Le blog du Temps de l'Immaculée.

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Christophe Guilluy : Le réveil de la « Périphéria » face à l'astre mort métropolitain

18/12/2025

Christophe Guilluy : Le réveil de la « Périphéria » face à l'astre mort métropolitain

Un duel symbolique : les blindés contre le vivant
Pour Christophe Guilluy, l’image des blindĂ©s face aux Ă©leveurs en AriĂšge n’est pas qu’un incident de maintien de l’ordre, c’est une scĂšne de « dĂ©civilisation » au sens premier. Il y voit une réédition de La Guerre des mondes, oĂč une technostructure froide tente d’asservir un monde de producteurs qu’elle ne comprend plus.

« Cette scĂšne dĂ©voile la nature profonde de l’affrontement entre MĂ©tropolia et PĂ©riphĂ©ria. [...] Les vrais dĂ©civilisĂ©s sont d’abord les fondateurs de MĂ©tropolia, cette machine Ă  broyer les existences. »

 

Selon le gĂ©ographe, le modĂšle mĂ©tropolitain est dĂ©sormais un « astre mort ». SurendettĂ©, tertiarisĂ© Ă  l'excĂšs et enfermĂ© dans des bulles culturelles, il a sacrifiĂ© l’agriculture et l’industrie sur l’autel du libre-Ă©change (Mercosur).

 

Le basculement de la puissance
L'un des points forts de l'entretien est le constat d'un basculement géographique du pouvoir. La puissance ne résiderait plus dans les tours de la Silicon Valley ou de Londres, mais dans les villes productives de la périphérie, comme Bourges ou Saint Charles (USA).

 

Le retour du producteur : Le XXIe siĂšcle appartient Ă  ceux qui maĂźtrisent les bases industrielles et agricoles.

 

La fin de l'attraction urbaine : Les métropoles s'enfoncent, au propre comme au figuré, sous le poids de leur propre modÚle.

 

La victoire de la « majoritĂ© ordinaire » : Guilluy affirme que la Guerre des mondes est en passe d'ĂȘtre gagnĂ©e par PĂ©riphĂ©ria.

 

« La vraie puissance, elle, se trouve dans les villes qui produisent, inventent et résistent : Périphéria est en marche. »

 

Une révolte de l'ùme contre le tableur Excel

Guilluy souligne que la crise actuelle, à l'instar de celle des « gilets jaunes », est avant tout existentielle et transcendante. Il oppose l'éleveur, « celui qui élÚve moralement », à une administration qui ne jure que par les data et les tableurs.

 

Le soutien massif de l'opinion publique à ces mouvements s'explique, selon lui, par une résonance spirituelle :

« L’argent n’est pas — et ne sera jamais — leur motivation. [...] Pour ceux que la transcendance effraie, souvenons-nous d’Hugo : "La rĂ©alitĂ©, c’est l’ñme !" »

Effectivement , le vrai problĂšme n'est pas politique, mais culturel et surtout spirituel. Nos chers Ă©vĂȘques, et eux seuls, ont la clé  se rĂ©veilleront-ils ?.  

 

 

L'autonomie politique des classes populaires
Sur le plan politique, l'entretien balaie l'idĂ©e de l'homme providentiel. Guilluy dĂ©crit un mouvement « bottom-up » (du bas vers le haut) oĂč les citoyens ont dĂ©jĂ  construit leur propre diagnostic, rendant les clivages gauche-droite obsolĂštes.

 

Le « soft power » des classes populaires s'articule désormais autour de quatre piliers non négociables :

Le travail (réindustrialisation).

L’État-providence (services publics).

La sécurité.

La régulation des flux migratoires.

 


Christophe Guilluy nous livre ici une vision prophĂ©tique : celle d'une France qui refuse d'ĂȘtre dĂ©possĂ©dĂ©e de son identitĂ© et de sa capacitĂ© de production. Si « MĂ©tropolia » a encore la montre, la « PĂ©riphĂ©ria », elle, semble avoir le temps. Le futur appartiendrait Ă  ceux qui, face Ă  la technostructure, choisissent de rester debout pour leurs troupeaux et leur terre.

Ave Maria !

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Petit lexique de la pensée de Christophe Guilluy


MĂ©tropolia DĂ©signe la « France des mĂ©tropoles » mondialisĂ©es. C’est le territoire des Ă©lites dirigeantes, des cadres supĂ©rieurs et d’une Ă©conomie dĂ©matĂ©rialisĂ©e (services, finance). Pour Guilluy, c’est un modĂšle en fin de cycle, un « astre mort » qui brille encore mais ne produit plus de richesse rĂ©elle.

 

PĂ©riphĂ©ria La « France pĂ©riphĂ©rique », composĂ©e des zones rurales, des petites et moyennes villes. Longtemps dĂ©peinte comme fragile, elle est pour l'auteur le nouveau centre de la puissance rĂ©elle, car c’est lĂ  que se situent la production (agriculture, industrie) et la rĂ©sistance culturelle.

 

La majoritĂ© ordinaire Elle regroupe les classes populaires et les classes moyennes qui vivent en dehors des grandes mĂ©tropoles. Guilluy la dĂ©crit comme une force sociologique autonome qui ne suit plus les consignes des partis traditionnels et qui porte une demande de dignitĂ© « existentielle » plutĂŽt que purement matĂ©rielle.

 

Soft Power des classes populaires Contrairement au « hard power » (le pouvoir politique ou militaire), c’est l’influence culturelle et intellectuelle que la base exerce sur le sommet. C’est la capacitĂ© de la majoritĂ© ordinaire Ă  imposer ses thĂšmes (travail, sĂ©curitĂ©, identitĂ©) dans le dĂ©bat public sur le temps long, forçant les Ă©lites Ă  s'y adapter.

 

La technostructure L'appareil administratif, politique et expert (souvent liĂ© Ă  l'Union europĂ©enne ou Ă  la haute fonction publique) qui dirige le pays par les chiffres, les donnĂ©es et les tableurs Excel. Guilluy l'accuse d'ĂȘtre devenue aveugle aux rĂ©alitĂ©s humaines et sensibles du terrain.

 

DĂ©civilisation (version Guilluy) Loin d’ĂȘtre un simple manque de politesse, la dĂ©civilisation est ici le processus par lequel le modĂšle Ă©conomique globalisĂ© dĂ©truit les structures sociales, les mĂ©tiers (producteurs) et les liens humains qui fondent une sociĂ©tĂ© stable.

 

 

 

 

O radix Jesse

18/12/2025

O radix Jesse

Vous voici donc en marche, ĂŽ Fils de JessĂ©, vers la ville de vos aĂŻeux. L’Arche du Seigneur s’est levĂ©e et s’avance, avec le Seigneur qui est en elle, vers le lieu de son repos. « Qu’ils sont beaux vos pas, ĂŽ Fille du Roi, dans l’éclat de votre chaussure » , lorsque vous venez apporter leur salut aux villes de Juda ! Les Anges vous escortent, votre fidĂšle Époux vous environne de toute sa tendresse, le ciel se complaĂźt en vous, et la terre tressaille sous l’heureux poids de son CrĂ©ateur et de son auguste Reine. Avancez, ĂŽ MĂšre de Dieu et des hommes, Propitiatoire tout-puissant oĂč est contenue la divine Manne qui garde l’homme de la mort ! Nos cƓurs vous suivent, vous accompagnent, et, comme votre Royal ancĂȘtre , nous jurons « de ne point entrer dans notre maison, de ne point monter sur notre couche, de ne point clore nos paupiĂšres, de ne point donner le repos Ă  nos tempes, jusqu’à ce que nous ayons trouvĂ© dans nos cƓurs une demeure pour le Seigneur que vous portez, une tente pour le Dieu de Jacob. » Venez donc, ainsi voilĂ© sous les flancs trĂšs purs de l’Arche sacrĂ©e, ĂŽ rejeton de JessĂ©, jusqu’à ce que vous en sortiez pour briller aux yeux des peuples, comme un Ă©tendard de victoire. Alors les rois vaincus se tairont devant vous, et les nations vous adresseront leurs vƓux. HĂątez-vous, ĂŽ Messie ! Venez vaincre tous nos ennemis, et dĂ©livrez-nous.

CrÚches dans les mairies : la République doit assumer son héritage culturel

18/12/2025

CrÚches dans les mairies : la République doit assumer son héritage culturel

L’article d’Alexandra Borchio Fontimp s’inscrit dans un dĂ©bat rĂ©current qui agite la sociĂ©tĂ© française chaque hiver : la place des symboles d'origine chrĂ©tienne dans l’espace rĂ©publicain. Pour l'auteure, la question dĂ©passe le cadre cultuel pour toucher Ă  l’identitĂ© profonde de la nation.

 

Elle articule son argumentation autour de trois axes principaux :

 

Le refus de « l'amnĂ©sie » rĂ©publicaine : À l'occasion des 120 ans de la loi de 1905, la sĂ©natrice rappelle que la laĂŻcitĂ© ne doit pas signifier l'effacement de l'histoire. Elle souligne que nos jours fĂ©riĂ©s, notre littĂ©rature et notre morale sont imprĂ©gnĂ©s d'un hĂ©ritage chrĂ©tien qui a façonnĂ© l'humanisme français.

 

Une dimension culturelle et populaire : S'appuyant sur un sondage indiquant que 79 % des Français sont favorables aux crÚches (1), elle transforme l'objet religieux en un objet patrimonial. La crÚche devient une « scÚne familiÚre » liée à l'enfance et à l'art de vivre, particuliÚrement dans le Sud de la France.

 

L'enjeu économique et artisanal : L'article met en avant la réalité concrÚte des territoires, notamment en Provence et dans les Alpes-Maritimes. La fabrication des santons et les marchés de Noël représentent un dynamisme local et un savoir-faire artisanal qu'il serait, selon elle, absurde de sacrifier au nom d'une interprétation restrictive de la loi.

 


En conclusion, Alexandra Borchio Fontimp livre un plaidoyer pour une France qui « ne se renie pas ». Elle invite Ă  ne pas percevoir la crĂšche comme une menace pour la neutralitĂ© de l'État, mais comme le tĂ©moignage d'une continuitĂ© historique. Pour la sĂ©natrice, assumer cet hĂ©ritage est la condition d'une nation confiante, "capable de faire cohabiter ses traditions avec les exigences de la modernitĂ© rĂ©publicaine". Roulement de tambours !

 

(1) de fait, c'est le sondage qui est intĂ©ressant : Selon un sondage CSA pour CNEWS, le JDD et Europe 1, publiĂ© ce dimanche 7 dĂ©cembre, 79% des Français (mĂȘme 2 sympathisants sur 3 de la gauche, soit 65%) sont en faveur de la prĂ©sence de crĂšches de NoĂ«l dans les mairies.

18 dĂ©cembre, les grandes antiennes de l'Avent : Ô AdonaĂŻ

18/12/2025

18 dĂ©cembre, les grandes antiennes de l'Avent : Ô AdonaĂŻ

O Seigneur suprĂȘme ! AdonaĂŻ ! Venez nous racheter, non plus dans votre puissance, mais dans votre humilitĂ©. Autrefois vous vous manifestĂątes Ă  MoĂŻse, votre serviteur, au milieu d’une flamme divine ; vous donnĂątes la Loi Ă  votre peuple du sein des foudres et des Ă©clairs : maintenant il ne s’agit plus d’effrayer, mais de sauver. C’est pourquoi votre trĂšs pure MĂšre Marie ayant connu, ainsi que son Ă©poux Joseph, l’Édit de l’Empereur qui va les obliger d’entreprendre le voyage de BethlĂ©hem, s’occupe des prĂ©paratifs de votre heureuse naissance. Elle apprĂȘte pour vous, divin Soleil, les humbles langes qui couvriront votre nuditĂ©, et vous garantiront de la froidure dans ce monde que vous avez fait, Ă  l’heure oĂč vous paraĂźtrez, au sein de la nuit et du silence. C’est ainsi que vous nous dĂ©livrerez de la servitude de notre orgueil, et que votre bras se fera sentir plus puissant, alors qu’il semblera plus faible et plus immobile aux yeux des hommes. Tout est prĂȘt, ĂŽ JĂ©sus ! Vos langes vous attendent : partez donc bientĂŽt et venez en BethlĂ©hem, nous racheter des mains de notre ennemi.

