Le blog du Temps de l'Immaculée.
22/09/2025
Quand la République restreint la liberté des écoles catholiques, c’est toujours au nom de la liberté. Cette idée, désormais bien ancrée dans le débat public, postule qu'enseigner la foi à un enfant serait une atteinte à sa future liberté de conscience. Il faudrait le préserver de toute influence pour qu'il puisse, un jour, faire un choix authentiquement libre.
Pourtant, cette vision repose sur des présupposés surprenants, et souvent erronés, sur la nature même de la liberté. Un article de Frédéric Guillaud dans France Catholique du 12/09/25 propose d'explorer quelques-unes de ces idées contre-intuitives qui remettent en question ce conflit apparent.
La liberté n'est pas un point de départ, mais un aboutissement.
L'argument selon lequel il ne faudrait rien imposer aux enfants pour préserver leur libre-arbitre est une absurdité pédagogique. L'éducation consiste précisément à imposer un ensemble de contraintes : l'apprentissage de la propreté, de la lecture, de l'écriture ou de l'histoire se fait sans demander l'avis de l'enfant. C'est grâce à ce cadre initial que ce dernier peut développer ses facultés intellectuelles et volontaires, donnant une réalité concrète au mot « liberté » qui, sans cela, se confondrait avec le caprice et le babillage puéril. On observe ici que cette erreur sur la liberté a détruit l’École publique qui, en rendant l’élève constructeur de ses savoirs, lui a permis d’accéder à la libre ignorance.
Ce principe s'applique de la même manière à la sphère spirituelle. Pour qu'une personne puisse un jour choisir librement de croire ou de ne pas croire, encore faut-il qu'elle ait reçu un « contenu » à partir duquel faire ce choix. La liberté de conscience ne s'exerce pas dans le vide, mais face à une proposition intellectuelle et spirituelle concrète. Vouloir faire précéder l'apprentissage par la liberté est une erreur fondamentale : « Soumettre l’apprentissage à la liberté, c’est mettre la charrue avant les bœufs. »
On ne peut pas forcer quelqu'un à croire.
Le deuxième présupposé erroné est que le projet des écoles catholiques serait d'« inculquer de force » la foi à des esprits réticents. Il est ici crucial de distinguer deux choses : l'apprentissage du contenu de la foi (le catéchisme) et l'acte de croire. Si le premier relève d'un enseignement, le second est un acte éminemment personnel qui engage la volonté intime de l'individu. L'objectif de la transmission n'est pas de contraindre, mais de susciter un éveil spirituel et de donner les clés de compréhension nécessaires pour que les enfants puissent, le moment venu, se déterminer librement.
Saint Thomas d'Aquin formulait déjà cette impossibilité de la contrainte en matière de foi avec une clarté limpide :
On peut tout faire sans le vouloir, écrit saint Thomas d’Aquin, mais croire, seulement si on le veut. Or, la volonté ne peut pas être forcée. Donc on ne peut contraindre personne à croire, parce que croire est un acte de la volonté.
La conséquence logique est implacable. Sans une transmission initiale du contenu de la Révélaton, le prétendu « choix libre » à l'âge adulte devient illusoire. Faute de matière à examiner, la personne ne choisira rien du tout et se laissera bien plus probablement porter par la « culture des mass media ».
Le vrai débat n'est pas la liberté, mais la nature de l'homme.
L'insistance de l'État à restreindre l'enseignement religieux au sein même des établissements catholiques révèle une incohérence. Les parents y inscrivant leurs enfants sont a priori favorables à cet enseignement. L'imposer comme facultatif dans un lieu choisi précisément pour son projet éducatif chrétien est aussi absurde que d'« exiger un coin non-fumeur à l’intérieur de l’unique wagon fumeur d’un train ! ».
Cette posture suggère que le véritable enjeu n'est pas la manière dont la foi est enseignée, mais la substance même de la doctrine catholique. Ce qui dérange l'État contemporain, c'est que le contenu de la foi s'oppose frontalement à son « utopie d'autonomie totale ». La doctrine catholique affirme en effet que :
• L'individu n'a pas sa fin en lui-même.
• La nature humaine est marquée par la différence sexuelle.
• La personne humaine doit être respectée de sa conception à sa mort naturelle.
... toutes choses qui furent longtemps admises très au-delà de l’Église – mais sous son influence. Ces principes entrent en conflit avec un modèle où l'individu est perçu comme son propre créateur. Par conséquent, la simple critique de certaines lois, comme celle sur l'avortement, est de plus en plus qualifiée d'« entrave », confondant le droit de critiquer une loi avec le fait de l'enfreindre. Cela revient à exiger non plus seulement le respect de la loi, mais l'adhésion idéologique à celle-ci. Les tracasseries qui ne cessent de se multiplier contre les écoles catholiques visent à nier cette distinction, en faisant de l’État le bras séculier de la Religion progressiste. Vivement la Séparation !
Quelle liberté voulons-nous ?
Le débat sur l'enseignement de la foi révèle une fracture profonde sur notre conception de la liberté. Loin d'être une menace pour l'autonomie, la transmission d'un héritage spirituel et culturel apparaît comme la condition même d'un choix éclairé. La véritable liberté intellectuelle et spirituelle ne naît pas d'un vide culturel, mais présuppose au contraire la connaissance, l'éducation et la confrontation à des idées structurées.
En exigeant de l'école qu'elle ne transmette plus un héritage pour préserver une liberté abstraite, quelle fondation donnons-nous réellement à nos enfants pour qu'ils puissent construire leur avenir ?