Le blog du Temps de l'Immaculée.

La dernière messe de Noël Pinot

21/02/2025

 La dernière messe de Noël Pinot

Le 21 février 1794, la commission militaire révolutionnaire d’Angers envoie au bourreau le ci-devant curé de la paroisse du Louroux-Béconnais, Noël Pinot, prêtre réfractaire coupable d’avoir désobéi à la loi en poursuivant son ministère dans la clandestinité. Pour rire de lui, on le contraint à marcher à la mort revêtu des ornements sacerdotaux qu’il portait au moment de son arrestation, alors qu’il s’apprêtait à célébrer la messe. Ce faisant, sans le comprendre, les persécuteurs vont prodigieusement souligner la grandeur du sacerdoce catholique.

Les raisons d'y croire


Depuis 1791, les prêtres qui ont refusé de prêter serment à la Constitution civile, qui soustrait le clergé français à l’autorité de Rome, sont hors la loi et doivent quitter le territoire national. Ceux qui s’y refusent et préfèrent passer dans la clandestinité pour continuer leur ministère interdit sont passibles de la peine de mort. Choisir de rester près de ses paroissiens réclame un sens aigu de ses devoirs de prêtre et un courage héroïque. Modeste et humble curé d’un village angevin qui n’a jamais fait parler de lui, l’abbé Pinot révèle devant le péril des vertus hors du commun.


Noël Pinot vient d’une famille pauvre, dans l’incapacité de lui offrir des études ; c’est sa piété qui lui permet d’entrer au séminaire et d’être ordonné, sans aucun espoir d’avancement puisqu’il faut, pour être nommé curé, avoir suivi un cursus universitaire qu’il n’a ni le temps ni les moyens d’envisager. Tout ce qu’il fait dans sa vie est donc entièrement tendu vers le service de Dieu et le salut des âmes.


À quarante et un ans, quand il s’installe dans la paroisse rurale de Louroux-Béconnais, son premier souci est de vendre tout ce qui lui appartient, meubles et effets personnels, et de donner ce qu’il touche aux nécessiteux, voulant « être le premier pauvre de sa paroisse ». Si l’abbé Pinot n’a laissé aucun document écrit, hormis les actes de catholicité qu’il a signés dans ses diverses fonctions, il est cependant évident qu’il regarde son sacerdoce comme une imitation de la vie du Christ. Selon la formule consacrée, il s’efforce d’être, dans la vie quotidienne comme à l’autel, l’incarnation du prêtre « alter Christus » (« autre Christ »).

 

À l’instar du Bon Pasteur, l’abbé Pinot, quand il voit venir la persécution et le danger, se refuse à abandonner ses brebis. Il ne prête donc pas le serment constitutionnel et s’en explique publiquement en chaire, ce qui l’expose aux châtiments prévus par la loi. Il s’agit déjà du courage des martyrs qui faisait dire aux premiers chrétiens, quand on leur demandait d’apostasier : « non possumus » (« nous ne pouvons pas »).

 

La première mesure prise contre les prêtres qui refusent le serment est l’expulsion de leur paroisse et l’interdiction de résider sur son territoire. Ces prêtres se trouvent soudain chassés de chez eux, jetés à la rue, privés de tout moyen de subsistance et dans l’impossibilité de trouver refuge chez des amis, puisque presque tous sont de la paroisse. Ce n’est certes pas un petit sacrifice d’accepter par fidélité à l’Église d’être dépouillé de tout et privé d’un toit, mais « les oiseaux du ciel ont des nids, les renards des terriers, le Fils de l’homme n’a pas même une pierre où reposer sa tête » (Lc 9,58).

 

Lorsque la persécution se durcit, il passe dans la clandestinité. À compter de la fin de l’été 1792, il sait qu’il risque sa tête en restant en France. Pendant dix-huit mois, il va vivre ainsi, passant d’une cachette à l’autre, donnant les sacrements et célébrant la messe dans des maisons sûres, les bois ou les champs. Ainsi maintient-il la vie sacramentelle.


Début février 1794, la Terreur est à son sommet. À l’imitation de son Maître, l’abbé Pinot va rencontrer son Judas qui, dans la nuit du 8 février, conduit les soldats républicains au lieu de la messe qu’il s’apprête à célébrer clandestinement.


C’est paradoxalement en cherchant à le ridiculiser et à moquer son état sacerdotal que ses bourreaux vont donner à son supplice une dimension christique évidente. Sa comparution devant les juges et sa marche à l’échafaud, toujours revêtu de l’aube, de la chasuble et de l’étole, l’identifient plus que jamais au Christ.


L’abbé Pinot est exécuté place du Ralliement le 21 février à trois heures de l’après-midi, l’heure de la mort du Christ en croix. Prêtre et victime à la fois, il s’offre lui-même en ultime sacrifice. Il gravit les degrés de l’échafaud comme s’il montait une dernière fois à l’autel en entonnant l’introït de la messe : « Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam » (« Je m’avancerai vers l’autel de Dieu, le Dieu qui réjouit ma jeunesse »). Ses derniers mots sont : « Mon Dieu qui avez donné votre vie pour moi, qu’avec plaisir, je donne la mienne pour vous ! »

 

Synthèse sur 1000 raisons de croire