 

 

 

O Adonai, et Dux domus Israel,
qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti,
et ei in Sina legem dedisti:
veni ad redimendum nos in brachio extento.

 

 

En Chine, nouvel Ă©chec pour l’Église de Rome.

18/12/2025

En Chine, nouvel Ă©chec pour l’Église de Rome.

Concernant la Chine, le pape LĂ©on a dĂ©clarĂ© qu’il n’était pas pressĂ©. À court terme, il a prĂ©cisĂ© qu’il s’en tiendrait Ă  l’accord secret entre Rome et PĂ©kin en vigueur depuis 2018 et qu’à plus longue Ă©chĂ©ance, il prendra une dĂ©cision aprĂšs avoir Ă©coutĂ© toutes les parties, y compris « les catholiques chinois qui, pendant de nombreuses annĂ©es, ont vĂ©cu une sorte d’oppression ou des difficultĂ©s Ă  vivre leur foi librement sans devoir choisir un camp ».

 

Mais pendant ce temps, le rĂ©gime de PĂ©kin redouble de brutalitĂ© pour humilier l’Église. Et Rome subit. Elle va mĂȘme jusqu’à rendre hommage Ă  ses persĂ©cuteurs dans des dĂ©clarations exagĂ©rĂ©es.

 

C’est ce qui s’est passĂ© lors de la derniĂšre nomination d’un Ă©vĂȘque chinois, rendue publique le 5 dĂ©cembre. Il s’agit d’une copie conforme de la prĂ©cĂ©dente, celle qui avait fait titrer Settimo Cielo : « PremiĂšre gifle de la Chine au pape LĂ©on. Qui encaisse en silence ».

 

Ce deuxiĂšme affront trouve aussi son origine dans l’interrĂšgne entre la mort du pape François et l’élection de LĂ©on. Fin avril, la rumeur circulait que les autoritĂ©s chinoises avaient fait « Ă©lire » par des assemblĂ©es Ă  leurs ordres deux Ă©vĂȘques pour deux siĂšges importants.

En vertu de l’accord, c’est au nouveau pape d‘approuver ou non ces nominations. Et de fait, le 15 octobre, un communiquĂ© du Saint-SiĂšge confirmait que la premiĂšre avait bien Ă©tĂ© acceptĂ©e : il s’agissait du nouvel Ă©vĂȘque auxiliaire de Shanghai, Ignace Wu Jianlin — dans un diocĂšse qui comptait dĂ©jĂ  deux auxiliaires, mais mis au ban par le rĂ©gime, ce qui leur avait valu des punitions sĂ©vĂšres : le premier, Joseph Xing Wenzi, contraint Ă  se retirer depuis longtemps et le second, ThaddĂ©e Ma Daqin, aux arrĂȘts depuis treize ans d’affilĂ©e.

 

Quant Ă  la seconde nomination, le silence a Ă©tĂ© rompu le 5 dĂ©cembre. Avec la prĂ©cision, dans le communiquĂ© du Vatican, que LĂ©on l’avait approuvĂ©e le 11 aoĂ»t — le jour mĂȘme oĂč il avait signĂ© la nomination de l’évĂȘque auxiliaire de Shanghai.

 

Dans le mĂȘme temps, comme toujours, l’agence officielle de l’Église chinoise asservie au rĂ©gime publiait son propre communiqué — sans mĂȘme mentionner le pape LĂ©on, seul habilitĂ© Ă  nommer les Ă©vĂȘques — et antidatant avant la date fatidique du 30 avril, donc avant le conclave, l’« Ă©lection » de ce nouvel Ă©vĂȘque.

 

Ce dernier s’appelle François Li Jianlin, il a 51 ans et a Ă©tĂ© ordonnĂ© le 5 dĂ©cembre par l’évĂȘque de PĂ©kin Joseph Li Shan — également prĂ©sident de l’Association patriotique catholique chinoise et vice-prĂ©sident de la ConfĂ©rence Ă©piscopale chinoise non reconnue par Rome — et par d’autres Ă©vĂȘques fidĂšles au rĂ©gime. Il est dĂ©sormais Ă  la tĂȘte du diocĂšse (ou plutĂŽt de la prĂ©fecture apostolique) de Xinxiang. Or, cette prĂ©fecture avait dĂ©jĂ  un Ă©vĂȘque depuis 1992 : Joseph Zhang Weizhu, 67 ans — l’un des quelque vingt Ă©vĂȘques, sur une centaine, Ă  ne pas ĂȘtre reconnus officiellement par PĂ©kin, car refusant de se soumettre Ă  ses diktats.

 

Mais le communiqué du Vatican du 5 décembre a déclaré que la question était réglée, affirmant que le pape avait également « accepté la renonciation au gouvernement pastoral » présentée par Mgr Zhang.

 

Le 6 dĂ©cembre, une dĂ©claration du directeur de la salle de presse du Vatican annonçait « avec satisfaction » que l’évĂȘque dĂ©chu avait Ă©tĂ© « reconnu civilement ».

 

Avec cette précision redondante : « Ce geste est le fruit du dialogue entre le Saint-SiÚge et les autorités chinoises et représente une nouvelle étape importante dans le chemin de communion de cette circonscription ecclésiastique. »

Or, en lisant le communiquĂ© chinois parallĂšle, on apprend que, lors de la cĂ©rĂ©monie semi-secrĂšte de sa soi-disant « mise Ă  la retraite » — sans mention explicite de quelque reconnaissance officielle que ce soit — Zhang aurait « prononcĂ© un discours pour exprimer la nĂ©cessitĂ© d’adhĂ©rer au patriotisme et Ă  l’amour de la religion, de respecter le principe des Églises indĂ©pendantes et autonomes, de suivre l’orientation de la sinisation du catholicisme dans le pays, et de contribuer Ă  la construction d’un pays socialiste moderne ainsi qu’à la grande renaissance de la nation chinoise ».

 

Un autodafĂ©, identique Ă  ce qu’on a fait dire Ă  un autre Ă©vĂȘque mis Ă  la « retraite » forcĂ©e : Augustin Cui Tai, du diocĂšse supprimĂ© de Xuanhua, malgrĂ© le caractĂšre invraisemblable d’un tel acte de soumission de la part de deux Ă©vĂȘques qui ont toujours tĂ©moignĂ© avec hĂ©roĂŻsme de leur foi, au prix d’arrestations et de persĂ©cutions incessantes.

 

Et ce jusqu’à la fin. Il suffit de prĂ©ciser qu’on a interdit Ă  l’évĂȘque Ă©vincĂ© d’assister Ă  l’ordination de son successeur ou mĂȘme de rencontrer sa famille.

 

Le curriculum du nouvel Ă©vĂȘque de Xinxiang est trĂšs diffĂ©rent. Le 8 avril 2018, alors qu’il occupait la fonction de secrĂ©taire de la Commission pour les affaires de l’Église de la province du Henan, il a signĂ© une ordonnance interdisant Ă  tous les enfants et jeunes de moins de 18 ans d’entrer dans les Ă©glises pour assister Ă  la messe, et interdisant aux prĂȘtres d’organiser toute activitĂ© de formation religieuse pour les enfants et jeunes, sous peine d’arrestation des prĂȘtres et de la fermeture des Ă©glises.

 

On ne s’étonnera donc pas que, dans un article de l’agence Asia News de l’Institut Pontifical des Missions ÉtrangĂšres — qui paraĂźt et qui est lu Ă©galement en langue chinoise —, rapportant la rĂ©flexion Ă©mouvante d’un prĂȘtre « souterrain » de la diocĂšse de Xinxiang, on peut lire que la nomination du nouvel Ă©vĂȘque et le limogeage de son prĂ©dĂ©cesseur « ouvrent de nouvelles blessures au lieu de les refermer ».

Le texte intĂ©gral de cette rĂ©flexion — que beaucoup espĂšrent parvenir au pape — figure dans cette Ă©dition du 6 dĂ©cembre d’Asia News :
> Xinxiang : il vescovo Zhang e gli altri cattolici ridotti al silenzio

 

En voici un extrait :

 

Comme un agneau conduit à l’abattoir

(par un prĂȘtre de la communautĂ© « souterraine » de Chine)

Quel que soit le rĂ©cit officiel, il est un fait qui ne peut ĂȘtre effacĂ© : avant cette ordination, la prĂ©fecture apostolique de Xinxiang avait dĂ©jĂ  un Ă©vĂȘque lĂ©gitime nommĂ© par le Saint-SiĂšge en la personne de Mgr Zhang Weizhu.


AprĂšs des annĂ©es de surveillance, de restrictions et d’isolement, sans jamais se plaindre publiquement, il a finalement Ă©tĂ© incitĂ© Ă  prĂ©senter sa dĂ©mission. Et le jour oĂč un nouvel Ă©vĂȘque est ordonnĂ©, lui, le pasteur du diocĂšse, n’a mĂȘme pas pu franchir le seuil de l’église. Il a Ă©tĂ© exclu de maniĂšre totale, silencieuse, presque chirurgicale, telle une ombre que l’on voudrait effacer du temps.

 

Mais l’histoire et la mĂ©moire de l’Église ne l’oublieront pas. Il apparaĂźt vraiment comme « un agneau conduit Ă  l’abattoir », silencieux, doux, obĂ©issant sous la croix. S’il y a en cela une victoire du monde, la victoire du Royaume revient au tĂ©moignage de Mgr Zhang.

Ce n’est ni la premiùre ni la derniùre fois que l’Église, soumise à un systùme de contrîle strict, se trouve contrainte au silence, à l’humiliation, à la souffrance.

 

Pourtant, nous continuons Ă  croire que ce n’est pas le pouvoir qui soutient l’Église, mais bien la foi ; que ce n’est pas la volontĂ© humaine qui fait un Ă©vĂȘque, mais un don de l’Esprit ; que la vĂ©ritable histoire ne s’écrit pas dans les communiquĂ©s, mais dans le tĂ©moignage ; que les oubliĂ©s, les exclus, les silencieux sont souvent les signes les plus profonds de la prĂ©sence de Dieu dans l’histoire.

 

Aujourd’hui, un nouveau chapitre semble s’ouvrir Ă  Xinxiang, mais de nombreuses blessures restent ouvertes et bien des questions demeurent sans rĂ©ponse. Peut-ĂȘtre la seule voie est-elle celle-ci : aller vers la croix, vers la vĂ©ritĂ©, vers Celui qui voit ce que les hommes ignorent et qui ne raye jamais personne de son cƓur.

 

Ce que vit Xinxiang n’est pas seulement une question religieuse ou politique, mais une manifestation des tensions et des Ă©preuves de notre temps. Et pourtant, nous croyons que Dieu agit dans les silences de l’histoire, qu’il se manifeste dans les oubliĂ©s, qu’il plante des graines de rĂ©surrection prĂ©cisĂ©ment dans les endroits les plus obscurs.

 

Puisse le nouvel Ă©vĂȘque ĂȘtre le gardien de ces graines. Que la croix de Zhang se fasse lumiĂšre pour le diocĂšse. Que tous ceux qui ont Ă©tĂ© exclus, rĂ©duits au silence et oubliĂ©s sachent que, pour Dieu, personne n’est un « vide ».

 

Nous ne savons pas ce que l’avenir rĂ©serve mais nous savons une chose : Dieu n’abandonnera pas son Église.

