Le blog du Temps de l'Immaculée.
16/09/2025
Le 10 septembre 2025, à 12h23 heure locale, les États-Unis ont connu un « turning point », un tournant. C’est d’ailleurs ainsi que Charlie Kirk avait nommé son organisation conservatrice : « Turning Point USA », dont le but est de promouvoir les valeurs conservatrices auprès de la génération estudiantine, en organisant des débats (« Prove me wrong ») sur les campus pour les relayer en ligne et en tirer des extraits viraux. Charlie Kirk ne pouvait alors mesurer à quel point il serait un tournant pour toute une génération.
Dans les heures suivant sa mort, le monde entier a pu découvrir à quel point ce jeune homme de 31 ans était puissant. Ceux qui ne le connaissaient pas, les plus âgés notamment, ont pu comprendre la place qu’avait prise, peut-être à leur insu, ce genre de stratégie socio-politique. Son assassinat laisse toute une génération endeuillée, un peu égarée, hésitante entre deux voies : laisser libre court à la colère et à la guerre culturelle déjà entamée, puisque le dialogue qu’essaya d’instaurer Charlie Kirk avec les libéraux n’a pas fonctionné, ou bien perpétuer son héritage avec persévérance, résignation et charité. Face à ce défi, la décision que prendra la génération Z dans les prochains mois changera véritablement la face des États-Unis et du monde entier.
Dès l’annonce médiatique de coups de feu tirés contre Charlie Kirk dans une université de l’Utah, déjà les chaînes libérales se vautrent dans les bourdes les plus effarantes. Sur MSNBC, la chaîne la plus à gauche de la télévision mainstream américaine, le commentateur Matthew Dowd affirme que les tirs proviennent peut-être d’un « supporter » de Charlie Kirk, ayant tiré de manière « festive. » L’absurdité du commentaire, et le tollé qu’il provoque, vaut à Dowd d’être renvoyé de MSNBC dans les heures suivantes. Beaucoup d’autres employés perdront leur emploi dans les jours suivants, pour des commentaires déplacés du même genre. Sur les réseaux sociaux, des milliers de jeunes gauchistes se réjouissent publiquement de l’assassinat sanglant de l’homme qui leur a fait perdre deux élections en 2016 et en 2024. Même en Angleterre, le président élu de l’Oxford Union, la très réputée société de débat de l’université d’Oxford, George Abaraonye, se réjouit sur Instagram : « Charlie Kirk got shot, let’s f* go. » Il avait débattu contre Charlie Kirk quelques mois auparavant. L’indignité de ces réjouissances morbides contraste avec la réaction exemplaire de sa veuve.
Il n’est pas impossible qu’Erika Kirk devienne une des figures politiques les plus importantes de l’Occident dans les mois à venir, en portant l’héritage de son mari. Lors de sa première apparition publique après l’assassinat de son mari, elle se présente, avec la dignité d’une veuve de guerre, dans le studio du podcast The Charlie Kirk Show, pour prononcer un discours de 16 minutes. Debout à un pupitre, la main sur le fauteuil depuis lequel son mari galvanisait ses troupes au micro de son podcast, l’ancienne Miss Arizona, élégamment maquillée et coiffée, annonce la suite du programme : « Bonsoir. Mon nom est Erika Kirk. Je suis la femme de Charlie Kirk. » Dans la première moitié du discours, elle partage avec émotion quelques souvenirs joyeux de son mari. Sa voix se brise en racontant comment elle a annoncé la nouvelle à ses deux enfants, désormais orphelins de père. Au milieu du discours, son visage change radicalement ; il se fait déterminé, ferme et glacial, pour annoncer :
« Les monstres responsables de l’assassinat de mon mari n’ont aucune idée de ce qu’ils viennent de faire. Ils ont tué Charlie car il portait le message du patriotisme, de la foi, et de l’amour miséricordieux de Dieu. Il faut qu’ils sachent cela : si vous pensiez que la mission de mon mari était déjà puissante avant sa mort, vous n’avez aucune idée de ce que vous venez de déchaîner dans le pays entier, dans le monde entier. Vous n’avez aucune idée du feu que vous avez allumé dans cette femme. Les pleurs de cette veuve résonneront dans le monde entier comme un cri de bataille. À tous ceux qui écoutent ce message : le mouvement bâti par mon mari ne mourra pas. »
Dans les heures suivantes, Erika Kirk marque le paysage médiatique avec quelques images publiées sur ses réseaux sociaux : elle brandit le collier et la croix de son mari à travers la fenêtre de sa berline ; elle descend d’Air Force 2 avec JD et Usha Vance pour assister au débarquement du cercueil ; elle tient la main figée du corps de Charlie avant la mise en bière. Les images sont crues : l’ère des réseaux sociaux ne fait pas dans la nuance. Mais elles affirment une chose : Erika Kirk appelle à continuer l’œuvre de son mari, sans changer de cap.
