Le blog du Temps de l'Immaculée.

Le rôle des élites ecclésiastiques dans le suicide de l'Europe

23/10/2025

Le rôle des élites ecclésiastiques dans le suicide de l'Europe

"Les chrétiens ne peuvent pas se permettre de faire confiance aux dirigeants ecclésiastiques pour défendre la foi" C'est sur cette sentence choquante que Rod Dreher publie sur son journal un très long article où il relate avoir assisté à une conférence à Dubrovnik où des politiciens conservateurs européens se sont réunis pour célébrer la mémoire de Charlie Kirk et discuter de ce que son héritage signifie pour eux, sachant que les Européens sont confrontés à des défis en matière de liberté d'expression. Cet article fait la part belle à l'intervention de Thibault de Montbrial, colonel de réserve de la gendarmerie et avocat spécialisé dans les questions de sécurité intérieure, souvent sur les plateaux tv.

J'ai choisi, chers amis lecteurs, de ne pas publier ici l'article de Rod Dreher, du fait qu'il utilise avec agressivité des exemples - par ailleurs bien vus - pour illustrer ses propos. Ce n'est pas très charitable, j'en fais donc une recension mais je vous laisse en juger si vous le voulez, c'est ici

Il faut savoir que Rod Dreher est un déçu du catholicisme, car venant du méthodisme, il s'est converti à notre religion qu'il a finalement trouvée trop "féminine", pour enfin, à la suite de ses recherches sur son dernier livre (1), se rapprocher de l'orthodoxie, plus radicale, plus combative. 
Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que Rod Dreher est à l'origine de la conversion au catholicisme de son ami JD Vance, vice-président US (Wikipédia) et que de ce fait sa pensée révélée par son premier best-seller traduit en France (2) prend une importance non négligeable qui devrait rejaillir chez nous dans quelques années. Sa rencontre avec Thibault de Montbrial nous concerne tout particulièrement.

 

Voici donc dans les grandes lignes ce que nous dit Rod Dreher sur son blog :

Une anxiété diffuse mais profonde plane sur l'avenir de l'Europe. Au-delà des gros titres et des crises politiques quotidiennes, beaucoup pressentent que le continent est à la croisée des chemins, confronté à des changements fondamentaux qui remettent en question son identité et sa survie même. Cette inquiétude, souvent inexprimée, témoigne d'une rupture silencieuse avec les certitudes d'hier.


Plus que de simples turbulences passagères, ces secousses révèlent des failles structurelles profondes. Dreher et Montbrial explorent quatre constats qui, mis bout à bout, dessinent les contours d'un effondrement : une menace sécuritaire imminente, un vide spirituel béant, une Église paralysée de l'intérieur et des élites accusées de trahison.


Thibault de Montbrial, expert en sécurité prévient : l'Europe doit se préparer à la violence de masse

L'un des avertissements les plus frappants a été formulé par Thibault de Montbrial, un avocat français de premier plan, profondément impliqué dans l'appareil de sécurité nationale. Selon lui, l'Europe occidentale doit se préparer à des violences de masse d'une ampleur inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, pouvant s'apparenter à des guerres civiles.


Il est crucial de souligner que cette prédiction ne provient pas d'un extrémiste isolé, mais d'une figure crédible et respectée de l'establishment de la sécurité nationale. Engagé professionnellement dans la lutte contre l'islamisme, Thibault de Montbrial vit lui-même sous protection policière armée depuis neuf ans. Son analyse est si sensible que les services de renseignement français ont exigé qu'il soit accompagné d'un agent armé en civil pour ce déplacement en Croatie, un fait qui ancre son analyse dans une réalité tangible et périlleuse.


Mais cette menace sécuritaire n'est, selon les participants, que le symptôme d'un mal plus profond.

 

Le vrai problème n'est pas politique, mais culturel et spirituel
Pour Montbrial, les solutions purement politiques ou sécuritaires sont insuffisantes car elles ne traitent pas le mal à la racine. Le cœur du problème serait un effondrement culturel profond – ce que l'écrivain Renaud Camus nomme « La Grande Déculturation ». L'Europe, en perdant la connexion avec son passé et son identité, a créé un vide existentiel.


Ce vide rend sa jeunesse particulièrement vulnérable au recrutement par des groupes, comme les islamistes, qui proposent un récit, une identité et une culture forte. Cette idée a été cristallisée par une formule percutante entendue durant le sommet, soulignant la racine religieuse de toute culture :
« au cœur de la culture se trouve le culte, ou la religion. »


Cette perspective pose un choix binaire et radical pour l'avenir du continent : l'Europe se rechristianisera ou elle s'islamisera. Selon cette analyse, il n'existe pas de troisième voie stable.


Si la crise est spirituelle, l'institution historiquement chargée de l'âme de l'Europe est elle-même jugée incapable de répondre au défi.


