoĂŻse, votre serviteur, au milieu dâune flamme divine ; vous donnĂątes la Loi Ă votre peuple du sein des foudres et des Ă©clairs : maintenant il ne sâagit plus dâeffrayer, mais de sauver. Câest pourquoi votre trĂšs pure MĂšre Marie ayant connu, ainsi que son Ă©poux Joseph, lâĂdit de lâEmpereur qui va les obliger dâentreprendre le voyage de BethlĂ©hem, sâoccupe des prĂ©paratifs de votre heureuse naissance. Elle apprĂȘte pour vous, divin Soleil, les humbles langes qui couvriront votre nuditĂ©, et vous garantiront de la froidure dans ce monde que vous avez fait, Ă lâheure oĂč vous paraĂźtrez, au sein de la nuit et du silence. Câest ainsi que vous nous dĂ©livrerez de la servitude de notre orgueil, et que votre bras se fera sentir plus puissant, alors quâil semblera plus faible et plus immobile aux yeux des hommes. Tout est prĂȘt, ĂŽ JĂ©sus ! Vos langes vous attendent : partez donc bientĂŽt et venez en BethlĂ©hem, nous racheter des mains de notre ennemi.
O Adonai, et Dux domus Israel,
qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti,
et ei in Sina legem dedisti:
veni ad redimendum nos in brachio extento.
18/12/2025
Concernant la Chine, le pape LĂ©on a dĂ©clarĂ© quâil nâĂ©tait pas pressĂ©. Ă court terme, il a prĂ©cisĂ© quâil sâen tiendrait Ă lâaccord secret entre Rome et PĂ©kin en vigueur depuis 2018 et quâĂ plus longue Ă©chĂ©ance, il prendra une dĂ©cision aprĂšs avoir Ă©coutĂ© toutes les parties, y compris « les catholiques chinois qui, pendant de nombreuses annĂ©es, ont vĂ©cu une sorte dâoppression ou des difficultĂ©s Ă vivre leur foi librement sans devoir choisir un camp ».
Mais pendant ce temps, le rĂ©gime de PĂ©kin redouble de brutalitĂ© pour humilier lâĂglise. Et Rome subit. Elle va mĂȘme jusquâĂ rendre hommage Ă ses persĂ©cuteurs dans des dĂ©clarations exagĂ©rĂ©es.
Câest ce qui sâest passĂ© lors de la derniĂšre nomination dâun Ă©vĂȘque chinois, rendue publique le 5 dĂ©cembre. Il sâagit dâune copie conforme de la prĂ©cĂ©dente, celle qui avait fait titrer Settimo Cielo : « PremiĂšre gifle de la Chine au pape LĂ©on. Qui encaisse en silence ».
Ce deuxiĂšme affront trouve aussi son origine dans lâinterrĂšgne entre la mort du pape François et lâĂ©lection de LĂ©on. Fin avril, la rumeur circulait que les autoritĂ©s chinoises avaient fait « Ă©lire » par des assemblĂ©es Ă leurs ordres deux Ă©vĂȘques pour deux siĂšges importants.
En vertu de lâaccord, câest au nouveau pape dâapprouver ou non ces nominations. Et de fait, le 15 octobre, un communiquĂ© du Saint-SiĂšge confirmait que la premiĂšre avait bien Ă©tĂ© acceptĂ©e : il sâagissait du nouvel Ă©vĂȘque auxiliaire de Shanghai, Ignace Wu Jianlinâââdans un diocĂšse qui comptait dĂ©jĂ deux auxiliaires, mais mis au ban par le rĂ©gime, ce qui leur avait valu des punitions sĂ©vĂšres : le premier, Joseph Xing Wenzi, contraint Ă se retirer depuis longtemps et le second, ThaddĂ©e Ma Daqin, aux arrĂȘts depuis treize ans dâaffilĂ©e.
Quant Ă la seconde nomination, le silence a Ă©tĂ© rompu le 5 dĂ©cembre. Avec la prĂ©cision, dans le communiquĂ© du Vatican, que LĂ©on lâavait approuvĂ©e le 11 aoĂ»tâââle jour mĂȘme oĂč il avait signĂ© la nomination de lâĂ©vĂȘque auxiliaire de Shanghai.
Dans le mĂȘme temps, comme toujours, lâagence officielle de lâĂglise chinoise asservie au rĂ©gime publiait son propre communiquĂ©âââsans mĂȘme mentionner le pape LĂ©on, seul habilitĂ© Ă nommer les Ă©vĂȘquesâââet antidatant avant la date fatidique du 30 avril, donc avant le conclave, lâ« Ă©lection » de ce nouvel Ă©vĂȘque.
Ce dernier sâappelle François Li Jianlin, il a 51 ans et a Ă©tĂ© ordonnĂ© le 5 dĂ©cembre par lâĂ©vĂȘque de PĂ©kin Joseph Li ShanâââĂ©galement prĂ©sident de lâAssociation patriotique catholique chinoise et vice-prĂ©sident de la ConfĂ©rence Ă©piscopale chinoise non reconnue par Romeâââet par dâautres Ă©vĂȘques fidĂšles au rĂ©gime. Il est dĂ©sormais Ă la tĂȘte du diocĂšse (ou plutĂŽt de la prĂ©fecture apostolique) de Xinxiang. Or, cette prĂ©fecture avait dĂ©jĂ un Ă©vĂȘque depuis 1992 : Joseph Zhang Weizhu, 67 ansâââlâun des quelque vingt Ă©vĂȘques, sur une centaine, Ă ne pas ĂȘtre reconnus officiellement par PĂ©kin, car refusant de se soumettre Ă ses diktats.
Mais le communiqué du Vatican du 5 décembre a déclaré que la question était réglée, affirmant que le pape avait également « accepté la renonciation au gouvernement pastoral » présentée par Mgr Zhang.
Le 6 dĂ©cembre, une dĂ©claration du directeur de la salle de presse du Vatican annonçait « avec satisfaction » que lâĂ©vĂȘque dĂ©chu avait Ă©tĂ© « reconnu civilement ».
Avec cette précision redondante : « Ce geste est le fruit du dialogue entre le Saint-SiÚge et les autorités chinoises et représente une nouvelle étape importante dans le chemin de communion de cette circonscription ecclésiastique. »
Or, en lisant le communiquĂ© chinois parallĂšle, on apprend que, lors de la cĂ©rĂ©monie semi-secrĂšte de sa soi-disant « mise Ă la retraite »âââsans mention explicite de quelque reconnaissance officielle que ce soitâââZhang aurait « prononcĂ© un discours pour exprimer la nĂ©cessitĂ© dâadhĂ©rer au patriotisme et Ă lâamour de la religion, de respecter le principe des Ăglises indĂ©pendantes et autonomes, de suivre lâorientation de la sinisation du catholicisme dans le pays, et de contribuer Ă la construction dâun pays socialiste moderne ainsi quâĂ la grande renaissance de la nation chinoise ».
Un autodafĂ©, identique Ă ce quâon a fait dire Ă un autre Ă©vĂȘque mis Ă la « retraite » forcĂ©e : Augustin Cui Tai, du diocĂšse supprimĂ© de Xuanhua, malgrĂ© le caractĂšre invraisemblable dâun tel acte de soumission de la part de deux Ă©vĂȘques qui ont toujours tĂ©moignĂ© avec hĂ©roĂŻsme de leur foi, au prix dâarrestations et de persĂ©cutions incessantes.
Et ce jusquâĂ la fin. Il suffit de prĂ©ciser quâon a interdit Ă lâĂ©vĂȘque Ă©vincĂ© dâassister Ă lâordination de son successeur ou mĂȘme de rencontrer sa famille.
Le curriculum du nouvel Ă©vĂȘque de Xinxiang est trĂšs diffĂ©rent. Le 8 avril 2018, alors quâil occupait la fonction de secrĂ©taire de la Commission pour les affaires de lâĂglise de la province du Henan, il a signĂ© une ordonnance interdisant Ă tous les enfants et jeunes de moins de 18 ans dâentrer dans les Ă©glises pour assister Ă la messe, et interdisant aux prĂȘtres dâorganiser toute activitĂ© de formation religieuse pour les enfants et jeunes, sous peine dâarrestation des prĂȘtres et de la fermeture des Ă©glises.
On ne sâĂ©tonnera donc pas que, dans un article de lâagence Asia News de lâInstitut Pontifical des Missions ĂtrangĂšresâââqui paraĂźt et qui est lu Ă©galement en langue chinoise â, rapportant la rĂ©flexion Ă©mouvante dâun prĂȘtre « souterrain » de la diocĂšse de Xinxiang, on peut lire que la nomination du nouvel Ă©vĂȘque et le limogeage de son prĂ©dĂ©cesseur « ouvrent de nouvelles blessures au lieu de les refermer ».
Le texte intĂ©gral de cette rĂ©flexionâââque beaucoup espĂšrent parvenir au papeâââfigure dans cette Ă©dition du 6 dĂ©cembre dâAsia News :
> Xinxiang : il vescovo Zhang e gli altri cattolici ridotti al silenzio
En voici un extrait :
Comme un agneau conduit Ă lâabattoir
(par un prĂȘtre de la communautĂ© « souterraine » de Chine)
Quel que soit le rĂ©cit officiel, il est un fait qui ne peut ĂȘtre effacĂ© : avant cette ordination, la prĂ©fecture apostolique de Xinxiang avait dĂ©jĂ un Ă©vĂȘque lĂ©gitime nommĂ© par le Saint-SiĂšge en la personne de Mgr Zhang Weizhu.
AprĂšs des annĂ©es de surveillance, de restrictions et dâisolement, sans jamais se plaindre publiquement, il a finalement Ă©tĂ© incitĂ© Ă prĂ©senter sa dĂ©mission. Et le jour oĂč un nouvel Ă©vĂȘque est ordonnĂ©, lui, le pasteur du diocĂšse, nâa mĂȘme pas pu franchir le seuil de lâĂ©glise. Il a Ă©tĂ© exclu de maniĂšre totale, silencieuse, presque chirurgicale, telle une ombre que lâon voudrait effacer du temps.