— — —

Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l'hebdomadaire L'Espresso.
Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.
Ainsi que l'index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

Pierre de Porcaro, prĂȘtre martyrisĂ© Ă  Dachau

17/12/2025

Pierre de Porcaro, prĂȘtre martyrisĂ© Ă  Dachau

« Ein Laus, dein Tod. » Comme tous ses compagnons de misĂšre, le PĂšre de Porcaro avait certainement lu cet avertissement des autoritĂ©s SS, affichĂ© sur les murs du Konzentrationslager (KL) bavarois de Dachau. Quatre syllabes sĂšches comme les ordres aboyĂ©s Ă  chaque instant par les gardiens et kapos du camp : « Un pou, ta mort. » Cynique avertissement d’une administration concentrationnaire, dont l’objectif ultime Ă©tait de faire mourir tous les dĂ©tenus aprĂšs les avoir harassĂ©s par le travail. Mais comment le respecter lorsque la crasse des hardes, la promiscuitĂ© des chĂąlits, l’absence de sanitaires, font du camp un terrain de chasse rĂȘvĂ© pour les parasites ? Le rasage intĂ©gral des tĂȘtes, des aisselles et des pubis, infligĂ© aux dĂ©portĂ©s, qui subissent ensuite la brĂ»lure insupportable du CrĂ©syl rapidement badigeonnĂ©, ne ralentissent qu’à peine le pullulement des poux, dont les excrĂ©ments sont porteurs de la bactĂ©rie du typhus.

 

Dans la « baraque des prĂȘtres »

Alors que l’effondrement du TroisiĂšme Reich n’est plus qu’une question de semaines, de quelques mois au plus, l’abbĂ© de Porcaro – comme tant de ses compagnons – est piquĂ©. ÂgĂ© de 40 ans, il est arrivĂ© Ă  Dachau le 20 janvier 1945. Le matricule 138374 y a retrouvĂ© des confrĂšres dont certains sont lĂ  depuis 1938, dans les « Blocks » rĂ©servĂ©s par les SS aux ecclĂ©siastiques, les fameuses « baraques des prĂȘtres ». Les piqĂ»res suscitent d’épouvantables dĂ©mangeaisons et les anciens savent bien que les soulager est fatal : c’est par les plaies ainsi ouvertes que s’immisce la bactĂ©rie.

 

ArrivĂ© Ă  Dachau le 7 janvier 1945, l’abbĂ© Robert Beauvais connaĂźt le danger, lui qui croupissait auparavant Ă  Buchenwald pour faits de rĂ©sistance. Dans le froid mordant du camp, il ne cesse d’exhorter son camarade : « Pierre, ne te gratte pas ! » Mais Pierre s’est grattĂ©. Il contracte le mal qui se rĂ©pand dans son organisme affaibli. TerrassĂ© par la fiĂšvre, il reçoit les derniers sacrements, puis est conduit Ă  l’« infirmerie » du camp, en fait un mouroir, oĂč il s’éteint aprĂšs douze jours d’agonie. Le crĂ©matoire, qui tourne Ă  plein rĂ©gime, a tĂŽt fait de le faire disparaĂźtre. Seuls son ceinturon scout et son briquet, qu’il avait confiĂ©s au PĂšre Beauvais, reprendront le chemin de la France.

 

Pierre de Porcaro fait partie des 2720 prĂȘtres – dont une Ă©crasante majoritĂ© de Polonais (1780) – qui ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s dans ce camp qu’Himmler avait conçu, dĂšs 1933, comme le prototype du systĂšme concentrationnaire. Son parcours est singulier. Issu d’une famille de la vieille noblesse bretonne, il entre au grand sĂ©minaire de Versailles en 1923, aprĂšs ĂȘtre passĂ© par le petit. Il est ordonnĂ© prĂȘtre six ans plus tard, en 1929, par Mgr Roland-Gosselin, coadjuteur de Mgr Gibier, l’évĂȘque de la ville royale.

 

TrĂšs rapidement, il va mettre son caractĂšre dynamique au service des Ă©lĂšves du petit sĂ©minaire oĂč il est nommĂ© professeur. Il rejoindra ensuite la paroisse de Saint-Germain-en-Laye oĂč il est nommĂ© vicaire Ă  la fin de l’annĂ©e 1935. MarquĂ© par le scoutisme et les patronages, c’est un entraĂźneur d’hommes nĂ©, mĂȘme si son caractĂšre parfois instable, contre lequel il mĂšne un combat permanent, peut lui jouer des tours. « Il Ă©tait plutĂŽt pourvu – ou affligĂ©, c’est comme vous voulez – d’un fort tempĂ©rament, que l’on pourrait mĂȘme qualifier de volcanique ou de sanguin ; les choristes chantant sous sa direction et auteurs de fausses notes l’ont parfois appris Ă  leurs dĂ©pens ! », sourit l’abbĂ© Pierre Amar, qui signe le scĂ©nario d’une bande dessinĂ©e consacrĂ©e au personnage.

 

Prisonnier en 1940

Survient la guerre. Pierre de Porcaro, qui a fait son service militaire dans un rĂ©giment de chars de combat, est affectĂ© dans un bataillon du gĂ©nie, et rejoint la rĂ©gion des Vosges. C’est dans ce secteur que le surprend l’offensive allemande de 1940. Le 23 juin, alors qu’armĂ©s seulement de quelques fusils, ses camarades et lui avaient reçu pour ordre d’arrĂȘter une colonne de blindĂ©s, il est fait prisonnier sur les hauteurs de Cornimont, Ă  quelques encĂąblures du ballon d’Alsace. DĂ©tenu dans un « Stalag », il est libĂ©rĂ© en aoĂ»t 1941 et regagne sa paroisse.

 

L’abbĂ© de Porcaro reprend ses activitĂ©s. L’occupation revĂȘt une tonalitĂ© singuliĂšre Ă  Saint-Germain-en-Laye, oĂč le marĂ©chal Von Rundstedt a Ă©tabli le Grand Quartier gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e allemande. Le 16 avril 1943, il reçoit une lettre dĂ©cisive qui va sceller son destin : Mgr Roland-Gosselin lui demande de prendre le chemin de l’Allemagne pour y assurer une prĂ©sence sacerdotale clandestine auprĂšs des ouvriers du Service du travail obligatoire (STO). « ÉgoĂŻstement, je prĂ©fĂšrerais rester ici. Oui Ă©goĂŻstement. En vĂ©ritĂ©, c’est un nouvel appel Ă  la croix. Toute croix comporte ses grĂąces : s’il faut des grĂąces pour tenir, le Seigneur fera un miracle », Ă©crit-il le soir mĂȘme. Fiat. Le bouillant vicaire entre dans le mystĂšre de l’oblation : « Oui mon Dieu, j’accepte avec toute la gĂ©nĂ©rositĂ© possible, tout, y compris d’en mourir, de mourir sur une terre Ă©trangĂšre, loin de tout, loin de tous. Notre-Dame des Sept Douleurs, prĂ©sentez mon offrande. »

 

PrĂȘtre clandestin au STO

Son chemin l’emmĂšne Ă  Dresde dans une usine de carton ondulĂ©. En bleu de travail, « Pierre » connaĂźt les conditions de travail de tous les travailleurs, et profite de chaque instant pour assurer son ministĂšre. Les autoritĂ©s nazies ne tardent pas Ă  avoir vent de l’existence d’un membre clandestin du clergĂ© chez les ouvriers du STO, organisĂ© depuis la France par Mgr Rodhain, futur fondateur du Secours catholique. Un dĂ©cret de septembre 1943, signĂ© par Ernst Kaltenbrunner, le chef du Reichsicherheitshauptamt (RSHA), intensifie la chasse aux aumĂŽniers clandestins.

 

Le 11 septembre, probablement trahi par un mouchard, le PĂšre de Porcaro est arrĂȘtĂ© par les sĂ©ides de la Gestapo, sans pouvoir exĂ©cuter la parade qu’avec humour il avait conçue : « Je me dĂ©guiserai en lapin, et ils pourront courir aprĂšs moi ! » Il ne faudra pas plus de huit semaines Ă  Dachau pour avoir raison du corps vigoureux de l’abbĂ© de Porcaro. Le camp fut en revanche incapable de mettre Ă  bas cette grande Ăąme, qui avait confiĂ© Ă  l’un de ses camarades de Dresde : « Dieu, qui fait les croix, fait aussi les Ă©paules, et nul ne l’égale dans l’art des proportions. »

Guillaume Zeller

 

Pierre de Porcaro. PrĂȘtre clandestin volontaire,
Venzac (illustrations), Pierre Amar (auteur),
Ă©d. Plein Vent, fĂ©vrier 2025, 48 pages, 15,90 € 

O Sapientia

17/12/2025

O Sapientia

t toujours plus pressante, retentit la promesse : « Voyez, tout est accompli », et finalement : « Sachez aujourd'hui que le Seigneur vient, et demain vous le verrez dans sa gloire ». Lors de la veillĂ©e, quand scintille l'arbre de lumiĂšre et que s'Ă©changent les cadeaux, le dĂ©sir inassouvi d'une autre lumiĂšre monte en nous, jusqu'Ă  ce que sonnent les cloches de la messe de minuit et que se renouvelle, sur des autels parĂ©s de cierges et de fleurs, le miracle de NoĂ«l. Et le Verbe s'est chair. Nous voilĂ  parvenus Ă  l'instant bienheureux oĂč notre attente est comblĂ©e.  Â»

 

( Le mystÚre de Noël , conférence de sainte Edith Stein, Janvier 1931)

La reine Adélaïde renonce à la vengeance

16/12/2025

La reine Adélaïde renonce à la vengeance

Confiante en Dieu, elle s’échappe et est secourue par Othon Ier. Ce dernier l’épouse et elle devient Ă  ses cĂŽtĂ©s impĂ©ratrice du Saint Empire romain germanique en 962. À nouveau veuve, elle est momentanĂ©ment Ă©cartĂ©e de la cour par son fils Othon II, mais doit par la suite assurer la rĂ©gence en attendant la majoritĂ© de son petit-fils Othon III. Elle consacre les derniĂšres annĂ©es de sa vie au soutien des pauvres et Ă  la visite des nombreux monastĂšres qu’elle a fondĂ©s, dont celui de Seltz, en Alsace, oĂč elle meurt le 16 dĂ©cembre 999. De toute sa vie, elle ne s’est jamais vengĂ©e de tous ceux qui lui ont fait du mal et qui l’ont trahie. En elle resplendissent au contraire toutes les vertus chrĂ©tiennes, notamment dans son attention pour les pauvres, ainsi que toutes les qualitĂ©s d’un grand chef d’État. Sainte AdĂ©laĂŻde est l’une des personnalitĂ©s les plus influentes de l’Europe du Xe siĂšcle. Elle a durablement marquĂ© la chrĂ©tientĂ© mĂ©diĂ©vale.

 

Les raisons d'y croire


La vie d’AdĂ©laĂŻde ne nous est pas connue par des sources tardives et folkloriques, mais par de nombreux documents qui lui sont contemporains : chroniques, chartes, donations, traditions mĂ©morielles, etc. Ses nombreux actes de charitĂ© envers les plus pauvres nous sont notamment rapportĂ©s par les actes impĂ©riaux officiels. Le rĂ©cit de sa vie, son rĂŽle politique et spirituel, son impact historique et son influence posthume reposent sur un ensemble de tĂ©moignages variĂ©s, issus d’auteurs, de clercs, d’institutions, d’actes juridiques et de pratiques cultuelles.

 

MalgrĂ© son jeune Ăąge et sa haute naissance, qui l’a peu habituĂ©e aux tracas, AdĂ©laĂŻde fait face aux Ă©preuves avec une force morale hors du commun. À dix-neuf ans, alors qu’elle vient de donner le jour Ă  une fille, son mari meurt brutalement, probablement empoisonnĂ© par un de ses rivaux. AdĂ©laĂŻde se retrouve alors sans appui, sans conseil, sans secours : elle est menacĂ©e par un ennemi de son mari, qui l’emprisonne Ă  Garda, dĂ©pouillĂ©e de sa dignitĂ©, humiliĂ©e, soumise Ă  des tentatives de coercition politique et de mariage forcĂ©. Seule une relation authentique Ă  Dieu peut procurer, dans de telles circonstances, la paix et la constance dont AdĂ©laĂŻde fait preuve. Elle demeure confiante en la providence, et remet tout – sa personne et ses biens –, entre les mains de Dieu.