Les jours suivant l’assassinat voient des réactions toutes plus disproportionnées les unes que les autres. Seule Erika Kirk semble marquer la ligne de crête. Mais à sa droite comme à sa gauche, les foules se déchainent et redoublent d’inventivité pour exploiter au maximum l’évènement le plus important de l’année 2025. Sans étonnement, on voit proliférer les publicités pour le t-shirt blanc marqué « Freedom » que portait Charlie Kirk au moment de l’assassinat, appelé à venir renforcer la garde-robe MAGA. Plus problématique, nombre de chrétiens publient des images sulpiciennes générées par l’Intelligence Artificielle, représentant Charlie Kirk dans les bras de Jésus au Ciel, ou même déguisé en saint martyr des premiers siècles. Partout, on voit son visage rond affublé d’auréoles, ou entouré de légions d’anges, dans un festival de mauvais goût inégalé. Le prêtre anglo-catholique, réformé, Calvin Robinson, publie sur son compte Instagram une icône générée par IA représentant Charlie Kirk avec la légende : « On peut avancer un argument en faveur de la canonisation. Je ne crois pas que l’Église catholique ait jamais officiellement canonisé quelqu’un en dehors des Églises catholique ou orthodoxe. Mais c’est techniquement possible. » On notera que ce « prêtre » n’est pas en communion avec l’Église catholique. Cependant, son commentaire, vu par ses 67 000 « followers », est symptomatique de la vague de chrétiens qualifiant Charlie Kirk, plus ou moins légitimement, de « martyr » in odium fidei. En France, sur CNews, Philippe de Villiers qualifie Charlie Kirk de « premier martyr du wokisme en Occident. »
Michael Knowles, l’un des podcasters catholiques conservateurs les plus suivis au monde (The Michael Knowles Show, sur le Daily Wire), écrit un pamphlet qui nous semble d’une importance capitale pour comprendre le défi qui attend les catholiques occidentaux :
« À la suite de l’assassinat de Charlie, beaucoup de gens demandent que nous redoublions notre dévouement au « libre marché des idées ». À première vue, cet appel semble courageux et noble. En réalité, il est imprudent et irréaliste. Nous avions un marché ouvert des idées ; la gauche l’a détruit. Non seulement les extrémistes de gauche ont recours à la violence dans ce marché des idées, mais, plus scandaleusement encore, les voix de la gauche mainstream ont applaudi et pris cette violence à la légère. Dans de telles conditions, il ne peut y avoir de marché ouvert des idées, ni de marché ouvert tout court. Les marchés nécessitent des règles, de la confiance et des moyens d’échange communs. En d’autres termes, ils nécessitent de l’ordre. La liberté requiert de l’ordre. Concrètement, cela signifie que nous devons stigmatiser certaines idées et comportements mauvais, et ostraciser ceux qui y persistent. Plus concrètement encore, les personnes qui entretiennent un tel désordre devraient perdre leur statut social. Dans certains cas, elles devraient perdre leur emploi. Il doit y avoir des conséquences. […] Les offenses qui méritent un tel ostracisme doivent être particulièrement choquantes. Un bon point de départ serait ceux qui célèbrent le meurtre d’un homme innocent. »
Derrière ce texte, l’orientation possible de toute une génération se dessine. Michael Knowles, résolument post-libéral et opposé à la liberté d’expression telle que la comprend le modernisme, prend ici le parti de la coercition. Il s’oppose ici à la droite traditionnelle qui appelle, partout dans le monde (y compris en France), au respect de la liberté d’expression, et se place dans une logique encore plus traditionaliste : l’erreur n’a aucun droit, pas seulement philosophiquement mais aussi très concrètement dans la société. Il demande à la société de déclarer la guerre au gauchisme, pour le restreindre et l’empêcher de faire de nouveaux martyrs.