Une chrétienté « féminisée » est incapable de se défendre


Un autre argument, soulevé par un catholique croate et partagé par plusieurs participants, est que le christianisme occidental souffre d'un « grave déséquilibre en faveur du féminin ». Concrètement, cela se traduirait par une survalorisation de vertus comme la « compassion » et l'« accueil », au détriment des « vertus masculines » jugées nécessaires à la défense, à la résilience et à l'affirmation de soi.


Ce déséquilibre aurait transformé l'Église en une institution qui peine à attirer et à retenir les hommes, qui sentent que leurs vertus naturelles y sont plus souvent réprimées que développées et mises au service du sacré. L'argument central a été résumé de manière lapidaire :
"The feminization of Western Christianity is leading to its suicide in Europe."
(La féminisation du christianisme occidental conduit à son suicide en Europe.)


Un contraste a été établi avec le christianisme orthodoxe, décrit comme ayant réussi à rester « masculin sans être macho » et continuant de révérer ses saints guerriers, maintenant ainsi un équilibre jugé plus robuste.


Cette paralysie interne de l'Église est vue comme une partie d'un problème plus large : celui de la faillite des institutions dirigeantes.


Les élites, y compris religieuses, sont accusées de trahir leur propre peuple
La critique la plus virulente a été dirigée contre les élites européennes, y compris les plus hauts dirigeants de l'Église, incarnés ici par le pape lui-même. Leur insistance sur l'accueil inconditionnel des migrants est perçue comme un abandon de leur propre troupeau, les Européens de souche, dont les inquiétudes et les souffrances (liées notamment à la criminalité migratoire) seraient systématiquement ignorées.


Le roman Le Camp des Saints de Jean Raspail, souvent qualifié de pamphlet raciste, a été cité par les participants comme une œuvre « totalement prophétique ». L'analyse la plus choquante tirée du livre n'est pas la description de l'arrivée massive de migrants, mais l'identification des véritables responsables : non pas les nouveaux arrivants, mais les élites occidentales – évêques et prêtres inclus. Ils capitulent non par faiblesse, mais par une forme de « haine de soi civilisationnelle », cherchant rédemption dans la soumission à l'Autre.


Le roman se conclut sur une scène où le gouvernement français ordonne à sa propre armée de l'air de bombarder une poignée de patriotes français qui tentent de résister, une allégorie puissante du thème de la trahison des élites contre leur propre peuple.



Le tableau brossé par ces quatre constats est sombre : un continent au bord de possibles conflits internes, vidé de sa substance spirituelle, doté d'une Église affaiblie et dirigé par des élites perçues comme déconnectées, voire hostiles, aux peuples qu'elles sont censées guider.
Face à ce diagnostic, la question demeure : l'Europe trouvera-t-elle la volonté de redécouvrir son âme avant qu'il ne soit trop tard, ou le déclin est-il désormais inéluctable ? En observant les pèlerinages qui s'organisent partout et le nombre de baptêmes d'adultes en grande augmentation, comment ne pas penser à la prophétie de St Pie X sur la France :

Un jour viendra, et nous espérons qu’il n’est pas très éloigné, où la France, comme Saül sur le chemin de Damas, sera enveloppée d’une Lumière Céleste et entendra une voix qui lui répétera : « Ma Fille, pourquoi Me persécutes-tu ? ». Et, sur sa réponse : « Qui es-tu, Seigneur ? », la voix répliquera : « Je suis Jésus, que tu persécutes. Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon, parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi-même » . Et elle, tremblante, étonnée, dira : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? ». Et Lui : « Lève-toi, lave-toi des souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein les sentiments assoupis et le pacte de notre alliance, et va, Fille Aînée de l’Eglise, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, Mon Nom devant tous les peuples et devant les rois de la Terre ».

Allocution du 29 novembre 1911

 

La période que nous vivons ressemble à plus d'un titre à l'effondrement de l'empire romain et des invasions barbares.  L'historienne Anne Bernet nous dit à ce sujet : "À vues humaines, l'Eglise, le catholicisme était condamné. Or, ce fut le contraire qui arriva [...] les barbares se convertirent. Ce retournement improbable fut l'oeuvre d'une poignée d'évêques gallo-romains [...] les prélats de Gaules, face au danger, comprenant que l'envahisseur ne partirait plus, décidèrerent de l'amener à la foi chrétienne et à l'idée civilisatrice qui l'accompagnait"(3)

C'est clair, non ?
Nos chers évêques ont la clé. Eux seuls, quand ils en prendront conscience.

 

 

Kyrie Eleison !

 

 

 

 

 

 

(1) Résister au mensonge : Vivre en chrétiens dissidents Ed. Artège

(2) Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus : Le pari bénédictin Ed Artège

(3) Marie Reine de France p.11 & 12 - Anne Bernet - Via Romana  

 

Illustration : « Sverd i fjell » monument commémorant la bataille de Hafrsfjord qui se déroula dans le fjord du même nom en juillet 812 et opposa plusieurs chefs vikings. La victoire de Harald Ier conduisit à l’unification de la Norvège. Le monument symbolise la mémoire des conflits passés, l’union et son importance pour préserver la paix. Source : Pixabay, Konstantins Jaunzems.