 

Les textes insistent sur le fait qu’elle « priait, jeĂ»nait et s’abandonnait Ă  Dieu » plutĂŽt que de cĂ©der Ă  la violence ou au dĂ©sespoir. Sa captivitĂ©, au lieu de l’enfermer dans l’esprit de vengeance et le dĂ©couragement, l’élĂšve au contraire vers Dieu. L’endurance qu’elle manifeste est le signe d’une force qui n’est pas seulement naturelle : AdĂ©laĂŻde puise son courage en Dieu. « Elle supporta toutes choses avec patience, mettant son espĂ©rance dans le Seigneur. »

 

Secourue puis Ă©pousĂ©e par Othon Ier, elle passe de la captivitĂ© Ă  la vie d’impĂ©ratrice, dont les richesses et les honneurs n’entament en rien ses vertus. Il n’est pas courant, pour une personne disposant d’une telle position de gloire et de pouvoir, d’ainsi renoncer Ă  la vengeance contre ceux qui ont voulu la dĂ©truire. Elle pardonne Ă  ceux qui ont emprisonnĂ© et persĂ©cutĂ© sa famille, y compris le meurtrier de son mari. Cette attitude remarquable est un indice de la vĂ©ritĂ© existentielle de l’Évangile, qui permet de faire ce que la nature humaine seule peinerait Ă  rĂ©aliser.

 

AdelaĂŻde consacre plutĂŽt ses richesses Ă  des Ɠuvres de charitĂ©. Elle fonde aussi et soutient plusieurs monastĂšres rĂ©formateurs (Cluny, Payerne, Selz), promeut la paix impĂ©riale, encourage la liturgie, la culture et la mission vers les Slaves, libĂšre des captifs et soutient les Ă©vĂȘques missionnaires, tout cela par amour de Dieu et pour l’annonce de l’Évangile. AdĂ©laĂŻde laisse ainsi des Ɠuvres et une paix qui lui survivent. Le bien qu’elle suscite est rĂ©el, durable et profond ; cela suggĂšre que la source de tout cela, ce en quoi elle croit, est conforme Ă  la vĂ©ritĂ©.

 

AprĂšs une vie d’impĂ©ratrice, de rĂ©gente et de mĂšre exemplaire, elle passe la derniĂšre partie de son existence dans la priĂšre et la pauvretĂ© volontaire. La Vita rapporte : « Elle se tenait comme une servante parmi les servantes, et pleurait les pĂ©chĂ©s du monde. » Sa fidĂ©litĂ© constante au Christ Ă  travers les peines aussi bien que dans la puissance la mĂšne tout naturellement Ă  une fin humble et cachĂ©e, toute dĂ©vouĂ©e Ă  la contemplation. AdĂ©laĂŻde se retire au monastĂšre de Seltz, vit dans l’ascĂšse, se confesse publiquement et meurt en paix, entourĂ©e des offices liturgiques. Rien ne l’obligeait Ă  ce dĂ©pouillement : c’est la cohĂ©rence profonde de sa foi qui l’y conduit. La cohĂ©rence intĂ©grale de cette vie, du trĂŽne au cloĂźtre et jusque dans la mort, rend le message chrĂ©tien crĂ©dible, car il se vĂ©rifie dans l’existence de celle qui l’a vĂ©cu.


En savoir plus
Fille du roi Rodolphe II de Bourgogne et de Berthe de Souabe, AdĂ©laĂŻde reçoit dĂšs l’enfance une Ă©ducation solide, nourrie Ă  la fois de culture princiĂšre et de foi chrĂ©tienne. À seize ans, elle est donnĂ©e en mariage au roi Lothaire d’Italie pour renforcer une alliance stratĂ©gique. Mais cette union ne dure pas : en 950, Lothaire meurt dans des circonstances suspectes, laissant AdĂ©laĂŻde veuve, mĂšre d’une petite fille, et exposĂ©e aux ambitions rivales.

 

BĂ©renger d’IvrĂ©e, qui souhaite asseoir son autoritĂ© sur l’Italie, tente alors de la contraindre Ă  Ă©pouser son fils. Devant son refus rĂ©solu, il la fait enfermer Ă  Garda. IsolĂ©e, maltraitĂ©e, privĂ©e de libertĂ©, AdĂ©laĂŻde trouve dans la priĂšre la force de tenir et d’espĂ©rer. Sa captivitĂ©, relatĂ©e par les chroniqueurs, devient l’un des Ă©pisodes fondateurs de sa vie et de sa rĂ©putation. Elle parvient finalement Ă  s’évader grĂące au courage de quelques fidĂšles, au terme d’une fuite qui marquera durablement sa mĂ©moire.

 

Elle trouve refuge auprĂšs d’Othon Ier, roi de Germanie. Celui-ci la libĂšre des menaces qui pĂšsent sur elle et l’épouse en 951. Ensemble, ils forment un couple politique exceptionnel : Othon et AdĂ©laĂŻde rĂ©organisent l’Italie, consolident le pouvoir impĂ©rial et soutiennent les rĂ©formes ecclĂ©siastiques qui prĂ©parent le renouveau de l’Église. Lors du couronnement impĂ©rial de 962, AdĂ©laĂŻde devient la premiĂšre impĂ©ratrice du Saint Empire romain germanique. Elle exerce alors une influence rĂ©elle : conseillĂšre Ă©coutĂ©e, arbitre dans les crises, protectrice des pauvres, bienfaitrice des monastĂšres.

 

À la mort d’Othon Ier, en 973, elle assure la rĂ©gence pendant la jeunesse de son fils Othon II, puis de son petit-fils Othon III. Cette mission la place au cƓur d’une pĂ©riode troublĂ©e, marquĂ©e par les conflits avec sa belle-fille ThĂ©ophano et les tensions familiales. MalgrĂ© ces Ă©preuves, AdĂ©laĂŻde demeure une figure de stabilitĂ©. Elle continue de soutenir Cluny, favorise les rĂ©formes morales et religieuses, encourage l’évangĂ©lisation des peuples slaves et s’entoure de guides spirituels d’envergure, notamment saint Adalbert de Prague et saint Odilon de Cluny, qui contribuera Ă  transmettre son souvenir.

 

Parvenue Ă  un Ăąge avancĂ©, AdĂ©laĂŻde se retire au monastĂšre de Seltz, en Alsace, qu’elle avait fondĂ©. LĂ , loin des responsabilitĂ©s politiques, elle choisit une vie de priĂšre, d’humilitĂ© et de charitĂ©. Ses derniĂšres annĂ©es tĂ©moignent d’une impĂ©ratrice devenue servante : elle se consacre aux pauvres, Ă  la communautĂ©, Ă  la paix intĂ©rieure. Elle meurt le 16 dĂ©cembre 999, entourĂ©e des moniales, aprĂšs une longue prĂ©paration spirituelle. Sa saintetĂ© est rapidement reconnue et son culte se rĂ©pand, surtout en Alsace et en Allemagne.

 

Sophie Stevenson, normalienne diplÎmée en histoire.

 

 

Au delĂ 
De la fin du Xe jusqu’au dĂ©but du XIIe siĂšcle, l’abbaye de Cluny s’impose comme un centre majeur de la vie religieuse en Europe, portĂ©e par une observance bĂ©nĂ©dictine rigoureuse et par le rayonnement de ses quatre premiers abbĂ©s, Odon, Mayeul, Odilon et Hugues, tous canonisĂ©s par l’Église. Leur action donne Ă  Cluny une stature qui dĂ©passe largement l’échelle locale, car l’abbaye organise un vaste rĂ©seau de prieurĂ©s qui lui sont directement reliĂ©s, ce qui assure une unitĂ© spirituelle et facilite la logistique. Cluny devient ainsi un pĂŽle oĂč se structurent des initiatives liturgiques, caritatives et intellectuelles qui influencent durablement la chrĂ©tientĂ© latine. Les souverains, souvent confrontĂ©s Ă  des tensions politiques ou morales, recherchent l’avis de l’abbĂ© de Cluny, non pour recevoir une direction extĂ©rieure Ă  leur pouvoir, mais parce que l’abbaye reprĂ©sente un lieu oĂč la stabilitĂ©, la priĂšre continue et l’expĂ©rience du gouvernement monastique offrent un appui solide dans un monde marquĂ© par les rivalitĂ©s. L’importance de Cluny tient aussi Ă  sa capacitĂ© Ă  inspirer d’autres communautĂ©s, Ă  encourager une vie rĂ©guliĂšre plus ordonnĂ©e et Ă  servir de relais pour la diffusion des manuscrits et des idĂ©es. En donnant un cadre clair et fidĂšle Ă  la tradition bĂ©nĂ©dictine, Cluny façonne ainsi une partie de l’identitĂ© religieuse et culturelle de l’Occident mĂ©diĂ©val.

 

Aller plus loin

Vita Adelheidis (Vita Adelheidis abbatissae Vilicensis), hagiographie rĂ©digĂ©e par Bertha de Vilich (XIe siĂšcle). Édition critique MGH (Monumenta Germaniae Historica).

En complément

Monique Goullet et Dominique Iogna‑Prat, (dir. Patrick Corbet), AdĂ©laĂŻde de Bourgogne : genĂšse et reprĂ©sentations d’une saintetĂ© impĂ©riale, Éditions universitaires de Dijon / CTHS, 2002.

Chanoine L. Chaumont, Histoire de Cluny : depuis les origines jusqu’à la ruine de l’abbaye, 2e Ă©dition, Gallica / BnF, 2007. Une histoire classique de Cluny, utile pour saisir l’évolution de l’abbaye et son influence.

 

 

Source : 1000 raisons de croire

Mgr Aillet : le combat des agriculteurs est légitime

16/12/2025

Mgr Aillet : le combat des agriculteurs est légitime

La mobilisation des Ă©leveurs qui s’insurgent contre l’abatage systĂ©matique des troupeaux en cas de dermatose nodulaire contagieuse, fait depuis plusieurs jours la une de l’actualitĂ© et attire de nouveau l’attention des mĂ©dias sur la situation souvent dramatique des agriculteurs dans notre pays.

 

Cette colĂšre des agriculteurs est on ne peut plus comprĂ©hensible, dans la mesure oĂč l’abatage de tout un troupeau rĂ©duit pour ainsi dire Ă  nĂ©ant le travail de toute une vie



C’est la raison pour laquelle plusieurs syndicats agricoles s’opposent Ă  la politique d’abattage total, qu’à tort ou Ă  raison ils jugent injuste et inefficace, prĂ©conisent l’abattage ciblĂ© des animaux effectivement infectĂ©s, et proposent une stratĂ©gie prĂ©ventive fondĂ©e sur la vaccination du cheptel dans les zones Ă  risque et si nĂ©cessaire, sur l’ensemble du territoire national.

 

Les inquiĂ©tudes du monde agricole sont d’autant plus vives que l’accord de libre-Ă©change entre l’Union europĂ©enne et le Mercosur, qui pourrait ĂȘtre adoptĂ© par le Conseil de l’Europe Ă  Bruxelles les 18 et 19 dĂ©cembre, prĂ©voit de facto l’importation de dizaines de milliers de tonnes supplĂ©mentaires de viande bovine et de volaille en provenance de plusieurs pays d’AmĂ©rique du Sud, qui ne sont nullement tenus de respecter les normes environnementales et sanitaires auxquelles nos agriculteurs et nos Ă©leveurs sont soumis.

 

Dans ces conditions, le combat lĂ©gitimement menĂ© par les agriculteurs et les Ă©leveurs qui luttent pour leur dignitĂ© et leur survie, et par consĂ©quent, pour la pĂ©rennitĂ© de l’agriculture française, ne peut laisser quiconque indiffĂ©rent.

