Le blog du Temps de l'Immaculée.

La reine Adélaïde renonce à la vengeance

15/12/2025

La reine Adélaïde renonce à la vengeance

La future sainte Adélaïde (931 – 999), appelée aussi Alice, est la fille du roi de Bourgogne. Elle est mariée très jeune au roi d’Italie, puis, devenue veuve après la naissance de son premier enfant, elle est emprisonnée et dépouillée par un rival de son mari.

Confiante en Dieu, elle s’échappe et est secourue par Othon Ier. Ce dernier l’épouse et elle devient à ses côtés impératrice du Saint Empire romain germanique en 962. À nouveau veuve, elle est momentanément écartée de la cour par son fils Othon II, mais doit par la suite assurer la régence en attendant la majorité de son petit-fils Othon III. Elle consacre les dernières années de sa vie au soutien des pauvres et à la visite des nombreux monastères qu’elle a fondés, dont celui de Seltz, en Alsace, où elle meurt le 16 décembre 999. De toute sa vie, elle ne s’est jamais vengée de tous ceux qui lui ont fait du mal et qui l’ont trahie. En elle resplendissent au contraire toutes les vertus chrétiennes, notamment dans son attention pour les pauvres, ainsi que toutes les qualités d’un grand chef d’État. Sainte Adélaïde est l’une des personnalités les plus influentes de l’Europe du Xe siècle. Elle a durablement marqué la chrétienté médiévale.

 

Les raisons d'y croire


La vie d’Adélaïde ne nous est pas connue par des sources tardives et folkloriques, mais par de nombreux documents qui lui sont contemporains : chroniques, chartes, donations, traditions mémorielles, etc. Ses nombreux actes de charité envers les plus pauvres nous sont notamment rapportés par les actes impériaux officiels. Le récit de sa vie, son rôle politique et spirituel, son impact historique et son influence posthume reposent sur un ensemble de témoignages variés, issus d’auteurs, de clercs, d’institutions, d’actes juridiques et de pratiques cultuelles.

 

Malgré son jeune âge et sa haute naissance, qui l’a peu habituée aux tracas, Adélaïde fait face aux épreuves avec une force morale hors du commun. À dix-neuf ans, alors qu’elle vient de donner le jour à une fille, son mari meurt brutalement, probablement empoisonné par un de ses rivaux. Adélaïde se retrouve alors sans appui, sans conseil, sans secours : elle est menacée par un ennemi de son mari, qui l’emprisonne à Garda, dépouillée de sa dignité, humiliée, soumise à des tentatives de coercition politique et de mariage forcé. Seule une relation authentique à Dieu peut procurer, dans de telles circonstances, la paix et la constance dont Adélaïde fait preuve. Elle demeure confiante en la providence, et remet tout – sa personne et ses biens –, entre les mains de Dieu.

 

Les textes insistent sur le fait qu’elle « priait, jeûnait et s’abandonnait à Dieu » plutôt que de céder à la violence ou au désespoir. Sa captivité, au lieu de l’enfermer dans l’esprit de vengeance et le découragement, l’élève au contraire vers Dieu. L’endurance qu’elle manifeste est le signe d’une force qui n’est pas seulement naturelle : Adélaïde puise son courage en Dieu. « Elle supporta toutes choses avec patience, mettant son espérance dans le Seigneur. »

 

Secourue puis épousée par Othon Ier, elle passe de la captivité à la vie d’impératrice, dont les richesses et les honneurs n’entament en rien ses vertus. Il n’est pas courant, pour une personne disposant d’une telle position de gloire et de pouvoir, d’ainsi renoncer à la vengeance contre ceux qui ont voulu la détruire. Elle pardonne à ceux qui ont emprisonné et persécuté sa famille, y compris le meurtrier de son mari. Cette attitude remarquable est un indice de la vérité existentielle de l’Évangile, qui permet de faire ce que la nature humaine seule peinerait à réaliser.

 

Adelaïde consacre plutôt ses richesses à des œuvres de charité. Elle fonde aussi et soutient plusieurs monastères réformateurs (Cluny, Payerne, Selz), promeut la paix impériale, encourage la liturgie, la culture et la mission vers les Slaves, libère des captifs et soutient les évêques missionnaires, tout cela par amour de Dieu et pour l’annonce de l’Évangile. Adélaïde laisse ainsi des œuvres et une paix qui lui survivent. Le bien qu’elle suscite est réel, durable et profond ; cela suggère que la source de tout cela, ce en quoi elle croit, est conforme à la vérité.

 

Après une vie d’impératrice, de régente et de mère exemplaire, elle passe la dernière partie de son existence dans la prière et la pauvreté volontaire. La Vita rapporte : « Elle se tenait comme une servante parmi les servantes, et pleurait les péchés du monde. » Sa fidélité constante au Christ à travers les peines aussi bien que dans la puissance la mène tout naturellement à une fin humble et cachée, toute dévouée à la contemplation. Adélaïde se retire au monastère de Seltz, vit dans l’ascèse, se confesse publiquement et meurt en paix, entourée des offices liturgiques. Rien ne l’obligeait à ce dépouillement : c’est la cohérence profonde de sa foi qui l’y conduit. La cohérence intégrale de cette vie, du trône au cloître et jusque dans la mort, rend le message chrétien crédible, car il se vérifie dans l’existence de celle qui l’a vécu.