Mais lâhistoire et la mĂ©moire de lâĂglise ne lâoublieront pas. Il apparaĂźt vraiment comme « un agneau conduit Ă lâabattoir », silencieux, doux, obĂ©issant sous la croix. Sâil y a en cela une victoire du monde, la victoire du Royaume revient au tĂ©moignage de Mgr Zhang.
Ce nâest ni la premiĂšre ni la derniĂšre fois que lâĂglise, soumise Ă un systĂšme de contrĂŽle strict, se trouve contrainte au silence, Ă lâhumiliation, Ă la souffrance.
Pourtant, nous continuons Ă croire que ce nâest pas le pouvoir qui soutient lâĂglise, mais bien la foi ; que ce nâest pas la volontĂ© humaine qui fait un Ă©vĂȘque, mais un don de lâEsprit ; que la vĂ©ritable histoire ne sâĂ©crit pas dans les communiquĂ©s, mais dans le tĂ©moignage ; que les oubliĂ©s, les exclus, les silencieux sont souvent les signes les plus profonds de la prĂ©sence de Dieu dans lâhistoire.
Aujourdâhui, un nouveau chapitre semble sâouvrir Ă Xinxiang, mais de nombreuses blessures restent ouvertes et bien des questions demeurent sans rĂ©ponse. Peut-ĂȘtre la seule voie est-elle celle-ci : aller vers la croix, vers la vĂ©ritĂ©, vers Celui qui voit ce que les hommes ignorent et qui ne raye jamais personne de son cĆur.
Ce que vit Xinxiang nâest pas seulement une question religieuse ou politique, mais une manifestation des tensions et des Ă©preuves de notre temps. Et pourtant, nous croyons que Dieu agit dans les silences de lâhistoire, quâil se manifeste dans les oubliĂ©s, quâil plante des graines de rĂ©surrection prĂ©cisĂ©ment dans les endroits les plus obscurs.
Puisse le nouvel Ă©vĂȘque ĂȘtre le gardien de ces graines. Que la croix de Zhang se fasse lumiĂšre pour le diocĂšse. Que tous ceux qui ont Ă©tĂ© exclus, rĂ©duits au silence et oubliĂ©s sachent que, pour Dieu, personne nâest un « vide ».
Nous ne savons pas ce que lâavenir rĂ©serve mais nous savons une chose : Dieu nâabandonnera pas son Ăglise.
âââââ
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l'hebdomadaire L'Espresso.
Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.
Ainsi que l'index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.
17/12/2025
« Ein Laus, dein Tod. » Comme tous ses compagnons de misĂšre, le PĂšre de Porcaro avait certainement lu cet avertissement des autoritĂ©s SS, affichĂ© sur les murs du Konzentrationslager (KL) bavarois de Dachau. Quatre syllabes sĂšches comme les ordres aboyĂ©s Ă chaque instant par les gardiens et kapos du camp : «âUn pou, ta mort.â» Cynique avertissement dâune administration concentrationnaire, dont lâobjectif ultime Ă©tait de faire mourir tous les dĂ©tenus aprĂšs les avoir harassĂ©s par le travail. Mais comment le respecter lorsque la crasse des hardes, la promiscuitĂ© des chĂąlits, lâabsence de sanitaires, font du camp un terrain de chasse rĂȘvĂ© pour les parasitesâ? Le rasage intĂ©gral des tĂȘtes, des aisselles et des pubis, infligĂ© aux dĂ©portĂ©s, qui subissent ensuite la brĂ»lure insupportable du CrĂ©syl rapidement badigeonnĂ©, ne ralentissent quâĂ peine le pullulement des poux, dont les excrĂ©ments sont porteurs de la bactĂ©rie du typhus.
Dans la « baraque des prĂȘtres »
Alors que lâeffondrement du TroisiĂšme Reich nâest plus quâune question de semaines, de quelques mois au plus, lâabbĂ© de Porcaro â comme tant de ses compagnons â est piquĂ©. ĂgĂ© de 40 ans, il est arrivĂ© Ă Dachau le 20 janvier 1945. Le matricule 138374 y a retrouvĂ© des confrĂšres dont certains sont lĂ depuis 1938, dans les « Blocks » rĂ©servĂ©s par les SS aux ecclĂ©siastiques, les fameuses «âbaraques des prĂȘtresâ». Les piqĂ»res suscitent dâĂ©pouvantables dĂ©mangeaisons et les anciens savent bien que les soulager est fatalâ: câest par les plaies ainsi ouvertes que sâimmisce la bactĂ©rie.
ArrivĂ© Ă Dachau le 7 janvier 1945, lâabbĂ© Robert Beauvais connaĂźt le danger, lui qui croupissait auparavant Ă Buchenwald pour faits de rĂ©sistance. Dans le froid mordant du camp, il ne cesse dâexhorter son camaradeâ: « Pierre, ne te gratte pas ! » Mais Pierre sâest grattĂ©. Il contracte le mal qui se rĂ©pand dans son organisme affaibli. TerrassĂ© par la fiĂšvre, il reçoit les derniers sacrements, puis est conduit Ă lâ«âinfirmerieâ» du camp, en fait un mouroir, oĂč il sâĂ©teint aprĂšs douze jours dâagonie. Le crĂ©matoire, qui tourne Ă plein rĂ©gime, a tĂŽt fait de le faire disparaĂźtre. Seuls son ceinturon scout et son briquet, quâil avait confiĂ©s au PĂšre Beauvais, reprendront le chemin de la France.
Pierre de Porcaro fait partie des 2720 prĂȘtres â dont une Ă©crasante majoritĂ© de Polonais (1780) â qui ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s dans ce camp quâHimmler avait conçu, dĂšs 1933, comme le prototype du systĂšme concentrationnaire. Son parcours est singulier. Issu dâune famille de la vieille noblesse bretonne, il entre au grand sĂ©minaire de Versailles en 1923, aprĂšs ĂȘtre passĂ© par le petit. Il est ordonnĂ© prĂȘtre six ans plus tard, en 1929, par Mgr Roland-Gosselin, coadjuteur de Mgr Gibier, lâĂ©vĂȘque de la ville royale.
TrĂšs rapidement, il va mettre son caractĂšre dynamique au service des Ă©lĂšves du petit sĂ©minaire oĂč il est nommĂ© professeur. Il rejoindra ensuite la paroisse de Saint-Germain-en-Laye oĂč il est nommĂ© vicaire Ă la fin de lâannĂ©e 1935. MarquĂ© par le scoutisme et les patronages, câest un entraĂźneur dâhommes nĂ©, mĂȘme si son caractĂšre parfois instable, contre lequel il mĂšne un combat permanent, peut lui jouer des tours. «âIl Ă©tait plutĂŽt pourvu â ou affligĂ©, câest comme vous voulez â dâun fort tempĂ©rament, que lâon pourrait mĂȘme qualifier de volcanique ou de sanguinâ; les choristes chantant sous sa direction et auteurs de fausses notes lâont parfois appris Ă leurs dĂ©pensâ!â», sourit lâabbĂ© Pierre Amar, qui signe le scĂ©nario dâune bande dessinĂ©e consacrĂ©e au personnage.
Prisonnier en 1940
Survient la guerre. Pierre de Porcaro, qui a fait son service militaire dans un rĂ©giment de chars de combat, est affectĂ© dans un bataillon du gĂ©nie, et rejoint la rĂ©gion des Vosges. Câest dans ce secteur que le surprend lâoffensive allemande de 1940. Le 23 juin, alors quâarmĂ©s seulement de quelques fusils, ses camarades et lui avaient reçu pour ordre dâarrĂȘter une colonne de blindĂ©s, il est fait prisonnier sur les hauteurs de Cornimont, Ă quelques encĂąblures du ballon dâAlsace. DĂ©tenu dans un «âStalagâ», il est libĂ©rĂ© en aoĂ»t 1941 et regagne sa paroisse.
LâabbĂ© de Porcaro reprend ses activitĂ©s. Lâoccupation revĂȘt une tonalitĂ© singuliĂšre Ă Saint-Germain-en-Laye, oĂč le marĂ©chal Von Rundstedt a Ă©tabli le Grand Quartier gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e allemande. Le 16 avril 1943, il reçoit une lettre dĂ©cisive qui va sceller son destinâ: Mgr Roland-Gosselin lui demande de prendre le chemin de lâAllemagne pour y assurer une prĂ©sence sacerdotale clandestine auprĂšs des ouvriers du Service du travail obligatoire (STO). « ĂgoĂŻstement, je prĂ©fĂšrerais rester ici. Oui Ă©goĂŻstement. En vĂ©ritĂ©, câest un nouvel appel Ă la croix. Toute croix comporte ses grĂącesâ: sâil faut des grĂąces pour tenir, le Seigneur fera un miracleâ», Ă©crit-il le soir mĂȘme. Fiat. Le bouillant vicaire entre dans le mystĂšre de lâoblationâ: «âOui mon Dieu, jâaccepte avec toute la gĂ©nĂ©rositĂ© possible, tout, y compris dâen mourir, de mourir sur une terre Ă©trangĂšre, loin de tout, loin de tous. Notre-Dame des Sept Douleurs, prĂ©sentez mon offrande.â»
PrĂȘtre clandestin au STO
Son chemin lâemmĂšne Ă Dresde dans une usine de carton ondulĂ©. En bleu de travail, «âPierreâ» connaĂźt les conditions de travail de tous les travailleurs, et profite de chaque instant pour assurer son ministĂšre. Les autoritĂ©s nazies ne tardent pas Ă avoir vent de lâexistence dâun membre clandestin du clergĂ© chez les ouvriers du STO, organisĂ© depuis la France par Mgr Rodhain, futur fondateur du Secours catholique. Un dĂ©cret de septembre 1943, signĂ© par Ernst Kaltenbrunner, le chef du Reichsicherheitshauptamt (RSHA), intensifie la chasse aux aumĂŽniers clandestins.