 

A-t-on suffisamment conscience qu’en France, prĂšs de 20% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvretĂ© et que les statistiques officielles font Ă©tat de plus d’un suicide d’agriculteur tous les deux jours ?

 

Les agriculteurs sont aujourd’hui deux fois moins nombreux qu’il y a 15 ou 20 ans, et si l’on en croit M. François Guillaume (ancien prĂ©sident de la FNSEA et ancien Ministre de l’agriculture), la France « perd chaque annĂ©e des dizaines de milliers d’hectares de terres cultivables, plusieurs centaines de milliers de tĂȘtes de bĂ©tail et, bientĂŽt, la capacitĂ© de nourrir les Français ».

 

Mais peut-on vraiment imaginer une France sans paysans ? Ce serait bien évidemment une tragédie pour le monde rural dans son ensemble et pour nos territoires, mais aussi, la fin de la « souveraineté alimentaire » du pays.

 

Aux agriculteurs des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques ou d’ailleurs qui souffrent et qui luttent pour un modĂšle agricole plus juste et plus conforme aux exigences du Bien commun, j’exprime mon profond respect, ma proximitĂ© et mon soutien fraternel, tout en les assurant de ma priĂšre pour eux-mĂȘmes et leurs familles.

 

+Marc Aillet
Ă©vĂȘque de Bayonne, Lescar et Oloron

Fait à Bayonne, le 15 décembre 2025

Rod Dreher : Trump, l'allié inattendu pour le salut civilisationnel de l'Europe

15/12/2025

Rod Dreher : Trump, l'allié inattendu pour le salut civilisationnel de l'Europe

Distinguer l'Europe de sa bureaucratie
Rod Dreher commence par dissiper un malentendu fondamental : la critique américaine vise les institutions supranationales, non les nations. S'appuyant sur ses échanges avec Michael Anton, ancien conseiller de Trump et rédacteur de la stratégie incriminée, Dreher souligne une distinction cruciale. L'administration Trump ne rejette pas les peuples européens, leurs cultures ou leur histoire ; elle rejette la bureaucratie de l'Union européenne qui, selon elle, étouffe les spécificités nationales.

« Je ne suis pas un fan de l’Union europĂ©enne en tant que bureaucratie, mais j’aime les pays europĂ©ens, leurs peuples et leurs cultures. » — Michael Anton citĂ© par R. Dreher.

Pour Dreher, francophile revendiqué, aimer l'Europe, c'est aimer ce qui la rend spécifique : le génie français, les cathédrales, l'art de vivre. Or, c'est précisément cet héritage que les élites actuelles trahissent.

 

L'immigration et la « déculturation »
L'auteur aborde sans dĂ©tour la question migratoire, qu'il lie directement Ă  la prĂ©servation du patrimoine culturel. Il cite l'exemple de Vienne, oĂč 41 % des Ă©lĂšves sont dĂ©sormais musulmans, pour illustrer ce qu'il perçoit comme une substitution culturelle progressive.

Son argumentaire se veut toutefois nuancĂ© : reconnaĂźtre le danger de l'immigration de masse pour l'identitĂ© europĂ©enne n'est pas de la haine, mais du bon sens. De la mĂȘme maniĂšre que l'Égypte s'inquiĂ©terait d'une colonisation culturelle europĂ©enne, l'Europe a le droit — et le devoir — de prĂ©server sa singularitĂ©.

 

La trahison des clercs et l'anti-culture
Le point le plus philosophique de l'article réside dans la critique des élites occidentales (politiques, médiatiques, artistiques). Dreher convoque le sociologue Philip Rieff pour dénoncer une « anti-culture » : un mouvement qui cherche à détruire l'ordre sacré et les racines chrétiennes de l'Occident au nom du désir individuel.

Il prend pour exemple une exposition d'art contemporain Ă  Vienne tournant le christianisme en dĂ©rision (une grenouille crucifiĂ©e), cautionnĂ©e par l'Église elle-mĂȘme en la personne de l'archevĂȘque d'InnsbrĂŒck. Pour Dreher, ces « Ɠuvres de mort » (deathworks) prouvent que l'Occident tente de survivre en niant ses propres sources de vie.

 

Un électrochoc nécessaire
Rod Dreher conclut son plaidoyer en présentant le message de Donald Trump comme une forme d'« amour vache ». En heurtant la sensibilité des élites technocratiques, l'Amérique tenterait en réalité de réveiller les peuples européens.

Le message est clair : pour que l'AmĂ©rique soit grande, elle a besoin d'une Europe qui l'est tout autant. Et cette grandeur ne passera pas par le projet mondialiste de Bruxelles, mais par un sursaut mĂ©moriel et spirituel. Loin d'ĂȘtre un ennemi, le Trumpisme est ici dĂ©peint comme le miroir tendu Ă  une Europe qui a oubliĂ© qui elle Ă©tait, l'invitant Ă  puiser dans son passĂ© chrĂ©tien et national pour assurer son futur.

 

 

Rod Dreher est Ă©crivain amĂ©ricain, professeur associĂ© au Danube Institute Ă  Budapest. Son dernier essai : Comment retrouver le goĂ»t de Dieu dans un monde qui l’a chassĂ© (Éditions ArtĂšge, 2025)

Le premier sermon du pape LĂ©on pour la fĂȘte de N-D de Guadalupe nous livre le fond de son cƓur

14/12/2025

Le premier sermon du pape LĂ©on pour la fĂȘte de N-D de Guadalupe nous livre le fond de son cƓur

Vatican (kath.net/pl) « MĂšre du vrai Dieu, par qui nous vivons, venez en aide au Successeur de Pierre, afin qu’il fortifie tous ceux qui lui sont confiĂ©s sur l’unique chemin qui conduit au fruit bĂ©ni de vos entrailles. » Tels furent les mots du pape LĂ©on XVI dans sa premiĂšre homĂ©lie pour la solennitĂ© de Notre-Dame de Guadalupe, cĂ©lĂ©brĂ©e en la basilique Saint-Pierre. « Aidez-nous Ă  comprendre que nous sommes destinataires, mais non maĂźtres, de ce message, mais, Ă  l’exemple de saint Juan Diego, ses simples serviteurs. » Le pape, originaire des États-Unis et ayant exercĂ© son ministĂšre pendant de nombreuses annĂ©es en AmĂ©rique latine comme supĂ©rieur d’un ordre religieux et comme Ă©vĂȘque, connaĂźt profondĂ©ment la piĂ©tĂ© qui entoure les apparitions mariales de Guadalupe. 

 

NOTRE-DAME DE GUADALUPE

HOMÉLIE DU SAINT PÈRE LÉON XIV

Basilique Saint-Pierre, vendredi 12 décembre 2025

 

Chers frùres et sƓurs :

Dans le passage du Siracide, nous trouve une description poĂ©tique de la Sagesse, image qui trouve sa pleine expression dans le Christ, « la sagesse de Dieu » ( 1 Co  1, 24), qui, lorsque les temps furent accomplis, s’est fait chair, nĂ© d’une femme (cf.  Ga  4, 4). La tradition chrĂ©tienne a Ă©galement interprĂ©tĂ© ce passage Ă  la lumiĂšre de la figure mariale, car il Ă©voque la femme prĂ©parĂ©e par Dieu pour recevoir le Christ. En effet, qui d’autre que Marie peut dire : « En moi est toute la grĂące du chemin et de la vĂ©ritĂ©, toute espĂ©rance de la vie et de la vertu » ( Sir  24, 25) ? C’est pourquoi la tradition chrĂ©tienne n’hĂ©site pas Ă  la reconnaĂźtre comme « la mĂšre de l’amour » ( ibid.,  v. 24).

 

Dans l’Évangile, nous entendons comment Marie vit la transformation que procure la Parole de Dieu dans sa vie. Telle une flamme ardente et inextinguible, la Parole nous pousse Ă  partager la joie du don reçu (cf.  Jr  20, 9 ;  Lc  24, 32). RĂ©jouie par l’annonce de l’ange, elle comprend que la joie de Dieu s’accomplit dans la charitĂ© et se hĂąte donc chez Élisabeth.

 

En vĂ©ritĂ©, les paroles de la Pleine de GrĂące sont « plus douces que le miel » ( Siracide  24, 27). Son seul salut suffit Ă  faire tressaillir de joie l’enfant dans le sein d’Élisabeth, et celle-ci, remplie de l’Esprit Saint, se demande : « Qui suis-je pour que la mĂšre de mon Seigneur vienne Ă  moi ? » ( Luc  1, 43). Cette joie culmine dans le  Magnificat , oĂč Marie reconnaĂźt que son bonheur vient du Dieu fidĂšle, qui a tournĂ© son regard vers son peuple et l’a bĂ©ni (cf.  Psaume  66, 2) d’un hĂ©ritage plus doux que le miel en rayon (cf.  Siracide  24, 20) : la prĂ©sence mĂȘme de son Fils.

 

Tout au long de sa vie, Marie apporte cette joie lĂ  oĂč la joie humaine est insuffisante, lĂ  oĂč le vin a manquĂ© (cf.  Jn  2, 3). C’est ce qui se produit en Guadalupe. À Tepeyac, elle Ă©veille chez les habitants des AmĂ©riques la joie de se savoir aimĂ©s de Dieu. Lors des apparitions de 1531, s’adressant Ă  saint Juan Diego dans sa langue maternelle,  elle dĂ©clare « dĂ©sirer ardemment » qu’une « petite maison sacrĂ©e » y soit construite, d’oĂč elle exaltera Dieu et le fera se manifester (cf.  Nican Mopohua , 26-27). Au milieu des conflits, des injustices et des souffrances incessantes qui cherchent un soulagement, Notre-Dame de Guadalupe proclame le cƓur de son message : « Ne suis-je pas ici, moi qui suis votre mĂšre ? » ( ibid. , 119). Elle est la voix qui fait rĂ©sonner la promesse de la fidĂ©litĂ© divine, la prĂ©sence qui soutient quand la vie devient insupportable.

 

La maternitĂ© qu’elle proclame nous fait nous redĂ©couvrir comme des enfants. Quiconque entend « Je suis votre mĂšre » se souvient que, depuis la croix, le « Voici votre mĂšre » correspond Ă  « Voici votre fils » (cf.  Jn  19, 26-27). Et comme des enfants, nous nous tournerons vers elle pour lui demander : « MĂšre, que devons-nous faire pour ĂȘtre les enfants que ton cƓur dĂ©sire ? » Elle, fidĂšle Ă  sa mission, nous rĂ©pondra tendrement : « Faites tout ce qu’il vous dira » ( Jn  2, 5). Oui, MĂšre, nous voulons ĂȘtre tes vrais enfants : dis-nous comment grandir dans la foi quand nos forces nous abandonnent et que les ombres s’étendent. Aide-nous Ă  comprendre qu’avec toi, mĂȘme l’hiver se pare de roses.

 

Et en tant que ton enfant, je te le demande : MĂšre, enseigne aux nations qui aspirent Ă  ĂȘtre tes enfants Ă  ne pas diviser le monde en factions irrĂ©conciliables, Ă  ne pas laisser la haine marquer leur histoire, ni les mensonges Ă©crire leur mĂ©moire. Montre-leur que l'autoritĂ© doit s'exercer au service des autres, et non par domination. Instruis leurs dirigeants sur leur devoir de prĂ©server la dignitĂ© de chaque personne Ă  chaque Ă©tape de la vie. Fais de ces nations, tes enfants, des lieux oĂč chacun se sente le bienvenu.

 

MĂšre, accompagne les jeunes afin qu'ils reçoivent du Christ la force de choisir le bien et le courage de demeurer fermes dans la foi, mĂȘme lorsque le monde tente de les dĂ©tourner de leur chemin. Montre-leur que ton Fils marche Ă  leurs cĂŽtĂ©s. Que rien ne trouble leur cƓur afin qu'ils accueillent sans crainte les projets de Dieu. PrĂ©serve-les des menaces du crime, de la dĂ©pendance et des dangers d'une vie vaine.

