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Rod Dreher : Trump, l'allié inattendu pour le salut civilisationnel de l'Europe

14/12/2025

Rod Dreher : Trump, l'allié inattendu pour le salut civilisationnel de l'Europe

L'Amérique de Trump déteste-t-elle l'Europe ? C'est le consensus qui règne au sein des chancelleries occidentales. Pourtant, dans une tribune percutante publiée par Le Figaro, l'essayiste américain conservateur Rod Dreher, dont la présence fut remarquée au dernier pèlerinage de Chartres, prend le contrepied de cette idée reçue. Selon lui, la nouvelle stratégie de sécurité nationale américaine n'est pas un rejet du Vieux Continent, mais une main tendue — certes, de manière rugueuse — pour aider l'Europe à se libérer de ses élites « déculturantes » et à renouer avec son identité profonde.

Distinguer l'Europe de sa bureaucratie
Rod Dreher commence par dissiper un malentendu fondamental : la critique américaine vise les institutions supranationales, non les nations. S'appuyant sur ses échanges avec Michael Anton, ancien conseiller de Trump et rédacteur de la stratégie incriminée, Dreher souligne une distinction cruciale. L'administration Trump ne rejette pas les peuples européens, leurs cultures ou leur histoire ; elle rejette la bureaucratie de l'Union européenne qui, selon elle, étouffe les spécificités nationales.

« Je ne suis pas un fan de l’Union européenne en tant que bureaucratie, mais j’aime les pays européens, leurs peuples et leurs cultures. » — Michael Anton cité par R. Dreher.

Pour Dreher, francophile revendiqué, aimer l'Europe, c'est aimer ce qui la rend spécifique : le génie français, les cathédrales, l'art de vivre. Or, c'est précisément cet héritage que les élites actuelles trahissent.

 

L'immigration et la « déculturation »
L'auteur aborde sans détour la question migratoire, qu'il lie directement à la préservation du patrimoine culturel. Il cite l'exemple de Vienne, où 41 % des élèves sont désormais musulmans, pour illustrer ce qu'il perçoit comme une substitution culturelle progressive.

Son argumentaire se veut toutefois nuancé : reconnaître le danger de l'immigration de masse pour l'identité européenne n'est pas de la haine, mais du bon sens. De la même manière que l'Égypte s'inquiéterait d'une colonisation culturelle européenne, l'Europe a le droit — et le devoir — de préserver sa singularité.

 

La trahison des clercs et l'anti-culture
Le point le plus philosophique de l'article réside dans la critique des élites occidentales (politiques, médiatiques, artistiques). Dreher convoque le sociologue Philip Rieff pour dénoncer une « anti-culture » : un mouvement qui cherche à détruire l'ordre sacré et les racines chrétiennes de l'Occident au nom du désir individuel.

Il prend pour exemple une exposition d'art contemporain à Vienne tournant le christianisme en dérision (une grenouille crucifiée), cautionnée par l'Église elle-même en la personne de l'archevêque d'Innsbrück. Pour Dreher, ces « œuvres de mort » (deathworks) prouvent que l'Occident tente de survivre en niant ses propres sources de vie.

 

Un électrochoc nécessaire
Rod Dreher conclut son plaidoyer en présentant le message de Donald Trump comme une forme d'« amour vache ». En heurtant la sensibilité des élites technocratiques, l'Amérique tenterait en réalité de réveiller les peuples européens.

Le message est clair : pour que l'Amérique soit grande, elle a besoin d'une Europe qui l'est tout autant. Et cette grandeur ne passera pas par le projet mondialiste de Bruxelles, mais par un sursaut mémoriel et spirituel. Loin d'être un ennemi, le Trumpisme est ici dépeint comme le miroir tendu à une Europe qui a oublié qui elle était, l'invitant à puiser dans son passé chrétien et national pour assurer son futur.

 

 

Rod Dreher est écrivain américain, professeur associé au Danube Institute à Budapest. Son dernier essai : Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l’a chassé (Éditions Artège, 2025)