Le 11 septembre, probablement trahi par un mouchard, le PĂšre de Porcaro est arrĂȘtĂ© par les sĂ©ides de la Gestapo, sans pouvoir exĂ©cuter la parade quâavec humour il avait conçueâ: «âJe me dĂ©guiserai en lapin, et ils pourront courir aprĂšs moiâ!â» Il ne faudra pas plus de huit semaines Ă Dachau pour avoir raison du corps vigoureux de lâabbĂ© de Porcaro. Le camp fut en revanche incapable de mettre Ă bas cette grande Ăąme, qui avait confiĂ© Ă lâun de ses camarades de Dresdeâ: «âDieu, qui fait les croix, fait aussi les Ă©paules, et nul ne lâĂ©gale dans lâart des proportions.â»
Guillaume Zeller
Pierre de Porcaro. PrĂȘtre clandestin volontaire,
Venzac (illustrations), Pierre Amar (auteur),
Ă©d. Plein Vent, fĂ©vrier 2025, 48 pages, 15,90 âŹâ

17/12/2025
t toujours plus pressante, retentit la promesse : « Voyez, tout est accompli », et finalement : « Sachez aujourd'hui que le Seigneur vient, et demain vous le verrez dans sa gloire ». Lors de la veillĂ©e, quand scintille l'arbre de lumiĂšre et que s'Ă©changent les cadeaux, le dĂ©sir inassouvi d'une autre lumiĂšre monte en nous, jusqu'Ă ce que sonnent les cloches de la messe de minuit et que se renouvelle, sur des autels parĂ©s de cierges et de fleurs, le miracle de NoĂ«l. Et le Verbe s'est chair. Nous voilĂ parvenus Ă l'instant bienheureux oĂč notre attente est comblĂ©e. »
( Le mystÚre de Noël , conférence de sainte Edith Stein, Janvier 1931)
16/12/2025
Confiante en Dieu, elle sâĂ©chappe et est secourue par Othon Ier. Ce dernier lâĂ©pouse et elle devient Ă ses cĂŽtĂ©s impĂ©ratrice du Saint Empire romain germanique en 962. Ă nouveau veuve, elle est momentanĂ©ment Ă©cartĂ©e de la cour par son fils Othon II, mais doit par la suite assurer la rĂ©gence en attendant la majoritĂ© de son petit-fils Othon III. Elle consacre les derniĂšres annĂ©es de sa vie au soutien des pauvres et Ă la visite des nombreux monastĂšres quâelle a fondĂ©s, dont celui de Seltz, en Alsace, oĂč elle meurt le 16 dĂ©cembre 999. De toute sa vie, elle ne sâest jamais vengĂ©e de tous ceux qui lui ont fait du mal et qui lâont trahie. En elle resplendissent au contraire toutes les vertus chrĂ©tiennes, notamment dans son attention pour les pauvres, ainsi que toutes les qualitĂ©s dâun grand chef dâĂtat. Sainte AdĂ©laĂŻde est lâune des personnalitĂ©s les plus influentes de lâEurope du Xe siĂšcle. Elle a durablement marquĂ© la chrĂ©tientĂ© mĂ©diĂ©vale.
Les raisons d'y croire
La vie dâAdĂ©laĂŻde ne nous est pas connue par des sources tardives et folkloriques, mais par de nombreux documents qui lui sont contemporains : chroniques, chartes, donations, traditions mĂ©morielles, etc. Ses nombreux actes de charitĂ© envers les plus pauvres nous sont notamment rapportĂ©s par les actes impĂ©riaux officiels. Le rĂ©cit de sa vie, son rĂŽle politique et spirituel, son impact historique et son influence posthume reposent sur un ensemble de tĂ©moignages variĂ©s, issus dâauteurs, de clercs, dâinstitutions, dâactes juridiques et de pratiques cultuelles.
MalgrĂ© son jeune Ăąge et sa haute naissance, qui lâa peu habituĂ©e aux tracas, AdĂ©laĂŻde fait face aux Ă©preuves avec une force morale hors du commun. Ă dix-neuf ans, alors quâelle vient de donner le jour Ă une fille, son mari meurt brutalement, probablement empoisonnĂ© par un de ses rivaux. AdĂ©laĂŻde se retrouve alors sans appui, sans conseil, sans secours : elle est menacĂ©e par un ennemi de son mari, qui lâemprisonne Ă Garda, dĂ©pouillĂ©e de sa dignitĂ©, humiliĂ©e, soumise Ă des tentatives de coercition politique et de mariage forcĂ©. Seule une relation authentique Ă Dieu peut procurer, dans de telles circonstances, la paix et la constance dont AdĂ©laĂŻde fait preuve. Elle demeure confiante en la providence, et remet tout â sa personne et ses biens â, entre les mains de Dieu.
Les textes insistent sur le fait quâelle « priait, jeĂ»nait et sâabandonnait Ă Dieu » plutĂŽt que de cĂ©der Ă la violence ou au dĂ©sespoir. Sa captivitĂ©, au lieu de lâenfermer dans lâesprit de vengeance et le dĂ©couragement, lâĂ©lĂšve au contraire vers Dieu. Lâendurance quâelle manifeste est le signe dâune force qui nâest pas seulement naturelle : AdĂ©laĂŻde puise son courage en Dieu. « Elle supporta toutes choses avec patience, mettant son espĂ©rance dans le Seigneur. »
Secourue puis Ă©pousĂ©e par Othon Ier, elle passe de la captivitĂ© Ă la vie dâimpĂ©ratrice, dont les richesses et les honneurs nâentament en rien ses vertus. Il nâest pas courant, pour une personne disposant dâune telle position de gloire et de pouvoir, dâainsi renoncer Ă la vengeance contre ceux qui ont voulu la dĂ©truire. Elle pardonne Ă ceux qui ont emprisonnĂ© et persĂ©cutĂ© sa famille, y compris le meurtrier de son mari. Cette attitude remarquable est un indice de la vĂ©ritĂ© existentielle de lâĂvangile, qui permet de faire ce que la nature humaine seule peinerait Ă rĂ©aliser.
AdelaĂŻde consacre plutĂŽt ses richesses Ă des Ćuvres de charitĂ©. Elle fonde aussi et soutient plusieurs monastĂšres rĂ©formateurs (Cluny, Payerne, Selz), promeut la paix impĂ©riale, encourage la liturgie, la culture et la mission vers les Slaves, libĂšre des captifs et soutient les Ă©vĂȘques missionnaires, tout cela par amour de Dieu et pour lâannonce de lâĂvangile. AdĂ©laĂŻde laisse ainsi des Ćuvres et une paix qui lui survivent. Le bien quâelle suscite est rĂ©el, durable et profond ; cela suggĂšre que la source de tout cela, ce en quoi elle croit, est conforme Ă la vĂ©ritĂ©.
AprĂšs une vie dâimpĂ©ratrice, de rĂ©gente et de mĂšre exemplaire, elle passe la derniĂšre partie de son existence dans la priĂšre et la pauvretĂ© volontaire. La Vita rapporte : « Elle se tenait comme une servante parmi les servantes, et pleurait les pĂ©chĂ©s du monde. » Sa fidĂ©litĂ© constante au Christ Ă travers les peines aussi bien que dans la puissance la mĂšne tout naturellement Ă une fin humble et cachĂ©e, toute dĂ©vouĂ©e Ă la contemplation. AdĂ©laĂŻde se retire au monastĂšre de Seltz, vit dans lâascĂšse, se confesse publiquement et meurt en paix, entourĂ©e des offices liturgiques. Rien ne lâobligeait Ă ce dĂ©pouillement : câest la cohĂ©rence profonde de sa foi qui lây conduit. La cohĂ©rence intĂ©grale de cette vie, du trĂŽne au cloĂźtre et jusque dans la mort, rend le message chrĂ©tien crĂ©dible, car il se vĂ©rifie dans lâexistence de celle qui lâa vĂ©cu.
En savoir plus
Fille du roi Rodolphe II de Bourgogne et de Berthe de Souabe, AdĂ©laĂŻde reçoit dĂšs lâenfance une Ă©ducation solide, nourrie Ă la fois de culture princiĂšre et de foi chrĂ©tienne. Ă seize ans, elle est donnĂ©e en mariage au roi Lothaire dâItalie pour renforcer une alliance stratĂ©gique. Mais cette union ne dure pas : en 950, Lothaire meurt dans des circonstances suspectes, laissant AdĂ©laĂŻde veuve, mĂšre dâune petite fille, et exposĂ©e aux ambitions rivales.
BĂ©renger dâIvrĂ©e, qui souhaite asseoir son autoritĂ© sur lâItalie, tente alors de la contraindre Ă Ă©pouser son fils. Devant son refus rĂ©solu, il la fait enfermer Ă Garda. IsolĂ©e, maltraitĂ©e, privĂ©e de libertĂ©, AdĂ©laĂŻde trouve dans la priĂšre la force de tenir et dâespĂ©rer. Sa captivitĂ©, relatĂ©e par les chroniqueurs, devient lâun des Ă©pisodes fondateurs de sa vie et de sa rĂ©putation. Elle parvient finalement Ă sâĂ©vader grĂące au courage de quelques fidĂšles, au terme dâune fuite qui marquera durablement sa mĂ©moire.
Elle trouve refuge auprĂšs dâOthon Ier, roi de Germanie. Celui-ci la libĂšre des menaces qui pĂšsent sur elle et lâĂ©pouse en 951. Ensemble, ils forment un couple politique exceptionnel : Othon et AdĂ©laĂŻde rĂ©organisent lâItalie, consolident le pouvoir impĂ©rial et soutiennent les rĂ©formes ecclĂ©siastiques qui prĂ©parent le renouveau de lâĂglise. Lors du couronnement impĂ©rial de 962, AdĂ©laĂŻde devient la premiĂšre impĂ©ratrice du Saint Empire romain germanique. Elle exerce alors une influence rĂ©elle : conseillĂšre Ă©coutĂ©e, arbitre dans les crises, protectrice des pauvres, bienfaitrice des monastĂšres.
Ă la mort dâOthon Ier, en 973, elle assure la rĂ©gence pendant la jeunesse de son fils Othon II, puis de son petit-fils Othon III. Cette mission la place au cĆur dâune pĂ©riode troublĂ©e, marquĂ©e par les conflits avec sa belle-fille ThĂ©ophano et les tensions familiales. MalgrĂ© ces Ă©preuves, AdĂ©laĂŻde demeure une figure de stabilitĂ©. Elle continue de soutenir Cluny, favorise les rĂ©formes morales et religieuses, encourage lâĂ©vangĂ©lisation des peuples slaves et sâentoure de guides spirituels dâenvergure, notamment saint Adalbert de Prague et saint Odilon de Cluny, qui contribuera Ă transmettre son souvenir.
