Le blog du Temps de l'Immaculée.

Le Ralliement de Léon XIII continue de faire débat

01/09/2025

Le Ralliement de Léon XIII continue de faire débat

Le pape Pecci avait-il raison d'ouvrir en 1892 la voie à la participation des catholiques à la vie politique de la République française, née sur des fondements antichrétiens ? Deux positions comparées.

Le 16 février 1892, le pape Léon XIII publiait l'encyclique « Au milieu des sollicitudes » sur l'Église et l'État en France, qui ouvrait la voie à la participation des catholiques à la vie politique de la République française. D'où le terme de « Ralliement », qui a historiquement défini cette politique d'adhésion.

 

L'encyclique , dans sa première partie, reprend les observations sur la « conspiration » de la politique moderne contre les droits de l'Église, déjà exprimées dans des encycliques précédentes, et appelle les catholiques à se rassembler afin de former « une grande unité ». Les raisons doctrinales par lesquelles Léon XIII soutient la nécessité de ce devoir de participation unie à la vie politique de la République antichrétienne sont les suivantes : a) toutes les formes de gouvernement sont également valables en elles-mêmes ; b) leur adéquation dépend de la diversité des caractères et des coutumes des peuples ; c) aucune forme politique ne peut être considérée comme définitive et immuable ; d) même en ce qui concerne le gouvernement républicain actuel, les catholiques doivent s'engager unis « à préserver ou à accroître la grandeur morale de leur pays » ; e) cependant, dit-on, cette forme de gouvernement est antichrétienne : Léon propose ici la distinction entre « pouvoirs constitués » et « législation ». Il peut arriver qu'un pouvoir constitué valide produise une législation terrible, ou qu'un pouvoir défectueux produise une bonne législation, car « la qualité des lois dépend plus de la qualité des hommes investis du pouvoir que de la forme du pouvoir ». Les catholiques français doivent donc s'unir « comme un seul homme », même dans la République démocratique, contre les abus de la législation.

 

Dans un article publié dans Die Tagespost  le 24 juillet (lisible en italien sur le blog d'Aldo Maria Valli ) , Martin Grichting réexamine la question en comparant Léon XIII à Léon XIV. Selon lui, Léon XIII a marqué un tournant par rapport aux positions de son prédécesseur, Pie IX, encore attaché au régime précédant la Révolution française, époque à laquelle, écrit l'auteur, la République était considérée comme le diable. Dans son encyclique de 1892, Léon XIII affirmait qu'aucune forme de gouvernement n'est immuable, affirmant que la reconnaissance de nouvelles formes de gouvernement était non seulement permise, mais même nécessaire au bien de la société, même lorsque, sous cette nouvelle forme démocratique, un gouvernement antichrétien combattait l'Église. Les catholiques devaient abandonner l'« État catholique », adhérer à la République et utiliser tous les moyens démocratiques pour défendre l'Évangile et les droits de l'Église.

 

L'abbé Claude Barthe, qui a revisité le sujet dans certains de ses écrits récents, est d'un avis différent . Selon lui, croire que toute forme de gouvernement peut être bonne et que le régime de la République française ne saurait a priori être considéré comme une tyrannie revient à méconnaître la démocratie moderne, celle née avec la Déclaration des Droits de l'Homme durant la phase constituante de la Révolution française, qui fonde sa légitimité non pas sur Dieu mais sur la nation. Cette démocratie ne peut être bonne car elle n'est pas neutre ; la distinction entre « pouvoirs établis » et « législation » ne s'y applique donc pas. Définir le droit de tuer un enfant innocent comme l'un des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution française revient à affirmer la supériorité de la « volonté générale » des individus sur la volonté de Dieu. C'est pourquoi « la tactique léonine était résolument erronée ». (C. Barthe, Las consignas de León XIII : une fausse bonne idée, Verbo, n. 629-630, novembre-décembre 2024, pp. 825-834 ; Id., La dimension politique de la défense du droit naturel , Verbo, n. 627-628, août-septembre-octobre 2024, pp. 575-584). Dans cette rupture produite par la République démocratique, selon Don Barthe, on ne pouvait pas voir la volonté d’éloigner l’Église de la scène publique et de l’intégrer dans des structures institutionnelles qui organiseraient progressivement la séparation entre l’Église et la société. En effet, de nombreux catholiques libéraux – « avec une naïveté parfois très touchante » – y voyaient une opportunité et « le catholicisme démocratique retrouverait une influence dans la liberté moderne qu’il perdait de jour en jour, restant lié aux rêves de restauration du christianisme » (C. Barthe, Trouvera-t-il encore la foi sur terre ? , Fede & Cultura, Vérone 2024, p. 25).

 

Stefano Fontana