Le blog du Temps de l'Immaculée.
16/03/2025
Au Japon, une politique de fermeture du pays débute en 1587 avec l’expulsion des missionnaires chrétiens, puis avec l’interdiction pour les Japonais de sortir du territoire – ou d’y revenir s’ils s’étaient installés outre-mer – et l’expulsion de tous les étrangers illégaux. Un isolement complet vis-à-vis de l’Occident (sakoku) est mis en place, coupant de l’Église les Japonais chrétiens convertis quelques années plus tôt.
Les chrétiens sont ensuite violemment persécutés pendant plus de deux cents ans : certains d’entre eux meurent martyrs lors d’exécutions publiques, d’autres continuent de pratiquer leur foi en secret. Il est véritablement exceptionnel que, dans ces circonstances, la foi en Christ ait pu se transmettre sur dix générations jusqu'à ce que le pay mette fin à l'isolement.
Les raisons d'y croire :
Le christianisme a été introduit au Japon en 1549 par saint François-Xavier et s’est développé rapidement. Bien qu’il s’agisse d’une religion étrangère très différente du bouddhisme et du shintoïsme pratiqués jusqu’alors, on compte jusqu’à 30 000 chrétiens en 1570 et 150 000 dix ans plus tard. Si bien qu’une cinquantaine d’années seulement après le débarquement des premiers missionnaires, ils sont déjà 300 000 chrétiens japonais.
Mais le christianisme est interdit en 1614. Les shoguns s’ingénient à éradiquer cette religion : organisation d’un système de surveillance du voisinage, prime à la délation, torture pour pousser à l’apostasie, utilisation régulière de la méthode du fumi-e pour repérer les chrétiens qui refusent de piétiner les images de Jésus et de la Vierge Marie... Malgré la répression violente et durable, le christianisme ne s’éteint pas : des Japonais parviennent à demeurer chrétiens en secret et forment de petites communautés clandestines.
Les prières qui leur avaient été apprises sont en latin et, à cause des persécutions, il n’est pas possible de conserver d’écrits. Les communautés chrétiennes sont donc coupées du reste de l’Église, sans prêtres, sans catéchisme, sans bibles, sans livre de prières… Dans de telles conditions, il aurait été logique que le christianisme japonais disparaisse en l’espace de quelques dizaines d'années. Les exemples dont nous disposons ailleurs, dans des circonstances similaires, montrent qu’habituellement, la langue et la religion se perdent au bout de trois générations.
Le Japon ne s’ouvre à nouveau aux échanges avec les nations étrangères que deux cent vingt années plus tard, en 1853, mais le christianisme est alors toujours interdit aux Japonais. Un jeune prêtre des Missions étrangères de Paris, le père Bernard Thaddée Petitjean (1829 – 1884) débarque à Nagasaki. Le 17 mars 1865, il voit un groupe de femmes s’approcher, et l’une d’elles lui demande : « Où est la statue de la Vierge ? » À la grande surprise du prêtre, le groupe récite ensuite l’Ave Maria en latin. La femme explique au prêtre : « Notre cœur est semblable au vôtre », et elle ajoute qu’il y en a beaucoup comme eux derrière les collines. Ni le père Petitjean ni aucun autre occidental n’aurait osé espérer que des chrétiens soient encore présents sur la terre nipponne.
En effet, dans plusieurs villages de la région de Nagasaki, les Kakure kirishitan (« chrétiens cachés ») ont miraculeusement réussi à transmettre leur foi au Christ au fil des générations. Certes, leur façon de pratiquer comprend plusieurs éléments d’acculturation, les influences shintoïste et bouddhiste ayant permis de camoufler leur foi illicite. Cependant, un bon nombre de rites et de prières ont été fidèlement conservés : des psalmodies, le calendrier liturgique, la dévotion à la Vierge Marie, le dogme de la vie après la mort, la vénération des martyrs… et surtout, le sacrement du baptême.
Les premiers missionnaires chrétiens n’ont eu le droit de rester sur le sol japonais que quarante ans. Puis pendant deux siècles, le christianisme est violemment réprimé. L’existence de plusieurs dizaines de milliers de chrétiens japonais au début du XIXe siècle est donc plus qu’improbable : cela semble impossible. Le pape de l’époque, Pie IX, apprenant ces faits, déclare que ce qui s’est produit autour de Nagasaki est « le miracle de l’Orient », un miracle que l’on peut attribuer à la grâce de leur baptême et à la Vierge Marie. En effet, dans certaines communautés, le chapelet a été prié quotidiennement.
En 2018, douze sites des chrétiens cachés de la région de Nagasaki ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO sous ce motif : « Ces sites apportent un témoignage unique sur la tradition culturelle particulière nourrie par les chrétiens cachés de la région de Nagasaki, qui transmirent secrètement leur foi chrétienne pendant la période d’interdiction, du XVIIe au XIXe siècle. »
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Note sur l'image.
Ce tableau représente le massacre de Nagasaki en 1622, au cours duquel plus de 55 chrétiens furent exécutés. Ce massacre est devenu connu sous le nom de Grand Martyre de Genna . Parmi les victimes figuraient des Européens, des Japonais et des Coréens. Des missionnaires sont attachés à des pieux dans un foyer ; des samouraïs armés de sabres décapitent des familles chrétiennes. La foule comprenait des Européens, des Chinois, des Africains, ainsi que des Japonais. La précision des détails suggère qu'il a été peint par un témoin oculaire. Les arbres à l'arrière-plan rappellent ceux des peintures japonaises sur paravent, et cette œuvre a peut-être été montée à l'origine comme un rouleau ou un paravent.