 

MĂšre, allez Ă  la rencontre de ceux qui se sont Ă©garĂ©s loin de la sainte Église : que votre regard les atteigne lĂ  oĂč le nĂŽtre ne peut les atteindre, abattez les murs qui nous sĂ©parent et ramenez-les Ă  la maison par la puissance de votre amour. MĂšre, je vous supplie d’incliner le cƓur de ceux qui sĂšment la discorde vers le dĂ©sir de votre Fils que « tous soient un » ( Jn  17, 21) et ramenez-les Ă  la charitĂ© qui rend la communion possible, car au sein de l’Église, MĂšre, vos enfants ne peuvent ĂȘtre divisĂ©s.

 

Fortifie les familles : que les parents, Ă  ton exemple, Ă©lĂšvent leurs enfants avec tendresse et fermetĂ©, afin que chaque foyer soit une Ă©cole de foi. Inspire, MĂšre, ceux qui forment les esprits et les cƓurs, afin qu’ils transmettent la vĂ©ritĂ© avec la douceur, la prĂ©cision et la clartĂ© qui jaillissent de l’Évangile. Encourage ceux que ton Fils a appelĂ©s Ă  le suivre de plus prĂšs : soutiens le clergĂ© et les personnes consacrĂ©es dans leur fidĂ©litĂ© quotidienne et ravive leur premier amour. Garde leur vie intĂ©rieure par la priĂšre, protĂšge-les dans la tentation, encourage-les dans la fatigue et secourt les affligĂ©s.

 

Sainte Vierge, puisse-t-on, comme vous, garder l’Évangile dans nos cƓurs (cf.  Lc  2, 51). Aide-nous Ă  comprendre que, bien que nous en soyons les destinataires, ce message ne nous appartient pas, mais que, comme saint Juan Diego, nous en sommes les simples serviteurs. Puissions-nous vivre convaincus que partout oĂč la Bonne Nouvelle se rĂ©pand, tout devient beau, tout est restaurĂ©, tout est renouvelĂ©. « Ceux qui te suivent ne pĂ©cheront pas » (cf.  Sr  24, 22) ; assistez-nous afin que notre pĂ©chĂ© et notre misĂšre ne ternissent pas la saintetĂ© de l’Église qui, comme vous, est une mĂšre.

 

MĂšre du vrai Dieu par qui nous vivons, venez en aide au Successeur de Pierre, afin qu’il confirme tous ceux qui lui sont confiĂ©s sur l’unique chemin qui conduit au fruit bĂ©ni de vos entrailles. Rappelez-le Ă  votre Fils, Ă  qui le Christ a confiĂ©  les clĂ©s du Royaume des Cieux  pour le bien de tous, afin que ces clĂ©s servent Ă  lier et Ă  dĂ©lier,  et Ă  racheter toute misĂšre humaine ( Saint Jean-Paul II ,  HomĂ©lie Ă  Syracuse , 6 novembre 1994). Et faites que, confiants en votre protection, nous avancions toujours plus unis Ă  JĂ©sus et les uns aux autres vers la demeure Ă©ternelle qu’il nous a prĂ©parĂ©e et oĂč vous nous attendez. Amen.

 

 

À NicĂ©e, LĂ©on XIV appelle Ă  l’unitĂ© autour de la foi chrĂ©tienne

13/12/2025

À NicĂ©e, LĂ©on XIV appelle Ă  l’unitĂ© autour de la foi chrĂ©tienne

Lors de sa visite Ă  la MosquĂ©e Bleue d’Istanbul, LĂ©on XIV s’est arrĂȘtĂ© pour admirer en silence les dĂ©corations typiques de la coupole de la mosquĂ©e, mais lorsque le muezzin, Asgin Tunca, l’a invitĂ© Ă  prier, il a gentiment dĂ©clinĂ© l’invitation. La presse internationale a soulignĂ© l’épisode non tant pour le geste en lui-mĂȘme, mais parce qu’il a semblĂ© marquer une rupture par rapport Ă  l’attitude de BenoĂźt XVI et, surtout, du pape François, mettant Ă  mal l’image diffusĂ©e par les mĂ©dias progressistes, mais aussi par certains blogs conservateurs et traditionalistes, selon laquelle le pontificat du pape LĂ©on serait une réédition du prĂ©cĂ©dent, fĂ»t-ce dans une version plus « douce ». 

 

BenoĂźt XVI avait visitĂ© la mosquĂ©e d’Istanbul le 30 novembre 2006 et, aprĂšs avoir fermĂ© les yeux, s’était arrĂȘtĂ© pour prier. Pourtant, moins de deux mois auparavant, le 12 septembre, le pape BenoĂźt avait prononcĂ© Ă  l’universitĂ© de Ratisbonne un cĂ©lĂšbre discours dans lequel, citant les paroles de l’empereur byzantin Manuel II, il avait affirmĂ© que Mahomet avait introduit « des choses mauvaises et inhumaines » et qu’il n’est pas admissible d’imposer violemment une croyance religieuse. Une tempĂȘte de polĂ©miques avait suivi ces paroles, transformant BenoĂźt XVI en « ennemi » de l’Islam. 

 

Le pape François pria dans la MosquĂ©e Bleue le 29 novembre 2014, aux cĂŽtĂ©s du Grand Mufti, sans que ce geste ne suscitĂąt de scandale particulier ; mais si le jugement de BenoĂźt XVI sur l’islam avait Ă©tĂ© exprimĂ© dans le discours de Ratisbonne, la clĂ© de lecture du rapport entre François et la religion musulmane fut la dĂ©claration ƓcumĂ©nique controversĂ©e d’Abou Dhabi, signĂ©e par le Pape avec le Grand Imam de la mosquĂ©e Al-Azhar le 4 fĂ©vrier 2019. 

 

Le cƓur du voyage en Turquie de LĂ©on XIV n’a toutefois pas Ă©tĂ© l’arrĂȘt Ă  Istanbul, mais la cĂ©lĂ©bration du 1700ᔉ anniversaire du Concile de NicĂ©e, aujourd’hui Iznik, oĂč le Pontife a rencontrĂ© les chefs des Églises orthodoxes, avec trois grands absents : le patriarche de Moscou Kirill et ceux d’Antioche et de JĂ©rusalem, tous deux liĂ©s Ă  la Russie de Poutine. En Turquie, LĂ©on XIV a rĂ©affirmĂ© une vĂ©ritĂ© commune Ă  tous les chrĂ©tiens : JĂ©sus-Christ, seconde Personne de la TrĂšs Sainte TrinitĂ©, est le Fils de Dieu, vrai Dieu lui-mĂȘme. Le 28 novembre, le pape dĂ©clara :

 

« NicĂ©e affirme la divinitĂ© de JĂ©sus et son Ă©galitĂ© avec le PĂšre. En JĂ©sus, nous trouvons le vrai visage de Dieu et sa parole dĂ©finitive sur l’humanitĂ© et sur l’histoire. Cette vĂ©ritĂ© met constamment en crise nos reprĂ©sentations de Dieu lorsqu’elles ne correspondent pas Ă  ce que JĂ©sus nous a rĂ©vĂ©lĂ©, et elle nous invite Ă  un discernement critique continu sur les formes de notre foi, de notre priĂšre, de la vie pastorale et, en gĂ©nĂ©ral, de notre spiritualitĂ©. (
) Le Symbole de la foi, professĂ© de maniĂšre unanime et commune, devient ainsi critĂšre de discernement, boussole d’orientation, pivot autour duquel doivent tourner notre croire et notre agir. » 

 

Qu’il ait proclamĂ© cette vĂ©ritĂ© en terre d’Islam n’est pas sans signification. La religion catholique fondĂ©e par JĂ©sus-Christ a son cƓur dans deux mystĂšres : la TrĂšs Sainte TrinitĂ© et l’Incarnation. La divinitĂ© du Christ est niĂ©e par la religion musulmane, qui le considĂšre comme un simple prophĂšte, prĂ©curseur de Mahomet. Dans sa lettre de 1461 au sultan Mehmed le ConquĂ©rant, pour le convertir Ă  la foi catholique, le pape Pie II l’affirmait avec force :

 

« Il existe de nombreuses diffĂ©rences entre la conception de Dieu des ChrĂ©tiens et celle des Sarrasins ou des Turcs. Vous considĂ©rez Dieu comme corporel, nous le disons incorporel. Vous attribuez au hasard les Ă©vĂ©nements terrestres et pensez que Dieu ne s’en soucie pas ; nous n’avons aucun doute : celui qui a créé le Tout le gouverne. Vous niez la paternitĂ© divine, nous reconnaissons le PĂšre et le Fils. Vous niez la divinitĂ© de l’Esprit, nous l’affirmons et la vĂ©nĂ©rons. » 

 

Les consĂ©quences de ces diffĂ©rences thĂ©ologiques sont immenses. Ignorer JĂ©sus-Christ, seconde Personne de la TrĂšs Sainte TrinitĂ© et Verbe IncarnĂ©, signifie ignorer l’unique Sauveur et RĂ©dempteur du genre humain. Dans la Lettre apostolique In unitate fidei du 23 novembre, le Pape avait dĂ©clarĂ© :

 

« Le Credo de NicĂ©e ne formule pas une thĂ©orie philosophique. Il professe la foi dans le Dieu qui nous a rachetĂ©s Ă  travers JĂ©sus-Christ. Il s’agit du Dieu vivant : il veut que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance (cf. Jn 10, 10). C’est pourquoi le Credo poursuit avec les mots de la profession baptismale : le Fils de Dieu qui “pour nous les hommes et pour notre salut descendit et s’est incarnĂ© et s’est fait homme, mourut, et le troisiĂšme jour ressuscita, monta au ciel et viendra pour juger les vivants et les morts”. Cela montre clairement que les affirmations de foi christologiques du Concile s’inscrivent dans l’histoire du salut entre Dieu et ses crĂ©atures. » 

 

Léon XIV a donc dénoncé le « néo-arianisme » moderne, diffusé également au sein du monde catholique.

 

« Mais il y a aussi un autre dĂ©fi, que je dĂ©finirais comme un “arianisme de retour”, prĂ©sent dans la culture actuelle et parfois chez les croyants eux-mĂȘmes : lorsque l’on regarde JĂ©sus avec admiration humaine, peut-ĂȘtre mĂȘme avec un esprit religieux, mais sans le considĂ©rer rĂ©ellement comme le Dieu vivant et vrai prĂ©sent au milieu de nous. Sa divinitĂ©, son ĂȘtre Seigneur de l’histoire, se trouve en quelque sorte obscurci, et l’on se limite Ă  le considĂ©rer comme un grand personnage historique, un maĂźtre sage, un prophĂšte qui a luttĂ© pour la justice, mais rien de plus. NicĂ©e nous le rappelle : le Christ JĂ©sus n’est pas un personnage du passĂ©, il est le Fils de Dieu prĂ©sent parmi nous, qui guide l’histoire vers l’avenir que Dieu nous a promis. » 

 

Certains ont critiquĂ© LĂ©on XIV pour avoir omis le « Filioque » en rĂ©citant le Credo avec les patriarches orthodoxes lors de la cĂ©lĂ©bration interreligieuse du 1700ᔉ anniversaire du Concile de NicĂ©e. Le « Filioque », c’est-Ă -dire la confession selon laquelle l’Esprit « procĂšde du PĂšre et du Fils », est un dogme catholique dĂ©fini par le Concile de Florence en 1439. L’affirmation du Filioque manquait toutefois au Symbole de NicĂ©e, confessĂ© Ă  Constantinople en 381. L’usage de cette formule dans le Credo est entrĂ© progressivement dans la liturgie latine (entre les VIIIᔉ et XIᔉ siĂšcles).