En savoir plus
Fille du roi Rodolphe II de Bourgogne et de Berthe de Souabe, Adélaïde reçoit dès l’enfance une éducation solide, nourrie à la fois de culture princière et de foi chrétienne. À seize ans, elle est donnée en mariage au roi Lothaire d’Italie pour renforcer une alliance stratégique. Mais cette union ne dure pas : en 950, Lothaire meurt dans des circonstances suspectes, laissant Adélaïde veuve, mère d’une petite fille, et exposée aux ambitions rivales.

 

Bérenger d’Ivrée, qui souhaite asseoir son autorité sur l’Italie, tente alors de la contraindre à épouser son fils. Devant son refus résolu, il la fait enfermer à Garda. Isolée, maltraitée, privée de liberté, Adélaïde trouve dans la prière la force de tenir et d’espérer. Sa captivité, relatée par les chroniqueurs, devient l’un des épisodes fondateurs de sa vie et de sa réputation. Elle parvient finalement à s’évader grâce au courage de quelques fidèles, au terme d’une fuite qui marquera durablement sa mémoire.

 

Elle trouve refuge auprès d’Othon Ier, roi de Germanie. Celui-ci la libère des menaces qui pèsent sur elle et l’épouse en 951. Ensemble, ils forment un couple politique exceptionnel : Othon et Adélaïde réorganisent l’Italie, consolident le pouvoir impérial et soutiennent les réformes ecclésiastiques qui préparent le renouveau de l’Église. Lors du couronnement impérial de 962, Adélaïde devient la première impératrice du Saint Empire romain germanique. Elle exerce alors une influence réelle : conseillère écoutée, arbitre dans les crises, protectrice des pauvres, bienfaitrice des monastères.

 

À la mort d’Othon Ier, en 973, elle assure la régence pendant la jeunesse de son fils Othon II, puis de son petit-fils Othon III. Cette mission la place au cœur d’une période troublée, marquée par les conflits avec sa belle-fille Théophano et les tensions familiales. Malgré ces épreuves, Adélaïde demeure une figure de stabilité. Elle continue de soutenir Cluny, favorise les réformes morales et religieuses, encourage l’évangélisation des peuples slaves et s’entoure de guides spirituels d’envergure, notamment saint Adalbert de Prague et saint Odilon de Cluny, qui contribuera à transmettre son souvenir.

 

Parvenue à un âge avancé, Adélaïde se retire au monastère de Seltz, en Alsace, qu’elle avait fondé. Là, loin des responsabilités politiques, elle choisit une vie de prière, d’humilité et de charité. Ses dernières années témoignent d’une impératrice devenue servante : elle se consacre aux pauvres, à la communauté, à la paix intérieure. Elle meurt le 16 décembre 999, entourée des moniales, après une longue préparation spirituelle. Sa sainteté est rapidement reconnue et son culte se répand, surtout en Alsace et en Allemagne.

 

Sophie Stevenson, normalienne diplômée en histoire.

 

 

Au delà
De la fin du Xe jusqu’au début du XIIe siècle, l’abbaye de Cluny s’impose comme un centre majeur de la vie religieuse en Europe, portée par une observance bénédictine rigoureuse et par le rayonnement de ses quatre premiers abbés, Odon, Mayeul, Odilon et Hugues, tous canonisés par l’Église. Leur action donne à Cluny une stature qui dépasse largement l’échelle locale, car l’abbaye organise un vaste réseau de prieurés qui lui sont directement reliés, ce qui assure une unité spirituelle et facilite la logistique. Cluny devient ainsi un pôle où se structurent des initiatives liturgiques, caritatives et intellectuelles qui influencent durablement la chrétienté latine. Les souverains, souvent confrontés à des tensions politiques ou morales, recherchent l’avis de l’abbé de Cluny, non pour recevoir une direction extérieure à leur pouvoir, mais parce que l’abbaye représente un lieu où la stabilité, la prière continue et l’expérience du gouvernement monastique offrent un appui solide dans un monde marqué par les rivalités. L’importance de Cluny tient aussi à sa capacité à inspirer d’autres communautés, à encourager une vie régulière plus ordonnée et à servir de relais pour la diffusion des manuscrits et des idées. En donnant un cadre clair et fidèle à la tradition bénédictine, Cluny façonne ainsi une partie de l’identité religieuse et culturelle de l’Occident médiéval.

 

Aller plus loin

Vita Adelheidis (Vita Adelheidis abbatissae Vilicensis), hagiographie rédigée par Bertha de Vilich (XIe siècle). Édition critique MGH (Monumenta Germaniae Historica).

En complément

Monique Goullet et Dominique Iogna‑Prat, (dir. Patrick Corbet), Adélaïde de Bourgogne : genèse et représentations d’une sainteté impériale, Éditions universitaires de Dijon / CTHS, 2002.

Chanoine L. Chaumont, Histoire de Cluny : depuis les origines jusqu’à la ruine de l’abbaye, 2e édition, Gallica / BnF, 2007. Une histoire classique de Cluny, utile pour saisir l’évolution de l’abbaye et son influence.

 

 

Source : 1000 raisons de croire