Le blog du Temps de l'Immaculée.

Les origines troubles de Călin Georgescu

13/03/2025

Les origines troubles de Călin Georgescu

Suite à notre article posté hier, publiant la déclaration de Călin Georgescu à propos de son éviction de l'élection présidentielle Roumaine, notre amie Jeanne Smits publie un article qui explique que tout n'est pas simple dans cette affaire. À chacun de se faire son avis !
Voici la publication de la 1ère partie de son article :

Alors que les élections présidentielles ont été annulées en Roumanie à la suite de la victoire surprise de Călin Georgescu en novembre dernier, Anca Maria Cernea, fille d’un opposant catholique au régime communiste de Roumanie qui a payé de 17 ans de prison et de tortures sa fidélité à sa foi, a dénoncé le rôle de la Russie dans cette élection qu’elle juge pipée. Cette spécialiste du « marxisme culturel » a donné une passionnante interview au média polonais wPolityce.pl, qui a été reprise et traduite en anglais par le site conservateur roumain În Linie Dreaptă. Nous vous en proposons la traduction que nous publierons en deux épisodes. Dans cette première partie, voici le propos introductif d’Anca Maria Cernea où elle dresse le portrait méconnu de cet homme politique qu’on a voulu présenter comme sorti de nulle part, mais dont les liens avec la Russie sont multiples et anciens, dit-elle, tout comme ceux avec le communisme.

 

Le message d’Anca Maria Cernea va à l’encontre de ce qu’imaginent bien des Européens au sujet de cet homme qu’ils voient comme un « extrémiste de droite » ou, pour ceux qui lui sont favorables, un homme de droite traditionnelle. Elle affirme qu’il a occulté ses côtés pro-russes afin de pouvoir séduire le public conservateur, non sans l’aide décisive des réseaux sociaux et en particulier TikTok, aux mains de la Chine.

 

Le Dr Cernea met en garde, comme elle le dit elle-même vers la fin de ce long entretien, contre la stratégie russe qui cherche à utiliser les « deux ailes » politiques que sont la gauche progressiste d’un côté et les faux chrétiens, faux patriotes de l’autre : « Les Russes essaient d’utiliser “dialectiquement” les deux ailes selon la stratégie des ciseaux, tout en veillant à ce qu’aucun conservatisme normal ne puisse se manifester », assure-t-elle dans la conclusion que nous publierons en deuxième partie.

 

En attendant, voici son portrait de Călin Georgescu, en soulignant d’abord ce qu’il n’est pas. – J.S.

 

 

Anca Maria Cernea dresse le portrait de Călin Georgescu
 

Plutôt que de dire qui il est, il est important de souligner qui il n’est pas.

 

Georgescu n’est pas un patriote. Il n’est pas un souverainiste. Il n’est pas un « candidat indépendant ». Il n’est pas un chrétien conservateur. Il n’est pas un combattant de la liberté qui affronte l’Etat profond.

 

Pour la plupart des gens ici, Georgescu est simplement apparu de nulle part. J’estime que 8 citoyens sur 10 qui ont voté pour lui n’avaient pas entendu parler de lui un mois avant les élections. Sa campagne frauduleuse sur les réseaux sociaux, soutenue par la Russie et la Chine, a réussi à cacher soigneusement son vrai visage au public, en Roumanie et à l’étranger.

 

Un homme qui compte sur les ennemis de son pays pour accéder au pouvoir, et qui devra plus tard leur rendre la pareille et servir leurs intérêts, n’est pas un patriote. Un homme qui a proclamé que dans notre pays il n’y aurait « plus de partis politiques » ne peut pas non plus être un combattant de la liberté.

 

Avant le premier tour des élections, peu de gens ici étaient au courant de la sympathie déclarée de Georgescu pour la Russie, de ses contacts avec Alexandre Douguine, de sa promesse de retirer notre pays de l’OTAN ou de remettre en question le bouclier antimissile américain installé en Roumanie.

 

 

Călin Georgescu, cet inconnu


A l’époque où Sputnik, le site officiel de la Fédération de Russie, fonctionnait encore légalement, le nom de Georgescu y était très souvent mis en avant. Sputnik le présentait comme la plus grande chance pour la Roumanie, ils disaient que « des millions de Roumains le voulaient comme Premier ministre » – ce qui était bien sûr un mensonge grossier, puisque personne, à part quelques journalistes ou autres chercheurs, ne s’intéressait à cet individu à l’époque.

