Le blog du Temps de l'Immaculée.
20/11/2025
Eric Zemmour aime passionnément la France et tout aussi passionnément sa famille, juive séfarade originaire d’Algérie. Il aime moins l’Eglise, surtout post conciliaire et pas du tout l’Islam. Il croit que « La France sans le christianisme n’est plus la France » et que pour continuer à exister la France doit, logiquement, être rechristianisée.
Une famille amoureuse de la France
Au-delà des constructions intellectuelles, souvent brillantes et érudites, le président de Reconquête apparaît fondamentalement comme un homme marqué par une histoire bien particulière. Sa famille a accueilli l’entrée des troupes françaises dans Alger en 1830 comme une libération du pesant statut de dhimmi imposé par la Sublime Porte aux Juifs de l’Empire ottoman. Reconnaissance portée à son paroxysme par le décret Crémieux (24 octobre 1870) qui attribuait aux Israélites d’Algérie la citoyenneté française, déniée aux populations indigènes musulmanes. Désormais, entre les Juifs séfarades d’Algérie et la France c’est une union à la vie à la mort comme en témoigne le fait qu’en 1962 les 140 000 Juifs d’Algérie quitteront quasiment tous le pays pour rejoindre la France ou Israël. Ce » patriotisme incandescent » s’était scellé dans le sang du grand-père maternel d’Eric Zemmour, officier français, blessé d’un coup de couteau lors des émeutes de Sétif en mai 1945. Parallèlement à cet amour inconditionnel de la France la famille de notre auteur ne nourrit pas, et cela depuis des siècles, un amour immodéré pour un Islam qui l’avait réduite à un statut social inférieur.
Une connaissance approximative du catholicisme
Ce bref essai est la réponse à la demande du directeur d’une revue américaine : First things demandant de répondre à la question suivante : Comment sauver le catholicisme en Europe ? Logiquement l’auteur ne peut manquer de s’interroger sur ce qui constitue, selon lui, l’âme et l’essence du catholicisme. D’heureuses observations : « Le message évangélique se focalisa sur le salut de l’âme individuelle » ou « Saint Paul (mais pas que lui NDA) favorisa l’émergence d’un individu développant un contact personnel avec la divinité » cohabitent avec de plus étranges considérations sur l’opposition artificielle et systémique créée entre l’Eglise comme institution, héritage de saint Pierre et de la synagogue et la religion intérieure, héritage de saint Paul. Parler de « Jacques, frère de Jésus » n’est-il pas inutilement provocateur ? Quant à l’affirmation selon laquelle : « La Loi n’importe guère, les œuvres n’importent guère, le salut ne vient que de Jésus, fils de Dieu » notre auteur doit confondre le catholicisme avec le luthéranisme.
Une nouvelle Sainte-Alliance ?
Nonobstant ces approximations Eric Zemmour dénonce les complaisances de l’Eglise post conciliaire, rongée par la repentance et la culpabilité, avec la submersion migratoire, en bonne partie de religion musulmane que subit l’Europe et ne craint pas de faire l’éloge d’un « catholicisme viril » que ne renierait pas l’abbé Raffray. Prenant acte des racines juives du christianisme notre auteur en appelle à une union des Juifs et des catholiques car « seule leur alliance peut sauver la France et l’Europe d’une inéluctable et funeste islamisation ». Cette proposition soulève de nombreuses questions. Tout d’abord n’est-il pas un peu rapide de présenter les Juifs comme une entité homogène ? Zemmour note, en effet, que de nombreux Juifs ont joué un rôle déterminant dans toutes les sanglantes révolutions bolcheviques en Europe de l’Est et en Russie et que de nombreux Juifs, en particulier ashkénazes, ont mené en France depuis les années 1970 une lutte acharnée contre toutes les tentatives de préserver l’identité française et de limiter les flux migratoires. Ensuite, l’auteur du suicide français tient sur la laïcité des propos, certes cohérents avec son histoire personnelle : « Français dans la rue et Juif à la maison » lui répétait sa mère, mais tout à fait étrangers à notre tradition nationale : « La seule solution est d’appliquer la laïcité dans toute sa rigueur, toute la laïcité à la française, celle qui prévoit un « devoir de discrétion dans l’espace public » et qui doit donc interdire tout signe religieux comme le voile, non seulement à l’école, mais aussi à l’université, au travail dans la rue même ». Emile Combes ou Jules Ferry ne pensaient pas autre chose : expulser la religion de la vie publique et la cantonner à la sphère privée. Il s’agit ni plus ni moins que de la négation de deux millénaires d’histoire de France. Interdire tout signe religieux dans la rue c’est interdire les processions de la Fête-Dieu et raser les calvaires. Ce n’est, bien sûr, pas ce que souhaite Eric Zemmour mais c’est néanmoins la conséquence logique de ce qu’il écrit. Parce qu’il n’a pas la foi notre auteur ne peut comprendre qu’une expérience religieuse authentique demande aussi à s’exprimer dans la sphère publique. La vie chrétienne ne peut se cantonner à la sphère privée.
