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Christophe Guilluy : Le réveil de la « Périphéria » face à l'astre mort métropolitain

18/12/2025

Christophe Guilluy : Le réveil de la « Périphéria » face à l'astre mort métropolitain

Dans un long entretien au Figaro, le géographe Christophe Guilluy analyse la révolte agricole comme le chant du cygne de « Métropolia », un modèle urbain déconnecté du réel. Face à une technostructure déshumanisée, la France périphérique reprend le pouvoir par la production et une exigence profonde de dignité existentielle.

Un duel symbolique : les blindés contre le vivant
Pour Christophe Guilluy, l’image des blindés face aux éleveurs en Ariège n’est pas qu’un incident de maintien de l’ordre, c’est une scène de « décivilisation » au sens premier. Il y voit une réédition de La Guerre des mondes, où une technostructure froide tente d’asservir un monde de producteurs qu’elle ne comprend plus.

« Cette scène dévoile la nature profonde de l’affrontement entre Métropolia et Périphéria. [...] Les vrais décivilisés sont d’abord les fondateurs de Métropolia, cette machine à broyer les existences. »

 

Selon le géographe, le modèle métropolitain est désormais un « astre mort ». Surendetté, tertiarisé à l'excès et enfermé dans des bulles culturelles, il a sacrifié l’agriculture et l’industrie sur l’autel du libre-échange (Mercosur).

 

Le basculement de la puissance
L'un des points forts de l'entretien est le constat d'un basculement géographique du pouvoir. La puissance ne résiderait plus dans les tours de la Silicon Valley ou de Londres, mais dans les villes productives de la périphérie, comme Bourges ou Saint Charles (USA).

 

Le retour du producteur : Le XXIe siècle appartient à ceux qui maîtrisent les bases industrielles et agricoles.

 

La fin de l'attraction urbaine : Les métropoles s'enfoncent, au propre comme au figuré, sous le poids de leur propre modèle.

 

La victoire de la « majorité ordinaire » : Guilluy affirme que la Guerre des mondes est en passe d'être gagnée par Périphéria.

 

« La vraie puissance, elle, se trouve dans les villes qui produisent, inventent et résistent : Périphéria est en marche. »

 

Une révolte de l'âme contre le tableur Excel

Guilluy souligne que la crise actuelle, à l'instar de celle des « gilets jaunes », est avant tout existentielle et transcendante. Il oppose l'éleveur, « celui qui élève moralement », à une administration qui ne jure que par les data et les tableurs.

 

Le soutien massif de l'opinion publique à ces mouvements s'explique, selon lui, par une résonance spirituelle :

« L’argent n’est pas — et ne sera jamais — leur motivation. [...] Pour ceux que la transcendance effraie, souvenons-nous d’Hugo : "La réalité, c’est l’âme !" »

Effectivement , le vrai problème n'est pas politique, mais culturel et surtout spirituel. Nos chers évêques, et eux seuls, ont la clé… se réveilleront-ils ?.  

 

 

L'autonomie politique des classes populaires
Sur le plan politique, l'entretien balaie l'idée de l'homme providentiel. Guilluy décrit un mouvement « bottom-up » (du bas vers le haut) où les citoyens ont déjà construit leur propre diagnostic, rendant les clivages gauche-droite obsolètes.

 

Le « soft power » des classes populaires s'articule désormais autour de quatre piliers non négociables :

Le travail (réindustrialisation).

L’État-providence (services publics).

La sécurité.

La régulation des flux migratoires.

 


Christophe Guilluy nous livre ici une vision prophétique : celle d'une France qui refuse d'être dépossédée de son identité et de sa capacité de production. Si « Métropolia » a encore la montre, la « Périphéria », elle, semble avoir le temps. Le futur appartiendrait à ceux qui, face à la technostructure, choisissent de rester debout pour leurs troupeaux et leur terre.

Ave Maria !

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Petit lexique de la pensée de Christophe Guilluy


Métropolia Désigne la « France des métropoles » mondialisées. C’est le territoire des élites dirigeantes, des cadres supérieurs et d’une économie dématérialisée (services, finance). Pour Guilluy, c’est un modèle en fin de cycle, un « astre mort » qui brille encore mais ne produit plus de richesse réelle.

 

Périphéria La « France périphérique », composée des zones rurales, des petites et moyennes villes. Longtemps dépeinte comme fragile, elle est pour l'auteur le nouveau centre de la puissance réelle, car c’est là que se situent la production (agriculture, industrie) et la résistance culturelle.

 

La majorité ordinaire Elle regroupe les classes populaires et les classes moyennes qui vivent en dehors des grandes métropoles. Guilluy la décrit comme une force sociologique autonome qui ne suit plus les consignes des partis traditionnels et qui porte une demande de dignité « existentielle » plutôt que purement matérielle.

 

Soft Power des classes populaires Contrairement au « hard power » (le pouvoir politique ou militaire), c’est l’influence culturelle et intellectuelle que la base exerce sur le sommet. C’est la capacité de la majorité ordinaire à imposer ses thèmes (travail, sécurité, identité) dans le débat public sur le temps long, forçant les élites à s'y adapter.

 

La technostructure L'appareil administratif, politique et expert (souvent lié à l'Union européenne ou à la haute fonction publique) qui dirige le pays par les chiffres, les données et les tableurs Excel. Guilluy l'accuse d'être devenue aveugle aux réalités humaines et sensibles du terrain.

 

Décivilisation (version Guilluy) Loin d’être un simple manque de politesse, la décivilisation est ici le processus par lequel le modèle économique globalisé détruit les structures sociales, les métiers (producteurs) et les liens humains qui fondent une société stable.