 

Mais lors de sa récente campagne pour les élections législatives, il n’a pas été fait mention des relations de Georgescu avec la Russie, et ce pour une raison simple : il n’aurait pas obtenu les votes qu’il a obtenus.

 

Récemment, lors d’une conversation avec des journalistes étrangers sympathisants, Georgescu a accusé l’OTAN d’être responsable de l’annulation du premier tour des élections, l’OTAN essayant prétendument de se débarrasser de lui, car il veut la paix et l’OTAN veut la guerre. Voici un extrait d’un reportage de Sky News du 7 décembre :

« Il (Georgescu) a affirmé que la Cour (la Cour constitutionnelle roumaine) avait subi des pressions pour annuler les élections de la part d’un groupe de pays de l’Union européenne et de l’OTAN déterminés à renverser la démocratie dans son pays, en raison de leur volonté de maintenir la guerre en Ukraine. Ils ont besoin de la guerre et veulent protéger leurs chèques », m’a-t-il dit. « L’OTAN est passée de la défensive à l’offensive et nous ne pouvons pas l’accepter. Ne me poussez pas à la guerre, car ce n’est pas dans mon intérêt. Mais ils ont besoin de la guerre. »

Un candidat avec un programme explicitement pro-russe et anti-OTAN n’aurait pas pu se qualifier pour le second tour des élections présidentielles.

 

Pour Anca Maria Cernea, la Russie représente la plus grande menace pour la souveraineté de la Roumanie
Il a dû occulter tous ces éléments, car la Russie représente la plus grande menace pour la souveraineté de la Roumanie, et les dirigeants russes actuels ont formulé des menaces très explicites contre notre pays. Tout au long de notre histoire, aucune occupation ennemie n’a été aussi malfaisante et destructrice que celle de la Russie. L’OTAN est l’alliance qui garantit notre souveraineté, notre sécurité et notre existence au sein de la civilisation dans laquelle nous voulons vivre.

 

Georgescu se présente également comme un conservateur, un chrétien orthodoxe, et de nombreux prêtres orthodoxes et pasteurs évangéliques ont fait campagne pour lui au sein de leurs communautés. La plupart d’entre eux, sinon tous, ignoraient ses idées New Age, son utilisation de symboles occultes, son inspiration Osho (oui, Rajneesh, le gourou et chef de secte pro-soviétique, anti-chrétien et partisan de la libération sexuelle), et les attaques qu’il avait lancées contre l’Eglise chrétienne lors de déclarations antérieures.

 

Călin Georgescu est la personnalité publique roumaine qui fait l’apologie la plus éhontée, la plus audacieuse et la plus téméraire du mouvement terroriste et antisémite de l’entre-deux-guerres « Légion de l’Archange Michel », dirigé par Zelea Codreanu, et du dictateur militaire Ion Antonescu, fidèle allié d’Hitler.

 

Pendant la dernière phase du régime de Ceaușescu, cherchant à légitimer le dictateur en faisant appel à une tradition plus ancienne, certains cercles de la Securitate ont associé ces deux références historiques (plutôt incompatibles) à l’idéologie communiste afin de créer une mythologie national-communiste. Cela a également permis d’effacer le souvenir de la tradition démocratique très forte de la Roumanie de l’entre-deux-guerres. Georgescu est l’expression de cette synthèse national-communiste. Elle a ensuite été réalisée en Russie par Douguine et Poutine.

 

Comme Poutine, Georgescu dit regretter l’URSS (communiste)
Une autre information importante que la plupart ignorent est que Călin Georgescu a également clairement exprimé ses regrets au sujet de l’effondrement de la dictature communiste. Voici une citation de sa propre main : « Tout ce qui s’est passé en 1989, je vous le dis clairement, n’était qu’une action, à savoir un coup d’Etat, pour que l’Occident pille les ressources et réduise la population en esclavage. »

 