Parvenue Ă un Ăąge avancĂ©, AdĂ©laĂŻde se retire au monastĂšre de Seltz, en Alsace, quâelle avait fondĂ©. LĂ , loin des responsabilitĂ©s politiques, elle choisit une vie de priĂšre, dâhumilitĂ© et de charitĂ©. Ses derniĂšres annĂ©es tĂ©moignent dâune impĂ©ratrice devenue servante : elle se consacre aux pauvres, Ă la communautĂ©, Ă la paix intĂ©rieure. Elle meurt le 16 dĂ©cembre 999, entourĂ©e des moniales, aprĂšs une longue prĂ©paration spirituelle. Sa saintetĂ© est rapidement reconnue et son culte se rĂ©pand, surtout en Alsace et en Allemagne.
Sophie Stevenson, normalienne diplÎmée en histoire.
Au delĂ
De la fin du Xe jusquâau dĂ©but du XIIe siĂšcle, lâabbaye de Cluny sâimpose comme un centre majeur de la vie religieuse en Europe, portĂ©e par une observance bĂ©nĂ©dictine rigoureuse et par le rayonnement de ses quatre premiers abbĂ©s, Odon, Mayeul, Odilon et Hugues, tous canonisĂ©s par lâĂglise. Leur action donne Ă Cluny une stature qui dĂ©passe largement lâĂ©chelle locale, car lâabbaye organise un vaste rĂ©seau de prieurĂ©s qui lui sont directement reliĂ©s, ce qui assure une unitĂ© spirituelle et facilite la logistique. Cluny devient ainsi un pĂŽle oĂč se structurent des initiatives liturgiques, caritatives et intellectuelles qui influencent durablement la chrĂ©tientĂ© latine. Les souverains, souvent confrontĂ©s Ă des tensions politiques ou morales, recherchent lâavis de lâabbĂ© de Cluny, non pour recevoir une direction extĂ©rieure Ă leur pouvoir, mais parce que lâabbaye reprĂ©sente un lieu oĂč la stabilitĂ©, la priĂšre continue et lâexpĂ©rience du gouvernement monastique offrent un appui solide dans un monde marquĂ© par les rivalitĂ©s. Lâimportance de Cluny tient aussi Ă sa capacitĂ© Ă inspirer dâautres communautĂ©s, Ă encourager une vie rĂ©guliĂšre plus ordonnĂ©e et Ă servir de relais pour la diffusion des manuscrits et des idĂ©es. En donnant un cadre clair et fidĂšle Ă la tradition bĂ©nĂ©dictine, Cluny façonne ainsi une partie de lâidentitĂ© religieuse et culturelle de lâOccident mĂ©diĂ©val.
Aller plus loin
Vita Adelheidis (Vita Adelheidis abbatissae Vilicensis), hagiographie rĂ©digĂ©e par Bertha de Vilich (XIe siĂšcle). Ădition critique MGH (Monumenta Germaniae Historica).
En complément
Monique Goullet et Dominique IognaâPrat, (dir. Patrick Corbet), AdĂ©laĂŻde de Bourgogne : genĂšse et reprĂ©sentations dâune saintetĂ© impĂ©riale, Ăditions universitaires de Dijon / CTHS, 2002.
Chanoine L. Chaumont, Histoire de Cluny : depuis les origines jusquâĂ la ruine de lâabbaye, 2e Ă©dition, Gallica / BnF, 2007. Une histoire classique de Cluny, utile pour saisir lâĂ©volution de lâabbaye et son influence.
16/12/2025
La mobilisation des Ă©leveurs qui sâinsurgent contre lâabatage systĂ©matique des troupeaux en cas de dermatose nodulaire contagieuse, fait depuis plusieurs jours la une de lâactualitĂ© et attire de nouveau lâattention des mĂ©dias sur la situation souvent dramatique des agriculteurs dans notre pays.
Cette colĂšre des agriculteurs est on ne peut plus comprĂ©hensible, dans la mesure oĂč lâabatage de tout un troupeau rĂ©duit pour ainsi dire Ă nĂ©ant le travail de toute une vieâŠ
Câest la raison pour laquelle plusieurs syndicats agricoles sâopposent Ă la politique dâabattage total, quâĂ tort ou Ă raison ils jugent injuste et inefficace, prĂ©conisent lâabattage ciblĂ© des animaux effectivement infectĂ©s, et proposent une stratĂ©gie prĂ©ventive fondĂ©e sur la vaccination du cheptel dans les zones Ă risque et si nĂ©cessaire, sur lâensemble du territoire national.
Les inquiĂ©tudes du monde agricole sont dâautant plus vives que lâaccord de libre-Ă©change entre lâUnion europĂ©enne et le Mercosur, qui pourrait ĂȘtre adoptĂ© par le Conseil de lâEurope Ă Bruxelles les 18 et 19 dĂ©cembre, prĂ©voit de facto lâimportation de dizaines de milliers de tonnes supplĂ©mentaires de viande bovine et de volaille en provenance de plusieurs pays dâAmĂ©rique du Sud, qui ne sont nullement tenus de respecter les normes environnementales et sanitaires auxquelles nos agriculteurs et nos Ă©leveurs sont soumis.
Dans ces conditions, le combat lĂ©gitimement menĂ© par les agriculteurs et les Ă©leveurs qui luttent pour leur dignitĂ© et leur survie, et par consĂ©quent, pour la pĂ©rennitĂ© de lâagriculture française, ne peut laisser quiconque indiffĂ©rent.
A-t-on suffisamment conscience quâen France, prĂšs de 20% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvretĂ© et que les statistiques officielles font Ă©tat de plus dâun suicide dâagriculteur tous les deux jours ?
Les agriculteurs sont aujourdâhui deux fois moins nombreux quâil y a 15 ou 20 ans, et si lâon en croit M. François Guillaume (ancien prĂ©sident de la FNSEA et ancien Ministre de lâagriculture), la France « perd chaque annĂ©e des dizaines de milliers dâhectares de terres cultivables, plusieurs centaines de milliers de tĂȘtes de bĂ©tail et, bientĂŽt, la capacitĂ© de nourrir les Français ».
Mais peut-on vraiment imaginer une France sans paysans ? Ce serait bien évidemment une tragédie pour le monde rural dans son ensemble et pour nos territoires, mais aussi, la fin de la « souveraineté alimentaire » du pays.
Aux agriculteurs des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques ou dâailleurs qui souffrent et qui luttent pour un modĂšle agricole plus juste et plus conforme aux exigences du Bien commun, jâexprime mon profond respect, ma proximitĂ© et mon soutien fraternel, tout en les assurant de ma priĂšre pour eux-mĂȘmes et leurs familles.
+Marc Aillet
Ă©vĂȘque de Bayonne, Lescar et Oloron
Fait à Bayonne, le 15 décembre 2025
15/12/2025
Distinguer l'Europe de sa bureaucratie
Rod Dreher commence par dissiper un malentendu fondamental : la critique américaine vise les institutions supranationales, non les nations. S'appuyant sur ses échanges avec Michael Anton, ancien conseiller de Trump et rédacteur de la stratégie incriminée, Dreher souligne une distinction cruciale. L'administration Trump ne rejette pas les peuples européens, leurs cultures ou leur histoire ; elle rejette la bureaucratie de l'Union européenne qui, selon elle, étouffe les spécificités nationales.
« Je ne suis pas un fan de lâUnion europĂ©enne en tant que bureaucratie, mais jâaime les pays europĂ©ens, leurs peuples et leurs cultures. » â Michael Anton citĂ© par R. Dreher.
Pour Dreher, francophile revendiqué, aimer l'Europe, c'est aimer ce qui la rend spécifique : le génie français, les cathédrales, l'art de vivre. Or, c'est précisément cet héritage que les élites actuelles trahissent.
L'immigration et la « déculturation »
L'auteur aborde sans dĂ©tour la question migratoire, qu'il lie directement Ă la prĂ©servation du patrimoine culturel. Il cite l'exemple de Vienne, oĂč 41 % des Ă©lĂšves sont dĂ©sormais musulmans, pour illustrer ce qu'il perçoit comme une substitution culturelle progressive.
Son argumentaire se veut toutefois nuancĂ© : reconnaĂźtre le danger de l'immigration de masse pour l'identitĂ© europĂ©enne n'est pas de la haine, mais du bon sens. De la mĂȘme maniĂšre que l'Ăgypte s'inquiĂ©terait d'une colonisation culturelle europĂ©enne, l'Europe a le droit â et le devoir â de prĂ©server sa singularitĂ©.
La trahison des clercs et l'anti-culture
Le point le plus philosophique de l'article réside dans la critique des élites occidentales (politiques, médiatiques, artistiques). Dreher convoque le sociologue Philip Rieff pour dénoncer une « anti-culture » : un mouvement qui cherche à détruire l'ordre sacré et les racines chrétiennes de l'Occident au nom du désir individuel.
Il prend pour exemple une exposition d'art contemporain Ă Vienne tournant le christianisme en dĂ©rision (une grenouille crucifiĂ©e), cautionnĂ©e par l'Ăglise elle-mĂȘme en la personne de l'archevĂȘque d'InnsbrĂŒck. Pour Dreher, ces « Ćuvres de mort » (deathworks) prouvent que l'Occident tente de survivre en niant ses propres sources de vie.
Un électrochoc nécessaire
Rod Dreher conclut son plaidoyer en présentant le message de Donald Trump comme une forme d'« amour vache ». En heurtant la sensibilité des élites technocratiques, l'Amérique tenterait en réalité de réveiller les peuples européens.
Le message est clair : pour que l'AmĂ©rique soit grande, elle a besoin d'une Europe qui l'est tout autant. Et cette grandeur ne passera pas par le projet mondialiste de Bruxelles, mais par un sursaut mĂ©moriel et spirituel. Loin d'ĂȘtre un ennemi, le Trumpisme est ici dĂ©peint comme le miroir tendu Ă une Europe qui a oubliĂ© qui elle Ă©tait, l'invitant Ă puiser dans son passĂ© chrĂ©tien et national pour assurer son futur.
