Le blog du Temps de l'Immaculée.

L'évêque Mutsaerts : Il n'y a aucune bonne raison de ne pas appeler Marie « Co-Rédemptrice ».

18/11/2025

L'évêque Mutsaerts : Il n'y a aucune bonne raison de ne pas appeler Marie « Co-Rédemptrice ».

Si le cardinal Fernandez craint que l'on place Marie sur un pied d'égalité avec le Christ, alors le problème ne vient pas de Marie, mais de Fernandez.

Je suis toujours étonné de constater que, dans le monde moderne, les gens ont particulièrement peur des mots. On ne semble plus craindre le péché ni la folie, mais seulement les malentendus. Et comme si cela n'était pas assez clair : il n'existe pas de vérité qui ne puisse être mal comprise. La théologie catholique romaine a toujours accordé une importance extraordinaire au Christ comme unique Sauveur. C'est précisément pourquoi je n'ai jamais perçu de menace dans la manière dont on parle de Marie. La position du Christ est si absolue qu'il serait absurde de penser que quiconque puisse véritablement l'éclipser. Coopérer ne signifie pas rivaliser. Si Dieu s'est véritablement fait homme, alors non seulement il s'est abaissé, mais il s'est aussi rendu dépendant de l'obéissance humaine : d'abord à Marie, puis aux apôtres, et enfin à nous tous. Le cardinal Fernandez se trompe lourdement lorsqu'il affirme qu'il n'est plus conseillé d'utiliser le titre de « Co-Rédemptrice » pour Marie.

 

Je ne vois donc rien d'injustifié à l'idée que Marie, dans une soumission totale et par grâce, ait participé à l'œuvre du Christ. Le terme « Co-Rédemptrice » n'est pas aussi choquant que certains le craignent. Et, franchement, si le cardinal Fernandez craint que l'on place Marie sur un pied d'égalité avec le Christ, le problème ne vient pas de Marie, mais de Fernandez. C'est précisément la présence de Marie qui me rappelle que la foi chrétienne n'est ni une idée, ni une philosophie, ni un système moral, mais une histoire. La réalité concrète de la coopération de Marie à l'œuvre de notre rédemption ne découle pas d'une invention humaine, mais du fait que Dieu lui-même a décidé d'agir par l'intermédiaire d'un homme. Chaque étape de l'histoire du salut montre que Dieu n'agit pas malgré l'homme, mais par l'homme. Le « fiat » de Marie est le premier, et peut-être le plus clair, exemple de cette coopération surnaturelle.

 

Lorsque l'Église parle de Marie comme Co-Rédemptrice – un terme employé avec ferveur par les saints et les papes –, cela ne signifie pas que ses mérites aient une valeur intrinsèque, ni qu'elle diminue la place unique du Christ. La Tradition signifie que, par une grâce ineffable, elle est impliquée d'une manière incomparable dans l'œuvre du Christ. Cette doctrine a connu un certain développement. Ce développement ne signifie pas une modification du dogme, mais le déploiement de ce qui était toujours présent en son sein. Il me semble que le titre de « Co-Rédemptrice » n'est pas une nouveauté, mais la conséquence d'une croyance ancienne : Marie, par la grâce, a été l'instrument par lequel le Verbe s'est fait chair, et elle a participé à l'œuvre de salut du Christ par la foi, l'amour et la souffrance.

 

Pendant des siècles, le titre de « Co-Rédemptrice » a été inscrit paisiblement dans les pages de l’Église. Les saints n’employaient pas ce terme par imprudence, mais par respect. Ainsi, saint Bonaventure parlait de Marie comme de celle qui « a œuvré avec le Christ à la rédemption ». Bernardin de Sienne eut le courage de louer la coopération de la Vierge avec le Fils, car il savait que coopération ( co-operatio ) ne signifie pas égalité. Les Pères de l’Église ne craignaient pas que les fidèles n’oublient le Christ dès lors que Marie était louée. Ils étaient convaincus que chacun comprendrait cette distinction, comme on comprend celle qui existe entre le Soleil et la Lune.

 

Et les papes ? Léon XIII parlait de Marie comme de celle « par qui nous avons reçu le Mystère de la Rédemption ». Pie X évoquait son union unique avec le Christ dans sa souffrance. Benoît XV employait des termes qui seraient considérés comme dangereux aujourd’hui : il qualifiait son combat sur la Croix d’« presque égal » à celui du Christ – presque, je le répète, pas tout à fait égal, et seul un monde insensible ne percevrait pas la différence. Pie XI, pape réputé pour sa fermeté, alla même jusqu’à utiliser explicitement le terme « Co-Rédemptrice » dans un discours, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde pour la Mère du Seigneur de porter un tel titre. Les saints et les papes ne craignaient pas que Marie ne devienne trop grande. Ils craignaient par-dessus tout que nous ne devenions trop petits.

 

Il est étrange que Fernandez veuille interdire un mot par crainte d'un malentendu. On s'attendrait à ce qu'il tente d'abord de le faire comprendre en l'expliquant simplement. Si quelqu'un dit qu'une carte est confuse, apprenez-lui à la lire. On ne déchire pas une carte en mille morceaux pour ensuite déclarer que la Terre est plate. Si vous dites qu'un terme théologique est dangereux, vous pourriez expliquer que « co » vient de « cum », « avec » ; ce n'est pas un terme de coordination. Il n'y a jamais eu de malentendu à ce sujet. Mais au lieu de cela, le préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi rend ce mot suspect.

 

Si Dieu n'a pas craint de donner à une jeune fille de Nazareth le titre de « Mère de Dieu », pourquoi hésiterions-nous à lui accorder des titres plus modestes ? Les hérétiques de l'Antiquité s'indignaient de ce paradoxe divin, mais l'Église, elle, ne s'en est pas offusquée. Qui peut imaginer une créature plus humble que Marie ? Et pourtant, Dieu lui a donné un titre qui a bouleversé l'univers. Cela prouve que Dieu se plaît à faire naître la grandeur de l'humilité.

 

Le catholicisme est la foi qui nous enseigne que Dieu œuvre de concert avec les êtres humains. L'Évangile commence par une coopération : un ange attend la réponse d'un être humain, celui-ci dit « oui », et le ciel retient son souffle. Si cela n'est pas coopération, alors le mot « coopération » n'a pas de sens. Toute l'histoire de l'Incarnation est le triomphe de la coopération voulue par Dieu entre le Créateur et la créature. Et si l'humanité – par Marie – a été associée à la venue du Sauveur, pourquoi ne l'a-t-elle pas été à son sacrifice sur la Croix, d'une manière entièrement tributaire de la grâce divine ? Il est plus facile et plus simple d'expliquer les grands concepts que de guérir une foi fragile. Convertir les gens au christianisme demeure une tâche immense. L'Église n'a jamais voulu minimiser la vérité pour apaiser les hommes. Elle a toujours voulu les élever afin qu'ils puissent la supporter.

 

J'ose formuler quelques suggestions : 1) Enseigner le sens des mots au lieu de les rejeter. 2) La continuité ecclésiastique ne doit pas dépendre des sensibilités contemporaines. 3) Le paradoxe et la richesse du langage font partie intégrante de l'identité catholique. 4) Le rôle de Marie n'est pas une menace pour le Christ, mais plutôt une confirmation de son Incarnation et de son amour pour la coopération humaine.

 

 

+Rob Mutsaerts

Source: LifeSiteNews
Cet article a été initialement publié en néerlandais et se trouve sur le blog de l'évêque Robert Mutsaerts, « Paarse Pepers ».