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La lente agonie des chrétiens de Turquie : Un héritage millénaire sous pression constante

22/11/2025

La lente agonie des chrétiens de Turquie : Un héritage millénaire sous pression constante

Historiquement terre d'élection du christianisme, la Turquie actuelle est le théâtre d'une lente agonie de ses communautés chrétiennes. Réduits à 0,3% de la population, ces fidèles subissent la pression conjuguée du nationalisme kémaliste et de l'islamisation croissante menée par le régime d'Erdogan. Des décisions symboliques, comme la transformation de Sainte-Sophie et de Saint-Sauveur-in-Chora en mosquées, illustrent le douloureux destin d'une présence décimée au XXe siècle par les massacres, dont le génocide arménien, un tabou toujours nié par l'État.

Un long déclin démographique et une répression étatique
Autrefois nommée Asie Mineure, cette région fut le berceau du christianisme (saint Paul, concile de Nicée, Éphèse). Bien que la chute de Byzance en 1453 ait marqué un premier coup, c'est au XXe siècle que le déclin s'est accéléré, notamment avec le génocide des Arméniens, Assyro-chaldéens, Syriaques et Grecs pontiques à partir de 1915, qui a fait jusqu'à 2 millions de victimes. L'État turc moderne nie ce génocide, considérant toute remise en question comme une atteinte à la sécurité intérieure.

 

Pour l'État, les chrétiens sont souvent perçus comme des ennemis intérieurs. Seuls les Arméniens et les Grecs orthodoxes sont reconnus comme minorités par le traité de Lausanne (1923). Les autres communautés (assyriennes, catholiques, protestantes) n'ont pas de personnalité juridique, ce qui entrave leur capacité à posséder des biens ou ouvrir des séminaires (comme celui d'Halki, fermé depuis 1971).

 

Le double étau : Kémalisme et Islamisme
Le laïcisme d'Atatürk n'a pas garanti une tolérance réelle ; dès les débuts de la République, le nationalisme kémaliste considérait l'islam comme un facteur d'unité et les chrétiens comme de potentiels agents de l'étranger. Des mesures vexatoires et des pogroms (comme celui d'Istanbul en 1955) ont accéléré l'exode.

 

L'arrivée au pouvoir de l'AKP d'Erdogan, bien que parfois contradictoire, a ajouté une couche d'islamisation, notamment par l'augmentation des écoles islamiques et l'intégration d'imams dans l'enseignement public. Le climat demeure hostile ; les chrétiens intériorisent leur infériorité et sont exclus de la fonction publique ou de l'armée. Les convertis sont baptisés discrètement et sont très isolés. L'abbé Gabriel Ferone, ancien vicaire général du diocèse d’Izmir, parle d'un « étouffement » des chrétiens.

 

Un mince espoir
Malgré l'exode continu, l'Église catholique latine, de nature non ethnique, offre une voie de conversion et peut compter sur l'émergence de séminaristes turcs, laissant entrevoir la possibilité d'un clergé autochtone à l'avenir.

 

 

Dans ce contexte de pression intense et de délitement constant, la visite attendue de Léon XIV le 27 novembre est perçue comme un moment d'espoir. Les chrétiens de Turquie attendent du Pape qu'il rappelle au monde et au pouvoir turc que, malgré deux millénaires de persécutions et d'assimilation forcée, leur place est toujours sur cette terre qui est le berceau de leur foi.

 

 

Photo : La basilique Ste Sophie, basilique chrétienne depuis le IVè siècle, a atteint sa forme actuelle au VIè siècle. Après la prise de Constantinople par les armées ottomanes en 1453, elle est convertie en mosquée sous le sultan Mehmet II, statut qu'elle conserve jusqu'à la fin de l'Empire ottoman. En 1934, elle perd son statut de lieu de culte pour devenir un musée, sur décision de Mustafa Kemal Atatürk, devenant l'un des musées les plus visités de la république de Turquie. Puis le 10 juillet 2020, un décret du Conseil d'État turc décide sa réouverture au culte musulman comme mosquée, provoquant une vague de critiques internationales.