Rod Dreher est Ă©crivain amĂ©ricain, professeur associĂ© au Danube Institute Ă Budapest. Son dernier essai : Comment retrouver le goĂ»t de Dieu dans un monde qui lâa chassĂ© (Ăditions ArtĂšge, 2025)
14/12/2025
Vatican (kath.net/pl) « MĂšre du vrai Dieu, par qui nous vivons, venez en aide au Successeur de Pierre, afin quâil fortifie tous ceux qui lui sont confiĂ©s sur lâunique chemin qui conduit au fruit bĂ©ni de vos entrailles. » Tels furent les mots du pape LĂ©on XVI dans sa premiĂšre homĂ©lie pour la solennitĂ© de Notre-Dame de Guadalupe, cĂ©lĂ©brĂ©e en la basilique Saint-Pierre. « Aidez-nous Ă comprendre que nous sommes destinataires, mais non maĂźtres, de ce message, mais, Ă lâexemple de saint Juan Diego, ses simples serviteurs. » Le pape, originaire des Ătats-Unis et ayant exercĂ© son ministĂšre pendant de nombreuses annĂ©es en AmĂ©rique latine comme supĂ©rieur dâun ordre religieux et comme Ă©vĂȘque, connaĂźt profondĂ©ment la piĂ©tĂ© qui entoure les apparitions mariales de Guadalupe.
NOTRE-DAME DE GUADALUPE
HOMĂLIE DU SAINT PĂRE LĂON XIV
Basilique Saint-Pierre, vendredi 12 décembre 2025
Chers frĂšres et sĆurs :
Dans le passage du Siracide, nous trouve une description poĂ©tique de la Sagesse, image qui trouve sa pleine expression dans le Christ, « la sagesse de Dieu » ( 1 Co 1, 24), qui, lorsque les temps furent accomplis, sâest fait chair, nĂ© dâune femme (cf. Ga 4, 4). La tradition chrĂ©tienne a Ă©galement interprĂ©tĂ© ce passage Ă la lumiĂšre de la figure mariale, car il Ă©voque la femme prĂ©parĂ©e par Dieu pour recevoir le Christ. En effet, qui dâautre que Marie peut dire : « En moi est toute la grĂące du chemin et de la vĂ©ritĂ©, toute espĂ©rance de la vie et de la vertu » ( Sir 24, 25) ? Câest pourquoi la tradition chrĂ©tienne nâhĂ©site pas Ă la reconnaĂźtre comme « la mĂšre de lâamour » ( ibid., v. 24).
Dans lâĂvangile, nous entendons comment Marie vit la transformation que procure la Parole de Dieu dans sa vie. Telle une flamme ardente et inextinguible, la Parole nous pousse Ă partager la joie du don reçu (cf. Jr 20, 9 ; Lc 24, 32). RĂ©jouie par lâannonce de lâange, elle comprend que la joie de Dieu sâaccomplit dans la charitĂ© et se hĂąte donc chez Ălisabeth.
En vĂ©ritĂ©, les paroles de la Pleine de GrĂące sont « plus douces que le miel » ( Siracide 24, 27). Son seul salut suffit Ă faire tressaillir de joie lâenfant dans le sein dâĂlisabeth, et celle-ci, remplie de lâEsprit Saint, se demande : « Qui suis-je pour que la mĂšre de mon Seigneur vienne Ă moi ? » ( Luc 1, 43). Cette joie culmine dans le Magnificat , oĂč Marie reconnaĂźt que son bonheur vient du Dieu fidĂšle, qui a tournĂ© son regard vers son peuple et lâa bĂ©ni (cf. Psaume 66, 2) dâun hĂ©ritage plus doux que le miel en rayon (cf. Siracide 24, 20) : la prĂ©sence mĂȘme de son Fils.
Tout au long de sa vie, Marie apporte cette joie lĂ oĂč la joie humaine est insuffisante, lĂ oĂč le vin a manquĂ© (cf. Jn 2, 3). Câest ce qui se produit en Guadalupe. Ă Tepeyac, elle Ă©veille chez les habitants des AmĂ©riques la joie de se savoir aimĂ©s de Dieu. Lors des apparitions de 1531, sâadressant Ă saint Juan Diego dans sa langue maternelle, elle dĂ©clare « dĂ©sirer ardemment » quâune « petite maison sacrĂ©e » y soit construite, dâoĂč elle exaltera Dieu et le fera se manifester (cf. Nican Mopohua , 26-27). Au milieu des conflits, des injustices et des souffrances incessantes qui cherchent un soulagement, Notre-Dame de Guadalupe proclame le cĆur de son message : « Ne suis-je pas ici, moi qui suis votre mĂšre ? » ( ibid. , 119). Elle est la voix qui fait rĂ©sonner la promesse de la fidĂ©litĂ© divine, la prĂ©sence qui soutient quand la vie devient insupportable.
La maternitĂ© quâelle proclame nous fait nous redĂ©couvrir comme des enfants. Quiconque entend « Je suis votre mĂšre » se souvient que, depuis la croix, le « Voici votre mĂšre » correspond à « Voici votre fils » (cf. Jn 19, 26-27). Et comme des enfants, nous nous tournerons vers elle pour lui demander : « MĂšre, que devons-nous faire pour ĂȘtre les enfants que ton cĆur dĂ©sire ? » Elle, fidĂšle Ă sa mission, nous rĂ©pondra tendrement : « Faites tout ce quâil vous dira » ( Jn 2, 5). Oui, MĂšre, nous voulons ĂȘtre tes vrais enfants : dis-nous comment grandir dans la foi quand nos forces nous abandonnent et que les ombres sâĂ©tendent. Aide-nous Ă comprendre quâavec toi, mĂȘme lâhiver se pare de roses.
Et en tant que ton enfant, je te le demande : MĂšre, enseigne aux nations qui aspirent Ă ĂȘtre tes enfants Ă ne pas diviser le monde en factions irrĂ©conciliables, Ă ne pas laisser la haine marquer leur histoire, ni les mensonges Ă©crire leur mĂ©moire. Montre-leur que l'autoritĂ© doit s'exercer au service des autres, et non par domination. Instruis leurs dirigeants sur leur devoir de prĂ©server la dignitĂ© de chaque personne Ă chaque Ă©tape de la vie. Fais de ces nations, tes enfants, des lieux oĂč chacun se sente le bienvenu.
MĂšre, accompagne les jeunes afin qu'ils reçoivent du Christ la force de choisir le bien et le courage de demeurer fermes dans la foi, mĂȘme lorsque le monde tente de les dĂ©tourner de leur chemin. Montre-leur que ton Fils marche Ă leurs cĂŽtĂ©s. Que rien ne trouble leur cĆur afin qu'ils accueillent sans crainte les projets de Dieu. PrĂ©serve-les des menaces du crime, de la dĂ©pendance et des dangers d'une vie vaine.
MĂšre, allez Ă la rencontre de ceux qui se sont Ă©garĂ©s loin de la sainte Ăglise : que votre regard les atteigne lĂ oĂč le nĂŽtre ne peut les atteindre, abattez les murs qui nous sĂ©parent et ramenez-les Ă la maison par la puissance de votre amour. MĂšre, je vous supplie dâincliner le cĆur de ceux qui sĂšment la discorde vers le dĂ©sir de votre Fils que « tous soient un » ( Jn 17, 21) et ramenez-les Ă la charitĂ© qui rend la communion possible, car au sein de lâĂglise, MĂšre, vos enfants ne peuvent ĂȘtre divisĂ©s.
Fortifie les familles : que les parents, Ă ton exemple, Ă©lĂšvent leurs enfants avec tendresse et fermetĂ©, afin que chaque foyer soit une Ă©cole de foi. Inspire, MĂšre, ceux qui forment les esprits et les cĆurs, afin quâils transmettent la vĂ©ritĂ© avec la douceur, la prĂ©cision et la clartĂ© qui jaillissent de lâĂvangile. Encourage ceux que ton Fils a appelĂ©s Ă le suivre de plus prĂšs : soutiens le clergĂ© et les personnes consacrĂ©es dans leur fidĂ©litĂ© quotidienne et ravive leur premier amour. Garde leur vie intĂ©rieure par la priĂšre, protĂšge-les dans la tentation, encourage-les dans la fatigue et secourt les affligĂ©s.
Sainte Vierge, puisse-t-on, comme vous, garder lâĂvangile dans nos cĆurs (cf. Lc 2, 51). Aide-nous Ă comprendre que, bien que nous en soyons les destinataires, ce message ne nous appartient pas, mais que, comme saint Juan Diego, nous en sommes les simples serviteurs. Puissions-nous vivre convaincus que partout oĂč la Bonne Nouvelle se rĂ©pand, tout devient beau, tout est restaurĂ©, tout est renouvelĂ©. « Ceux qui te suivent ne pĂ©cheront pas » (cf. Sr 24, 22) ; assistez-nous afin que notre pĂ©chĂ© et notre misĂšre ne ternissent pas la saintetĂ© de lâĂglise qui, comme vous, est une mĂšre.
MĂšre du vrai Dieu par qui nous vivons, venez en aide au Successeur de Pierre, afin quâil confirme tous ceux qui lui sont confiĂ©s sur lâunique chemin qui conduit au fruit bĂ©ni de vos entrailles. Rappelez-le Ă votre Fils, Ă qui le Christ a confiĂ© les clĂ©s du Royaume des Cieux pour le bien de tous, afin que ces clĂ©s servent Ă lier et Ă dĂ©lier, et Ă racheter toute misĂšre humaine ( Saint Jean-Paul II , HomĂ©lie Ă Syracuse , 6 novembre 1994). Et faites que, confiants en votre protection, nous avancions toujours plus unis Ă JĂ©sus et les uns aux autres vers la demeure Ă©ternelle quâil nous a prĂ©parĂ©e et oĂč vous nous attendez. Amen.
13/12/2025
Lors de sa visite Ă la MosquĂ©e Bleue dâIstanbul, LĂ©on XIV sâest arrĂȘtĂ© pour admirer en silence les dĂ©corations typiques de la coupole de la mosquĂ©e, mais lorsque le muezzin, Asgin Tunca, lâa invitĂ© Ă prier, il a gentiment dĂ©clinĂ© lâinvitation. La presse internationale a soulignĂ© lâĂ©pisode non tant pour le geste en lui-mĂȘme, mais parce quâil a semblĂ© marquer une rupture par rapport Ă lâattitude de BenoĂźt XVI et, surtout, du pape François, mettant Ă mal lâimage diffusĂ©e par les mĂ©dias progressistes, mais aussi par certains blogs conservateurs et traditionalistes, selon laquelle le pontificat du pape LĂ©on serait une réédition du prĂ©cĂ©dent, fĂ»t-ce dans une version plus « douce ».