Sur les campus et les podcasts, les débats de Charlie Kirk, fervent chrétien évangélique, sont non seulement politiques, mais aussi apologétiques. Il y défend la foi chrétienne face aux pires ennemis qu’elle puisse connaître au XXIe siècle : les étudiants des universités publiques américaines. Avec sa verve passive-agressive, il réfute les arguments pro-choix, démocrates, socialistes, libéraux, athées. Il profite de son influence considérable pour appeler les jeunes hommes et les jeunes femmes à se marier, à fonder des familles, à suivre le Christ. Sur le podcast libéral Whatever, il rencontre de jeunes actrices pornographiques pour leur prêcher, avec toute la charité que la pitié commande, la beauté du mariage chrétien et monogame, et les quatre amours : eros, storge, philia et agape. Sur un autre podcast, on lui demande comment il aimerait qu’on se souvienne de lui, il répond : « J’aimerais qu’on se rappelle de moi pour le courage de ma foi. C’est la chose la plus importante. La chose la plus importante est ma foi. » Il accuse les protestants de « ne pas assez vénérer Marie », qu’il présente comme le remède au féminisme radical. À une foule de supporters, il déclare un jour : « Engagez-vous, faites confiance à Dieu et agissez avec obéissance » avant de citer le verset de Romains 12 :2 : « Et ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l’esprit, afin que vous éprouviez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. »
C’est à la lumière de ce verset de saint Paul, cité par la voix affirmée de Charlie Kirk, que devra être menée la suite du « combat » (2 Timothée 4 :7). Quel est le « siècle présent » auquel nous ne devons pas nous conformer ? Charlie Kirk voulait sûrement marquer ici l’importance de ne pas se conformer à la bien-pensance libérale du mandat Biden-Harris. Et si la nouvelle bien-pensance des années à venir était marquée par l’extrême opposé, une folie conservatrice, dont la colère, attisée par de tels assassinats politiques, irait à l’encontre des commandements de Notre Seigneur ? Saint Paul, cité par Charlie Kirk, nous appelle à suivre inébranlablement « la volonté de Dieu. » On connaît l’anecdote de saint Dominique Savio qui, entraîné par ses camarades vers une foire, s’arrête et leur déclare simplement : « Cela ne plaît pas à Dieu » et refuse avec une grande simplicité d’avancer. En parallèle, on sait que les saints des premiers siècles allaient en chantant au martyre. Le péché (ce qui déplaît à Dieu) doit nous faire horreur et nous arrêter net dans notre course, à l’exemple de saint Dominique Savio ; mais la persécution, elle, ne doit susciter en nous qu’une sainte résignation et une action de grâce pour endurer ce que Notre Seigneur a enduré. Cette vertu est résumée par le mot célèbre de la reine Blanche de Castille à son fils saint Louis : « Mon fils, j’aimerais mieux vous voir mort que coupable d’un seul péché mortel. » Face au chaos que l’assassinat de Charlie Kirk a déclenché, le catholique est appelé à se mettre à l’école des saints, images de Notre Seigneur Jésus Christ. Il est trop facile d’ériger Charlie Kirk en saint martyr, et d’appeler ensuite à la vengeance, à « se faire justice soi-même » et à la guerre civile. La vengeance, froide ou chaude, n’est pas un plat chrétien.
L’Évangile vient déranger notre bien-pensance, de gauche ou de droite, c’est-à-dire nos pensées héritées du monde. Mais le catholique ne doit pas avoir peur d’être dérangé par l’Évangile, il est appelé à tout offrir à Dieu, et à conformer ses opinions et ses affections à l’exemple et aux commandements de Notre Seigneur. Ils ne peuvent pas être plus clair. Matthieu 5 :44-48 :
« Et moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous deveniez enfants de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et descendre la pluie sur les justes et sur les injustes. Si en effet vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Luc 23 :33-34 : « Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Calvaire, ils l’y crucifièrent, ainsi que les malfaiteurs, l’un à droite, l’autre à gauche. Et Jésus disait : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Contemplons l’attitude de Notre Seigneur sur la Croix. Appelle-t-il à l’insurrection de ses cinq mille disciples (le même nombre que les partisans de Charlie Kirk sur ce campus de l’Utah) présents lors de la multiplication des pains ? Demande-t-il à saint Jean de le venger ? Longin le Centurion, face au Christ en Croix, ou saint Paul, face à saint Etienne lapidé, se convertissent-il sous la menace de l’ostracisme ? Non. Notre Seigneur nous prévient seulement à travers les mots de son apôtre (2 Tim. 3 :12) : « Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus auront à souffrir persécution. »
Augustin Marie Bréchard
Fraternité Saint-Ephrem
in Le Salon Beige
Prise de parole d'Eika Kirk (Doublée en français)