Le blog du Temps de l'Immaculée.
06/05/2025
Analyse des racines bibliques, des caractéristiques et de la signification du jubilé dans l'Ancien et le Nouveau Testament.
Racines calendaires dans le judaïsme ancien : Le jubilé s'inscrit dans le système calendaire septénaire juif, calqué sur le rythme du sabbat. De même que chaque semaine se termine par un jour de repos (sabbat), chaque "semaine d'année" se termine par une année sabbatique où la terre doit chômer. Le jubilé s'ajoute après sept "semaines d'années", constituant une cinquantième année. Les racines bibliques du jubilé s’enracinent dans la particularité calendaire du judaïsme ancien, centré sur le repos sabbatique, fixant un rythme septénaire qui se déployait pour les jours, mais aussi pour les années.
Toutes les sept semaines d’années, une année jubilaire s’ajoutait encore, en laquelle était prescrit un affranchissement presque total.
Une année de confiance et de prière : L'année jubilaire est une invitation à la confiance en Dieu et à la prière. L'abstention des travaux agricoles (ensemencement, moisson, vendange) durant cette année repose sur la promesse divine de fournir une triple ration la sixième année précédant le jubilé (Lv 25, 21). L'année commençait et se terminait début automne, au moment de Yom Kippour.
"À l’instar du précepte sabbatique, la prescription de l’année jubilaire invite le peuple élu à la confiance et à la prière."
"Sans commander d’œuvres religieuses spécifiques, mais en demandant l’abstention de toute activité agricole (ensemencement, moisson, vendange) le Seigneur appelle Israël à se reposer sur la bénédiction promise pour la sixième année (Lv 25, 21)."
Une année de grâce, d'amnistie et de libération : L'aspect le plus significatif du jubilé est son caractère de "grâce". Tous les cinquante ans, il prescrivait l'annulation des dettes, des hypothèques et des aliénations. Les servages étaient affranchis.
Mais surtout, l’année jubilaire était une année de « grâce », c’est à dire d’amnistie et de libération : tous les cinquante ans, toutes les dettes, hypothèques et autres aliénations étaient annulées, les servages affranchis.
Rétablissement de la possession foncière originelle : Un élément central du jubilé était le retour de chaque famille à la possession du bien qui lui avait été attribué historiquement lors de la répartition par Josué. Cela impliquait l'inaliénabilité fondamentale de la propriété terrienne, considérée comme confiée par Dieu. Les prix des transactions foncières étaient ajustés en fonction du temps restant jusqu'au jubilé (Lv 27, 16). Flavius Josèphe mentionne des arrangements possibles pour l'indemnisation (bien que le document ne cite pas directement Josèphe sur ce point, il rapporte son témoignage). Les maisons dans les villes fortifiées faisaient exception, sauf celles des Lévites.
"Chaque famille d’Israël rentrait dans la possession du bien qui lui avait été historiquement échu lors de la grande répartition de Josué."
"Puisque chaque portion de sol agricole revenait à la famille qui la détenait originairement, la propriété était finalement inaliénable, puisqu’elle avait été confiée en quelque sorte par Dieu."
"Le Lévitique prévoyait ainsi que les prix des transactions foncières soient fixés selon le nombre d’années restant avant le jubilé."
"En revanche, il semble que le jubilé n’avait pas d’effet dans les villes entourées de murs, où les maisons pouvaient être définitivement acquises, sauf celles des Lévites."
Importance théorique et non-respect dans l'Ancien Testament : Bien que la loi du jubilé soit mentionnée et soulignée dans divers passages (Nb 36, 4 ; Lv 27, 16 ; Ez 46, 16), sa pratique n'était pas toujours respectée. Le prophète Jérémie rapporte un cas où les princes du roi Sédécias ont feint d'appliquer l'affranchissement des esclaves avant de revenir sur leur décision (Jr 34, 8-11). Le cas d'Achab prenant la vigne inaliénable de Naboth illustre également le mépris de cette loi. Les prophètes mettaient en garde contre ceux qui accumulaient les biens fonciers au mépris du jubilé.
"De nombreux passages de la Bible montrent l’importance de la pratique du jubilé à l’époque de la monarchie d’Israël..."
"Mais la loi n’est pas toujours respectée, puisque Jérémie raconte comment les princes du temps de Sédécias firent mine de l’appliquer, puis se dédirent..."