BenoĂźt XVI avait visitĂ© la mosquĂ©e dâIstanbul le 30 novembre 2006 et, aprĂšs avoir fermĂ© les yeux, sâĂ©tait arrĂȘtĂ© pour prier. Pourtant, moins de deux mois auparavant, le 12 septembre, le pape BenoĂźt avait prononcĂ© Ă lâuniversitĂ© de Ratisbonne un cĂ©lĂšbre discours dans lequel, citant les paroles de lâempereur byzantin Manuel II, il avait affirmĂ© que Mahomet avait introduit « des choses mauvaises et inhumaines » et quâil nâest pas admissible dâimposer violemment une croyance religieuse. Une tempĂȘte de polĂ©miques avait suivi ces paroles, transformant BenoĂźt XVI en « ennemi » de lâIslam.
Le pape François pria dans la MosquĂ©e Bleue le 29 novembre 2014, aux cĂŽtĂ©s du Grand Mufti, sans que ce geste ne suscitĂąt de scandale particulier ; mais si le jugement de BenoĂźt XVI sur lâislam avait Ă©tĂ© exprimĂ© dans le discours de Ratisbonne, la clĂ© de lecture du rapport entre François et la religion musulmane fut la dĂ©claration ĆcumĂ©nique controversĂ©e dâAbou Dhabi, signĂ©e par le Pape avec le Grand Imam de la mosquĂ©e Al-Azhar le 4 fĂ©vrier 2019.
Le cĆur du voyage en Turquie de LĂ©on XIV nâa toutefois pas Ă©tĂ© lâarrĂȘt Ă Istanbul, mais la cĂ©lĂ©bration du 1700á” anniversaire du Concile de NicĂ©e, aujourdâhui Iznik, oĂč le Pontife a rencontrĂ© les chefs des Ăglises orthodoxes, avec trois grands absents : le patriarche de Moscou Kirill et ceux dâAntioche et de JĂ©rusalem, tous deux liĂ©s Ă la Russie de Poutine. En Turquie, LĂ©on XIV a rĂ©affirmĂ© une vĂ©ritĂ© commune Ă tous les chrĂ©tiens : JĂ©sus-Christ, seconde Personne de la TrĂšs Sainte TrinitĂ©, est le Fils de Dieu, vrai Dieu lui-mĂȘme. Le 28 novembre, le pape dĂ©clara :
« NicĂ©e affirme la divinitĂ© de JĂ©sus et son Ă©galitĂ© avec le PĂšre. En JĂ©sus, nous trouvons le vrai visage de Dieu et sa parole dĂ©finitive sur lâhumanitĂ© et sur lâhistoire. Cette vĂ©ritĂ© met constamment en crise nos reprĂ©sentations de Dieu lorsquâelles ne correspondent pas Ă ce que JĂ©sus nous a rĂ©vĂ©lĂ©, et elle nous invite Ă un discernement critique continu sur les formes de notre foi, de notre priĂšre, de la vie pastorale et, en gĂ©nĂ©ral, de notre spiritualitĂ©. (âŠ) Le Symbole de la foi, professĂ© de maniĂšre unanime et commune, devient ainsi critĂšre de discernement, boussole dâorientation, pivot autour duquel doivent tourner notre croire et notre agir. »
Quâil ait proclamĂ© cette vĂ©ritĂ© en terre dâIslam nâest pas sans signification. La religion catholique fondĂ©e par JĂ©sus-Christ a son cĆur dans deux mystĂšres : la TrĂšs Sainte TrinitĂ© et lâIncarnation. La divinitĂ© du Christ est niĂ©e par la religion musulmane, qui le considĂšre comme un simple prophĂšte, prĂ©curseur de Mahomet. Dans sa lettre de 1461 au sultan Mehmed le ConquĂ©rant, pour le convertir Ă la foi catholique, le pape Pie II lâaffirmait avec force :
« Il existe de nombreuses diffĂ©rences entre la conception de Dieu des ChrĂ©tiens et celle des Sarrasins ou des Turcs. Vous considĂ©rez Dieu comme corporel, nous le disons incorporel. Vous attribuez au hasard les Ă©vĂ©nements terrestres et pensez que Dieu ne sâen soucie pas ; nous nâavons aucun doute : celui qui a créé le Tout le gouverne. Vous niez la paternitĂ© divine, nous reconnaissons le PĂšre et le Fils. Vous niez la divinitĂ© de lâEsprit, nous lâaffirmons et la vĂ©nĂ©rons. »
Les consĂ©quences de ces diffĂ©rences thĂ©ologiques sont immenses. Ignorer JĂ©sus-Christ, seconde Personne de la TrĂšs Sainte TrinitĂ© et Verbe IncarnĂ©, signifie ignorer lâunique Sauveur et RĂ©dempteur du genre humain. Dans la Lettre apostolique In unitate fidei du 23 novembre, le Pape avait dĂ©clarĂ© :
« Le Credo de NicĂ©e ne formule pas une thĂ©orie philosophique. Il professe la foi dans le Dieu qui nous a rachetĂ©s Ă travers JĂ©sus-Christ. Il sâagit du Dieu vivant : il veut que nous ayons la vie et que nous lâayons en abondance (cf. Jn 10, 10). Câest pourquoi le Credo poursuit avec les mots de la profession baptismale : le Fils de Dieu qui âpour nous les hommes et pour notre salut descendit et sâest incarnĂ© et sâest fait homme, mourut, et le troisiĂšme jour ressuscita, monta au ciel et viendra pour juger les vivants et les mortsâ. Cela montre clairement que les affirmations de foi christologiques du Concile sâinscrivent dans lâhistoire du salut entre Dieu et ses crĂ©atures. »
Léon XIV a donc dénoncé le « néo-arianisme » moderne, diffusé également au sein du monde catholique.
« Mais il y a aussi un autre dĂ©fi, que je dĂ©finirais comme un âarianisme de retourâ, prĂ©sent dans la culture actuelle et parfois chez les croyants eux-mĂȘmes : lorsque lâon regarde JĂ©sus avec admiration humaine, peut-ĂȘtre mĂȘme avec un esprit religieux, mais sans le considĂ©rer rĂ©ellement comme le Dieu vivant et vrai prĂ©sent au milieu de nous. Sa divinitĂ©, son ĂȘtre Seigneur de lâhistoire, se trouve en quelque sorte obscurci, et lâon se limite Ă le considĂ©rer comme un grand personnage historique, un maĂźtre sage, un prophĂšte qui a luttĂ© pour la justice, mais rien de plus. NicĂ©e nous le rappelle : le Christ JĂ©sus nâest pas un personnage du passĂ©, il est le Fils de Dieu prĂ©sent parmi nous, qui guide lâhistoire vers lâavenir que Dieu nous a promis. »
Certains ont critiquĂ© LĂ©on XIV pour avoir omis le « Filioque » en rĂ©citant le Credo avec les patriarches orthodoxes lors de la cĂ©lĂ©bration interreligieuse du 1700á” anniversaire du Concile de NicĂ©e. Le « Filioque », câest-Ă -dire la confession selon laquelle lâEsprit « procĂšde du PĂšre et du Fils », est un dogme catholique dĂ©fini par le Concile de Florence en 1439. Lâaffirmation du Filioque manquait toutefois au Symbole de NicĂ©e, confessĂ© Ă Constantinople en 381. Lâusage de cette formule dans le Credo est entrĂ© progressivement dans la liturgie latine (entre les VIIIá” et XIá” siĂšcles).
Tant Jean-Paul II, dans les annĂ©es 1990, que BenoĂźt XVI, Ă plusieurs reprises, notamment lors de voyages dans des pays orthodoxes, ont rĂ©citĂ© le Credo dans sa forme nicĂ©enne, sans que cela puisse ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une dĂ©fection de la foi catholique. Lâomission de ces mots, accomplie non pour nier le dogme, mais pour favoriser dans une circonstance prĂ©cise le rapprochement avec les orthodoxes, ne doit pas scandaliser. Le vĂ©ritable point de divergence avec les orthodoxes est dâailleurs un autre dogme : celui de la primautĂ© de Pierre, aujourdâhui malheureusement mis en discussion mĂȘme au sein du monde catholique.
Pour comprendre le pontificat de LĂ©on XIV, aussi dans sa discontinuitĂ© avec le prĂ©cĂ©dent, il semble donc plus sage de dĂ©placer lâattention vers de petits gestes, mais significatifs, tels que, comme lâa notĂ© Robert Royal, la rĂ©sistance du pape LĂ©on Ă la MosquĂ©e Bleue.
Le soir du 9 dĂ©cembre, en rentrant au Vatican aprĂšs une journĂ©e passĂ©e Ă Castel Gandolfo, le Pape sâest entretenu avec les journalistes devant la villa Barberini. Le vaticaniste de La Repubblica, Jacopo Scaramuzzi, lui a demandĂ© pourquoi il nâavait pas priĂ© dans la mosquĂ©e lors de son rĂ©cent voyage en Turquie. Le Pape, comme surpris de devoir expliquer pourquoi un Pontife ne prie pas dans une mosquĂ©e, a rĂ©pondu : « Je prĂ©fĂšre prier dans une Ă©glise catholique en prĂ©sence du Saint-Sacrement. »
Ainsi doit parler un pape, et en se rappelant lâimage de LĂ©on XIV tenant le Saint-Sacrement entre ses mains, le 22 juin dernier, de Saint-Jean-de-Latran Ă Sainte-Marie-Majeure pour la procession de la FĂȘte-Dieu, on pourrait ajouter : « Ainsi doit agir un pape. »
Roberto de Mattei | Historien
13/12/2025
Un passé sous domination étrangÚre
L'article débute par un rappel historique essentiel : avant la colonisation française de 1830, la région qui deviendra l'Algérie a vécu sous une domination étrangÚre quasi continue pendant des siÚcles (romaine, arabe, puis ottomane). L'auteure souligne le paradoxe d'une mémoire sélective qui semble avoir effacé la participation active des régences barbaresques (Alger, Tunis, Tripoli) à un vaste systÚme esclavagiste.