 

Tant Jean-Paul II, dans les annĂ©es 1990, que BenoĂźt XVI, Ă  plusieurs reprises, notamment lors de voyages dans des pays orthodoxes, ont rĂ©citĂ© le Credo dans sa forme nicĂ©enne, sans que cela puisse ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une dĂ©fection de la foi catholique. L’omission de ces mots, accomplie non pour nier le dogme, mais pour favoriser dans une circonstance prĂ©cise le rapprochement avec les orthodoxes, ne doit pas scandaliser. Le vĂ©ritable point de divergence avec les orthodoxes est d’ailleurs un autre dogme : celui de la primautĂ© de Pierre, aujourd’hui malheureusement mis en discussion mĂȘme au sein du monde catholique. 

 

Pour comprendre le pontificat de LĂ©on XIV, aussi dans sa discontinuitĂ© avec le prĂ©cĂ©dent, il semble donc plus sage de dĂ©placer l’attention vers de petits gestes, mais significatifs, tels que, comme l’a notĂ© Robert Royal, la rĂ©sistance du pape LĂ©on Ă  la MosquĂ©e Bleue. 

 

Le soir du 9 dĂ©cembre, en rentrant au Vatican aprĂšs une journĂ©e passĂ©e Ă  Castel Gandolfo, le Pape s’est entretenu avec les journalistes devant la villa Barberini. Le vaticaniste de La Repubblica, Jacopo Scaramuzzi, lui a demandĂ© pourquoi il n’avait pas priĂ© dans la mosquĂ©e lors de son rĂ©cent voyage en Turquie. Le Pape, comme surpris de devoir expliquer pourquoi un Pontife ne prie pas dans une mosquĂ©e, a rĂ©pondu : « Je prĂ©fĂšre prier dans une Ă©glise catholique en prĂ©sence du Saint-Sacrement. » 

 

Ainsi doit parler un pape, et en se rappelant l’image de LĂ©on XIV tenant le Saint-Sacrement entre ses mains, le 22 juin dernier, de Saint-Jean-de-Latran Ă  Sainte-Marie-Majeure pour la procession de la FĂȘte-Dieu, on pourrait ajouter : « Ainsi doit agir un pape. »

 

Roberto de Mattei | Historien

Esclavage en MĂ©diterranĂ©e : L’histoire oubliĂ©e de la traite barbaresque

13/12/2025

Esclavage en MĂ©diterranĂ©e : L’histoire oubliĂ©e de la traite barbaresque

Un passé sous domination étrangÚre
L'article débute par un rappel historique essentiel : avant la colonisation française de 1830, la région qui deviendra l'Algérie a vécu sous une domination étrangÚre quasi continue pendant des siÚcles (romaine, arabe, puis ottomane). L'auteure souligne le paradoxe d'une mémoire sélective qui semble avoir effacé la participation active des régences barbaresques (Alger, Tunis, Tripoli) à un vaste systÚme esclavagiste.

 

L'ampleur de la traite arabo-musulmane
Marie-Claude Mosimann-Barbier remet en perspective la chronologie de l'esclavage. Bien avant la traite atlantique, la traite transsaharienne drainait des millions d'Africains vers le Maghreb et le Moyen-Orient dĂšs le VIIe siĂšcle.

Les chiffres : L'auteure cite les estimations des spécialistes (comme Olivier Grenouilleau) évaluant à prÚs de 18 millions le nombre de victimes africaines de la traite arabo-musulmane, contre 11 à 12 millions pour la traite atlantique.

 

Le sort des captifs : Les hommes étaient souvent castrés ou envoyés aux galÚres, les femmes destinées aux harems, avec une mortalité effrayante.

 

La « traite des Blancs » : razzias et piraterie
L'article met surtout l'accent sur un volet méconnu : l'esclavage des chrétiens européens. Sous la suzeraineté ottomane, Alger et les ports barbaresques deviennent les plaques tournantes d'une industrie de la capture.

 

Un phénomÚne massif : L'historien Robert C. Davis estime qu'entre le XVIe et le XVIIIe siÚcle, environ un million d'Européens de l'Ouest et prÚs de trois millions d'Européens de l'Est ont été réduits en esclavage.

 

Modes opératoires : Les pirates barbaresques ne se contentaient pas d'attaquer les navires (« la course ») ; ils menaient de véritables razzias sur les cÎtes d'Espagne, d'Italie, et de Provence, vidant parfois des villages entiers de leurs habitants.

 

La réponse de la Chrétienté : payer ou combattre
Face Ă  ces exactions et aux conditions de dĂ©tention terribles (tortures, empalements, travaux forcĂ©s), l'Europe s'organise. DĂšs le Moyen-Âge, des ordres religieux « rĂ©dempteurs » voient le jour, tels que les Trinitaires (fondĂ©s en 1198) et les MercĂ©daires (1218). Ces religieux collectaient des fonds pour payer les rançons ou s'offraient eux-mĂȘmes en otage pour libĂ©rer les captifs, parmi lesquels figurait le cĂ©lĂšbre CervantĂšs.

 

L'article rappelle enfin que ce sont les interventions militaires occidentales (bombardements de Louis XIV, guerres menĂ©es par les États-Unis au dĂ©but du XIXe siĂšcle) et finalement la prise d'Alger par la France en 1830 qui mirent un terme dĂ©finitif Ă  cette traite.

 

Cet article du Figaro Histoire offre un contrepoint saisissant aux discours unilatĂ©raux sur la colonisation. En documentant la rĂ©alitĂ© brutale de l'esclavage en Barbarie, Marie-Claude Mosimann-Barbier ne cherche pas Ă  excuser les fautes de la colonisation ultĂ©rieure, mais Ă  rappeler que l'histoire mĂ©diterranĂ©enne est faite de blessures partagĂ©es. Elle souligne que la mĂ©moire de l'esclavage ne doit pas ĂȘtre sĂ©lective : les souffrances des millions de captifs, qu'ils soient Africains subsahariens ou EuropĂ©ens, razziĂ©s et asservis au Maghreb, mĂ©ritent elles aussi de figurer dans nos livres d'histoire.

 

 

Marie-Claude Mosimann-Barbier est maĂźtre de confĂ©rences honoraire de l’École normale supĂ©rieure de Paris-Saclay, membre du GRER (groupe de recherche sur le racisme et l’eugĂ©nisme) de l’universitĂ© Paris-CitĂ©.

Inspections ou inquisitions ? Les dérives inquiétantes des contrÎles dans le privé

12/12/2025

Inspections ou inquisitions ? Les dérives inquiétantes des contrÎles dans le privé

Un constat accablant : des méthodes « disproportionnées » L'article de Cyriac Zeller relaie des témoignages qui font froid dans le dos. Loin de la simple vérification administrative, le rapport décrit de véritables « coups de force ». Des inspecteurs arrivant par escouades de dix à seize personnes, interrompant les cours sans préavis, ou circulant sans accompagnement dans les locaux.

 

Plus inquiĂ©tant encore, les mĂ©thodes d'investigation semblent franchir la ligne rouge de la lĂ©galitĂ© et du respect de la vie privĂ©e. Le rapport mentionne des fouilles de cartables et, fait stupĂ©fiant, la photographie de « carnets d’intĂ©rioritĂ© » appartenant aux Ă©lĂšves. Les enseignants ne sont pas Ă©pargnĂ©s : certains subissent des interrogatoires quasi policiers devant leurs propres Ă©lĂšves, fragilisant ainsi leur autoritĂ© et le climat de confiance nĂ©cessaire Ă  l'enseignement.

 

Le « caractÚre propre » dans le viseur Au-delà de la forme, c'est le fond des inspections qui inquiÚte. L'article souligne une attaque ciblée contre l'identité chrétienne des établissements. Les questions posées aux équipes éducatives relÚvent de l'intime et de la liberté de conscience : « Allez-vous aux offices religieux ? », « Vos élÚves ont-ils une vision genrée de la société ? ».

 

Des pressions sont exercées pour « lisser » les projets d'établissement, rendre l'enseignement de culture chrétienne facultatif ou exiger le retrait de signes religieux, en contradiction totale avec le statut de l'école catholique. Comme le note l'article, ces dérives touchent toutes les académies, de Versailles à Toulon.

 

Vers une crise de confiance ? Guillaume PrĂ©vost, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’Enseignement catholique, rappelle qu'il ne s'agit pas de refuser le contrĂŽle — jugĂ© indispensable — mais d'exiger « prudence et discernement ». Face Ă  cette situation qualifiĂ©e de « dĂ©lĂ©tĂšre », le ministre de l'Éducation nationale, Édouard Geffray, a promis des consignes fermes et une clarification rapide.

 

Pour conclure, Famille ChrĂ©tienne met en lumiĂšre une fracture grandissante entre l'administration et l'enseignement libre. Si l'État est dans son rĂŽle de contrĂŽleur, les dĂ©rives rapportĂ©es s'apparentent Ă  une tentative de normalisation idĂ©ologique. La rĂ©ponse du ministĂšre dans les jours Ă  venir sera dĂ©cisive pour savoir si le contrat de confiance peut ĂȘtre restaurĂ© ou si l'on s'achemine vers une guerre scolaire.

 

Léon XIV aime mieux prier devant le Saint Sacrement que dans une mosquée


12/12/2025

Léon XIV aime mieux prier devant le Saint Sacrement que dans une mosquée


Le pape sortait du Palais Barberini Ă  Castel Gandolfo mardi soir lorsque, assailli par des journalistes, il s’est prĂȘtĂ© de bonne grĂące Ă  un Ă©change de cinq minutes oĂč il se montrait, comme Ă  son habitude, amĂšne, souriant et prudent, s’exprimant en plusieurs langues et veillant Ă  ne pas tenir des propos trop pointus.

 

C’est un journaliste italien qui lui a rappelĂ© le fait : « A la mosquĂ©e Sultanahmet, vous n’avez pas priĂ©, du moins visiblement
 » AussitĂŽt, LĂ©on XIV l’interrompt : « Mais qui a dit que je n’avais pas priĂ© ? Ils ont dit que je n’avais pas priĂ©, mais j’ai dĂ©jĂ  rĂ©pondu dans l’avion, j’ai mentionnĂ© un livre [La pratique de la prĂ©sence de Dieu de FrĂšre Laurent], il se peut que je sois en train de prier en ce moment mĂȘme, vous comprenez ? »

 

LĂ©on XIV rappelle qu’on peut « prier sans cesse »
Le chrĂ©tien qui aime Dieu de tout son cƓur et de toute son Ăąme prie en effet « sans cesse » comme l’y exhorte saint Paul, et dans chaque circonstance de la vie, des plus banales aux plus sublimes. Telle est justement la leçon du carme français, frĂšre Laurent de la RĂ©surrection : « Le temps de l’action n’est point diffĂ©rent de celui de l’oraison ; je possĂšde Dieu aussi tranquillement dans le tracas de ma cuisine, oĂč quelquefois plusieurs personnes me demandent en mĂȘme temps des choses diffĂ©rentes, que si j’étais Ă  genoux devant le Saint-Sacrement
 »

L’exemple des saints est lĂ  : on prie lĂ  oĂč on est, dans l’arĂšne face aux bĂȘtes sauvages comme dans le monastĂšre, en vaquant Ă  ses occupations quotidiennes comme dans le camp de concentration, recueilli dans la ville ou en adoration devant le Saint-Sacrement. Dieu ne nous lĂąche jamais, ce n’est jamais lui qui rompt le contact.

