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Les Réformes du Pape François : Ruptures et Héritage

22/04/2025

Les Réformes du Pape François : Ruptures et Héritage

Analyse de l'article de l'historien Christophe Dickès dans le Figaro Vox sur l'héritage des réformes du Pape François suite à son décès.

Rupture et Réforme vs. Révolution 
L'article souligne que si le monde médiatique a souvent qualifié le pontificat de François de "révolutionnaire", l'historien Christophe Dickès préfère le terme de "réformes", s'inscrivant dans la longue histoire de l'Église. Le pape a manifesté dès son élection la volonté de recentrer l'Église sur sa mission évangélique et sociale, à l'image de Saint François d'Assise.

« En prenant le nom de François le 13 mars 2013, le cardinal Jorge Bergoglio révélait au monde sa volonté de recentrer l’Église dans sa mission évangélique et sociale en marchant dans les pas du povorello d’Assise. Assez rapidement, le monde médiatique en fit un pape révolutionnaire quand, dans la longue histoire de l’Église, on préfère utiliser le terme de réformes. »

 

Réforme de la Curie Romaine 

Une des priorités du pontificat a été la réforme de la Curie, minée par des scandales financiers et des luttes de pouvoir. François a poursuivi le travail initié par Benoît XVI, en s'attaquant notamment à la banque du Vatican. Une rupture significative a été la diminution du pouvoir du Secrétaire d'État au profit direct du pouvoir pontifical, notamment en matière financière avec la création du Secrétariat pour l'Économie.

« Le pape opéra sur ce sujet une véritable rupture en vidant de sa substance le pouvoir de son secrétaire d’État - équivalent de notre premier ministre - au profit même du pouvoir pontifical. Autrement dit, il retira à son secrétaire d’État le pouvoir financier en créant un secrétariat pour l’Économie dépendant directement du pouvoir pontifical. »

 

Constitution Apostolique "Praedicate evangelium" et recentrage missionnaire 

La nouvelle constitution de 2022 a visé à donner une structure plus missionnaire à la Curie, la mettant au service des Églises particulières et signalant une volonté de décentralisation. Le déplacement de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi au second plan, au profit du Dicastère pour l'Évangélisation, symbolise ce changement d'accent de "l'autorité-pouvoir" vers une "autorité-service".

« Un des symboles forts de cette réforme fut la relégation au second plan de la Congrégation pour la doctrine de la foi, au profit du dicastère pour l’Évangélisation. Ce qui fut, là aussi, une rupture : il s’agissait de mettre l’accent sur la mission de l’Église plutôt que sur le contrôle doctrinal, de passer d’une « autorité-pouvoir » à une « autorité-service » d’inspiration jésuite. »

 

Lutte contre le Cléricalisme et Promotion de la Synodalité 

Le pontificat a été marqué par une volonté de lutter contre le cléricalisme, concept aux contours parfois flous, et par la promotion de la synodalité. Cette démarche visait à renverser le modèle hiérarchique pyramidal de l'Église, hérité de l'époque grégorienne. Paradoxalement, l'auteur souligne que François était perçu comme un homme autoritaire.

« De fait, l’œuvre réformatrice du pape François se distingue avant tout par cette volonté de renverser le vieux schéma grégorien d’une Église pyramidale même si, paradoxalement et de l’avis de l’ensemble des connaisseurs du Vatican, le pape François était un homme autoritaire qui acceptait fort peu la contradiction. »

 

Tensions et Divisions 

La volonté de changement du pape François, perçue par certains comme un sentiment de culpabilité institutionnel, a créé des attentes à gauche et des craintes à droite, menant à une "insatisfaction latente". Les synodes sur la famille ont révélé l'influence d'un entourage progressiste. Des décisions comme la restriction de la messe en latin et la déclaration "Fiducia supplicans" sur la bénédiction des couples homosexuels ont provoqué des crises et révélé des oppositions au sein du Vatican et dans diverses régions du monde.

« Le problème est que cette volonté de changement alla de pair avec un sentiment de culpabilité entretenu au sein même de l’institution et qu’un éditorialiste parisien traduisit par ce titre choc : « François, le pape anticlérical ». »
« Ce dernier texte créa une crise d’une ampleur inédite, posant la question de l’universalité du message évangélique. »

 

Divergences Géopolitiques
L'article met en lumière un fossé entre les conceptions politiques du pape (notamment sur les migrations) et les résultats électoraux dans plusieurs pays. L'Europe est présentée comme un "angle mort" du pontificat, le pape privilégiant les périphéries du monde et manifestant une certaine distance vis-à-vis de l'Occident. Sa politique étrangère, orientée vers la Russie, la Chine et l'islam, a également suscité des incompréhensions.

 

Héritage et Interprétation de Vatican II 

La question de l'héritage des réformes reste ouverte. L'avenir dira si la synodalité et la collégialité s'imposeront. Le pape François a cherché à ranimer l'esprit réformateur de Vatican II, en l'interprétant comme un concile de rupture, contrairement à Benoît XVI qui l'inscrivait dans la continuité de la tradition. Cette approche a potentiellement rouvert des débats sensibles au sein de l'Église.

 

En conclusion, l'analyse soulève la question de l'impact à long terme de sa vision d'une Église moins centralisée et plus tournée vers les périphéries.

 

 

Auteur de nombreux ouvrages, Christophe Dickès a récemment publié Pour l’Église. Ce que le monde lui doit (Perrin, 2024) et Notre-Dame de Paris. Pages d’histoire (Salvator, 2024).