L'ampleur de la traite arabo-musulmane
Marie-Claude Mosimann-Barbier remet en perspective la chronologie de l'esclavage. Bien avant la traite atlantique, la traite transsaharienne drainait des millions d'Africains vers le Maghreb et le Moyen-Orient dĂšs le VIIe siĂšcle.
Les chiffres : L'auteure cite les estimations des spécialistes (comme Olivier Grenouilleau) évaluant à prÚs de 18 millions le nombre de victimes africaines de la traite arabo-musulmane, contre 11 à 12 millions pour la traite atlantique.
Le sort des captifs : Les hommes étaient souvent castrés ou envoyés aux galÚres, les femmes destinées aux harems, avec une mortalité effrayante.
La « traite des Blancs » : razzias et piraterie
L'article met surtout l'accent sur un volet méconnu : l'esclavage des chrétiens européens. Sous la suzeraineté ottomane, Alger et les ports barbaresques deviennent les plaques tournantes d'une industrie de la capture.
Un phénomÚne massif : L'historien Robert C. Davis estime qu'entre le XVIe et le XVIIIe siÚcle, environ un million d'Européens de l'Ouest et prÚs de trois millions d'Européens de l'Est ont été réduits en esclavage.
Modes opératoires : Les pirates barbaresques ne se contentaient pas d'attaquer les navires (« la course ») ; ils menaient de véritables razzias sur les cÎtes d'Espagne, d'Italie, et de Provence, vidant parfois des villages entiers de leurs habitants.
La réponse de la Chrétienté : payer ou combattre
Face Ă ces exactions et aux conditions de dĂ©tention terribles (tortures, empalements, travaux forcĂ©s), l'Europe s'organise. DĂšs le Moyen-Ăge, des ordres religieux « rĂ©dempteurs » voient le jour, tels que les Trinitaires (fondĂ©s en 1198) et les MercĂ©daires (1218). Ces religieux collectaient des fonds pour payer les rançons ou s'offraient eux-mĂȘmes en otage pour libĂ©rer les captifs, parmi lesquels figurait le cĂ©lĂšbre CervantĂšs.
L'article rappelle enfin que ce sont les interventions militaires occidentales (bombardements de Louis XIV, guerres menĂ©es par les Ătats-Unis au dĂ©but du XIXe siĂšcle) et finalement la prise d'Alger par la France en 1830 qui mirent un terme dĂ©finitif Ă cette traite.
Cet article du Figaro Histoire offre un contrepoint saisissant aux discours unilatĂ©raux sur la colonisation. En documentant la rĂ©alitĂ© brutale de l'esclavage en Barbarie, Marie-Claude Mosimann-Barbier ne cherche pas Ă excuser les fautes de la colonisation ultĂ©rieure, mais Ă rappeler que l'histoire mĂ©diterranĂ©enne est faite de blessures partagĂ©es. Elle souligne que la mĂ©moire de l'esclavage ne doit pas ĂȘtre sĂ©lective : les souffrances des millions de captifs, qu'ils soient Africains subsahariens ou EuropĂ©ens, razziĂ©s et asservis au Maghreb, mĂ©ritent elles aussi de figurer dans nos livres d'histoire.
Marie-Claude Mosimann-Barbier est maĂźtre de confĂ©rences honoraire de lâĂcole normale supĂ©rieure de Paris-Saclay, membre du GRER (groupe de recherche sur le racisme et lâeugĂ©nisme) de lâuniversitĂ© Paris-CitĂ©.
12/12/2025
Un constat accablant : des méthodes « disproportionnées » L'article de Cyriac Zeller relaie des témoignages qui font froid dans le dos. Loin de la simple vérification administrative, le rapport décrit de véritables « coups de force ». Des inspecteurs arrivant par escouades de dix à seize personnes, interrompant les cours sans préavis, ou circulant sans accompagnement dans les locaux.
Plus inquiĂ©tant encore, les mĂ©thodes d'investigation semblent franchir la ligne rouge de la lĂ©galitĂ© et du respect de la vie privĂ©e. Le rapport mentionne des fouilles de cartables et, fait stupĂ©fiant, la photographie de « carnets dâintĂ©rioritĂ© » appartenant aux Ă©lĂšves. Les enseignants ne sont pas Ă©pargnĂ©s : certains subissent des interrogatoires quasi policiers devant leurs propres Ă©lĂšves, fragilisant ainsi leur autoritĂ© et le climat de confiance nĂ©cessaire Ă l'enseignement.
Le « caractÚre propre » dans le viseur Au-delà de la forme, c'est le fond des inspections qui inquiÚte. L'article souligne une attaque ciblée contre l'identité chrétienne des établissements. Les questions posées aux équipes éducatives relÚvent de l'intime et de la liberté de conscience : « Allez-vous aux offices religieux ? », « Vos élÚves ont-ils une vision genrée de la société ? ».
Des pressions sont exercées pour « lisser » les projets d'établissement, rendre l'enseignement de culture chrétienne facultatif ou exiger le retrait de signes religieux, en contradiction totale avec le statut de l'école catholique. Comme le note l'article, ces dérives touchent toutes les académies, de Versailles à Toulon.
Vers une crise de confiance ? Guillaume PrĂ©vost, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâEnseignement catholique, rappelle qu'il ne s'agit pas de refuser le contrĂŽle â jugĂ© indispensable â mais d'exiger « prudence et discernement ». Face Ă cette situation qualifiĂ©e de « dĂ©lĂ©tĂšre », le ministre de l'Ăducation nationale, Ădouard Geffray, a promis des consignes fermes et une clarification rapide.
Pour conclure, Famille ChrĂ©tienne met en lumiĂšre une fracture grandissante entre l'administration et l'enseignement libre. Si l'Ătat est dans son rĂŽle de contrĂŽleur, les dĂ©rives rapportĂ©es s'apparentent Ă une tentative de normalisation idĂ©ologique. La rĂ©ponse du ministĂšre dans les jours Ă venir sera dĂ©cisive pour savoir si le contrat de confiance peut ĂȘtre restaurĂ© ou si l'on s'achemine vers une guerre scolaire.
12/12/2025
Le pape sortait du Palais Barberini Ă Castel Gandolfo mardi soir lorsque, assailli par des journalistes, il sâest prĂȘtĂ© de bonne grĂące Ă un Ă©change de cinq minutes oĂč il se montrait, comme Ă son habitude, amĂšne, souriant et prudent, sâexprimant en plusieurs langues et veillant Ă ne pas tenir des propos trop pointus.
Câest un journaliste italien qui lui a rappelĂ© le fait : « A la mosquĂ©e Sultanahmet, vous nâavez pas priĂ©, du moins visiblement⊠» AussitĂŽt, LĂ©on XIV lâinterrompt : « Mais qui a dit que je nâavais pas priĂ© ? Ils ont dit que je nâavais pas priĂ©, mais jâai dĂ©jĂ rĂ©pondu dans lâavion, jâai mentionnĂ© un livre [La pratique de la prĂ©sence de Dieu de FrĂšre Laurent], il se peut que je sois en train de prier en ce moment mĂȘme, vous comprenez ? »
LĂ©on XIV rappelle quâon peut « prier sans cesse »
Le chrĂ©tien qui aime Dieu de tout son cĆur et de toute son Ăąme prie en effet « sans cesse » comme lây exhorte saint Paul, et dans chaque circonstance de la vie, des plus banales aux plus sublimes. Telle est justement la leçon du carme français, frĂšre Laurent de la RĂ©surrection : « Le temps de lâaction nâest point diffĂ©rent de celui de lâoraison ; je possĂšde Dieu aussi tranquillement dans le tracas de ma cuisine, oĂč quelquefois plusieurs personnes me demandent en mĂȘme temps des choses diffĂ©rentes, que si jâĂ©tais Ă genoux devant le Saint-Sacrement⊠»
Lâexemple des saints est lĂ : on prie lĂ oĂč on est, dans lâarĂšne face aux bĂȘtes sauvages comme dans le monastĂšre, en vaquant Ă ses occupations quotidiennes comme dans le camp de concentration, recueilli dans la ville ou en adoration devant le Saint-Sacrement. Dieu ne nous lĂąche jamais, ce nâest jamais lui qui rompt le contact.
Mais prier visiblement, quoiquâen silence Ă la mosquĂ©e â comme lâavaient fait avant lui Jean-Paul II, Ă la mosquĂ©e des Omeyyades Ă Damas en 2001, BenoĂźt XVI Ă la MosquĂ©e Bleue en 2006, le pape François dans le mĂȘme lieu en 2014 puis Ă la mosquĂ©e Istiqlal de Djakarta en 2024 â le pape rĂ©gnant ne lâa pas fait. Il a courtoisement, mais expressĂ©ment refusĂ© de le faire. Si son voyage Ă©tait bien prĂ©parĂ©, sâil a Ă©tĂ© averti des gestes posĂ©s par ses prĂ©dĂ©cesseurs immĂ©diats (et comment ne pas croire que ce fut le cas ?), son attitude est dâautant plus remarquable, et sans doute prĂ©parĂ©e dâavance. Elle marque une rupture â ou bien plutĂŽt, un retour Ă une normalitĂ© : bien que lâon puisse sâadresser au vrai Dieu en priĂšre oĂč que lâon soit, le faire dans un temple dâune religion qui ne connaĂźt pas le vrai Dieu et le rejette expressĂ©ment comme le fait lâislam est en soi un dĂ©sordre, source de confusion.