 

Mais prier visiblement, quoiqu’en silence Ă  la mosquĂ©e – comme l’avaient fait avant lui Jean-Paul II, Ă  la mosquĂ©e des Omeyyades Ă  Damas en 2001, BenoĂźt XVI Ă  la MosquĂ©e Bleue en 2006, le pape François dans le mĂȘme lieu en 2014 puis Ă  la mosquĂ©e Istiqlal de Djakarta en 2024 – le pape rĂ©gnant ne l’a pas fait. Il a courtoisement, mais expressĂ©ment refusĂ© de le faire. Si son voyage Ă©tait bien prĂ©parĂ©, s’il a Ă©tĂ© averti des gestes posĂ©s par ses prĂ©dĂ©cesseurs immĂ©diats (et comment ne pas croire que ce fut le cas ?), son attitude est d’autant plus remarquable, et sans doute prĂ©parĂ©e d’avance. Elle marque une rupture – ou bien plutĂŽt, un retour Ă  une normalitĂ© : bien que l’on puisse s’adresser au vrai Dieu en priĂšre oĂč que l’on soit, le faire dans un temple d’une religion qui ne connaĂźt pas le vrai Dieu et le rejette expressĂ©ment comme le fait l’islam est en soi un dĂ©sordre, source de confusion.

 

La mosquĂ©e, « la maison d’Allah »
Le muezzin qui invita le pape LĂ©on Ă  prier Ă  l’intĂ©rieur de la mosquĂ©e lui avait d’abord dit : « Ce n’est pas ma maison, ni la vĂŽtre, c’est la maison d’Allah » – maniĂšre de dire que Dieu transcende la diversitĂ© des religions et d’inviter Ă  un syncrĂ©tisme explicite (encore que dans l’esprit du musulman, Allah soit parfaitement identifiĂ© comme le dieu de l’islam). Mais LĂ©on XIV a rĂ©pondu, gentiment mais fermement, « It’s okay ». « Ça va
 »

 

AprÚs quelques instants de réflexion, Léon XIV a explicité sa réponse au journaliste à Castel Gandolfo : « Je préfÚre prier dans une église catholique en présence du TrÚs Saint Sacrement. »

 

Oui, on peut prier partout, mais en la PrĂ©sence rĂ©elle de Notre Seigneur, devant le Saint-Sacrement – et quoi qu’il en soit de la possession de Dieu – cette PrĂ©sence dĂ©passe tout. C’est devant le tabernacle, dans un sanctuaire catholique, que LĂ©on XIV conçoit sa priĂšre au plus haut. Il l’a dit au dĂ©bottĂ©, l’expĂ©rience de sa vie dĂ©bordant de son cƓur. C’est la priĂšre d’adoration face Ă  face avec JĂ©sus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, celui qu’au demeurant l’islam rejette en mĂȘme temps qu’il proscrit la religion des « associateurs », les chrĂ©tiens


Il est remarquable que LĂ©on XIV n’ait pas poursuivi sa visite de la ville en se rendant Ă  la toute proche Sainte-Sophie, haut lieu du christianisme byzantin. Mais aprĂšs avoir Ă©tĂ© prise aux chrĂ©tiens et aussitĂŽt transformĂ©e en mosquĂ©e, puis rendue « Ă  l’humanitĂ© » comme musĂ©e sous AtatĂŒrk, elle a Ă©tĂ© retransformĂ©e en mosquĂ©e en 2020. Il est vrai que le pape François avait dit Ă  cette occasion : « Je pense Ă  Sainte-Sophie et je ressens une grande douleur. »

 

Prier devant le Saint-Sacrement, c’est aussi affirmer sa foi
La clarification de Léon XIV sur la priÚre aura été inattendue, sans ambiguïté, et montre le pape sous son meilleur jour : parlant du Christ dans son adorable vérité.

Léon XIV, pour finir, a dit : « Mais on a fait si grand cas de ce moment, cela me semble, disons, curieux. »

Mais non, Saint-PÚre, ce fut un trÚs grand moment et une joie profonde, augmentée par le fait de le voir désormais si tranquillement expliqué.

 

Jeanne Smits sur RITV

Europe : la perspective rĂ©elle d’un effacement civilisationnel

11/12/2025

Europe : la perspective rĂ©elle d’un effacement civilisationnel

Les responsables amĂ©ricains ont pris l’habitude d’envisager les problĂšmes europĂ©ens sous l’angle de l’insuffisance des dĂ©penses militaires et de la stagnation Ă©conomique. Cela est vrai, mais les vĂ©ritables problĂšmes de l’Europe sont encore plus profonds.

 

L’Europe continentale a perdu des parts du PIB mondial, passant de 25% en 1990 Ă  14% aujourd’hui, en partie Ă  cause des rĂ©glementations nationales et transnationales qui sapent la crĂ©ativitĂ© et l’esprit d’initiative.

 

Mais ce dĂ©clin Ă©conomique est Ă©clipsĂ© par la perspective rĂ©elle et plus sombre d’un effacement civilisationnel. Parmi les problĂšmes les plus importants auxquels l’Europe est confrontĂ©e, citons les activitĂ©s de l’Union europĂ©enne et d’autres organismes transnationaux qui sapent la libertĂ© politique et la souverainetĂ©, les politiques migratoires qui transforment le continent et crĂ©ent des conflits, la censure de la libertĂ© d’expression et la rĂ©pression de l’opposition politique, l’effondrement des taux de natalitĂ© et la perte des identitĂ©s nationales et de la confiance en soi.

 

Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent sera mĂ©connaissable d’ici 20 ans ou moins. Dans ces conditions, il est loin d’ĂȘtre Ă©vident que certains pays europĂ©ens disposeront d’une Ă©conomie et d’une armĂ©e suffisamment solides pour rester des alliĂ©s fiables. Bon nombre de ces nations redoublent actuellement d’efforts dans la voie qu’elles ont empruntĂ©e. Nous voulons que l’Europe reste europĂ©enne, qu’elle retrouve sa confiance en sa civilisation et qu’elle abandonne sa stratĂ©gie infructueuse de suffocation rĂ©glementaire.

 

Ce manque de confiance en soi est particuliĂšrement Ă©vident dans les relations entre l’Europe et la Russie. Les alliĂ©s europĂ©ens jouissent d’un avantage significatif en matiĂšre de puissance militaire sur la Russie dans presque tous les domaines, Ă  l’exception des armes nuclĂ©aires. À la suite de la guerre menĂ©e par la Russie en Ukraine, les relations entre l’Europe et la Russie sont dĂ©sormais profondĂ©ment affaiblies, et de nombreux EuropĂ©ens considĂšrent la Russie comme une menace existentielle. La gestion des relations entre l’Europe et la Russie nĂ©cessitera un engagement diplomatique important de la part des États-Unis, Ă  la fois pour rĂ©tablir les conditions d’une stabilitĂ© stratĂ©gique sur le continent eurasien et pour attĂ©nuer le risque de conflit entre la Russie et les États europĂ©ens.

 

Il est dans l’intĂ©rĂȘt fondamental des États-Unis de nĂ©gocier une cessation rapide des hostilitĂ©s en Ukraine, afin de stabiliser les Ă©conomies europĂ©ennes, d’empĂȘcher une escalade ou une extension involontaire de la guerre, de rĂ©tablir la stabilitĂ© stratĂ©gique avec la Russie et de permettre la reconstruction de l’Ukraine aprĂšs les hostilitĂ©s afin qu’elle puisse survivre en tant qu’État viable.

 

La guerre en Ukraine a eu pour effet pervers d’accroĂźtre la dĂ©pendance extĂ©rieure de l’Europe, en particulier de l’Allemagne. Aujourd’hui, les entreprises chimiques allemandes construisent certaines des plus grandes usines de transformation au monde en Chine, en utilisant du gaz russe qu’elles ne peuvent pas obtenir chez elles. L’administration Trump se trouve en dĂ©saccord avec les responsables europĂ©ens qui ont des attentes irrĂ©alistes concernant la guerre, juchĂ©s dans des gouvernements minoritaires instables, dont beaucoup bafouent les principes fondamentaux de la dĂ©mocratie pour rĂ©primer l’opposition. Une large majoritĂ© des EuropĂ©ens souhaite la paix, mais ce dĂ©sir ne se traduit pas en politique, en grande partie Ă  cause de la subversion des processus dĂ©mocratiques par ces gouvernements. Cela revĂȘt une importance stratĂ©gique pour les États-Unis, prĂ©cisĂ©ment parce que les États europĂ©ens ne peuvent se rĂ©former s’ils sont enlisĂ©s dans une crise politique.

Pourtant, l’Europe reste stratĂ©giquement et culturellement vitale pour les États-Unis. Le commerce transatlantique reste l’un des piliers de l’économie mondiale et de la prospĂ©ritĂ© amĂ©ricaine. Les secteurs europĂ©ens, de l’industrie manufacturiĂšre Ă  la technologie en passant par l’énergie, restent parmi les plus solides au monde. L’Europe abrite des institutions culturelles de premier plan et mĂšne des recherches scientifiques de pointe. Non seulement nous ne pouvons pas nous permettre de faire une croix sur l’Europe, mais cela irait Ă  l’encontre des objectifs de cette stratĂ©gie.

 

La diplomatie amĂ©ricaine doit continuer Ă  dĂ©fendre la dĂ©mocratie authentique, la libertĂ© d’expression et la cĂ©lĂ©bration sans complexe du caractĂšre et de l’histoire propres Ă  chaque nation europĂ©enne. Les États-Unis encouragent leurs alliĂ©s politiques en Europe Ă  promouvoir ce renouveau spirituel, et l’influence croissante des partis patriotiques europĂ©ens est en effet source d’un grand optimisme.

 

Notre objectif doit ĂȘtre d’aider l’Europe Ă  corriger sa trajectoire actuelle. Nous aurons besoin d’une Europe forte pour nous aider Ă  ĂȘtre compĂ©titifs et pour travailler de concert avec nous afin d’empĂȘcher tout adversaire de dominer l’Europe.

 

Les États-Unis sont, naturellement, attachĂ©s sentimentalement au continent europĂ©en et, bien sĂ»r, Ă  la Grande-Bretagne et Ă  l’Irlande. Le caractĂšre de ces pays est Ă©galement important sur le plan stratĂ©gique, car nous comptons sur des alliĂ©s crĂ©atifs, compĂ©tents, confiants et dĂ©mocratiques pour Ă©tablir des conditions de stabilitĂ© et de sĂ©curitĂ©. Nous voulons travailler avec des pays alignĂ©s qui souhaitent retrouver leur grandeur d’antan.

 

À long terme, il est plus que plausible que d’ici quelques dĂ©cennies au plus tard, certains membres de l’OTAN deviennent majoritairement non europĂ©ens. À ce titre, la question reste ouverte de savoir s’ils considĂ©reront leur place dans le monde, ou leur alliance avec les États-Unis, de la mĂȘme maniĂšre que ceux qui ont signĂ© la charte de l’OTAN.

 

Notre politique gĂ©nĂ©rale pour l’Europe doit donner la prioritĂ© aux Ă©lĂ©ments suivants :

Rétablir les conditions de stabilité en Europe et la stabilité stratégique avec la Russie ;
Permettre Ă  l’Europe de voler de ses propres ailes et de fonctionner comme un groupe de nations souveraines alignĂ©es, notamment en assumant la responsabilitĂ© principale de sa propre dĂ©fense, sans ĂȘtre dominĂ©e par une puissance adverse ;
Cultiver la rĂ©sistance Ă  la trajectoire actuelle de l’Europe au sein des nations europĂ©ennes ;
Ouvrir les marchés européens aux biens et services américains et garantir un traitement équitable aux travailleurs et aux entreprises américains ;
Renforcer les nations prospĂšres d’Europe centrale, orientale et mĂ©ridionale grĂące Ă  des liens commerciaux, Ă  la vente d’armes, Ă  la collaboration politique et aux Ă©changes culturels et Ă©ducatifs ;
Mettre fin Ă  la perception, et empĂȘcher la rĂ©alitĂ©, d’une OTAN comme une alliance en expansion perpĂ©tuelle ; et
Encourager l’Europe Ă  prendre des mesures pour lutter contre la surcapacitĂ© mercantiliste, le vol de technologies, le cyberespionnage et d’autres pratiques Ă©conomiques hostiles.