Rien d’étonnant à ce qu’il pense ainsi, car sa carrière est en lien avec les vestiges les plus sombres du régime communiste. C’est précisément ce système pervers qui a façonné Georgescu depuis sa plus tendre enfance, et il en a toujours fait partie. En faisant des recherches sur sa biographie officielle, on peut trouver, par exemple, cette information intéressante, malheureusement sans détails :

« Après avoir obtenu son diplôme en 1986, il a acquis une expérience supplémentaire en effectuant des missions au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. »

 

Cela soulève une série de questions troublantes. Avant décembre 1989, sous le régime de Ceaușescu, alors qu’il était très difficile d’obtenir un passeport et d’aller acheter du savon en Bulgarie, pays socialiste voisin, ce jeune pédologue (spécialisé dans l’étude des sols) s’est rendu au Royaume-Uni et aux Etats-Unis !

 

Et « en missions » ! Qui envoyait en « mission » à cette époque ? Qu’a-t-il réellement fait au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ? Quel type d’« expérience » y a-t-il acquise ? Après 1989, la carrière de Georgescu a continué à être liée à des personnes du groupe pro-russe au sein des anciennes structures du régime communiste. Ils ont réussi à s’emparer du pouvoir en détournant la révolution roumaine de 1989, sous la direction d’Ion Iliescu. Ces pro-russes, dont certains se sont avérés être de purs agents russes, avaient été marginalisés par Ceaușescu, qui craignait que les Russes ne le renversent. Ils ont été réactivés par Iliescu et nommés à des postes stratégiques.

 

C’est à ce moment-là que Sergiu Celac, ancien traducteur personnel de Nicolae Ceaușescu, qui avait par la suite perdu les faveurs du dictateur, est devenu ministre des Affaires étrangères de Roumanie (début 1990). Pour sa part, le ministre Celac a travaillé en étroite collaboration avec Mihail Caraman, le célèbre espion du KGB, qui a été nommé par Iliescu vice-ministre de la Défense nationale en janvier 1990, pour devenir peu après le chef du Service de renseignements extérieurs (SIE) nouvellement réorganisé. Caraman avait été à la tête du célèbre réseau qui porte son nom, lequel avait espionné l’OTAN pour le compte des Soviétiques pendant la guerre froide, causant des dommages considérables à l’Organisation de l’Atlantique Nord.

Călin Georgescu était un proche collaborateur de Celac à cette époque. C’est ainsi qu’il a commencé à occuper successivement divers postes au sein du gouvernement.

 

Les liens de Călin Georgescu avec le renseignement polonais
Compte tenu de ces liens étroits, les journalistes et autres analystes ont conclu à juste titre que Georgescu est un produit de cet entourage particulier, l’effet de l’héritage de Caraman. Ces cercles sont l’homologue roumanophone des cercles WSI (Wojskowe Służby Informacyjne, le service de renseignement de l’armée polonaise.* Les cercles du WSI en Pologne sont-ils « anti-establishment », ou font-ils eux-mêmes partie intégrante de l’Etat profond ?

 

[*WSI, le service de renseignement de l’armée polonaise, créé en 1991 et liquidé à la suite de la décision du Sejm en 2006. Selon le rapport établi à cette occasion, connu sous le nom de « rapport Macierewicz », du nom du vice-ministre de la Défense chargé d’enquêter sur le WSI et de le dissoudre (voir le texte intégral du rapport en anglais ici https://archive.org/stream/MacierewiczReportOnLiquidationOfThePolishMilitaryInformationServices/WSI_Report_full_djvu. .txt), le WSI a non seulement manqué à ses obligations légales (il n’a pas réussi à capturer un seul espion russe), mais a également agi en violation de la loi, en utilisant ses agents (parmi lesquels de nombreux anciens membres de la police politique communiste) pour infiltrer la politique, la presse, la diplomatie, la justice, l’industrie, le commerce, le tourisme, l’éducation, et pratiquement tous les domaines de la société, afin de promouvoir les intérêts de l’ancienne nomenclature communiste liée à la Russie ainsi que les intérêts étrangers hostiles à la Pologne. Pratiquement, WSI fonctionnait comme une vaste agence russe. Ils se sont également impliqués dans des activités carrément mafieuses : la mafia du carburant, le commerce des armes, les contacts avec des organisations terroristes internationales.]

 

Traduction de travail par Jeanne Smits

 

La 2è partie pour les passionnés ici