La mosquĂ©e, « la maison dâAllah »
Le muezzin qui invita le pape LĂ©on Ă prier Ă lâintĂ©rieur de la mosquĂ©e lui avait dâabord dit : « Ce nâest pas ma maison, ni la vĂŽtre, câest la maison dâAllah » â maniĂšre de dire que Dieu transcende la diversitĂ© des religions et dâinviter Ă un syncrĂ©tisme explicite (encore que dans lâesprit du musulman, Allah soit parfaitement identifiĂ© comme le dieu de lâislam). Mais LĂ©on XIV a rĂ©pondu, gentiment mais fermement, « Itâs okay ». « Ăa va⊠»
AprÚs quelques instants de réflexion, Léon XIV a explicité sa réponse au journaliste à Castel Gandolfo : « Je préfÚre prier dans une église catholique en présence du TrÚs Saint Sacrement. »
Oui, on peut prier partout, mais en la PrĂ©sence rĂ©elle de Notre Seigneur, devant le Saint-Sacrement â et quoi quâil en soit de la possession de Dieu â cette PrĂ©sence dĂ©passe tout. Câest devant le tabernacle, dans un sanctuaire catholique, que LĂ©on XIV conçoit sa priĂšre au plus haut. Il lâa dit au dĂ©bottĂ©, lâexpĂ©rience de sa vie dĂ©bordant de son cĆur. Câest la priĂšre dâadoration face Ă face avec JĂ©sus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, celui quâau demeurant lâislam rejette en mĂȘme temps quâil proscrit la religion des « associateurs », les chrĂ©tiensâŠ
Il est remarquable que LĂ©on XIV nâait pas poursuivi sa visite de la ville en se rendant Ă la toute proche Sainte-Sophie, haut lieu du christianisme byzantin. Mais aprĂšs avoir Ă©tĂ© prise aux chrĂ©tiens et aussitĂŽt transformĂ©e en mosquĂ©e, puis rendue « Ă lâhumanitĂ© » comme musĂ©e sous AtatĂŒrk, elle a Ă©tĂ© retransformĂ©e en mosquĂ©e en 2020. Il est vrai que le pape François avait dit Ă cette occasion : « Je pense Ă Sainte-Sophie et je ressens une grande douleur. »
Prier devant le Saint-Sacrement, câest aussi affirmer sa foi
La clarification de Léon XIV sur la priÚre aura été inattendue, sans ambiguïté, et montre le pape sous son meilleur jour : parlant du Christ dans son adorable vérité.
Léon XIV, pour finir, a dit : « Mais on a fait si grand cas de ce moment, cela me semble, disons, curieux. »
Mais non, Saint-PÚre, ce fut un trÚs grand moment et une joie profonde, augmentée par le fait de le voir désormais si tranquillement expliqué.
11/12/2025
Les responsables amĂ©ricains ont pris lâhabitude dâenvisager les problĂšmes europĂ©ens sous lâangle de lâinsuffisance des dĂ©penses militaires et de la stagnation Ă©conomique. Cela est vrai, mais les vĂ©ritables problĂšmes de lâEurope sont encore plus profonds.
LâEurope continentale a perdu des parts du PIB mondial, passant de 25% en 1990 Ă 14% aujourdâhui, en partie Ă cause des rĂ©glementations nationales et transnationales qui sapent la crĂ©ativitĂ© et lâesprit dâinitiative.
Mais ce dĂ©clin Ă©conomique est Ă©clipsĂ© par la perspective rĂ©elle et plus sombre dâun effacement civilisationnel. Parmi les problĂšmes les plus importants auxquels lâEurope est confrontĂ©e, citons les activitĂ©s de lâUnion europĂ©enne et dâautres organismes transnationaux qui sapent la libertĂ© politique et la souverainetĂ©, les politiques migratoires qui transforment le continent et crĂ©ent des conflits, la censure de la libertĂ© dâexpression et la rĂ©pression de lâopposition politique, lâeffondrement des taux de natalitĂ© et la perte des identitĂ©s nationales et de la confiance en soi.
Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent sera mĂ©connaissable dâici 20 ans ou moins. Dans ces conditions, il est loin dâĂȘtre Ă©vident que certains pays europĂ©ens disposeront dâune Ă©conomie et dâune armĂ©e suffisamment solides pour rester des alliĂ©s fiables. Bon nombre de ces nations redoublent actuellement dâefforts dans la voie quâelles ont empruntĂ©e. Nous voulons que lâEurope reste europĂ©enne, quâelle retrouve sa confiance en sa civilisation et quâelle abandonne sa stratĂ©gie infructueuse de suffocation rĂ©glementaire.
Ce manque de confiance en soi est particuliĂšrement Ă©vident dans les relations entre lâEurope et la Russie. Les alliĂ©s europĂ©ens jouissent dâun avantage significatif en matiĂšre de puissance militaire sur la Russie dans presque tous les domaines, Ă lâexception des armes nuclĂ©aires. Ă la suite de la guerre menĂ©e par la Russie en Ukraine, les relations entre lâEurope et la Russie sont dĂ©sormais profondĂ©ment affaiblies, et de nombreux EuropĂ©ens considĂšrent la Russie comme une menace existentielle. La gestion des relations entre lâEurope et la Russie nĂ©cessitera un engagement diplomatique important de la part des Ătats-Unis, Ă la fois pour rĂ©tablir les conditions dâune stabilitĂ© stratĂ©gique sur le continent eurasien et pour attĂ©nuer le risque de conflit entre la Russie et les Ătats europĂ©ens.
Il est dans lâintĂ©rĂȘt fondamental des Ătats-Unis de nĂ©gocier une cessation rapide des hostilitĂ©s en Ukraine, afin de stabiliser les Ă©conomies europĂ©ennes, dâempĂȘcher une escalade ou une extension involontaire de la guerre, de rĂ©tablir la stabilitĂ© stratĂ©gique avec la Russie et de permettre la reconstruction de lâUkraine aprĂšs les hostilitĂ©s afin quâelle puisse survivre en tant quâĂtat viable.
La guerre en Ukraine a eu pour effet pervers dâaccroĂźtre la dĂ©pendance extĂ©rieure de lâEurope, en particulier de lâAllemagne. Aujourdâhui, les entreprises chimiques allemandes construisent certaines des plus grandes usines de transformation au monde en Chine, en utilisant du gaz russe quâelles ne peuvent pas obtenir chez elles. Lâadministration Trump se trouve en dĂ©saccord avec les responsables europĂ©ens qui ont des attentes irrĂ©alistes concernant la guerre, juchĂ©s dans des gouvernements minoritaires instables, dont beaucoup bafouent les principes fondamentaux de la dĂ©mocratie pour rĂ©primer lâopposition. Une large majoritĂ© des EuropĂ©ens souhaite la paix, mais ce dĂ©sir ne se traduit pas en politique, en grande partie Ă cause de la subversion des processus dĂ©mocratiques par ces gouvernements. Cela revĂȘt une importance stratĂ©gique pour les Ătats-Unis, prĂ©cisĂ©ment parce que les Ătats europĂ©ens ne peuvent se rĂ©former sâils sont enlisĂ©s dans une crise politique.
Pourtant, lâEurope reste stratĂ©giquement et culturellement vitale pour les Ătats-Unis. Le commerce transatlantique reste lâun des piliers de lâĂ©conomie mondiale et de la prospĂ©ritĂ© amĂ©ricaine. Les secteurs europĂ©ens, de lâindustrie manufacturiĂšre Ă la technologie en passant par lâĂ©nergie, restent parmi les plus solides au monde. LâEurope abrite des institutions culturelles de premier plan et mĂšne des recherches scientifiques de pointe. Non seulement nous ne pouvons pas nous permettre de faire une croix sur lâEurope, mais cela irait Ă lâencontre des objectifs de cette stratĂ©gie.
La diplomatie amĂ©ricaine doit continuer Ă dĂ©fendre la dĂ©mocratie authentique, la libertĂ© dâexpression et la cĂ©lĂ©bration sans complexe du caractĂšre et de lâhistoire propres Ă chaque nation europĂ©enne. Les Ătats-Unis encouragent leurs alliĂ©s politiques en Europe Ă promouvoir ce renouveau spirituel, et lâinfluence croissante des partis patriotiques europĂ©ens est en effet source dâun grand optimisme.
Notre objectif doit ĂȘtre dâaider lâEurope Ă corriger sa trajectoire actuelle. Nous aurons besoin dâune Europe forte pour nous aider Ă ĂȘtre compĂ©titifs et pour travailler de concert avec nous afin dâempĂȘcher tout adversaire de dominer lâEurope.
Les Ătats-Unis sont, naturellement, attachĂ©s sentimentalement au continent europĂ©en et, bien sĂ»r, Ă la Grande-Bretagne et Ă lâIrlande. Le caractĂšre de ces pays est Ă©galement important sur le plan stratĂ©gique, car nous comptons sur des alliĂ©s crĂ©atifs, compĂ©tents, confiants et dĂ©mocratiques pour Ă©tablir des conditions de stabilitĂ© et de sĂ©curitĂ©. Nous voulons travailler avec des pays alignĂ©s qui souhaitent retrouver leur grandeur dâantan.
Ă long terme, il est plus que plausible que dâici quelques dĂ©cennies au plus tard, certains membres de lâOTAN deviennent majoritairement non europĂ©ens. Ă ce titre, la question reste ouverte de savoir sâils considĂ©reront leur place dans le monde, ou leur alliance avec les Ătats-Unis, de la mĂȘme maniĂšre que ceux qui ont signĂ© la charte de lâOTAN.
Notre politique gĂ©nĂ©rale pour lâEurope doit donner la prioritĂ© aux Ă©lĂ©ments suivants :
Rétablir les conditions de stabilité en Europe et la stabilité stratégique avec la Russie ;
Permettre Ă lâEurope de voler de ses propres ailes et de fonctionner comme un groupe de nations souveraines alignĂ©es, notamment en assumant la responsabilitĂ© principale de sa propre dĂ©fense, sans ĂȘtre dominĂ©e par une puissance adverse ;
Cultiver la rĂ©sistance Ă la trajectoire actuelle de lâEurope au sein des nations europĂ©ennes ;
Ouvrir les marchés européens aux biens et services américains et garantir un traitement équitable aux travailleurs et aux entreprises américains ;
Renforcer les nations prospĂšres dâEurope centrale, orientale et mĂ©ridionale grĂące Ă des liens commerciaux, Ă la vente dâarmes, Ă la collaboration politique et aux Ă©changes culturels et Ă©ducatifs ;
Mettre fin Ă la perception, et empĂȘcher la rĂ©alitĂ©, dâune OTAN comme une alliance en expansion perpĂ©tuelle ; et
Encourager lâEurope Ă prendre des mesures pour lutter contre la surcapacitĂ© mercantiliste, le vol de technologies, le cyberespionnage et dâautres pratiques Ă©conomiques hostiles.