"...ils changèrent d’avis et firent revenir les esclaves, hommes et femmes, qu’ils avaient renvoyés libres, et les obligèrent à redevenir esclaves et servantes." (Jr 34, 10-11)
"Dans le Second livre des Rois, c’est l’impie Achab... qui prend la vigne de Naboth, un bien inaliénable..."
Disparition de la pratique après l'exil : Il semble que la pratique du jubilé n'ait pas survécu aux exils d'Israël (722 av. J.-C.) et de Juda (586 av. J.-C.). Le livre de Néhémie, qui mentionne l'année sabbatique, ne parle pas du jubilé (Ne 10, 31). Cependant, la notion du jubilé est restée présente dans les esprits et est mentionnée par l'historien Flavius Josèphe à la fin du 1er siècle de notre ère.
"Il semble cependant que la pratique du jubilé ne survécut pas aux temps de l’exil..."
"La notion dernier jubilé demeura cependant profondément inscrite dans les esprits, puisqu’elle est mentionnée à plusieurs reprises par l’historien Flavius Josèphe à la fin du Ier siècle de notre ère."
Étymologie et signification du mot "jubilé" : Le terme "jubilé" (yobel en hébreu) vient initialement du mot désignant la corne de bélier (shofar) utilisée pour annoncer l'ouverture de cette année solennelle. Cette corne a résonné lors d'événements significatifs (Sinaï, Jéricho). Par métonymie, le mot en est venu à désigner la solennité elle-même et l'esprit qui l'accompagnait, signifiant "liberté" au 1er siècle selon Flavius Josèphe.
"Au début de l’automne, lors de la cinquantième année, l’ouverture du jubilé était annoncée par le son d’une corne appelée yobel."
"Le mot qui signifiait sans doute initialement « bélier »... en vint par une suite de métonymies à désigner la solennité que ce dernier annonçait, et même l’esprit qui y était associé..."
"...puisque Flavius Josèphe conclut que le mot signifie au Ier siècle « liberté »."
Accomplissement prophétique dans le Nouveau Testament : Le prophète Daniel avait annoncé un affranchissement final d'Israël après 70 semaines (10 périodes jubilaires). Jésus, au début de son ministère, lit le passage d'Isaïe 61 qui annonce la venue du messie en termes jubilaires :
"Aux premiers temps de son ministère public, de passage dans la synagogue de Nazareth, Jésus fait la lecture du passage d’Isaïe 61 qui annonce la venue du messie en utilisant les termes qui se rapportent à l’année jubilaire..."
"« L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par son onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, et il m’a envoyé guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la vue, pour rendre libres les opprimés, publier l’année favorable du Seigneur » (Lc 4, 18-19)."
La mission de Jésus comme accomplissement du jubilé : En déclarant "Aujourd’hui vos oreilles ont entendu l’accomplissement de cet oracle" (Lc 4, 20), Jésus présente sa propre mission comme la réalisation de la prophétie jubilaire. Sa venue inaugure une "année de grâce et de liberté", un affranchissement des liens du péché.
"Refermant le livre, Jésus ajoute : « Aujourd’hui vos oreilles ont entendu l’accomplissement de cet oracle » (Lc 4, 20)."
"Il présente ainsi sa mission comme un accomplissement de la prophétie jubilaire : une année de grâce et de liberté, un affranchissement des liens du péché."
L'interprétation chrétienne du jubilé : L'Église, en reprenant l'institution jubilaire, n'a pas restauré toutes les modalités pratiques de l'ancienne loi. Elle en a conservé "l'esprit", tel que sanctifié par le Christ qui en a fait l'annonce prophétique de sa mission.
En résumé : Le jubilé biblique était une année sainte qui survenait tous les 50 ans, marquée par le repos de la terre, l'annulation des dettes, l'affranchissement des esclaves et le retour des biens fonciers à leurs propriétaires originels. Bien que sa pratique dans l'Ancien Testament ait été irrégulière, son concept a perduré. Jésus a proclamé l'accomplissement de la prophétie jubilaire en sa propre mission, inaugurant une nouvelle ère de grâce et de liberté spirituelle. L'Église a repris l'esprit du jubilé en le voyant réalisé dans la présence continue de l'Esprit et en considérant chaque jour comme un temps de grâce.