Le piège de la laïcité.
Contre la doxa largement dominante, à droite comme à gauche, il nous apparaît que la laïcité est à la fois un piège et une trahison. Un piège car elle est un athéisme pratique qui conduit au nihilisme de la modernité, terreau sur lequel prospère un Islam au pouvoir de séduction inentamé. Une trahison de la vocation catholique de la fille aînée de l’Eglise qui ne peut accepter de voir la religion qui l’a portée sur les fonts baptismaux de Reims cantonnée aux foyers domestiques et aux lieux de culte. Eric Zemmour n’étant pas catholique il ne peut être accusé de trahison, un catholique est cependant dispensé de le suivre sur ce point. Enfin, comme vient d’opportunément le rappeler Pierre Manent : « Pendant deux bons siècles (…) on a cru que l’on pouvait garder les vertus et les principes chrétiens sans la foi au Christ. Les esprits les plus lucides-je pense en particulier à Nietzsche- se sont aperçus que cela ne tenait pas : avec l’eau du bain il fallait jeter aussi le bébé ». (Ecrits de Rome No 25- Novembre 2025) Un christianisme sans le Christ est à la fois un non-sens et une impasse. Rappelons au passage que la foi est un don gratuit de Dieu. C’est ce don que sollicitent pour Eric Zemmour les pieuses personnes qui lui offrent « des médailles sacrées de la Vierge Marie » non pas pour lui « porter bonheur » mais pour contribuer à sa conversion, gage du salut.
Comment sauver le catholicisme en Europe ?
Comment sauver le catholicisme en Europe ? était la question originellement posée. D’abord en refaisant des catholiques. Fidèles aux promesses de leur baptême, au décalogue- commun avec les Juifs- et aux Béatitudes. Si Eric Zemmour semble avoir bien compris que les enjeux actuels sont, effectivement, des enjeux de civilisation et se réjouit du dynamisme du catholicisme traditionnel, il est à craindre qu’il ne tire pas toutes les conséquences logiques de ses analyses préliminaires. S’il observe, justement, que « La jeunesse occidentale est la première depuis deux mille ans à n’avoir reçu aucun héritage religieux et quasiment aucun héritage culturel » son mépris pour l’islam est, en partie, mal placé. En effet, un musulman, dans sa version modérée et occidentalisée, a au moins le sens de la loi naturelle et du culte rendu à Dieu en justice. C’est d’ailleurs de la faute des laïcards de combat, largement déconstruits et dégénérés, si une partie de la jeunesse se jette dans les bras de l’Islam car on l’a dépossédée des grandes questions métaphysiques et religieuses.
Eric Zemmour mérite notre reconnaissance pour le courageux combat qu’il mène au service de la France éternelle. Il mérite aussi nos prières pour qu’il ait le courage, et la grâce, de mettre ses pas dans les traces de Jean-Marie Lustiger, Véronique Lévy – la sœur de Bernard-Henri -, Marcel Dassault ou Edith Stein. Ce sera certainement sa contribution la plus déterminante au sauvetage du catholicisme en Europe.
Jean-Pierre Maugendre
Source : Renaissance Catholique